Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAMÉ, nous recevons ce matin la ministre de la Culture. Vos questions et réactions au 01 45 24 7000 et sur l'application de Radio France. Rachida DATI, bonjour.
RACHIDA DATI
Bonjour.
LÉA SALAMÉ
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Et bienvenue sur Inter. Beaucoup de sujets à aborder avec vous ce matin. On parlera des festivals de l'été, de l'audiovisuel public et de votre projet de holding qui fait couler beaucoup d'encre, mais aussi de la situation politique et des municipales qui approchent. Mais commençons par cette annonce qui secoue le monde du cinéma. Donald TRUMP, dimanche dernier, a déclaré vouloir mettre des droits de douane de 100 % sur l'ensemble des films produits hors des États-Unis. Il invoque même un enjeu de sécurité nationale. Alors, à quelques jours de l'ouverture du Festival De Cannes, comment avez-vous reçu cette menace ? Est-ce acceptable de dire ça ? Un film, Monte-Cristo, par exemple, est-il une menace pour la sécurité nationale américaine ?
RACHIDA DATI
Tout d'abord, les mesures annoncées, moi, j'ai regardé, tout ça est assez flou. Et d'ailleurs, ces mesures annoncées, si c'était des mesures de droit de douane ou de rétorsion, elles s'attaqueraient d'abord au cinéma américain. Le cinéma américain est une industrie très rentable pour les États-Unis. Ça s'exporte beaucoup. Et donc, en imposant des mesures au cinéma américain, qui peut tourner à l'extérieur, parce que ça serait plutôt sur les tournages, parce qu'il y avait une ambiguïté tournage, ou sur la billetterie, sur l'économie même du cinéma, il s'exposerait lui-même à des mesures, "de rétorsion". Donc, ça pénaliserait beaucoup plus le cinéma américain, les mesures de rétorsion, que finalement…
LÉA SALAMÉ
Vous ne pensez pas qu'il va le faire ? Vous ne prenez pas les menaces au sérieux ?
RACHIDA DATI
Non, parce que rien n'a été très précis. Eux-mêmes, sur l'administration américaine, tout ça n'est pas très précis. Donc, je pense que ça restera au stade d'annonce, mais ça pénalisera beaucoup plus l'industrie du film américain.
LÉA SALAMÉ
Si jamais c'était plus que des annonces, s'ils le faisaient, il faudrait des mesures de rétorsion sur le cinéma américain ?
RACHIDA DATI
Écoutez, aujourd'hui, le pourcentage de tournages, sur le marché des tournages en France, les tournages américains, c'est 15 %. Donc, ce n'est pas majeur. Et nous, on demeure quand même très attractifs pour le cinéma, quels qu'ils soient d'ailleurs. On est très attractifs par nos mesures, par les dispositifs fiscaux, par la qualité des métiers du cinéma. La FÉMIS ou GOBELIN, on est des leaders. Mais le dispositif fiscal, d'ailleurs amplifié par le Président MACRON, nous avons aussi investi massivement depuis 2022 dans les studios, la création des lieux de tournage, c'est 350 millions d'euros, les studios de tournage. Emilia PEREZ, Substance, ont été intégralement tournés dans des studios en région parisienne. Donc, moi, je ne suis pas inquiète pour notre cinéma, notre industrie du cinéma. Je pense que les Américains le sont beaucoup plus. Et vous parliez du Festival De Cannes, qui est quand même encore la magie du cinéma, où le monde entier vient à ce festival. Les Américains sont très présents, ils seront encore très présents cette année.
LÉA SALAMÉ
Au-delà même de cette annonce, on voit la volonté de Donald TRUMP d'attaquer l'exception culturelle européenne, française. Il a aussi dans son viseur une directive européenne qui impose des quotas de diffusion et de production d'œuvres européennes aux plateformes comme NETFLIX, PRIME ou DISNEY+. En clair, NETFLIX est obligé de produire un certain nombre d'œuvres en France, en Europe, s'ils veulent diffuser chez nous. C'est ça le deal qu'ils ont. Ça, Donald TRUMP n'en veut pas, vous lui dites quoi ? Il va falloir vous habituer ? C'est notre exception culturelle française, c'est comme ça ?
