Déclaration de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et ses quatre priorités : l'hôpital, le développement des soins palliatifs, le système de santé dans les territoires et l'amélioration des conditions de travail des professions médicales, à l'Assemblée nationale le 3 février 2025.

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  • Catherine Vautrin - Ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

Circonstance : Discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025

Texte intégral

Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (nos 622, 869).

La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est un texte essentiel, vous le savez, puisqu'il vise à doter notre système de santé et de solidarité des moyens dont il a besoin tout en garantissant son équilibre et sa pérennité. Je remercie la commission des affaires sociales pour son travail rigoureux et approfondi, et félicite Thibault Bazin pour son élection en tant que rapporteur général de cette commission – son engagement et son expertise nous sont précieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

Nous avons tous conscience du contexte budgétaire exigeant qui est le nôtre, comme de la situation politique inédite dans laquelle nous nous trouvons. La responsabilité nous oblige d'une part à concilier deux impératifs majeurs – garantir la protection sociale et redresser nos finances publiques –, et d'autre part à trouver des compromis.

Nous sommes fidèles à l'esprit d'Ambroise Croizat (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), qui disait : "La sécurité sociale est la seule création de richesse sans capital. La seule qui ne va pas dans la poche des actionnaires, mais est directement investie pour le bien-être de nos citoyens."

M. Maxime Laisney
Vous n'allez tout de même pas citer Ambroise Croizat !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Le gouvernement s'est consacré à cette tâche depuis sa nomination, le 23 décembre. Avec Amélie de Montchalin, Astrid Panosyan-Bouvet, Yannick Neuder et Charlotte Parmentier-Lecocq (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR), nous avons écouté chacun des dix groupes politiques représentés à l'Assemblée et au Sénat qui ont accepté de nous rencontrer. Nous avons tenu compte de vos priorités pour proposer un texte probablement encore imparfait – j'en ai conscience –, mais susceptible de nous rassembler et, surtout, de permettre à la sécurité sociale – notre bien commun – de fonctionner au mieux.

En 2025, nous célébrerons les 80 ans de la sécurité sociale, fondée sur les principes affirmés par le Conseil national de la Résistance. Elle constitue un héritage précieux, qu'il s'agit de préserver et d'adapter aux défis de notre temps. La sécurité sociale forme le socle de notre modèle social. Comme le déclarait Jacques Chirac en 1995 : "Désormais, la sécurité sociale fait partie de l'identité de la France et du patrimoine des Français. Elle a sa place dans notre histoire, comme dans notre quotidien. Elle exprime en quelque sorte notre génie national."

M. Jérôme Guedj
Il avait raison !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Le premier ministre François Bayrou l'a rappelé, la santé des Français est une priorité. Ce PLFSS en est la preuve, puisqu'il consacre des moyens importants à assurer l'accès de tous les Français à des soins de qualité, mais aussi l'autonomie, l'encouragement du travail et la justice sociale.
Première priorité : l'hôpital. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) connaîtra en 2025 une hausse de 3,4 %, soit 9 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2024. (M. Danielle Brulebois applaudit.)

M. Vincent Descoeur
C'est bien !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Cette hausse traduit un effort particulièrement important en faveur des établissements de santé. En effet, l'Ondam hospitalier augmentera de 3,8 %, soit une hausse bien supérieure à celle initialement prévue.

M. Jérôme Guedj
C'est vrai !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Tel est le fruit des discussions conduites avec chacun des groupes politiques. Des moyens supplémentaires, à hauteur de 1 milliard d'euros,…

M. Hadrien Clouet
Seulement 1 milliard d'euros ?

Mme Catherine Vautrin, ministre
…permettront d'améliorer la situation financière des hôpitaux et d'accroître leur capacité à offrir les soins de qualité que nos concitoyens attendent. Nous continuerons d'agir en faveur de l'attractivité des métiers du soin, et nous renforcerons en particulier les effectifs dans les services de soins critiques et de réanimation.

