Interview de Mme Maud Bregeon, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement, à France Info TV le 27 novembre 2024, sur la menace de motion de censure à l'encontre du Gouvernement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2025 (PLFSS), le budget 2025, le projet d'accord avec le Mercosur, la réduction du bonus écologique et le cessez-le-feu au Liban.

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Intervenant(s) : 

Média : France Info TV

Texte intégral

JEROME CHAPUIS
Bonjour Maud BREGEON.

MAUD BREGEON
Bonjour ! JEROME CHAPUIS
On va revenir très largement avec vous sur cette intervention de Michel BARNIER hier soir chez nos confrères de TF1, pour évoquer ces discussions budgétaires. On est dans la dernière ligne droite. La menace de censure qui se précise. D'abord sur ce moment, sur la forme, on a ressenti, on a cru ressentir de l'amertume, voire une pointe de colère chez le Premier ministre. Est-ce que c'est le cas ?

MAUD BREGEON
On traverse un moment extrêmement grave, décisif pour le pays. Je pense que la France est à la croisée des chemins. On a le choix aujourd'hui entre relever la tête, accepter un budget de redressement co-construit avec les parlementaires ou s'enfoncer dans un déficit dont on sait aujourd'hui où il nous mènera vers un affaiblissement durable sur le plan économique, social, diplomatique du pays.

JEROME CHAPUIS
Mais ce ton, cette amertume, elle vient d'où ? Elle vient de la peur de la censure ?

MAUD BREGEON
Le Premier ministre depuis sa nomination – ça fait deux mois et demi maintenant – n'a cessé de tendre la main aux différents groupes parlementaires en ayant conscience d'une situation encore une fois grave, extrêmement compliquée dans un contexte politique que nous n'avions pas connu depuis des dizaines d'années.. Et ces discussions se sont avérées parfois très compliquées. Je note qu'il y a eu un certain nombre d'avancées, un certain nombre de compromis. Mais on est aujourd'hui, encore une fois, je le redis, à la croisée des chemins. Et nous avons des décisions à prendre. Michel BARNIER est un homme responsable et j'espère que le reste des responsables politiques le seront également vraiment.

BERENGERE BONTE
Est-ce que l'amertume ne vient pas du fait qu'il a été entendu pour partie par les oppositions finalement. Mais le plus dur, c'est d'être lâché par les siens. Quand il parle des gens qui font des petites phrases qui feraient mieux de consacrer leur énergie aux Français, il s'adressait à sa majorité, non ?

MAUD BREGEON
On a toujours eu conscience, depuis la composition du Gouvernement, que cette situation… que la composition de ce socle commun était extrêmement complexe parce qu'il était fait de gens qui s'étaient parfois affrontés durement dans le passé. Moi, je pense qu'il faut arrêter de regarder dans le rétroviseur.

BERENGERE BONTE
Et donc socle commun, c'est un mot qui n'existe pas vraiment. C'est ça ce que vous voulez nous dire ?

MAUD BREGEON
…d'arrêter de regarder tous les désaccords qu'on a pu avoir, mais de s'accorder sur ce qui est aujourd'hui l'essentiel. Et l'essentiel, c'est de redresser les finances publiques de ce pays. Parce que si on ne le fait pas, si on ne le fait pas, ce sera les Français les plus précaires qui paieront.

JEROME CHAPUIS
Elle est disposée au compromis, cette assemblée. Vous la pratiquez quand même depuis des semaines maintenant.

MAUD BREGEON
Depuis même deux ans et demi. Je crois qu'on n'a pas le choix. J'observe que durant les débats parlementaires que le Gouvernement a respectés… Un certain nombre de chemins de compromis ont été trouvés.

JEROME CHAPUIS
Mais vous ne répondez pas à la question. Est-ce que cette mission qui est la vôtre, qui est celle de Michel BARNIER, c'est une mission impossible ?

MAUD BREGEON
Je pense, par exemple, à la protection des retraités les plus modestes. Je vois qu'un certain nombre de compromis sont également trouvés au Sénat. Mais, je le redis, ceux qui prendraient le risque d'envoyer le pays dans le mur… Parce que c'est bien ça dont il est question. À force de penser qu'il n'y a pas de mur, on finit par se le prendre. Ceux qui prendraient le risque d'envoyer le pays dans le mur devront, c'est leur droit, mais ils devront assumer la responsabilité d'un affaiblissement durable du pays.

