Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Catherine VAUTRIN est notre invitée, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. Catherine VAUTRIN, bonjour.
CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Alors, le pape François, un homme de paix, profondément engagé en faveur des plus démunis, du dialogue entre les peuples, c'est ce que vous avez tweeté hier.
CATHERINE VAUTRIN
Vous avez de bonnes lectures, mon tweet d'hier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous avez tweeté hier. Si, je vous dis, il était là où on ne l'attendait pas. Vous êtes ministre des Solidarités. C'était l'homme des solidarités, le pape François.
CATHERINE VAUTRIN
Tout à fait. C'était quelqu'un qui, dès lors qu'il a été choisi par le conclave, il y a une douzaine d'années, il a immédiatement dit que son pontificat serait placé sur l'attention aux plus démunis. On a pu vérifier que c'est effectivement ce qui s'est passé. Le dialogue entre les peuples également, c'était un élément important. C'était le premier pape venant d'Amérique du Sud, ce qui changeait après une longue tradition de pape européen. Et je crois qu'on a pu voir qu'effectivement, il avait l'art de s'exprimer sur des sujets sur lesquels on ne l'attendait pas forcément.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Mais sur certains sujets, il avait des positions très fermes. Le pape François était à Marseille en septembre 2023. Que disait-il à propos de l'euthanasie ? Je le cite. "On ne joue pas avec la vie, ni au début, ni à la fin". Il refusait, comme dans d'autres religions, que la mort soit provoquée. Il ne s'agit pas d'une affaire de foi, disait-il. Il défendait les soins palliatifs s'opposant à ce qu'il appelait l'euthanasie humaniste.
CATHERINE VAUTRIN
Je vois ce sur quoi vous voulez venir, à savoir le texte sur la fin de vie. Je crois qu'il faut qu'on se dise deux choses. D'abord, la France, dans un premier temps, a travaillé sur le sujet qui est celui des soins palliatifs. Vous savez que nous aurons à examiner ces textes à partir du 12 mai à l'Assemblée nationale. Et il y a maintenant une semaine, la commission des affaires sociales de l'Assemblée a voté la première partie, le texte sur les soins palliatifs. Je rappelle que j'avais pris un engagement l'année dernière qui était de mettre 100 millions supplémentaires chaque année. Je l'ai tenu ;100 millions de plus en 2025. Et notre objectif, c'est que nous ayons dans chaque département des unités de soins palliatifs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand aurons-nous dans chaque département une unité de soins palliatifs ?
CATHERINE VAUTRIN
Jean-Jacques BOURDIN, nous aurons l'ensemble, je pense, début 2026. Pourquoi ? Parce que très concrètement, ça n'est pas qu'une question de service. C'est une question de formation de femmes et d'hommes pour occuper évidemment ces fonctions de soins palliatifs. Donc cette année, par exemple, j'étais dans l'Orne il y a un mois où j'ai ouvert à Flers un nouveau service parce que nous avons les équipes. Donc c'est un sujet de formation et c'est sur ce point que nous travaillons. Maintenant, deuxième élément.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deuxième texte. Vous ne souhaitiez qu'un texte. On le sait. Le Premier ministre a choisi. Vous vous pliez à ce choix.
CATHERINE VAUTRIN
J'ai porté l'année derrière, au nom du Gouvernement, un texte de loi. Minimum de constance dans ce que je fais. Et je continue. Le Premier ministre, qui, avec le Président de la République, m'a nommée et me dit "Je souhaite deux textes", je m'exécute. À partir de là, nous avons donc un deuxième texte. Ce deuxième texte est un texte qui a des conditions extrêmement précises. C'est une proposition de loi et non plus un projet de loi. En d'autres termes, c'est une initiative parlementaire. Ça ne vient plus du Gouvernement, mais c'est la reprise des travaux de l'année dernière. Moi, ce que je voudrais dire, c'est que nous avons aujourd'hui dans notre pays, comme d'ailleurs dans d'autres, des situations dans lesquelles, effectivement, les textes existants ne permettent pas de répondre à l'attente de nos concitoyens. Vous avez certaines pathologies. Je pense notamment à des pathologies comme SLA qui sont des pathologies… Maladie de Charcot, pour avoir un terme plus clair pour nos auditeurs. Ce sont des maladies dans lesquelles, aujourd'hui, nous n'avons pas de traitement et les patients connaissent les conditions de leur fin de vie. Un certain nombre d'entre eux, à ce titre-là par exemple, souhaitent pouvoir dire "Je ne veux pas aller plus loin". Le texte proposé est un texte qui pose cinq conditions fondamentales. Les premières sont des conditions d'état civil sur lesquelles je ne m'étends pas : majeur, habiter en France. Ensuite, il y a une question sur la pathologie du patient et sur le côté irrémédiable de sa maladie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Affection entraînant une souffrance physique et psychologique, réfractaire au traitement ou insupportable. C'est ce qui est écrit.