Deuxième priorité : développer les soins palliatifs. Lorsque j'avais défendu devant l'Assemblée nationale, au premier semestre 2024, la stratégie nationale des soins palliatifs, j'avais pris l'engagement que leur budget soit abondé de 100 millions d'euros supplémentaires chaque année durant dix ans. Cet engagement sera tenu dès l'exercice 2025 et l'augmentation budgétaire correspondante servira au déploiement de la stratégie décennale des soins d'accompagnement. Il s'agit de renforcer l'offre de soins palliatifs dans chaque territoire, au sein des établissements de santé et médico-sociaux comme à domicile, ainsi que de développer une filière de formation universitaire en soins palliatifs.

Troisième priorité : repenser le système de santé depuis les territoires. C'est à l'échelle de leur bassin de vie que nos concitoyens attendent des réponses concrètes. Nous poursuivrons la stratégie consistant à aller vers les populations, en ciblant principalement les territoires ruraux à faible densité médicale, ou qui connaissent une forte proportion de patients touchés par une affection de longue durée (ALD) ou dépourvus de médecin traitant. Nous continuerons à lutter contre les déserts médicaux et à améliorer les soins non programmés, en consacrant davantage de moyens aux services d'accès aux soins. Nous garderons un œil attentif sur la pérennisation et l'extension d'expérimentations réalisées au titre de l'article 51 du PLFSS pour 2018, qui apportent des solutions adaptées aux attentes de nos concitoyens.

Quatrième priorité : renforcer l'attractivité des métiers de la santé et améliorer les conditions de travail des professions médicales. Il s'agit notamment de financer la convention médicale qui a relevé, dès décembre 2024, le tarif de la consultation chez le médecin traitant à 30 euros. Certaines spécialités bénéficient également d'une revalorisation des consultations, comme la gynécologie.

Nous devons investir davantage dans la prévention. Nous améliorerons le suivi médical de l'enfant grâce à l'évolution du calendrier des examens obligatoires et à la refonte du carnet de santé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Depuis le 1er janvier 2025, l'un des quatorze examens prévus lors des trois premières années de l'enfant est supprimé et un nouvel examen obligatoire est ajouté entre la septième et la seizième année. Le nouveau carnet de santé accordera une place centrale à la prévention. En outre, les examens bucco-dentaires seront désormais annuels entre 3 et 24 ans, dans le cadre de la politique "génération sans carie". Enfin, la santé mentale est érigée en grande cause nationale de l'année 2025 et près de 100 millions d'euros seront ainsi mobilisés cette année. (Mme Élise Leboucher s'exclame.) Il s'agit notamment de renforcer le dispositif Mon soutien psy et de permettre un accès simplifié et plus rapide à un psychologue, en revalorisant le tarif des séances et en prenant en charge un plus grand nombre de consultations au cours d'une année civile. Les personnes les plus précaires et les plus éloignées des soins, en particulier psychiatriques, bénéficieront du renforcement des équipes mobiles psychiatrie-précarité. La réponse préhospitalière aux personnes nécessitant des soins psychiatriques sera améliorée et des filières psychiatriques seront développées dans les services d'accès aux soins. Le dispositif de prévention du suicide VigilanS sera étendu aux mineurs.

M. Aurélien Rousseau
Très bien !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Le vieillissement de la population représente un problème majeur auquel ce PLFSS apporte des réponses concrètes. Le chantier crucial des retraites a été rouvert par le premier ministre et confié aux partenaires sociaux. Je suis confiante dans leur capacité à trouver les voies d'un accord. En attendant, ce PLFSS intègre la revalorisation de 2,2 % des pensions de retraite de base à compter du 1er janvier 2025.

M. François Hollande
Grâce à la censure !

M. Aurélien Rousseau
On ne regrette pas Barnier, là !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Le cumul emploi-retraite sera facilité pour les médecins exerçant en zones sous-denses. Le taux de cotisation des employeurs territoriaux et hospitaliers à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) sera relevé de 3 points par an jusqu'en 2028, d'une façon plus progressive que celle initialement prévue. Les retraites agricoles seront calculées sur les vingt-cinq meilleures années de revenus (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem),…

M. Nicolas Ray
Enfin !

Mme Catherine Vautrin, ministre
…avec une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2026, conformément à la loi du député Julien Dive du 13 février 2023.