BERENGERE BONTE
Mais encore une fois, ça s'adresse à qui quand vous dites ça ? Il y a la menace de censure du RN, mais il y a dans le socle commun – on peut en parler tout de suite – cette CMP, cet après-midi, sur le budget de la Sécu.

JEROME CHAPUIS
La commission mixte paritaire.

BERENGERE BONTE
Sept députés, sept sénateurs – on réexplique – pour tenter de boucler ce budget… Vous dites quoi à vos amis députés, sénateurs, Renaissance qui n'ont toujours pas décidé à l'instant où on se parle s'ils allaient soutenir votre budget ?

MAUD BREGEON
D'abord, mon point s'adresse et s'adressait aux oppositions qui aujourd'hui brandissent cette menace de la censure sans nous expliquer quel serait le jour d'après. Quant à la commission mixte paritaire – cette instance qui réunit des députés et des sénateurs et qui doit trancher sur la copie finale du projet de loi de finances de la sécurité sociale – je ne doute pas qu'un accord sera trouvé. On a entendu... Le Gouvernement a entendu les demandes, les inquiétudes des parlementaires du socle commun qui relaient les inquiétudes des Français qu'ils entendent eux-mêmes dans leur circonscription. Il y a encore quelques ajustements dans les dernières heures à trouver. Je pense notamment à la question des allègements de charges. Le Gouvernement a fait des efforts conséquents. La mesure initiale était de 4 milliards. Nous proposons de la réduire à moins de 2 milliards. Nous proposons de ne pas toucher, de ne pas toucher aux charges sur les salaires autour du SMIC. C'est un effort extrêmement important parce qu'il permet de préserver l'emploi et notamment…

BERENGERE BONTE
Et malgré tout ça…

MAUD BREGEON
…l'emploi des personnes les moins rémunérées. Et j'espère et j'ai confiance mes anciens collègues, un moment, encore une fois décisif pour la France de permettre au pays de se doter d'un budget pour la sécurité sociale et dont nous avons besoin.

BERENGERE BONTE
Toutes ces avancées dont vous parlez, malgré ça, Elisabeth BORNE, députée macroniste Elisabeth BORNE, dit hier, ancienne Premier ministre, qu'elle n'est d'accord sur rien avec ce budget.

MAUD BREGEON
Je comprends qu'il puisse y avoir des désaccords. Je comprends qu'il puisse y avoir des débats. Il y a eu, encore une fois, je le redis, de longs débats à l'Assemblée nationale. On a, aujourd'hui, un contexte qui s'impose à nous. 60 milliards d'économies à trouver. Vous savez, le Gouvernement ne prend pas plaisir à demander des efforts aux entreprises et à faire des baisses de dépenses. Ce sont des efforts et ce sont des décisions qui s'imposent à nous. Parce que, je le redis quand même, à toute fin utile, le déficit en 2024 atteint 6,1 %. Si on continuait sur la trajectoire sans prendre des décisions effectivement difficiles, on irait vers un déficit à 7 % l'année prochaine, ce qui constituerait un décrochage économique dont le pays mettrait des années à se remettre.

JEROME CHAPUIS
Maud BREGEON, avant de parler vraiment du fond, une dernière question politique. Parce qu'hier, pendant cette interview, il y a eu un glissement. On est passé d'un 49.3, probablement à assurément, dans la bouche du Premier ministre. Il y aura donc un 49.3. À quel moment ?

MAUD BREGEON
Le Gouvernement, le Premier ministre a souhaité laisser toute sa place au débat. Je pense que c'était une bonne chose. Si on ne l'avait pas fait, les mêmes qui, aujourd'hui, réclament un 49.3 rapide nous auraient probablement accusés d'antiparlementarisme.

JEROME CHAPUIS
Et un 49.3 sur la base de quel texte ? Sur le texte qui sortira de la CMP ?