RACHIDA DATI
J'ai un conseil européen des ministres européens la semaine prochaine, mais c'est aussi une volonté du président de la République lors d'un conseil européen des chefs d'État et des chefs de Gouvernement de porter justement une Europe de la culture. Moi, qu'est-ce qui m'a motivée pour mettre à l'ordre du jour une Europe de la culture ? C'est un facteur civilisationnel. On a une exception culturelle française, d'ailleurs, qui est très enviée au niveau européen. Nous, on est un modèle de culture pour les autres pays européens. Sur le cinéma, nous sommes une exception culturelle française. Sur le droit d'auteur, nous sommes une exception culturelle française. Dans l'édition, le cinéma, le spectacle vivant, nous sommes des exceptions culturelles françaises. Cette exception culturelle française, qu'on érige…
LÉA SALAMÉ
Il faut avoir les moyens de la garder.
RACHIDA DATI
Bien sûr, le droit d'auteur, ça a été un combat. J'étais parlementaire européen et je n'étais pas dans les commissions concernées, mais on a voté massivement, en tout cas la France avec d'autres pays, pour préserver ces exceptions culturelles. Si je prends le cinéma, on est le pays fondateur du cinéma, et donc, nous allons maintenir, avoir un combat pour, évidemment, défendre ces valeurs européennes de la culture. Je vais vous dire pourquoi j'ai eu cette idée de le mettre à l'ordre du jour. C'est au moment des débats, tout le monde parle de souveraineté industrielle, économique. Et avec la question ukrainienne, avec le conflit israélo-palestinien, d'avoir une souveraineté industrielle, notamment militaire.
LÉA SALAMÉ
Il faut parler de souveraineté culturelle aussi, c'est ça ?
RACHIDA DATI
D'ailleurs, le président de BPI disait : "On aura un produit BPI défense". Et là, nous sommes en train d'élaborer un produit BPI culture. Justement pour que nous ayons un fonds culturel de sauvegarde de notre exception culturelle française.
NICOLAS DEMORAND
Un mot sur les plateformes qui font pression pour contester ce qu'on appelle la chronologie des médias, qui régit le calendrier de diffusion des films sortis au cinéma. PRIME VIDEO, AMAZON, a déposé un recours devant le Conseil d'État pour dénoncer le cadre actuel qui l'oblige à attendre 17 mois — c'est 15 mois pour NETFLIX — pour diffuser un film après son lancement en salle. Les deux plateformes américaines veulent un délai raccourci à 12 mois. Que leur répondez-vous, Rachida DATI ? C'est une demande légitime ou c'est non ?
RACHIDA DATI
D'abord, c'est très technique ce que vous dites, ça intéresse effectivement des professionnels. Mais c'est quoi en clair, ça veut dire quoi ? Aujourd'hui, les films dans les cinémas, dans les salles, ne peuvent pas être diffusés sur un autre support avant quatre mois. Donc quatre mois, c'est le cinéma, et après, on passe sur d'autres supports de diffusion. Et pour déterminer le calendrier dont vous parliez, c'est un accord interprofessionnel. L'État n'a pas la main. C'est vraiment entre les diffuseurs et les producteurs que se décide ce calendrier. Et en fait, cet accord interprofessionnel pourrait être le premier de la liste pour pouvoir diffuser. Parce que le premier de la liste, il peut diffuser ceux des autres en étant évidemment rémunéré. Donc aujourd'hui, ce calendrier, il est déterminé entre diffuseurs et producteurs. Et donc, entre diffuseurs et producteurs, représentatifs de la profession. Le recours dont vous parliez, c'est sur la notion de représentativité. Pourquoi ? Parce que vous êtes le premier de la liste en fonction du pourcentage de votre chiffre d'affaires investi dans le cinéma. Je vous donne un exemple. Moi, je peux comprendre la logique. Je suis CANAL+, c'est le premier. J'investis beaucoup d'argent dans le cinéma. C'est un pourcentage de mon chiffre d'affaires. Et je suis une autre plateforme. Comme c'est le pourcentage le plus important, si mon chiffre d'affaires est de 3 euros et j'investis 1,50 euro, en pourcentage de mon chiffre d'affaires, c'est beaucoup. Donc, je peux être deuxième. Et si je suis en chiffre d'affaires à dix milliards, mais j'investis cent millions, c'est très petit en pourcentage sur mon chiffre d'affaires, mais je ne serai pas le premier sur la liste. Donc, c'est la notion de représentativité, c'est technique, mais c'est vous qui m'avez amené à ça.