CATHERINE VAUTRIN
Deux choses différentes. Réfractaire au traitement, c'est une première approche. L'approche insupportable au plan physique ou psychologique, est une deuxième approche. Troisième et dernière condition pour en avoir cinq, c'est le discernement. En d'autres termes, c'est le patient seul qui demande à pouvoir bénéficier de cette aide à mourir. À ce moment-là, il est examiné par un professionnel de santé qui prend l'avis d'un autre professionnel, probablement de spécialité, et également l'avis d'un personnel médico-social. Et seulement après ce travail, est décidé ou non l'éligibilité. Et ça n'est pas parce que le patient est considéré comme éligible qu'il bénéficiera le jour même de l'aide à mourir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Catherine VAUTRIN, a été voté en commission "une personne qui souhaite recourir à l'aide à mourir pourra choisir entre s'auto-administrer le produit létal ou demander qu'il soit administré par un médecin ou un infirmier. Vous approuvez cela ?
CATHERINE VAUTRIN
Déjà nous ne sommes qu'au stade de la commission. C'est un texte, je le rappelle, qui évidemment ne fait pas l'objet de l'urgence. Il y a donc 4 lectures.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. 12 mai…
CATHERINE VAUTRIN
Non, non, mais première lecture Assemblée, Sénat, retour, etc. C'est un très, très long chemin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous, vous êtes en accord avec ça ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais attendez. Moi, je finis d'abord sur les conditions parce que c'est très important. Moi, je suis en accord avec les conditions, les 5 conditions telles qu'elles sont définies.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord.
CATHERINE VAUTRIN
C'est absolument majeur. Pourquoi est-ce que c'est absolument majeur ? Parce que je continue dans le déroulé de la procédure. Dès lors que le patient a demandé à bénéficier de l'aide à mourir et qu'il a eu cet examen, il a évidemment un temps de réflexion. Et à chaque moment, c'est lui d'abord qui demande, on ne le propose jamais. C'est très important, parce que j'ai entendu sur votre antenne un médecin dire "On propose". On ne propose pas. C'est le patient qui demande, ce qui est complètement différent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est le patient qui demande.
CATHERINE VAUTRIN
Non mais c'est très, très important. Et derrière, l'élément important, c'est de se dire que quelqu'un peut demander à être éligible. Ça n'est pas parce qu'il est éligible qu'il va forcément demander à bénéficier de l'aide à mourir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais est-ce qu'il pourra s'auto-administrer le produit létal ?
CATHERINE VAUTRIN
Sur le principe, il s'auto-administre le produit létal. Le principe, c'est qu'il puisse le faire. Si son état de santé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous êtes en accord avec ce qui a été voté en commission.
CATHERINE VAUTRIN
Mais ça, c'était le principe même du texte ; c'était que le patient se l'administre dans des conditions. Soyons très clairs, Jean-Jacques BOURDIN, on ne se fait pas ça tout seul. C'est en présence d'un professionnel de santé. C'est un produit qui est apporté par le professionnel de santé, repris par le professionnel de santé. Les conditions sont totalement encadrées. Derrière l'option, c'est "le patient ne peut pas ou ne veut pas s'administrer", à ce moment-là, c'est le professionnel de santé qui le fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un professionnel de santé qui le fait. Bien. Pronostic vital à court ou moyen terme ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors c'est tout le débat d'où la nouvelle version que vous avez lue qui est dans la proposition de loi. Je dois vous dire que la version de la proposition de loi est encore en examen devant la Haute autorité de santé. Et nous aurons, début mai, la réponse de la Haute autorité de santé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et quelle est votre réponse ?