MAUD BREGEON
Du reste. On a beaucoup de défauts mais on sait compter. Pour valider un budget, il faut 289 députés. Le socle commun ne comprend pas 289 députés. Je ne vois pas, aujourd'hui, de groupe d'opposition en capacité de voter le budget tel qu'il est. Effectivement, le 49.3 sera un outil que le Gouvernement devra utiliser.

JEROME CHAPUIS
Sur la base du texte qui sort de la CMP ?

MAUD BREGEON
Sur la base du texte qui, j'espère, sortira de la CMP. Je ne veux pas m'avancer à la place des parlementaires.

BERENGERE BONTE
Mais sinon, sur le texte donné par le Gouvernement ?

MAUD BREGEON
Laissons les échanges en commission mixte paritaire se faire. Moi, je suis confiante quant à la capacité des différents parlementaires du socle commun de trouver, encore une fois, un point d'équilibre. Et pour terminer sur l'utilisation de ce 49.3 que le Premier ministre a évidemment confirmé, vous l'avez dit, hier lors du 20h de TF1 ; c'est une utilisation qui est nécessaire parce que c'est ce qui doit permettre de doter la France d'un budget. Et en l'occurrence, le budget de la Sécurité sociale qui permettra par ailleurs une hausse des dépenses de santé d'environ 7 milliards. Donc, nous en avons besoin.

BERENGERE BONTE
Très concrètement, on va voir si on peut faire plus, a dit plusieurs fois Michel BARNIER hier. Très concrètement, sur l'électricité par exemple, est-ce qu'il va y avoir un geste ou non ? Il dit, il rappelle que la facture va baisser de 9 % – ça c'est prévu – mais on va voir si on peut faire plus.

MAUD BREGEON
Alors, trois choses. D'abord, je commence toujours par rappeler que l'État a protégé les factures d'électricité des Français et que ce bouclier tarifaire a tout de même coûté la maudite somme de 30 milliards d'euros. C'est, je crois, important de le dire. Il y a effectivement un effort qui était prévu dans la copie initiale, mais qui permettait tout de même de maintenir une baisse des factures de 9 %. Nous entendons les demandes…

BERENGERE BONTE
Ça, c'est le prix de l'énergie au niveau européen.

MAUD BREGEON
Nous entendons les demandes portées par une large majorité de groupes parlementaires, du socle commun, mais pas que, nous demandant de faire un effort. Et donc le Premier ministre, hier, a ouvert la porte à un aménagement de cette mesure. Je ne suis pas en mesure, ce matin, de vous dire de combien pourrait être l'élévation ou pas de cette TICFE, de cette taxe sur l'électricité. Mais nous sommes ouverts, comme nous l'avons été depuis le début au dialogue. Le Premier ministre a ouvert une porte, a tendu une main. J'espère que les différents parlementaires s'en saisiront en responsabilité, parce que, je le redis, on a un contexte budgétaire qui est très contraint. Mais on démontre, une fois de plus, notre volonté d'avancer avec le Parlement pour doter la France d'un budget, parce que, encore une fois, nous sommes à un moment crucial. Ce pays a besoin d'un budget.

BERENGERE BONTE
Alors, les charges des entreprises, même question. Ça, c'est attendu par les Macronistes. Les salaires les plus bas vont rester protégés, mais pas les autres. Et si on peut aller plus loin, on le fera. On en discute. Là aussi, faut-il y voir une annonce ?

MAUD BREGEON
Alors, encore une fois, permettez-moi de remettre le contexte. Les allègements de charges, aujourd'hui, en France, c'est 80 milliards d'euros par an. Il faut que les Français aient bien conscience de ça. La mesure initiale proposait de revenir sur ces allègements à hauteur de 4 milliards. 4 milliards sur 80 milliards. Il y a eu des discussions, j'ai bon espoir qu'il y ait un accord, et qui permette, non pas de revenir sur 4 milliards, mais à un peu moins de 2 milliards, en préservant les salaires autour du SMIC. Donc, c'est un effort absolument conséquent, de plus de 2 milliards, qui va peser sur le budget que nous allons proposer au Parlement. Mais nous le faisons parce que nous n'avons absolument aucune volonté de revenir sur la politique de l'offre qui a été menée par le Président de la République. Et je tiens à le redire, le Président de la République, depuis 7 ans, de par sa politique d'aide aux entreprises, a permis la création, par exemple, de 100 000 emplois industriels depuis 3 ans, la diminution du chômage, il est donc hors de question d'enrayer cette dynamique positive. Nous avions souhaité demander un effort partagé, et notamment aux entreprises. Nous acceptons de revoir cet effort à la baisse, encore une fois, tout simplement parce que cette demande qui est essentiellement portée par le groupe de Gabriel ATTAL, est une demande légitime. Pardonnez-moi…

