Interview de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à TF1 le 28 avril 2025, sur la grève des médecins, la proposition de loi pour permettre aux salariés de travailler le 1er mai et la question de M. Rebsamen sur une contribution modeste pour permettre de financer les services publics des communes.

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Intervenant(s) : 

Média : TF1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
7 h 36. Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Bonjour.

BRUCE TOUSSAINT
Votre invité ce matin : Catherine VAUTRIN, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et de la Famille.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Catherine VAUTRIN.

CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
On reparlera, dans un instant, de cette taxe d'habitation. C'est un dossier que vous connaissez bien, mais d'abord, on le voyait dans le journal, après le meurtre, vendredi, d'un fidèle dans cette mosquée du Gard, le principal suspect s'est rendu en Italie. Hier, le procureur évoquait la piste d'un acte antimusulman. Ça a donné lieu, d'ailleurs, hier soir, à Paris, à un rassemblement contre l'islamophobie. Est-ce que vous voyez de l'islamophobie dans cet acte, plus généralement, en France ?

CATHERINE VAUTRIN
En tout cas, ce qui est certain, c'est que je condamne cet acte, bien évidemment, et que je voudrais remercier les services du travail qui est le leur, parce que je crois que si la personne qui a été recherchée s'est rendue, c'est bien parce qu'elle se savait suivie, recherchée ardemment. Et c'était indispensable qu'elle soit retrouvée, que, évidemment, si c'est le coupable, qu'elle soit jugée et condamnée.

ADRIEN GINDRE
La qualification des faits est devenue un débat politique. Vous l'avez noté. L'islamophobie : acte antimusulman, ça fait beaucoup de débats depuis hier.

CATHERINE VAUTRIN
C'est, en tout cas, inacceptable.

ADRIEN GINDRE
On en vient à un sujet qui vous concerne tout directement. Aujourd'hui, cette grève chez les médecins, avec un appel à la manifestation demain. Initialement, c'était pour protester contre le texte d'un Député socialiste, sur la liberté de s'installer. Mais il faut reconnaître que les annonces du Gouvernement, vendredi, continuent d'inquiéter. Cette idée, notamment, de devoir, jusqu'à deux jours, consulter dans des zones qui sont dépourvues ou insuffisamment pourvues en médecins. Une clarification, d'abord, ce matin avec vous. Est-ce qu'il s'agira d'une obligation ou d'une recommandation pour les praticiens ?

CATHERINE VAUTRIN
Je commencerai par trois mots. Le premier, c'est le mot de confiance. Le deuxième, c'est le mot de responsabilité. Et le troisième, c'est solidarité. Au moment où nous nous parlons, il y a des Français qui, effectivement, n'arrivent pas à avoir un médecin. A partir de là, la première chose qui va être faite, c'est une cartographie pour déterminer précisément, bassin de vie par bassin de vie, communauté de communes ou intercommunalité, où sont ces endroits. Et à partir de là, le Premier ministre a souhaité que nous mettions en place des réponses qui soient rapides. Une réponse rapide, ça veut dire, le principe que les professionnels de santé généralistes comme spécialistes connaissent bien, c'est l'option de la consultation avancée. En d'autres termes, on demandera aux médecins d'aller, effectivement, au maximum deux jours par mois dans ces zones, ce qui permettra, si je prends le cas d'un territoire, que dans ce territoire, toute la semaine, il puisse y avoir un médecin.

ADRIEN GINDRE
Et je vous repose la question, on demandera, ça veut dire, on contraindra ?

CATHERINE VAUTRIN
Pour être extrêmement précise, nous sommes en train de déterminer ces modalités. Et c'est la raison pour laquelle, d'ici la fin du mois de mai, premier élément, nous faisons la cartographie. Deuxième élément, de cette cartographie, nous la faisons avec les agences de santé, avec les préfets et avec les élus. Pourquoi les élus ? Parce que, bien évidemment, nous allons demander aux élus, quand il n'y a pas de cabinet médical, de mettre en place, sur le territoire, le lieu où, effectivement, le médecin pourra être accueilli. Je le disais, qu'un président du syndicat de médecins disait : "Il faut qu'on puisse se mettre les pieds sous la table." En d'autres termes, il faut qu'on arrive dans un endroit équipé.