CATHERINE VAUTRIN
Moi, je pense que ce qui est très important, c'est qu'on soit certains du temps et de la gravité. En d'autres termes, c'est un pronostic vital irrémédiable. C'est ça qui est extrêmement important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc à court terme, quoi.
CATHERINE VAUTRIN
À court terme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
À court terme, pas à moyen terme.
CATHERINE VAUTRIN
Disons que le moyen terme… Le moyen terme doit être dans un espace-temps raisonnable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, j'ai bien compris. À court terme donc ; que les choses soient claires, Catherine VAUTRIN. Je change de sujet. Juste après votre interview, ici, vous allez aller dans les locaux du centre téléphonique, le 119, le centre Allô Enfance en Danger. Et vous allez évidemment évoquer la protection de l'enfance. On le sait, il y a des problèmes actuellement. Une expérimentation est conduite dans plusieurs départements. Depuis septembre, les professionnels, les bénévoles de la protection de l'enfance doivent fournir une attestation d'honorabilité. Et ça, c'est indispensable. Ça va être généralisé dans toute la France ?
CATHERINE VAUTRIN
Oui. D'ici la fin de l'année.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'ici la fin de l'année.
CATHERINE VAUTRIN
D'ici la fin de l'année. C'est-à-dire qu'au départ, l'expérimentation, c'était six départements. Nous sommes passés fin mars à 29 départements. Et à la fin de l'année, on sera d'Allô 100% des départements. Mais vraiment, j'insiste sur l'importance d'Allô 119. Allô 119, c'est une ligne téléphonique dédiée pour toute personne, que ce soit un enfant lui-même, que ce soit quelqu'un de l'entourage de cet enfant qui a des doutes sur le fait que l'enfant peut être victime d'actes, qui soient des actes physiques, psychologiques graves à son encontre. Appeler le 119, c'est signaler une situation qui sera à ce moment-là analysée de façon à s'occuper de cet enfant. Je rappelle que dans notre pays, au moment où je vous parle, nous avons tous les 5 jours un enfant qui meurt à la suite de violences. Vous vous rendez compte ? Tous les 5 jours. C'est absolument abominable. Et donc, la volonté du Gouvernement, c'est évidemment, avec le 119 et avec l'ensemble des professionnels, d'apporter des réponses. Et ce certificat d'honorabilité, qu'est-ce que c'est ? C'est tout simplement s'assurer que des personnes qui s'occupent d'enfants n'ont jamais fait l'objet de la moindre mesure judiciaire à l'encontre d'enfants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut aussi favoriser l'adoption.
CATHERINE VAUTRIN
Vous avez raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Trop d'enfants placés…
CATHERINE VAUTRIN
Alors vous avez raison. Nous avons, au moment où nous nous parlons, 380 000 enfants qui bénéficient de mesures. Enfin ce n'est pas 380 000 enfants, c'est 380 000 mesures. Certains en ont plusieurs. On peut dire qu'il y a 350 000 enfants. Aujourd'hui, ce qu'il faut… – et je travaille actuellement sur le sujet – il faut revoir ce que l'on appelle les conditions de délaissement, ce qui permet de rendre plus facile l'adoption simple des enfants. Pourquoi l'adoption simple ? Parce que cela permet qu'après, quand l'enfant grandit, il soit associé à son adoption plénière. C'est sa vie. C'est normal qu'il puisse être acteur de sa vie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais bien sûr. Parlons du 1er mai, si vous voulez bien. Vous êtes ministre du Travail, Catherine VAUTRIN. Le 1er mai, les boulangers-pâtissiers notamment, mais pas que, ne peuvent pas employer du personnel. Contrôle l'année dernière. Ça a provoqué une émotion. Il y a eu des amendes. Est-ce qu'il y aura des contrôles cette année ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors comme vous le savez, ce sont les inspecteurs du Travail qui déterminent leur plan de contrôles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin, inspecteurs du Travail qui travaillent pour le ministère du Travail.