BERENGERE BONTE
Donc là aussi, il va y avoir plus que dans le texte dans lequel il est, à l'instant où on se parle, mais on ne sait pas dans quelles proportions. Enfin, moins, en l'occurrence. La contribution des entreprises sera un peu moindre que ce qui est prévu actuellement.

MAUD BREGEON
La mesure initiale était de 4 milliards. Elle sera légèrement inférieure à 2 milliards. Nous faisons donc plus de la moitié du chemin.

JEROME CHAPUIS
Maud BREGEON, il y a un autre point sur lequel on aimerait avoir quelques détails, qui a été tout juste esquissé hier par le Premier ministre. Ça concerne les efforts demandés à ses prédécesseurs, aux anciens Premiers Ministres. Il dit qu'on va demander des efforts aux anciens Premiers Ministres. Il faut savoir que selon les derniers chiffres, certains d'entre eux, parce qu'ils bénéficient d'un certain nombre de services de l'État, notamment des voitures de fonction, coûtent de l'argent. Evidemment, ce n'est pas avec ça qu'on va résorber le déficit, mais est-ce que vous pouvez nous en dire plus ce matin ?

MAUD BREGEON
D'abord, les efforts ont été demandés depuis le début dans le budget à l'ensemble des ministères. Je ne voudrais pas laisser penser que dans la copie initiale, il n'y ait pas d'efforts demandés à l'État, et notamment aux ministères.

JEROME CHAPUIS
Mais sur les avantages des anciens Premiers Ministres, qui peuvent se chiffrer jusqu'à autour de 200 000 euros, si on prend les derniers chiffres disponibles de Matignon pour Dominique de VILLEPIN, Bernard CAZENEUVE, Jean-Pierre RAFFARIN...


MAUD BREGEON
Oui, mais c'est, je pense…

JEROME CHAPUIS
200 000 euros par an.

MAUD BREGEON
…une mesure qui peut apparaître comme symbolique aujourd'hui, mais qui est importante. Je crois qu'à l'heure où on demande, on l'a dit, des efforts aux entreprises, à l'heure où on ne baisse pas autant que ce qui était prévu, les factures d'électricité des gens, à l'heure où on demande des efforts à des ministères, il est normal que chacun montre l'exemple. L'État montre l'exemple. Je pense que les dirigeants politiques peuvent le faire aussi. Au bout du bout, ce qui compte, je pense que c'est aussi l'acceptabilité de ce budget. Et pour qu'un budget qui est un budget d'efforts soit acceptable, il faut que les Français, me semble-t-il, aient le sentiment que cet effort soit justement et équitablement réparti. Je ne balayerai pas cette annonce d'un revers de la main, même si les montants peuvent paraître inférieurs à ceux d'autres mesures. Je crois que ce sont aussi des pas qui permettent de garantir l'unité.

JEROME CHAPUIS
Et de rendre ce budget acceptable.

MAUD BREGEON
L'acceptabilité, c'est important.

JEROME CHAPUIS
Maud BREGEON, avec nous, la porte-parole du Gouvernement, jusqu'à 9h sur France Info. On vous retrouve dans un instant juste après le Fil Info, il est 8h46.

/// (Fil info)

BERENGERE BONTE
Et ce matin, Maud BREGEON, porte-parole du Gouvernement, continue à décrypter l'intervention de Michel BARNIER hier soir dans ce contexte de tensions politiques et de menaces de censure. On a un peu de mal à comprendre si le risque de shutdown existe. Shutdown, cette expression américaine qui amène un certain nombre d'inquiétudes et qui sont portées par exemple par Elisabeth BORNE qui a dit sur France 2 samedi que si le budget de la sécurité n'est pas adopté, la carte vitale ne fonctionne plus, il n'y a plus de retraite, il n'y a plus d'allocations chômage, les fonctionnaires ne sont plus payés. Vous-même, vous disiez d'ailleurs dans la presse il y a quelques jours aussi, sans budget on prend le risque d'un scénario à la grecque. Ce n'est pas ce que dit le Premier ministre. Il dit que les fonctionnaires vont être payés par exemple.