ADRIEN GINDRE
Qu'il y ait des lieux pour consulter.

CATHERINE VAUTRIN
C'est effectivement le cas. D'ailleurs, aujourd'hui, nous avons, sur certains endroits du territoire français, des maisons de santé sans médecin. Donc, le sujet, ce n'est pas d'avoir simplement le contenant. L'important, c'est le contenu.

ADRIEN GINDRE
Est-ce qu'il y aura des incitations financières ou des sanctions, à l'inverse, pour ceux qui refusent ?

CATHERINE VAUTRIN
Nous sommes en train de déterminer ces modalités, c'est-à-dire, bien évidemment, est-ce que celui qui, par exemple, ira faire cette consultation, pourra avoir un remplaçant là où il exerce habituellement, premier élément, les conditions financières. Tout cela est en train de se déterminer. Et l'objectif, c'est que nous soyons totalement opérationnels au plus tard début septembre.

ADRIEN GINDRE
Quand vous dites qu'on est en train de déterminer tout ça, c'est une manière de vouloir apaiser la colère des médecins ? Puisque vendredi, le Premier ministre, il a bien dit : "Devra". Il a employé l'impératif, hein.

CATHERINE VAUTRIN
Ce n'est pas une manière de vouloir atténuer quoi que ce soit. Je pense que chacun a bien compris que de la contrainte, nous sommes passés à la responsabilité. Nous n'obligerons pas à l'installation. Nous demandons une solidarité. Le temps que nous formions mieux, c'est le bon élément, c'est que nous allons continuer à former, de façon à avoir plus de médecins, parce que c'est ça le sujet. Nous payons les conséquences de choix qui ont été faits, il y a très longtemps. Et au moment où nous nous parlons, nous avons besoin de plus de médecins formés sur la totalité du territoire.

ADRIEN GINDRE
Autre sujet qui vous concerne, cette fois, avec votre casquette de ministre du Travail : la colère des boulangers et des fleuristes. L'inquiétude en tout cas en vue du 1er mai. Les sénateurs centristes viennent de déposer une proposition de loi pour permettre aux établissements déjà autorisés à ouvrir le dimanche de pouvoir le faire également le 1er mai. Le texte que vous soutenez, je le précise, et qui hier sur LCI a suscité la colère de Sophie BINET, de la CGT, qui dit : "On sait survivre un jour sans avoir sa baguette de pain. Il y a 364 autres jours dans l'année pour ouvrir. Le 1er mai doit rester férié et chômé pour les salariés". Qu'est-ce que vous lui répondez ?

CATHERINE VAUTRIN
Je lui réponds que le 1er mai est effectivement le seul jour de l'année qui soit à la fois férié et chômé. Et que ce que nous allons faire, et je remercie les sénateurs qui ont posé cette proposition de loi, à Hervé MARSEILLE et Annick BILLON, l'idée, c'est de pouvoir effectivement permettre sur une base de volontariat que des salariés travaillent. Ils sont bien sûr payés double. C'est un aménagement de la loi de façon à répondre à ce qui est une tradition dans notre pays, qui est celle du pain.

ADRIEN GINDRE
Alors, bien sûr, la loi est adoptée en temps et en heure pour ce 1er mai-ci. Ça veut dire qu'il y aura des consignes qui seront données, par exemple, à l'inspection du travail pour qu'il n'y ait pas de contrôle cette année ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, comme vous le savez, en tant que ministre du Travail, je n'ai pas à donner de consignes à l'inspection du travail, qui est là pour juger l'application qui est faite de la loi.

ADRIEN GINDRE
Il pourra y avoir sanction cette année.