CATHERINE VAUTRIN
L'indépendance de l'inspecteur du Travail, c'est un sujet majeur. En revanche, ça ne m'empêche pas de parler effectivement du sujet du 1er mai. Alors il faut qu'on se rappelle le cadre. Le 1er mai, dans la loi, c'est le seul jour de l'année qui est certes férié, mais surtout chômé. Et c'est ça, le fond du problème. C'est que ce jour est chômé, c'est-à-dire que c'est un jour où on chôme et on est payé. Et donc il y a dans notre droit des règles extrêmement précises dans le code du travail pour "qui peut travailler" ou pas. Il y avait une tolérance depuis des années qui existait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, depuis très longtemps, jusqu'en 2006.
CATHERINE VAUTRIN
Voilà, tout à fait, avec un arrêt de la cour de cassation. Et donc le sujet aujourd'hui, c'est de faire bouger la loi pour faire reconnaître qu'effectivement, certaines professions ont une activité. Je pense aux boulangers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors vous ferez bouger la loi quand ?
CATHERINE VAUTRIN
Dès que ce sera une proposition de loi, on fera probablement avec des parlementaires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pour ce 1er mai-là, est-ce que vous demandez, ce matin, à ce qu'il n'y ait pas de contrôle ?
CATHERINE VAUTRIN
Je ne peux pas demander qu'il n'y ait pas de contrôle. Je n'ai pas d'injonction à donner aux inspecteurs du travail. En revanche, je dis aux boulangers, un, que le boulanger, lui, peut travailler, que son conjoint non salarié peut travailler. Mais derrière, je dis aux boulangers, attention, il y a effectivement potentiellement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'à titre personnel, vous demandez qu'il n'y ait pas de contrôle ?
CATHERINE VAUTRIN
À titre personnel, je suis prête à aller aider un boulanger bénévolement s'il en a besoin, parce que je sais combien le pain est important dans notre pays et combien…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui. Ça a provoqué une émotion. Vous comprenez ça.
CATHERINE VAUTRIN
Mais je suis complètement d'accord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il n'y a pas que les boulangers. On en parle beaucoup… Comment on ne peut pas travailler le 1er mai alors qu'on est payé double et qu'on a envie de travailler ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais Jean-Jacques BOURDIN, je partage complètement cette idée. C'est la raison pour laquelle il faut adapter les textes. Qui est censé adapter les textes ? Les représentants des Français, les parlementaires. Et c'est ce qu'ils vont faire pour que les boulangers… Ça fait partie des grandes traditions françaises, le pain frais tous les jours.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Espérons que les inspecteurs du travail vont vous écouter, Catherine, et nous écouter, écouter les Français, Catherine VAUTRIN. Nous verrons bien. Est-ce que vous êtes favorable à la suppression de l'abattement fiscal des retraités 10% ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais quelle brutalité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est une question directe.
CATHERINE VAUTRIN
Enfin Jean-Jacques BOURDIN, nous avons un sujet global. Ce sujet global, vous le savez, c'est le financement de notre protection sociale. Modèle qui va avoir 80 ans. Une jeune fille, pratiquement. 80 ans, pour être précise, au mois d'octobre. Ce que nous voyons, c'est que ce modèle est menacé. Pourquoi est-ce qu'il est menacé ? Parce qu'il est basé sur la solidarité intergénérationnelle. En d'autres termes, ce sont les actifs qui assument par leur cotisation sociale avec les entreprises, la totalité du modèle social. Ce modèle coûte 670 milliards cette année. Et il est en déficit, si tout va bien, de 22 milliards et 100 millions d'euros. C'est donc un modèle qui, potentiellement, est en danger. Donc tout le sujet, c'est de trouver des réponses. Parmi les réponses, la première, ce sont les économies. Les économies, elles concernent chacun d'entre nous. Je vous donne un exemple. En matière de santé, c'est la prévention, c'est la vaccination, c'est la vigilance…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir, tiens, sur la vaccination.
CATHERINE VAUTRIN
Ce sont des éléments extrêmement importants d'économie. Derrière, il faut effectivement trouver des ressources. Trouver des ressources, c'est regarder l'ensemble des financements. Le Premier ministre, mardi dernier, il y a exactement une semaine, faisait un bilan de la situation. Il nous a demandé de travailler jusqu'en juillet pour faire des propositions pour la loi de finances pour 2026. Au moment où je vous parle, rien n'est arbitré.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous, est-ce que vous êtes favorable à la suppression de cet abattement, vous, Catherine VAUTRIN ?
