Texte intégral
Le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté une ordonnance portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés.
Cette ordonnance est prise en application de l'article 26 de la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France. Elle marque une évolution majeure d'un cadre législatif demeuré largement inchangé depuis la loi du 24 juillet 1966. Elle introduit des innovations significatives, inspirées des évolutions législatives et jurisprudentielles récentes en droit privé comme en droit public et s'inscrit pleinement dans la volonté du Gouvernement de simplification des règles applicables aux entreprises.
Le projet s'appuie sur les conclusions d'un rapport du Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris, publié le 27 mars 2020, qui a mis en évidence des lacunes du droit en vigueur et souligné la nécessité de clarifications. Il repose également sur les recommandations formulées le 4 juillet 2024 par le Conseil d'État dans une note issue des travaux d'un groupe de travail auquel les représentants de la Chancellerie ont activement contribué.
Le régime des nullités en droit des sociétés fait l'objet d'un constat partagé des praticiens qui en soulignent la complexité, les incertitudes et les risques. En effet, la nullité d'une décision de la société, qui a pour objet de corriger une irrégularité, peut entraîner d'importantes conséquences négatives pour la société. Elle est notamment susceptible d'entraîner la nullité en cascade de l'ensemble des décisions qui découlent de la première, et de fragiliser de la sorte la situation de la société et de ses parties prenantes.
La réforme repose sur deux axes.
1. La simplification et le renforcement de la sécurité juridique
La réforme sécurise des décisions sociales en cantonnant le risque de nullité et ses effets, afin de préserver la continuité de l'activité et d'éviter des conséquences disproportionnées pour les sociétés concernées.
Ainsi, avant de prononcer la nullité le juge doit soumettre la demande à un "triple test" :
- le contrôle du grief du demandeur, qui doit établir que l'irrégularité a lésé ses intérêts ;
- le contrôle de l'influence de l'irrégularité sur le sens de la décision ;
- un contrôle de proportionnalité, qui met en balance les conséquences de l'irrégularité et celles de l'annulation de la décision.
Pour limiter les effets perturbateurs des nullités en cascade, la réforme prévoit également deux dispositifs : le premier écarte la nullité des décisions prises par un organe de la société irrégulièrement désigné ou composé ; le second autorise le juge à différer dans le temps les effets de la nullité qu'il prononce.
Par ailleurs, dans les sociétés cotées, la réforme tire les conséquences de l'impossibilité pratique de faire disparaître les titres irrégulièrement émis lorsqu'ils ont circulé sur un marché réglementé, en paralysant l'action en nullité d'une décision d'augmentation de capital dès la réalisation de l'opération.
Enfin, la prescription de l'action en nullité est ramenée de trois à deux ans.
2. La clarification
La réforme clarifie le droit des nullités en droit des sociétés.
Le régime des nullités repose actuellement sur deux séries de dispositions générales, au sein du code civil, d'une part, et du code de commerce, d'autre part, ce qui est source de redondances et d'incertitudes. La réforme abroge les dispositions de portée générale figurant dans le code de commerce, et consolide le droit commun des nullités au sein des dispositions du code civil consacrées à la société. Il s'appliquera ainsi selon une logique commune à l'ensemble des formes sociales.
La présente ordonnance entrera en vigueur à compter du 1er octobre 2025.