LÉA SALAMÉ
C'est technique, mais c'est intéressant aussi et c'est important.
RACHIDA DATI
Non mais, parce que je vous vois en stress.
LÉA SALAMÉ
Absolument, parce que nous avons beaucoup de questions à vous poser, notamment sur les budgets de la culture. Est-ce qu'ils vont être en baisse ? Vu le contexte des finances publiques, on a plusieurs questions à vous poser sur ça. Mais l'audiovisuel public, la dernière fois que vous êtes venue à ce micro, il y a quelques mois, Rachida DATI, vous nous annonciez votre détermination à aller vite sur la réforme de l'audiovisuel public que vous portez, texte que vous défendiez, dont vous étiez sûre du bien-fondé. Vous avez dit : "Vous allez voir ce que vous allez voir, je vais y aller, je vais le faire, et très vite." Vous vouliez une holding, un an et demi après, est-ce que le projet n'est pas ensablé ? Y avez-vous renoncé ?
RACHIDA DATI
Non, d'abord, il n'y renoncer sûrement pas. La détermination du président de la République et du Premier ministre est intacte, oui, également. Donc là, le texte sera, puisque nous sommes en train d'examiner le calendrier parlementaire, sans doute en juin, mais je suis déterminée sur cette réforme. D'abord, cette réforme de l'audiovisuel public part de plusieurs constats. Le premier, c'est que vous avez de plus en plus de groupes privés qui se constituent, qui se structurent, et qui peuvent être aussi des enjeux d'influence. Donc c'est important que l'audiovisuel public soit préservé et protégé. Et vous le savez bien, aussi bien vous, Léa SALAMÉ, que Nicolas DEMORAND, c'est un service public de l'audiovisuel que j'ai toujours défendu, même bien avant d'être ministre de la Culture. Non, non, mais attendez, je peux juste terminer. Parce que là, vous pouvez aussi dire… Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, les audiences…
LÉA SALAMÉ
Sont bonnes.
RACHIDA DATI
Oui, mais chez qui ?
LÉA SALAMÉ
À France Télé, à Radio France, elles sont très bonnes.
RACHIDA DATI
D'accord, chez qui ? Vous avez les détails ou pas ?
LÉA SALAMÉ
Oui, on a les détails, France Inter…
RACHIDA DATI
D'accord, non mais, Plus les jeunes, plus les classes populaires. Ça devient un club, c'est CSP+, et plus âgés. C'est une réalité. C'est comme ça. Et donc l'audiovisuel public, pour moi, je considère que c'est un service public qui doit s'adresser à tout le monde et sur tout le territoire. Le troisième aspect, c'est les plateformes. Bon, on a de plus en plus, évidemment, de sujets avec les plateformes et avec les télés connectées. Vous avez allumé votre télé, avant vous allumiez votre télé, vous étiez sur la 1, la 2, la 3…
NICOLAS DEMORAND
Oui, maintenant il y a NETFLIX ou d'autres…
RACHIDA DATI
Vous avez des plateformes. Et donc, vous vous dirigez directement sur des plateformes. Et donc, il faut pouvoir résister à ces plateformes par des investissements massifs, mais une gouvernance unique, une stratégie convergente et puissante. Voilà l'objectif de cette…
LÉA SALAMÉ
Qu'est-ce que ça va changer ? On a du mal à comprendre.
