Déclarations de MM. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République anti-criminalité organisée, à l'Assemblée nationale le 29 avril 2025.

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Circonstance : Commissions mixtes paritaires

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle la discussion, sur les rapports des commissions mixtes paritaires, de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (no 1277) et de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République anti-criminalité organisée (no 1278).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

(…)

La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice
Je suis très heureux d'être présent, aux côtés de mes collègues du gouvernement, pour la dernière lecture de ces propositions de lois relatives au narcotrafic. Nous devons en rendre les honneurs au sénateur socialiste Jérôme Durain et au sénateur Les Républicains Étienne Blanc, qui, à la suite de leur commission d'enquête, ont déposé ces textes, textes depuis largement enrichis par les deux chambres puis en commission mixte paritaire.

La proposition de loi présente plusieurs caractéristiques dont la première est d'être un texte quasiment d'union nationale. En effet, au Sénat, le groupe communiste, le groupe socialiste et l'ensemble des groupes de la majorité sénatoriale ont voté pour ; le groupe écologiste s'étant abstenu, pas une voix ne s'est exprimée contre le texte. Mes collègues du gouvernement et moi-même espérons que l'Assemblée nationale sera tout aussi unanime pour donner aux magistrats, aux forces de l'ordre et aux Français des moyens de lutter contre le narcotrafic, une menace très grave qui touche de nombreux pays voisins comme la Belgique ou les Pays-Bas.

Je me concentrerai sur les dispositions relevant stricto sensu de la Chancellerie. Ensemble, nous créons un parquet national anti-criminalité organisée –? et non seulement antistupéfiants comme le prévoyait la proposition de loi ab initio –, qui verra le jour au 1er janvier 2026, une date qui permet de le construire sérieusement. Le Pnaco disposera de moyens très importants que j'ai déjà annoncés. Cette organisation, loin de mener à la suppression des juridictions interrégionales spécialisées (Jirs), renforcera leur action et celle des parquets locaux. En effet, une centaine de magistrats supplémentaires renforceront la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) et les Jirs dès le mois d'avril –? une partie d'entre eux sont donc déjà arrivés –, puis, à partir du 1er janvier 2026, le Pnaco. Ils lutteront contre la criminalité organisée aussi âprement que le fait le parquet national antiterroriste (Pnat) contre le terrorisme.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions, car MM. les rapporteurs Caure et Vicot –? je remercie également Éric Pauget pour son travail – ont déjà souligné les avancées du texte. Je m'attarderai en revanche quelques instants sur la question du régime carcéral. Ce point illustre la coconstruction entre le Parlement et le gouvernement. Le texte initial comportait des articles liminaires traitant de la détention mais ne contenait aucune disposition relative aux prisons de haute sécurité ou au régime carcéral inspiré de l'article 41 bis du règlement pénitentiaire italien. La méthode proposée par le gouvernement au Parlement a consisté à saisir ensemble le Conseil d'État et, en fonction de l'avis des juges, à modifier le texte en commission puis en séance. Nous avons démontré que nous étions capables de traiter de manière constructive d'un sujet délicat –? un régime carcéral très difficile – et d'en élaborer ensemble les modalités, tout en évoquant le statut du repenti.

Je remercie donc l'ensemble des membres de cette assemblée. Même si nous avons compris que les groupes d'opposition de gauche, ou d'une partie de la gauche, n'approuvaient pas l'idée première de ce texte, je veux dire aux groupes socialiste et écologiste que le gouvernement a essayé d'entendre leurs arguments, de les accepter et de trouver un compromis. Je remercie M. le président de la commission mixte paritaire d'avoir veillé à ce compromis. Ainsi, après les débats en séance à l'Assemblée, le gouvernement souhaitait que les détenus concernés soient placés dans les quartiers de haute sécurité pour une durée de deux ans renouvelable, mais vous avez proposé de réduire cette durée à une année, faisant ainsi un pas pour que l'ensemble des groupes politiques, notamment d'opposition, puissent se sentir respectés. J'espère que les dispositions prévues pour ce régime carcéral conviendront à chacun. Nous en avons observé encore très récemment l'intérêt, à travers les attaques et les menaces contre les prisons ou les agents pénitentiaires, les tirs de kalachnikov sur des maisons, les incendies de voiture et les interpellations nombreuses…

M. Ugo Bernalicis
Ah oui ?

M. Gérald Darmanin, ministre d'État
…menées par le parquet national antiterroriste. Ces dernières démontrent l'efficacité de la réforme de la police judiciaire et du Pnat.