CATHERINE VAUTRIN
Moi, Catherine VAUTRIN, je regarde l'ensemble des solutions potentielles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous ne répondez pas…
CATHERINE VAUTRIN
Pas encore.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas encore ? Le MEDEF y est favorable.
CATHERINE VAUTRIN
J'ai vu. Pourquoi le MEDEF est favorable ? Parce que le MEDEF voit les cotisations payées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuel MACRON n'est pas favorable.
CATHERINE VAUTRIN
Et le MEDEF voit la différence entre salaire brut et salaire net. Pour autant, tout le travail que nous devons mener… Moi, je pense qu'on a trop travaillé sur les ressources. La question, c'est la question de modérer la dépense. Et ça, ça dépend de chacun d'entre nous. Je vous donne un exemple. Les transports médicaux dans notre pays, c'est 6,3 milliards. Vous ne croyez pas qu'on peut faire un effort ? Les indemnités journalières, c'est 12 milliards. Voilà des enjeux très importants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà des pistes…
CATHERINE VAUTRIN
Des pistes d'économie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des pistes d'économie. Donc sur la suppression de l'abattement fiscal des retraités, la décision n'est pas prise.
CATHERINE VAUTRIN
Elle est loin d'être prise au moment où je vous parle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, et les niches fiscales, crédit d'impôt pour les entreprises, crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, est-ce que c'est sur la sellette ?
CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, je pense que le ministère du Budget regarde chacun des éléments. Derrière, on sait aussi, quand on parle notamment de nos concitoyens aidés, le salarié à domicile, c'est aussi celui qui permet à un certain nombre de nos aînés…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est de la solidarité aussi, dites-moi ?
CATHERINE VAUTRIN
Un, ça crée de l'emploi non délocalisable. Et deux, ça permet à un certain nombre de personnes âgées de rester chez elles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On n'y touche ou pas ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais tout se regarde, Jean-Jacques BOURDIN. Vous savez, quand on est un pays qui a la situation financière qui est la nôtre aujourd'hui avec le déficit abyssal, quand on parle de souveraineté du pays, le déficit budgétaire, c'est un élément qui nuit à la souveraineté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faudra que… Je ne vais pas vous poser de questions sur ce sujet. Mais il faudra qu'on regarde de près les régimes de retraite qui sont déficitaires. Et quels sont les régimes de retraite qui sont déficitaires et qui coûtent très, très cher à l'État ? Est-ce qu'il faut moduler les remboursements de la Sécurité sociale en fonction des revenus ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais là encore, vous savez, on est à la foire aux idées, là. Vous me faites la liste de tout ce qui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non, ce n'est pas moi, c'est la Cour des comptes. Ce n'est pas moi qui…
CATHERINE VAUTRIN
Non, non. Vous me sortez tout ce que les uns et les autres ont mis en avant. Il y a un certain nombre d'éléments qui existent, notamment le premier rapport de la Cour des comptes au moment de la mise en place de la délégation paritaire permanente. Je ne prends surtout pas le terme de conclave surtout maintenant, on pourrait confondre. Et donc très concrètement, la question qui s'est posée, c'est de regarder la situation. Alors c'est vrai que le revenu moyen des retraités français par rapport au revenu moyen des Français actifs est quasi le même, puisqu'on est à 99,8%. On parle de moyenne. Donc attention, on a toujours le cas de certaines retraites qui sont loin d'être proches du revenu moyen. Je pense notamment à certaines retraites des femmes. Dans le même temps, on voit bien que si on regarde l'Allemagne, par exemple, l'Allemagne, on est à 88. Là où en France, on est à 98. Et on voit que la France consacre 14% de son produit intérieur brut aux retraites, là où l'Allemagne ne consacre que 10% avec une démographie plus mauvaise. Donc il y a un sujet. De la même manière, le sujet de fond, c'est le sujet de la création de richesses et de l'activité. Le grand problème français, c'est le taux d'activité des jeunes, 35%, et des seniors. Et si nous arrivons à avoir un taux d'activité plus important, nous créons plus de richesses. Et à ce moment-là, nous pouvons nous payer notre modèle social. La question finalement, c'est : quel modèle social voulons-nous ? Comment faisons-nous pour le payer ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Catherine VAUTRIN, nouvelle réforme de l'assurance-chômage, est-ce qu'il y aura une nouvelle réforme de l'assurance-chômage ou une amélioration ? Je ne sais pas, moi.