RACHIDA DATI
Ce que ça va changer, déjà, que ça ne soit plus pour un club.
LÉA SALAMÉ
Mais ce n'est pas un club. Vous savez, par exemple, FRANCE INTER, c'est la troisième radio chez les moins de 35 ans. Il y a de plus en plus de jeunes de moins de 35 ans qui écoutent Inter.
RACHIDA DATI
Non, sur la jeunesse, il y a un désintérêt.
LÉA SALAMÉ
Je parle des moins de 35 ans.
RACHIDA DATI
Et sur la classe populaire, ça vous intéresse ou pas ?
LÉA SALAMÉ
Bien sûr que ça m'intéresse. Il y a de plus en plus de gens…
RACHIDA DATI
Non, pas de classe populaire. Madame SALAMÉ, les études sont claires. Ne me dites pas sur quoi vous vous fondez.
LÉA SALAMÉ
Je vous assure, pour Inter, c'est la première radio dans les zones populaires.
RACHIDA DATI
Pas sur les classes populaires et pas sur les jeunes, et puis sur les audiences. Moi, je veux vous dire, vous avez un petit avantage compétitif, vous avez plus de fréquences. D'ailleurs, je les signe…
NICOLAS DEMORAND
Ce n'est que ça ?
RACHIDA DATI
Non, ce n'est pas que ça. Je dis, c'est entre autres ça. Donc, il faut être aussi dans la transparence des arguments. Et donc, moi, je rencontre les journalistes, les syndicats, les représentants, je reçois tout le monde à mon bureau sur cette réforme. Elle commence à faire consensus malgré aussi la caricature qu'on en fait. Votre présidente, moi, Sibyle VEIL, je l'ai eue au téléphone, elle est dans le couloir, ça va peut-être lui faire de la peine que je le dise, je l'ai appelée, parce qu'il faut arrêter de caricaturer cette réforme en disant que c'est une réforme d'extrême droite. Voilà la manière dont Madame VEIL présente la réforme que je porte pour tous les Français et sur tout le territoire national. Cette réforme, sinon, ce service de l'audiovisuel public sera affaibli. Nous sommes une anomalie en Europe. L'audiovisuel public en Europe, ils sont tous regroupés, justement, pour pouvoir être pluralistes, pour s'adresser à tout le monde et sur tout le territoire et pas uniquement s'informer.
LÉA SALAMÉ
Sibyle VEIL, la présidente, puisque vous en parlez, elle relaie aussi des inquiétudes qui sont ceux du personnel de radio. Il faut convaincre. Ils ont peur d'être dilués dans un mastodonte avec des métiers qui sont différents.
RACHIDA DATI
Ils ne seront pas dilué. Les identités des entités seront préservées. N'ayez pas peur, Madame SALAMÉ, France Inter va continuer d'exister en tant que telle. C'est une présidence unique, avec un CA unique et des directeurs délégués qui seront patrons de France Inter, patrons de France Culture, comme ça l'est aujourd'hui.
LÉA SALAMÉ
Il y aura un grand patron de la holding, comment ça sera ?
RACHIDA DATI
Parce qu'il lui faudra une stratégie unique, puissante, pour pouvoir, justement, investir massivement pour contrer les plateformes, les grands groupes privés qui se structurent, qui se constituent et qui, évidemment, bouleversent et impactent aussi la qualité de l'information. Vous luttez contre les fakes news, je pense. Vous luttez contre l'information par les réseaux sociaux où on peut avoir tout et n'importe quoi et souvent, beaucoup n'importe quoi. Et donc, il faut préserver et pérenniser ce service public de l'audiovisuel. Voilà mon combat.