MAUD BREGEON
Les fonctionnaires sont payés et seront payés parce que nos institutions sont bien faites. Mais ceux qui, aujourd'hui, essaient de dire aux Français que ne pas adopter un budget reviendrait à utiliser celui de l'année dernière et qu'au fond, circulez, il n'y a rien à voir, tout ça serait sans conséquence, font un mensonge éhonté et scandaleux aux Français.

BERENGERE BONTE
Mais la carte vitale fonctionne ?

MAUD BREGEON
Elle ferait un mensonge, pardonnez-moi, éhonté et scandaleux aux français. Utiliser le budget 2024, c'est d'abord se priver de tous les investissements supplémentaires, je l'ai dit, 7 milliards sur la santé, 3 milliards sur la défense, 1 milliard pour la sécurité des Français. C'est renoncer à toute forme d'économie supplémentaire et donc s'étendre vers un déficit à 7 % comme j'ai pu l'évoquer tout à l'heure. Et ensuite, c'est un enjeu absolument majeur de confiance et de réputation pour la France à l'échelle européenne et à l'échelle internationale. Qu'est-ce qui se passerait au lendemain du rejet d'un budget ? Il y aurait une hausse probablement massive des taux. On commence d'ailleurs déjà à l'observer. Les marchés anticipent en partie ce qui pourrait se passer. L'écart de taux d'emprunt à 10 ans entre la France et l'Allemagne était, hier, à son plus haut niveau depuis 12 ans.

JEROME CHAPUIS
Mais un taux d'intérêt… pardon, je réagis à la question, parce que un taux d'intérêt ça peut paraître un peu abstrait pour des Français, même si c'est très concret. Mais sur la carte vitale, quand Elisabeth BORNE, ancienne Première Ministre, dit que la carte vitale ne fonctionnerait plus si le budget de la sécu n'est pas adopté. C'est le cas oui ou non ?

MAUD BREGEON
Non, la carte vitale fonctionnera encore. Encore une fois, je ne suis pas là pour agiter des chiffons de la peur ; je suis là pour expliquer ce qui se passerait aux Français. Une augmentation des taux, je pense que les Français comprennent, dans leur vie quotidienne, très bien ce que c'est. Ce serait une augmentation drastique de la charge de la dette, une impossibilité pour nous d'investir davantage. Ce serait une augmentation des taux également pour les entreprises qui en mettraient certaines en difficulté. Ce serait aussi – je passe à autre chose – une perte de confiance des consommateurs, une perte de confiance des investisseurs qui freineraient leurs investissements en France. Et donc c'est moins de création d'entreprise, c'est moins d'innovation, c'est moins d'emploi. Et quand on tire le fil de tout ça, on obtient, encore une fois, un affaiblissement du pays, un décrochage de la France dont on mettrait probablement des années à se remettre. Et moi, je le redis, ceux qui feront le choix – c'est leur droit – mais ceux qui feront le choix de mettre la France dans cette situation devront en assumer les conséquences.

JEROME CHAPUIS
Sachant que la confiance des ménages vient de baisser ce matin puisque l'INSEE le signale à l'instant.

MAUD BREGEON
Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais il y a aussi un enjeu de poids de la voix de la France à l'échelle européenne et à l'échelle internationale. Je prends un seul exemple. On parle beaucoup du traité du Mercosur en ce moment, de la nécessité d'assumer un bras de fer avec Ursula VON DER LEYEN à l'échelle de l'Union européenne pour défendre nos agriculteurs. Bon courage ! Bon courage pour aller assumer un bras de fer à l'échelle de l'Union européenne. Quand vous serez en pleine crise politique…

BERENGERE BONTE
Ça veut dire que vous lâchez aussi l'affaire sur le Mercosur ?