CATHERINE VAUTRIN
Dans un premier temps, il va y avoir une transposition de ce qui avait été discuté par Astrid PANOSYAN-BOUVET au mois de juin. Dans un deuxième temps, là aussi, tout se regarde. Ça fait partie des sujets qu'on peut regarder.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils sauront regarder ces sujets qu'on peut regarder, mais ils sauront regarder.
CATHERINE VAUTRIN
Ils sauront regarder bien évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura donc une avancée, une nouvelle réforme de l'assurance-chômage.
CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, tout ça, ça se fait dans un travail…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La durée d'indemnisation.
CATHERINE VAUTRIN
Attendez, tout ça, ça se fait en discussion avec les partenaires sociaux. Vous savez qu'on est dans le code du travail, ça ne se fait pas comme ça. Il faut d'abord discuter avec les partenaires sociaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y aura…
CATHERINE VAUTRIN
Au moment où je vous parle, ça n'est pas encore décidé en tant que tel. Donc je ne vous annonce pas, aujourd'hui, une réforme de l'assurance-chômage. Je vous dis, nous allons regarder tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez ouvrir le dossier.
CATHERINE VAUTRIN
Nous allons ouvrir tous les dossiers qui permettent d'augmenter le temps de travail, qui créent de la richesse et qui permettent de financer le modèle spécial.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez ouvrir le dossier, une nouvelle fois, de l'assurance-chômage.
CATHERINE VAUTRIN
À vous d'en tirer les conséquences que vous voulez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais c'est clair, Catherine VAUTRIN.
CATHERINE VAUTRIN
Mais à ce stade, je vous dis très concrètement, Jean-Jacques BOURDIN, il faut créer de la richesse pour payer le modèle social.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est clair. La santé, les déserts médicaux ; médecins libéraux en grève le 28, ils sont en colère. Pourquoi ? Parce qu'il y a cette proposition de loi qui régule leur installation dans une zone - je résume rapidement -dans une zone dotée de médecins, installation si départ d'un médecin. Et puis après accord de l'ARS, l'Agence régionale de santé, vous êtes favorable ou pas ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors, il faut d'abord qu'on se dise qu'il y a 241 000 médecins en exercice, là, au 1er janvier 2025 ; ce sont les chiffres du Conseil national de l'ordre des médecins. Très concrètement, quelle est la difficulté ? C'est qu'aujourd'hui, ce que l'on voit, c'est que le temps effectif est plus faible qu'il n'a été, premier élément. Deuxièmement, on a une population qui vieillit, donc qui a plus besoin. Troisièmement, on voit qu'effectivement, l'installation des médecins, notamment quand on prend une carte des médecins de moins de 40 ans, ils sont plutôt le long des côtes ou sur des zones plus touristiques. Et en revanche, on a cette diagonale dite du vide du centre de la France, où là, les médecins ont plutôt plus de 60 ans et on a un sujet de remplacement. Nous travaillons sur le sujet avec le Premier ministre, pas plus tard que vendredi dernier. Et le Premier ministre aura l'occasion de faire des annonces ce vendredi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous soutenez cette proposition de loi ?
CATHERINE VAUTRIN
Vous verrez que les propositions faites par le Premier ministre apportent des solutions alternatives.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas cette régulation de l'installation.
CATHERINE VAUTRIN
Vous verrez les propositions du Premier ministre vendredi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alternatives, ça veut dire pas ?
CATHERINE VAUTRIN
Ça veut dire autre choix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Autre choix, donc ce n'est pas ce choix. Vous ne choisissez pas de soutenir cette proposition de loi.
CATHERINE VAUTRIN
Vous verrez les propositions du Premier ministre vendredi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord.
CATHERINE VAUTRIN
Rendez-vous dans le Cantal vendredi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans le Cantal, la désinformation en matière de santé. Vous avez vu aux Etats-Unis ce qui se passe à propos de la rougeole. Vous voyez ces tentatives de dévacciner, si je puis dire.
CATHERINE VAUTRIN
C'est très grave, moi je trouve ça extrêmement grave. C'est extrêmement grave, parce qu'on voit bien, quand même, que la santé a fait d'énormes progrès grâce à la vaccination, et qu'aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le révisionnisme vaccinal.