M. Ugo Bernalicis
Ah oui ?

M. Gérald Darmanin, ministre d'État
Elles ont montré qu'il s'agissait bien de narcotrafiquants, de " narcoracailles ", comme dit très justement le ministre de l'intérieur. L'enquête le montrera pleinement, mais il apparaît que ces actions avaient pour but d'intimider l'État, de pousser les agents pénitentiaires à poser l'uniforme et d'empêcher le Parlement, le gouvernement, l'administration, d'instaurer ce régime carcéral.

Celui-ci fait peur aux narcotrafiquants. Il leur fait peur parce qu'il isole les détenus les plus dangereux du reste de la société. Pour la première fois dans notre pays, ils ne pourront plus depuis leur cellule utiliser un téléphone, gérer le blanchiment d'argent, menacer des agents pénitentiaires, des magistrats, des avocats, des femmes et des hommes politiques, des enquêteurs. Très récemment, un détenu de la prison de Nancy a été condamné pour avoir proféré des menaces à l'égard de directeurs de prison. Je rappelle que 150 magistrats sont menacés par des narcotrafiquants et que certains sont placés sous protection policière, que des directeurs de prison, comme la directrice des Baumettes et son adjoint, bénéficient d'une protection et ne peuvent plus aller travailler. Nous savons que les cinq personnes qui ont été interpellées ont organisé cette intimidation depuis leur cellule ; leur but était de mettre les agents pénitentiaires sous pression et d'empêcher l'instauration de ce nouveau régime carcéral.

Mais l'administration pénitentiaire a tenu. Je salue le courage de ces fonctionnaires qui ont vu des individus s'en prendre à leur famille ou à leurs biens. Je salue les organisations syndicales, dans leur ensemble, qui se sont montrées courageuses et ont soutenu l'action du gouvernement –? je les ai encore rencontrées ce matin. Je salue les élus qui, nombreux, ont rencontré les agents pénitentiaires pour les remercier, comme l'ont fait le premier ministre et le ministre de l'intérieur. Les réactions à l'annonce de ce nouveau régime carcéral montrent que ce que nous faisons, peut-être pour la première fois, intimide, fait reculer, pose la question de la légitimité du narcotrafic et de son expansion. Je ne pouvais pas m'exprimer à cette tribune sans souligner ce point très important.

J'espère que ces textes seront validés par le Conseil constitutionnel et promulgués rapidement. Monsieur le président de la commission des lois, sachez que les décrets d'application sont déjà en cours de rédaction. Comme je m'y suis engagé, et comme je l'ai déjà fait pour d'autres lois, je les présenterai à votre commission pour qu'elle les valide, dans le cadre d'une discussion politique, à commencer par les décrets d'application concernant le nouveau régime carcéral. La prison de Vendin-le-Vieil, vidée de ses occupants pour réaliser des travaux, accueillera en juin, ou juillet, les cent premiers narcotrafiquants.

Je terminerai en évoquant deux amendements que le gouvernement a déposés. Le premier vise à rétablir l'anonymisation des agents pénitentiaires intervenant dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée. J'ai cru comprendre que cette disposition avait été supprimée par inadvertance, le sucre venant à manquer dans l'organisme des membres de la commission mixte au terme d'une trop longue réunion (Sourires). L'anonymisation, par l'inscription du seul numéro de matricule, permettra aux agents pénitentiaires qui découvrent par exemple un téléphone portable dans une cellule ou décident d'envoyer un détenu en quartier disciplinaire de ne pas voir leur identité révélée, notamment sur les réseaux sociaux. La majorité et le groupe socialiste, monsieur Vicot, se souviendront que j'avais proposé en 2021, lorsque j'étais ministre de l'intérieur, une mesure similaire pour les officiers de police judiciaire (OPJ), dans le cadre des enquêtes sur le narcotrafic ou le terrorisme et sous l'autorité du procureur de la République.