CATHERINE VAUTRIN
La loi ne sera pas applicable cette année. Mais ce qui est intéressant, c'est de regarder une jurisprudence qui est finalement l'analyse de ce qui a été le fait générateur l'année dernière, le 1er mai. Il y a eu, en fait, des amendes qui ont été adressées dans le département de la Vendée. Il y a eu un jugement qui a eu lieu vendredi. Et ce jugement a été défavorable et donc, a montré la nécessité d'accepter le fait que quelqu'un puisse travailler, dès lors qu'il est volontaire et payé double.

ADRIEN GINDRE
Il faudra peut-être des procédures en justice pour éviter que ces amendes soient appliquées si elles sont prononcées.

CATHERINE VAUTRIN
Ce que nous allons surtout faire, c'est évidemment accompagner la proposition de la loi déposée par les sénateurs dans les meilleurs délais. Et je redis aux boulangers tout notre soutien.

BRUCE TOUSSAINT
Mais vous, par exemple, jeudi, vous irez acheter le pain ou pas ?

CATHERINE VAUTRIN
Si la boulangerie est ouverte, bien sûr. Et puis n'oublions pas que le pain, ça fait partie, vous le savez, des notions françaises, y compris patrimoine mondial de l'UNESCO. Le week-end du 1er mai, c'est un week-end extrêmement touristique. Ça correspond aussi à ce que les touristes viennent acheter dans notre pays.

BRUCE TOUSSAINT
Et vous-même, vous irez acheter des fleurs ?

CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, le 1er mai, moi, comme élue locale, je connais les autorisations que l'on donne à celles et ceux qui vendent du muguet à tous les coins de rue. Ça fait, là aussi, partie de la tradition du 1er mai, que cette notion du bouquet de muguet, je ne doute pas que vous allez offrir des muguets à celles et ceux qui vous sont chers.

ADRIEN GINDRE
Quelques petites questions encore pour conclure rapidement, Catherine VAUTRIN. Vous connaissez bien le dossier de la taxe d'habitation, on en parlait à l'instant. Votre successeur, un ministère que vous avez occupé, les Territoires, comme vous à l'époque, exclut le retour de la taxe d'habitation, mais tout en disant : "Une contribution modeste permettrait de financer les services publics des communes". Il faut le faire ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, c'est une question effectivement de François REBSAMEN, mais qui, comme élu, réagit au fait qu'il y a toute une partie de la population qui, n'étant pas propriétaire, ne participe pas du tout au financement de la commune, en tout cas par les impôts locaux, parce qu'on peut, si on est imposable, le faire par l'impôt sur le revenu. Et donc, l'idée, c'est le lien avec le territoire. Rien n'est gratuit, ni l'entretien des parcs, ni l'entretien de la voirie, c'est ça l'esprit.

ADRIEN GINDRE
Il faut le faire.

CATHERINE VAUTRIN
Et donc, je reste très prudente, ça ne peut être que très modeste, puisqu'en aucun cas, il ne s'agit de remettre la taxe d'habitation. Mais en revanche, il s'agit de rappeler à chacun qu'il n'y a rien de gratuit dans notre pays, ni ailleurs.

ADRIEN GINDRE
En dix secondes, vos collègues Bruno RETAILLEAU et Gérald DARMANIN se sont dit opposés à la suppression de l'abattement de 10 % dans le bénéfice des retraités. Votre position ?

CATHERINE VAUTRIN
Le Premier ministre a dit que nous travaillons jusqu'au 14 juillet pour faire des propositions. Le sujet majeur sur les finances publiques de notre pays, c'est celui des économies. C'est-à-dire que, bien sûr, plus nous ferons d'économies, moins nous aurons à aller chercher de nouvelles dépenses. C'est particulièrement vrai en matière de santé, d'où l'importance de la prévention.

ADRIEN GINDRE
Mais vous ne prendrez pas le risque de vous prononcer sur ce sujet.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 avril 2025