NICOLAS DEMORAND
Mais vous pensez qu'une holding France Médias va suffire à résoudre les problèmes que vous venez de décrire, vieillissement des audiences, problèmes sociaux, que soudainement les jeunes vont se ruer sur les médias traditionnels ?
RACHIDA DATI
Non. Mais parce qu'il faut avoir… Aujourd'hui, les plateformes numériques, elles ne se parlent pas. Elles ne sont pas connectées dans l'audiovisuel public. Entre France Info, France Inter, France Culture, France Télé, ça n'est pas connecté. Ils ne sont pas connectés. Il faudra, à un moment donné, avoir une stratégie convergente pour sauver ce service public de l'audiovisuel. Moi, ce qui m'intéresse, ce n'est pas l'avenir de madame VEIL. Ce qui m'intéresse, c'est l'avenir du service public de l'audiovisuel, les métiers, préserver ces métiers, préserver la qualité de l'information, préserver la qualité des émissions. Moi, je suis une auditrice, c'est vrai, je suis devenue CSP+. Et effectivement, pour pouvoir accéder, ce n'est pas si simple, ce n'est pas si accessible. Je vous le dis. Je le teste. Et je vois des gens aussi de chez vous. J'entends les craintes, et ce sont des craintes légitimes dans un monde qui est en fort bouleversement, en fort transformation, et en très forte émission.
LÉA SALAMÉ
Il y aura un grand patron de la télé et de la radio, c'est ça, ou une grande patronne ?
RACHIDA DATI
Il y aura, c'est une holding, ce qu'on appelle exécutive, c'est-à-dire, c'est une gouvernance unique. Il y a un grand patron, un grand conseil d'administration, et puis vous aurez les CA.
LÉA SALAMÉ
Ce sera quand ?
RACHIDA DATI
Et vous aurez des conseils d'administration.
NICOLAS DEMORAND
Les branches après, c'est ça ?
RACHIDA DATI
Non. Mais vous aurez des conseils d'administration. Les entreprises qui existent, de radio, existeront toujours.
LÉA SALAMÉ
Ce sera quand ?
RACHIDA DATI
Il n'y aura pas, j'allais dire, de dissolution, de disparition des entités. Elles garderont… Les entités existeront toujours, leurs identités également.
LÉA SALAMÉ
Ça sera quand, Rachida DATI ?
RACHIDA DATI
Normalement, la discussion, on est sur un calendrier parlementaire, juin.
LÉA SALAMÉ
Juin, ça va à l'Assemblée nationale.
RACHIDA DATI
Oui.
LÉA SALAMÉ
Vous avez la date.
RACHIDA DATI
Oui. Là, on est… justement, on était en train de discuter cette semaine.
NICOLAS DEMORAND
Et vous n'avez pas peur de créer un mammouth ?
RACHIDA DATI
Non, mais attendez…
NICOLAS DEMORAND
Non, mais je vous pose simplement la question.
RACHIDA DATI
Oui, et moi je vous réponds simplement.
NICOLAS DEMORAND
Parce qu'il y a quand même beaucoup de monde, beaucoup de chaînes, beaucoup de métiers.
RACHIDA DATI
Je suis d'accord. Justement. Il y a des métiers qui vont évoluer. Il y a de la transformation qui va survenir. Le numérique va prendre toute sa place. Aujourd'hui, on n'est pas au niveau pour le numérique sur l'audiovisuel public. Et regardez ce qu'il se passe en Europe. Sur 27 pays, ça doit être 25 ou 26, l'audiovisuel public a été regroupé. Et quelles que soient les sensibilités politiques, là ce n'est pas un enjeu politique, partisan, politicien. Il faut arrêter de caricaturer. C'est pour ça que je me suis autorisée à vous dire que j'ai appelé la présidente pour lui dire : "Arrêtez de caricaturer". Moi mes combats, quand je les porte, je les porte en transparence et je les porte en égalité des armes. Il n'y a pas d'agenda caché. Il y a une volonté de sauver ce service public de l'audiovisuel qui a permis à des gens comme moi d'être à votre micro ce matin et de continuer de vous pouvoir écouter. Mais j'ai évolué socialement et je regrette que le petit poste de radio qu'on écoutait sur des chantiers quand mon père était maçon, et ben aujourd'hui peut-être que le maçon n'écoute pas France Inter. C'est ça que je regrette.