Le deuxième amendement vise à généraliser l'anonymisation à l'ensemble des agents pénitentiaires qui le souhaitent –? les personnes dangereuses se trouvent aussi dans les maisons d'arrêt. Nous avons entendu la demande des organisations syndicales. Ces deux amendements respectent la CMP et complètent utilement le texte. Ils ont été votés hier à l'unanimité au Sénat ; j'espère que votre assemblée fera de même pour le bien, le confort et la sécurité des agents pénitentiaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions. –? MM. Paul Molac et Éric Pauget applaudissent également.)

M. le président
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur
Le texte que vous vous apprêtez à voter fera date. Ce n'est pas un texte banal. Il est très rare de voir aboutir une proposition de loi touchant à un domaine régalien, au cœur du rôle de l'État. Je l'ai déjà dit mais je tiens à le souligner, alors que la crise de la démocratie est aussi celle de la démocratie parlementaire. Les origines de ce texte sont déjà anciennes mais je me souviens fort bien du lancement de la commission d'enquête au Sénat, demandée par le groupe Les Républicains sur son droit de tirage, et de sa conclusion positive. Le président socialiste, Jérôme Durain, et le rapporteur Les Républicains, Étienne Blanc, se sont entendus ; les sénateurs ont adopté à l'unanimité les conclusions de la commission d'enquête, puis la proposition de loi en première lecture.

Ensuite, chacun connaît la difficulté politique actuelle.

M. Pierre Cordier
C'est un doux euphémisme !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale.

M. Fabrice Brun
Eh non !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Le chemin est donc compliqué pour les textes importants. Pourtant, cette proposition de loi a été adoptée à l'Assemblée à une très forte majorité, quasiment à l'unanimité en commission mixte paritaire. Cela montre combien ce texte est puissant. Il a réussi à mobiliser la plupart des groupes –? pas tous, malheureusement –, parce que le narcotrafic et la criminalité organisée constituent la racine de l'hyperviolence en France. Malheureusement, les morts sont de plus en plus jeunes, comme le sont les tueurs eux-mêmes –? 14 ans parfois. Le narcotrafic, parce qu'il entraîne la corruption, constitue aussi une menace existentielle pour les institutions. Je remercie donc la représentation nationale d'avoir mis de côté les étiquettes habituelles pour trouver un chemin transpartisan. Nous avons pu ainsi nous rassembler et donner à l'État de nouveaux moyens pour que ses agents –? forces de l'ordre et douaniers notamment – puissent mener le combat à armes à peu près égales avec le narcotrafic.

Enfin, ce texte est important car il réorganisera l'État. Le ministre d'État Gérald Darmanin a parlé de la spécialisation de la chaîne judiciaire. J'ajouterai qu'en miroir du Pnaco, un état-major réunira dans un même lieu, à Nanterre, les services d'enquête et les quatre grands services de renseignement –? ils relèvent de Bercy, des ministères de l'intérieur, des armées et de la justice, à travers le renseignement pénitentiaire. L'État était jusqu'alors trop cloisonné face à ces réseaux mafieux structurés et coordonnés. Désormais, ces services se parleront et nous décuplerons nos forces.

M. Ugo Bernalicis
Qu'est-ce que ça va être !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Ce dispositif est inspiré de l'organisation contre le terrorisme, qui mobilise non seulement le Pnat mais aussi un état-major permanent. Celui-ci a fait ses preuves, puisqu'il a permis de déjouer pas moins de quatre-vingt cinq attentats en quinze ans. Cette formule fonctionne contre le terrorisme ; elle fonctionnera, j'en suis certain, contre la criminalité organisée.