M. Fabrice Brun
Merci Les Républicains !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Les financements de la branche autonomie atteindront 43 milliards d'euros et permettront d'accélérer le déploiement des 50 000 nouvelles solutions d'accompagnement pour les personnes en perte d'autonomie, tout en renforçant le soutien aux proches aidants et aux établissements médico-sociaux. Le soutien aux personnes en situation de handicap connaîtra en 2025, alors que nous célébrerons les vingt ans de la loi du 11 février 2005, des avancées concrètes – je pense en particulier à la prise en charge intégrale des fauteuils roulants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

Les Ehpad bénéficieront d'un effort budgétaire significatif, incluant des investissements immobiliers supplémentaires pour moderniser les structures et améliorer les conditions d'accueil des résidents. Par ailleurs, 6 500 professionnels seront recrutés dès 2025 (Mme Ségolène Amiot s'exclame) afin d'atteindre plus rapidement l'objectif de 50 000 postes supplémentaires d'ici à 2030. Il s'agit de garantir ainsi une meilleure prise en charge et un accompagnement renforcé. Le financement des Ehpad sera simplifié et sécurisé grâce à la fusion des sections "soins" et "dépendance", souvent réclamée sans jamais être réalisée. Le Sénat avait voté la création d'un fonds d'urgence doté de 100 millions d'euros. Face à la situation difficile des Ehpad, que le gouvernement et de nombreux députés reconnaissent, nous prévoyons de tripler la dotation de ce fonds, pour la porter à 300 millions d'euros. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)

M. Nicolas Ray
Très bien !

Mme Catherine Vautrin, ministre
En outre, alors que davantage de personnes âgées expriment le souhait de vivre à domicile ou dans des résidences adaptées, le soutien aux aides à domicile sera renforcé.

M. Jérôme Guedj
Ah !

Mme Catherine Vautrin, ministre
En application de la loi "bien vieillir" du 8 avril 2024, ce PLFSS comporte une nouvelle aide financière de 100 millions d'euros destinée à couvrir une partie des dépenses de mobilité des aides à domicile, afin de garantir un accompagnement de qualité sur l'ensemble du territoire.

Vous le voyez, ce PLFSS contient des avancées significatives. Je suis consciente qu'il ne s'agit que d'une première étape. Notre pays connaît une transition démographique majeure et nous devons y consacrer toute notre énergie. J'y suis déterminée et je souhaite exposer, dans les prochaines semaines, un plan de transition démographique qui couvrira l'ensemble des étapes de la vie, de la naissance au grand âge.

M. Jérôme Guedj
Chiche !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Chacun le sait : refuser de conduire, au bon moment, les réformes nécessaires pour assurer l'avenir de notre protection sociale revient à accepter l'injustice. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
L'injustice, c'est votre budget !

Mme Catherine Vautrin, ministre
C'est l'inverse que nous vous proposons.

D'autre part, ce PLFSS vise à encourager le travail. (MM. Jean-François Coulomme et Hadrien Clouet s'exclament.) Le secteur agricole mérite tout notre soutien. Je connais votre mobilisation à ce sujet – en particulier la vôtre, monsieur le rapporteur général. Outre les retraites agricoles déjà évoquées, nous pérenniserons et renforcerons le dispositif d'exonération des cotisations patronales en cas d'emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi. Le plafond d'exonération sera relevé de 1,20 à 1,25 smic. La possibilité de cumuler l'exonération applicable aux jeunes agriculteurs avec les taux réduits, de droit commun, des cotisations d'assurance maladie et d'allocations familiales est désormais garantie. C'était attendu ; c'est dans ce texte. L'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles sera améliorée pour tenir compte de l'impact extraprofessionnel de l'accident ou de la maladie. C'est la transposition de l'accord conclu par les partenaires sociaux sur ce sujet, ce qui démontre la force du dialogue social conduit par Astrid Panosyan-Bouvet. (M. Hadrien Clouet s'exclame.)