LÉA SALAMÉ
Un mot sur le budget de la culture qui a subi cette année des coups de rabots. Lors des Molières le 28 avril dernier, vous avez été prise à partie sur les 100 millions d'euros de moins de crédits par Bercy pour le ministère de la Culture. En réalité c'est 110 millions de moins avec une coupe de 47 millions pour le spectacle vivant, les arts visuels, 41 millions pour le patrimoine, 10 millions pour le livre. Même Rachida DATI n'a pas pu empêcher ces coupes.
RACHIDA DATI
Ah ! Ben dites donc, vous êtes apte à devenir ministre de la Culture. Vous avez des chiffres que je n'ai pas.
LÉA SALAMÉ
Alors c'est publié au journal officiel le 25 avril dernier. La Culture, comme la plupart des autres ministères, a eu des coupes.
RACHIDA DATI
D'accord. Il n'y a pas eu de coupe budgétaire au ministère de la Culture. Je le redis. Vous rappelez la cérémonie des Molières. Moi je vais vous dire ce que j'en pense. Ce jeu politico-mondain de vouloir se taper, se payer le ministre de la Culture quelle que soit l'étiquette, c'est carrément donner… et puis sans débat contradictoire, les mêmes qui donnent des leçons de morale en disant : "L'abaissement du débat public, évidemment la lutte contre les fausses informations", eux-mêmes diffusent des fausses informations et eux-mêmes abaissent le débat public en s'attaquant au ministre de la Culture quel qu'il soit. Le ministre de la Culture, quelle que soit sa couleur politique, quel est son rôle ? C'est de soutenir le ministère de la Culture et la Culture. Je vais vous dire. Je vais vous donner des choses très simples.
LÉA SALAMÉ
Mais vous avez raison.
RACHIDA DATI
Je vous réponds.
LÉA SALAMÉ
Mais là, les millions en moins, ils sont là ou non ?
RACHIDA DATI
Il n'y a pas de millions en moins. Il suffit de regarder. Regardez le budget qui a été adopté. Moi je vais vous dire. Depuis qu'Emmanuel MACRON est Président, il finira son mandat, vous savez combien de plus sur le budget du ministère de la Culture, sur son mandat ? C'est presque 2 milliards d'euros de plus sur le budget du ministère de la Culture. Sur le budget 2025, le budget 2024, le budget 2025 et on prépare 2026, il n'y a pas eu de baisse, il y a eu une augmentation. Spectacle vivant, quel est le budget du spectacle vivant ? Vous avez des chiffres.
LÉA SALAMÉ
Je n'ai pas le chiffre.
RACHIDA DATI
Et ben le chiffre, c'est 1.04 milliards.
LÉA SALAMÉ
Je lis qu'il y a 47 millions de moins pour le spectacle vivant.
RACHIDA DATI
Non. Il n'y a pas 1 euro de moins dans les territoires pour le spectacle vivant.
LÉA SALAMÉ
Et alors pourquoi c'est écrit dans le journal officiel ?