Le renseignement permet de mobiliser les informations afin que les forces de l'ordre et les douaniers puissent procéder aux arrestations des trafiquants et aux saisies, de plus en plus massives. Les 104 Cross, cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants, deviendront les Crossco, pour tenir compte de leur nouvelle mission de lutte contre la criminalité organisée. Nous devons nous mobiliser et déployer nos forces sur l'ensemble du territoire national –? cela me paraît extrêmement important.

Nous transformons donc l'organisation de l'État en créant un nouvel arsenal. Celui-ci permettra une plus forte mobilisation contre la corruption, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, et le blanchiment de l'argent sale. Les services de renseignement auront accès à de nouvelles techniques, aussi bien en ce qui concerne les algorithmes que les interceptions satellitaires, et les préfets seront dotés de nouveaux pouvoirs, comme celui de prononcer la fermeture administrative de commerces.

M. Pierre Cordier
Très bien ! Ce sont toujours les mêmes, et ils vendent la même chose !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Les maires –? j'en ai rencontré beaucoup ces derniers mois –? s'en réjouissent ; celui de Belfort m'a confié que sa commune avait dû acheter plus de trente commerces pour éviter qu'ils tombent dans le blanchiment.

M. Fabrice Brun
Tous les territoires sont concernés !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Les préfets pourront aussi se substituer aux bailleurs sociaux et aux bailleurs privés dans les procédures d'expulsion, pour mettre dehors des trafiquants. Ces individus, qui occupent parfois des logements sociaux,…

M. Ugo Bernalicis
Le fameux haut du spectre –? pardon, le haut de la tour !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État
…peuvent pourrir la vie des habitants d'une barre d'immeubles, de toutes les familles vivant dans les logements environnants. Cette possibilité donnée aux préfets permettra de soulager les bailleurs, qui eux-mêmes craignent les représailles.

Enfin, les préfets pourront interdire aux narcoracailles de paraître sur un point de deal ; c'est fondamental pour que ces individus n'occupent pas l'espace public.

Le combat sera très long. Avant de conclure, je voudrais saluer les forces de l'ordre, ainsi que les douanes, madame la ministre. Ces dernières semaines, nous avons atteint des records de saisies. Nous faisons face à un déferlement de poudre blanche et de drogues en tous genres. Les forces de l'ordre, gendarmerie, police et douanes, sont hypermobilisées. Je tiens à leur rendre hommage car elles exercent un métier difficile, face à des criminels très organisés. (Applaudissements sur tous les bancs.) Merci de les applaudir, elles le méritent.

Je suis certain qu'avec ce nouvel arsenal, elles pourront être encore plus efficaces et retrouveront du sens à leur métier.

M. Pierre Cordier
Il faudrait créer des postes de douaniers !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État
Encore une fois, il faudra du temps pour gagner ce combat. Parce que nous avons été capables d'effacer les clivages partisans habituels en nous rassemblant, nous donnerons encore plus de force à la lutte quotidienne sur le terrain. La lutte sera longue, mais je ne doute pas que nous parviendrons à faire reculer la criminalité organisée dans notre beau pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT. –? Mme Brigitte Barèges applaudit également.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Je suis déjà venue plusieurs fois devant vous pour rappeler à quel point la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée est une priorité absolue de ce gouvernement. Le premier ministre en a souligné l'urgence dès sa déclaration de politique générale ; chaque jour, l'actualité nous montre combien la criminalité organisée constitue une menace grave.

Vous connaissez également l'attention que je porte, en tant que ministre des comptes publics, à la situation budgétaire de notre pays. Nous ne pouvons pas tolérer que des recettes fiscales soient perdues et que de l'argent public soit détourné par la criminalité organisée.

Je suis également la ministre en charge des douanes et de plusieurs services de Bercy, peut-être encore moins connus que celles-ci. Leurs agents sont pourtant chaque heure de chaque jour sur le terrain, où ils traquent pied à pied le crime organisé et le blanchiment d'argent. Je pense aux deux centrales de renseignement du premier cercle, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et Tracfin, mais également à la direction générale du Trésor, notre tête de pont en matière de sanction et de lutte contre la criminalité financière internationale.