MAUD BREGEON
Non, non. Quand vous serez en pleine crise politique sans Gouvernement, ce que je dis, ce que je dis, c'est que la conséquence d'une crise politique et d'une crise financière probable en France impactera notre poids diplomatique à l'International.

BERENGERE BONTE
Il vous met en position de faiblesse pour mieux vous défendre.

MAUD BREGEON
Absolument, bien sûr, et impactera notre capacité à défendre nos intérêts à l'échelle européenne et à l'échelle internationale…

BERENGERE BONTE
Mais la France veut toujours le faire ?

MAUD BREGEON
Donc je mets en garde. Je ne suis pas du tout en train de vous dire que notre position sur le Mercosur a changé. Je mets en garde sur les conséquences également diplomatiques d'une telle situation. Ce n'est absolument pas anodin.

BERENGERE BONTE
Mais puisque vous en parlez, la France en est où dans sa recherche de minorité de blocage sur ce texte ? Puisque l'Assemblée hier a voté à 484 voix pour s'opposer à cet accord UE-Mercosur ?

MAUD BREGEON
Pardon ?

BERENGERE BONTE
Où en est la France dans sa recherche d'une minorité de blocage ?

MAUD BREGEON
Nous continuons avec la même détermination.

BERENGERE BONTE
La Pologne a voté hier aussi la même résolution, donc ça fait un allié. Il en faut encore deux.

MAUD BREGEON
D'abord, toutes les forces comptent. Nous continuons d'abord à chercher des alliés à l'échelle de l'Union européenne, et on voit que petit à petit, la position de la France et l'investissement de la France portent ses fruits. Et quant au vote qui s'est passé hier, il donne de la puissance à la position qui est la nôtre. Parce que quand l'Assemblée nationale vote de façon aussi massive contre l'application, contre l'adoption du traité du Mercosur, il n'y a pas de valeur juridique. Mais ça a une portée politique à l'échelle supranationale qui est importante, parce que quand on vote, c'est la voix des Français qu'on relaie. Et donc ça donne, encore une fois je le redis, de la légitimité, de la crédibilité, de la puissance à l'action que nous menons à l'échelle européenne, à l'action qui est menée conjointement, évidemment par le Président de la République, mais aussi par le Premier ministre, par le ministre de l'Union européenne.

BERENGERE BONTE
Alors, rapidement, si vous voulez bien, parce qu'on a encore plusieurs sujets, et les minutes filent. Le Gouvernement doit publier aujourd'hui un coup de rabot surprise, il faut le dire, au bonus écologique pour l'achat d'une voiture électrique. Quand sera publié ce décret ? Est-ce que c'est effet immédiat ? Est-ce que ça passe bien de 7 000 à 4 000 euros ? Très concrètement ?

MAUD BREGEON
Alors, quand sera publié ce décret ? Dans les heures à venir. Est-ce que ça a un effet immédiat ? La réponse est oui. Je précise en revanche que pour toutes les personnes qui ont déjà entamé les démarches et déjà entamé des achats de véhicules...

JEROME CHAPUIS
Celles qui sont en concession, là, au moment où on se parle...

BERENGERE BONTE
Ceux qui sont déjà commandés.

MAUD BREGEON
Ces dispositions, bien sûr, ne s'appliqueront pas. Je voudrais quand même les rassurer. Ensuite, sur le fond de la mesure, depuis plusieurs années, on a effectivement massivement investi dans ces bonus écologiques. Ça a permis d'amorcer la pompe du marché des voitures neuves, électriques. À l'heure où on se parle, depuis le début de l'année, ça représente environ 17 % des achats de véhicules neufs, les achats de véhicules électriques. À un moment où, encore une fois, on a amorcé la pompe, où le marché est lancé, et alors même que, je le redis, on est dans une situation budgétaire qui est extrêmement contrainte, on fait un choix qui est celui de maintenir ce bonus, mais effectivement de le réduire et de le rendre... de le conditionner, je pense que chacun peut le comprendre, au revenu des ménages qui ont recours.

BERENGERE BONTE
Mais le but, c'est, à l'horizon 2035, de se passer des voitures thermiques. On est encore très loin du compte. Et j'ajoute que, trois jours après la COP, alors que les effets du dérèglement climatique sont là, quel signal, quand même !