Enfin, ce PLFSS se fonde sur un principe fondamental : la justice sociale. Ce texte est un document de protection sociale, de soutien aux familles et aux personnes en situation de handicap. L'objectif de dépenses de la branche famille est fixé à plus de 60 milliards d'euros. Le service public de la petite enfance entrera en vigueur, en accordant aux communes un rôle renforcé. La réforme du complément de libre choix du mode de garde permettra aux familles monoparentales de bénéficier de cette aide jusqu'aux 12 ans de l'enfant. Vous le demandiez ; c'est dans le texte.

Préserver notre modèle, c'est aussi lutter contre la fraude. (MM. Jérémie Iordanoff et Hadrien Clouet s'exclament.) Cet axe fort, promu par plusieurs groupes, a permis d'enrichir le texte initial, que ce soit au Sénat ou en s'inspirant des travaux de la commission des affaires sociales de votre assemblée. Ainsi, la carte Vitale sera sécurisée.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Elle marche, finalement, la carte Vitale ?

Mme Catherine Vautrin, ministre
Les contrôles liés au versement de pensions de retraite à l'étranger seront renforcés. Les échanges de données entre l'assurance maladie et les complémentaires santé seront simplifiés. Les professionnels et les établissements de santé seront fortement incités à utiliser le dossier médical partagé.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ils n'en veulent pas !

Mme Catherine Vautrin, ministre
La délivrance d'arrêts de travail par des plateformes en ligne sera interdite.
Mesdames et messieurs les députés, nous partageons un impératif : veiller à la soutenabilité de notre modèle de protection sociale.

M. Jean-François Coulomme
Il est vendu au privé !

Mme Catherine Vautrin, ministre
La protection sociale ne sera durablement forte que si elle est financièrement solide. Le redressement des comptes sociaux est une nécessité. Soyons lucides : en 2024, le déficit de la sécurité sociale s'élevait à 18 milliards d'euros. Avec ce texte, et compte tenu des effets de la censure,…

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ce n'est jamais de votre faute !

Mme Catherine Vautrin, ministre
…mais aussi des compromis que nous avons conclus, le déficit de la sécurité sociale sera, en 2025, supérieur à 22 milliards d'euros. Nous ne pouvons nous en satisfaire, mais sans loi de financement de la sécurité sociale, ce déficit atteindrait 30 milliards d'euros. Ce PLFSS pour 2025, probablement perfectible, marque une première étape. Cependant, nous devrons trouver les solutions pour tendre vers l'équilibre du régime. Ce n'est pas de l'idéologie, c'est une nécessité…

Mme Christine Arrighi
C'est vous, le problème !

Mme Catherine Vautrin, ministre
…pour garantir une protection sociale de haut niveau à chacun de nos enfants. Comme le premier ministre l'a indiqué dans sa déclaration de politique générale, je souhaite que nous puissions suivre une logique pluriannuelle. À la veille des 80 ans de la sécurité sociale, cette dernière doit, plus que jamais, s'adapter au virage démographique qui commande de repenser notre modèle de protection sociale. Je suis, avec l'ensemble des membres du gouvernement, attachée à la méthode fondée sur le dialogue et l'écoute.

M. René Pilato
C'est un peu hypocrite quand même, madame la ministre ! En appeler au dialogue et à l'écoute alors qu'on s'apprête à user de l'article 49.3, ce n'est pas sérieux !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Ce PLFSS, construit dans le contexte que nous connaissons, est un texte de protection et de responsabilité. Nous avons le devoir de le défendre ensemble, avec sérieux et engagement, afin d'assurer un avenir plus solide à notre modèle social. Nous le devons aux Françaises et aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem et sur quelques bancs du groupe HOR.)


source https://www.assemblee-nationale.fr, le 5 février 2025