RACHIDA DATI
Je vous dis, il n'y a pas 1 euro de moins pour le spectacle vivant sur les territoires. Attendez. Les Français, c'est aussi un peu leur argent. Le spectacle vivant, la création artistique, c'est 1.04 milliards. Sans cesse en hausse. Et si vous prenez le chiffre, parce que vous avez des chiffres, moi, je vais vous donner aussi des chiffres. Le spectacle vivant dans la partie marchande, entre 2019 et 2024, plus 37 % de hausse. Les arts visuels, plus de 41 % de hausse. Et puis, sur toutes ces hausses, je vais vous dire, depuis que je suis ministre de la Culture, le budget, effectivement, il devait y avoir des coupes. Il n'y en a pas eu. Il n'y a pas eu de coupe. Je devais faire un fonds d'urgence. Avec les syndicats, j'ai obtenu que le fonds d'urgence n'existe pas, qu'on puisse doter, que ce soit une dotation, donc une augmentation. Attendez. Je termine là-dessus, parce que c'est important. C'est bien d'écouter le gars-là qui fait le malin sur la scène du Molière, ou l'actrice sur 12 centimètres de talons à semelle rouge qui me donne des leçons sur la précarité et les inégalités. Je passe mon tour. Les outrances, je n'y réponds pas. Moi, je suis factuelle. Depuis que je suis ministre de la Culture, le budget du spectacle vivant a augmenté. L'éducation artistique et culturelle, on a investi. La médiation, j'ai investi. Je vais vous dire sur la médiation culturelle. Pendant 40 ans, les acteurs de l'éducation populaire n'ont jamais été reçus au ministère de la Culture. Je les ai reçus parce que l'accès à la culture, vous ne pouvez pas y accéder s'il n'y a pas de médiation. L'accès à la lecture, les bibliothèques, les médiathèques, le spectacle vivant…
LÉA SALAMÉ
On sent que ça vous émeut cette question en tout cas.
RACHIDA DATI
Tout ça, le plan fanfare. Vous savez, les fanfares, c'est un élément d'identité française. Ça n'a jamais autant prospéré. Le plan cabaret, ça sera pareil. Non mais là-dessus, je vous réponds. Voilà.
LÉA SALAMÉ
2026, il y a un budget qui est en préparation. Le ministre de l'Économie veut 40 milliards d'économies. Le budget de la culture sera-t-il mis à contribution ?
RACHIDA DATI
Tout le monde va être mis à contribution.
LÉA SALAMÉ
Donc il y aura une baisse là.
RACHIDA DATI
Est-ce que contribution, ça veut dire baisse ?
LÉA SALAMÉ
D'une certaine manière, oui.
RACHIDA DATI
Ben non. Voilà. Donc moi, je me bats pour ça. Je n'ai pas eu de baisse l'année dernière alors qu'on était partis sur 200 ou 300 millions, et il n'y a pas eu de baisse. Il y a eu une hausse. Vous l'avez entendu là, madame SALAMÉ ? Une hausse.
LÉA SALAMÉ
On entend.
RACHIDA DATI
Voilà.
LÉA SALAMÉ
On va vérifier.
RACHIDA DATI
Le budget du ministère de la Culture, c'est 4 milliards audiovisuel public. 4 milliards pour le reste. La création artistique, 1,04 milliard. Je vais le répéter et je vais le répéter et je vais le répéter. Avec moi, il n'y a pas eu de baisse. C'est vrai que peut-être, je n'ai pas mis dans les mondanités, j'ai mis sur l'accès à la culture, sur la culture populaire. La culture, le plan ruralité, j'ai mis… jamais aucun ministre de la Culture a autant mis sur la culture en ruralité comme je l'ai fait. Sur le patrimoine, ça a été ma priorité.
LÉA SALAMÉ
Très dure à convaincre !
RACHIDA DATI
Non. Voilà.
NICOLAS DEMORAND
À couper !
LÉA SALAMÉ
À couper. Jamais vu ça.
NICOLAS DEMORAND
Rachida DATI…
RACHIDA DATI
Non. Le patrimoine, vous avez dit que ça a baissé. 300 millions d'euros de plus…
LÉA SALAMÉ
Bon écoutez, on va voir avec le journal officiel. Promis. On regarde.
RACHIDA DATI
Ah oui. D'accord. Non. Donc ce que je dis est faux.
LÉA SALAMÉ
Enfin, on regarde. On va vérifier.