CATHERINE VAUTRIN
Non mais c'est un danger absolu, et c'est un danger pour les personnes concernées, et c'est un danger également pour notre modèle, parce qu'on le voit. Je vous donne un exemple, quand on discute avec les très jeunes, on sait aujourd'hui qu'on a un vaccin qui permet d'éviter le cancer du col de l'utérus, par exemple. Très concrètement, ce vaccin, on le propose à nos jeunes au collège. Eh bien, c'est un sujet, aujourd'hui, sur lequel, on a besoin encore de montrer tout l'intérêt.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De convaincre.
CATHERINE VAUTRIN
Deuxième exemple : la grippe. Vous arrivez en maison de retraite, c'est quand même logique que vous soyez vacciné contre la grippe, c'est gratuit, ça vous protège vous-même et ça protège ceux qui vivent avec vous. Voilà typiquement des sujets très concrets qui évitent toutes les complications et qui évitent en plus de contaminer autour de vous. Donc, on voit vraiment des résultats importants et c'est la raison pour laquelle je suis très attachée à ce qu'on puisse continuer à informer sur la vaccination, également sur le dépistage. Ça fait partie des sujets sur lesquels je demande à mes équipes d'être beaucoup plus fermes. Nous avons aujourd'hui des retours en matière de dépistage, très faibles. Vous êtes une femme, vous recevez une lettre de la caisse d'assurance maladie qui vous dit : "Allez faire votre mammographie." Si vous y allez, parfait. Si vous n'y allez pas, on ne vous relance pas. Ce n'est pas normal. Je pense que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des relances ?
CATHERINE VAUTRIN
C'est indispensable d'appeler, de faire comprendre l'importance du dépistage. On sait combien tous les professionnels sont unanimes sur le sujet. Plus on prend le sujet tôt, plus on a de chances de rémission.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais terminer avec un sujet qui vous concerne, puisque vous êtes ministre de la Santé. Cela concerne la santé des jeunes. En Chine, l'utilisation de TikTok est limitée à 40 minutes par jour. Expliquez-moi pourquoi on ne fait pas la même chose en France ?
CATHERINE VAUTRIN
Vous le savez, le Président de la République a, l'année dernière, demandé un travail sur les écrans. Nous nous sommes réunis, très exactement, vendredi après-midi. Et nous aurons, là encore, dans les semaines qui viennent, capacité à apporter des réponses très concrètes. Et ces réponses, elles iront des tout-petits, des 0-3 ans, jusqu'aux adolescents, sur, effectivement, les conséquences d'une exposition aux écrans, mais également, les conséquences sur les réseaux sociaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, l'interdiction de TikTok aux mineurs, est-ce que vous y êtes favorable ?
CATHERINE VAUTRIN
Je ne vais pas commencer à faire des annonces qui ne sont pas prêtes, mais je vais vous dire que très prochainement, on va faire des annonces, probablement pour la rentrée scolaire, et notamment, y compris sur les tout-petits. L'idée, c'est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ? Les tout petits.
CATHERINE VAUTRIN
Les 0-3 ans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
0-3 ans, pas d'écran ?
CATHERINE VAUTRIN
L'idée, c'est d'informer les parents sur les conséquences que cela peut avoir. Vous n'êtes pas derrière chaque famille, vous n'allez pas rentrer chez les gens. Mais par contre, expliquer qu'effectivement, cela peut avoir des conséquences sur le développement de l'enfant, sur son langage. Ce sont des éléments qu'il faut que nous partagions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous êtes favorable à la limitation de l'utilisation de TikTok pour les ados ?
CATHERINE VAUTRIN
Je suis favorable à l'information pour que les parents puissent faire comprendre à leurs enfants l'intérêt qu'il y a d'un usage modéré et accompagné.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, pourquoi la Chine fait ce que la France ne veut pas faire ? Expliquez-moi.
CATHERINE VAUTRIN
Jean-Jacques BOURDIN, laissez la France terminer ses approches et faire des annonces qui vont bien dans les semaines qui viennent. Et en attendant, les écrans, comme le reste, doivent être consommés avec modération.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci beaucoup Catherine VAUTRIN.
CATHERINE VAUTRIN
Merci, Jean-Jacques BOURDIN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 avril 2025