MAUD BREGEON
On continue à maintenir ce bonus. Je ne voudrais pas attendre... Excusez-moi, ce ne sera plus... Ce ne sera plus, pardonnez-moi...

BERENGERE BONTE
Il est moins incitatif.

MAUD BREGEON
C'est un dispositif qui continue à encourager l'achat de véhicules électriques neufs, qui s'élève à plus de, je crois, 700 millions d'euros, qui, effectivement, est en diminution par rapport à ce qu'on a connu les années précédentes, mais parce qu'on avait volontairement, si je puis dire, dopé ce marché de telle sorte de lui permettre de se lancer. Ça a apporté ses fruits, je le redis.

BERENGERE BONTE
Ça coûte quoi, par an, l'économie c'est quoi ?

MAUD BREGEON
Environ 17 % des voitures achetées sont des voitures électriques neuves. Donc, nous ne revenons pas sur notre ambition d'électrifier le marché...

BERENGERE BONTE
L'économie escomptée, c'est combien, par an ?

MAUD BREGEON
C'est plusieurs centaines de millions d'euros.

JEROME CHAPUIS
Et pour les Français, est-ce que vous nous confirmez que l'aide maximale, pour les Français les plus modestes, passe à 4 000 euros contre 7 000 aujourd'hui ?

MAUD BREGEON
Oui, l'aide maximale sera de 4 000 euros et ensuite, il y aura un effet dégressif en fonction de votre niveau de revenu. Moins vous avez de moyens, plus on vous aide. Je pense qu'encore une fois, c'est aussi ça, la justice sociale.

JEROME CHAPUIS
Maud BREGEON, il faut parler dans les minutes qui nous restent de ce cessez-le-feu qui a pris effet cette nuit au Liban et qui, pour le moment, est respecté, qui reste très fragile. Joe BIDEN a parlé d'une trêve pour laquelle les États-Unis et la France œuvrent depuis des années. Quel a été précisément le rôle de la France ?

MAUD BREGEON
La France a une implication essentielle dans la région. Vous le savez, elle joue un rôle diplomatique pivot. C'est un succès diplomatique dont nous pouvons évidemment être fiers, qui permet la fin d'une tragédie qui a coûté la vie à 4 000 personnes. Et qui permet aussi le retour de civils déplacés : 60 000 personnes en Israël, plus d'un million de personnes au Liban. C'est la démonstration que la voie diplomatique, qui est exigeante, qui prend du temps, qui ne fonctionne pas toujours, eh bien, c'est pourtant la seule voie de sortie de crise possible dans la région. Et donc, ça doit encourager tous les États qui contribuent à poursuivre dans cette voie. Et je voudrais, aujourd'hui, de nouveau souligner l'implication de la France, l'application du Chef de l'État qui s'est rendu dans la région ces dernières semaines, ces derniers mois à plus de trois reprises, qui joue aujourd'hui un rôle absolument crucial aux côtés de nos amis Américains pour le retour de la paix et de la stabilité dans la région. Et notamment, évidemment, vis-à-vis de ce pays ami qu'est le Liban.

JEROME CHAPUIS
Les États-Unis n'enverront aucun soldat au Liban ; c'est ce qu'a dit Joe BIDEN cette nuit. C'est la France donc qui se retrouve en première ligne. Quel sera son rôle là encore ?

MAUD BREGEON
La France contribuera à faire évidemment respecter ce cessez-le-feu en soutenant l'armée libanaise, en renforçant les moyens de la Finul. Alors la Finul, c'est le casque de l'ONU, qui opère sous commandement des Nations Unies sur place. Et ça passe aussi par une solution politique.

BERENGERE BONTE
Jean-Yves Le DRIAN, l'envoyé spécial du Président, retourne au Liban aujourd'hui-même. Vous confirmez ça ?

MAUD BREGEON
Aujourd'hui-même, oui.

JEROME CHAPUIS
Merci Maud BREGEON, porte-parole du Gouvernement.

MAUD BREGEON
Merci à vous pour votre invitation.

JEROME CHAPUIS
Vous étiez l'invitée du 8.30 France Info.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 novembre 2024