Le ministère de la justice, le ministère de l'intérieur et tous les services de Bercy ont fait œuvre commune pour que, face à ces criminels, nous n'ayons plus la main qui tremble et que nous disposions de tous les moyens pour lutter contre leurs trafics.

Je tiens à remercier une nouvelle fois les sénateurs à l'initiative de cette proposition de loi et remercier l'ensemble des parlementaires pour la qualité constante des débats, parfois longs. Nous sommes toujours partis des besoins des forces de l'ordre, des besoins du terrain pour concevoir un texte qui, loin de se payer de mots, nous permettra d'agir. D'agir en fonction des besoins des services et de la réalité du terrain, mais aussi de disposer d'un corpus législatif mieux adapté à la menace.

Le travail parlementaire vient encourager et renforcer le travail effectué par les services de Bercy contre les trafics. À Bercy, tandis que services de renseignement informent et que les douaniers saisissent, d'autres luttent contre le blanchiment et les flux financiers illicites. En collaboration avec la police et l'autorité judiciaire, par la saisie et le gel des avoirs, nous empêchons les criminels de s'enrichir et de blanchir le fruit de leurs trafics –? nous faisons en sorte que le crime organisé ne paie pas.

Certaines des mesures que vous allez adopter changeront la donne pour les services financiers et douaniers. Ainsi, le gel administratif des avoirs des narcotrafiquants produira d'importants effets puisqu'il permettra, en complément de l'action judiciaire, de bloquer l'accès au financement et de cibler l'entourage et les structures écrans. L'interdiction faite aux fournisseurs de services sur actifs numériques de proposer des comptes anonymes ou des mixeurs de cryptoactifs permettra d'agir sur ces vecteurs majeurs du blanchiment des revenus issus du narcotrafic. Tracfin aura désormais accès au système d'immatriculation des véhicules (SIV) pour élargir ses enquêtes patrimoniales. La présomption de blanchiment douanier sera étendue pour s'appliquer à des technologies nouvelles, notamment les cryptomonnaies, lorsque celles-ci servent volontairement à opacifier les transactions financières. Enfin, des lanceurs d'alerte pourront désormais, comme actuellement les professionnels agréés, adresser des signalements à Tracfin.

Ces mesures visant à réprimer le blanchiment et à entraver les criminels ont été adoptées par la commission mixte paritaire ; d'autres, qui avaient pourtant fait ici l'objet de très longs débats et suscité un vote unanime, n'ont pas été retenues. J'y vois une incitation à poursuivre notre travail commun. Nous voulions par exemple que la douane puisse accéder largement et de manière continue aux données des opérateurs privés dans les secteurs des transports et de la logistique. Cette mesure est dans le texte, mais elle a été largement atténuée : je souhaite que nous puissions la retravailler, dans le cadre d'un autre texte. Quant à l'autorisation de visites domiciliaires après 21 heures, sur ordonnance du juge des libertés et de la détention, dans des locaux d'habitation en cas de flagrance, et hors flagrance pour les locaux qui ne sont pas à usage d'habitation, elle pourrait être utilement reprise dans un texte dédié.

Je connais votre attachement au travail des douanes et des forces de sécurité intérieure, qui luttent chaque jour contre la criminalité organisée. Désormais, nous devons renforcer la lutte contre la corruption : les criminels ne manquent pas d'argent et peuvent faire pression sur les agents des services pénitentiaires, douaniers et de sécurité ; ils peuvent déstabiliser et fragiliser l'État. Avec Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, nous travaillerons activement pour prévenir la corruption dans les zones portuaires et les administrations : il ne faut laisser aucune place et aucun espace à ceux qui, grâce à l'argent du trafic de stupéfiants, imaginent pouvoir menacer l'État de droit.

Vous pouvez compter sur notre engagement. Je vous remercie d'ores et déjà pour tout le travail que nous avons réalisé ensemble, et d'avance pour celui que nous mènerons prochainement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe LIOT.)


source https://www.assemblee-nationale.fr, le 5 mai 2025