RACHIDA DATI
Alors, vous croyez le gars qui fait le malin sur une scène ?
LÉA SALAMÉ
Mais je ne crois pas le gars. J'ai… le journal officiel.
RACHIDA DATI
Vous croyez la fille qui est perchée, qui vient me raconter qu'il y a des baisses et qu'il y a de la précarité, chose qu'elle n'a jamais connue de sa vie ? Et vous ne me croyez pas… que je vous indique ?
LÉA SALAMÉ
Est-ce qu'on peut vous poser une question sur Boualem SANSAL ?
RACHIDA DATI
Le budget de la culture n'a pas baissé. Il est en hausse.
NICOLAS DEMORAND
Sur Boualem SANSAL, sur l'Algérie qui a lancé deux mandats d'arrêt internationaux contre l'écrivain franco-algérien Kamel DAOUD. Ça, c'est l'information de la nuit. Boualem SANSAL, quant à lui, est toujours en prison depuis six mois. Est-ce que vous parleriez d'un acharnement du gouvernement algérien entre ces écrivains ?
RACHIDA DATI
Boualem SANSAL, sa place n'est pas en prison. C'est un écrivain. C'est un homme âgé. Il est malade. Sa place n'est pas en prison. Donc ça, nous l'avons toujours dit. Et c'est d'ailleurs toutes les démarches et les échanges qu'on peut avoir, évidemment, avec l'Algérie. S'agissant de Kamel DAOUD, de la même manière. Moi, je regrette que l'Algérie, qui est quand même un grand pays, qui est un pays où la culture, la littérature, les artistes sont à foison, c'est un pays éminemment culturel, je regrette que le signal qu'il soit donné, c'est de s'attaquer à ces écrivains. C'est dommage. Moi, je le regrette. Je vous le dis.
LÉA SALAMÉ
Vous le regrettez, mais comment c'est possible ? C'est vrai qu'on tente la fermeté avec le régime algérien, on tente la négociation avec le régime algérien et on n'obtient pas.
RACHIDA DATI
Mais on ne peut pas tourner le dos aux Algériens et à l'Algérie. Moi, je n'y crois pas. On ne peut pas leur tourner le dos. Et moi, je pense qu'on peut être dans la fermeté sans être dans la menace.
LÉA SALAMÉ
Une toute petite dernière question, parce que c'est l'actualité politique. Il paraît que vous avez repris votre carte chez LR.
RACHIDA DATI
Si, pour vous…
LÉA SALAMÉ
Non mais c'est une question. Vous l'avez reprise ou pas ?
RACHIDA DATI
Je n'ai jamais été exclue des LR. Donc j'ai renouvelé une à 18 ans.
LÉA SALAMÉ
Donc vous allez voter dans 10 jours.
RACHIDA DATI
Oui. Alors ?
LÉA SALAMÉ
Ben qui ? Laurent WAUQUIEZ ?
RACHIDA DATI
C'est un vote interne.
LÉA SALAMÉ
Bruno RETAILLEAU ?
RACHIDA DATI
C'est un vote interne.
LÉA SALAMÉ
Ah ben… vous savez.
RACHIDA DATI
Et mon amitié avec Laurent WAUQUIEZ depuis très longtemps. Il m'a toujours soutenue. Et je me suis toujours bien entendue aussi avec Bruno RETAILLEAU. Mais c'est un vote interne qui concerne le fonctionnement d'un parti qui a repris des couleurs.
LÉA SALAMÉ
Et donc ?
RACHIDA DATI
Ben voilà.
LÉA SALAMÉ
Vous ne voulez pas dire pour qui vous allez voter ?
RACHIDA DATI
Il reste combien de temps là ?
LÉA SALAMÉ
On prend le temps.
RACHIDA DATI
Vous disiez tout à l'heure, vous étiez pressés, qu'il y avait beaucoup de sujets. Next.
LÉA SALAMÉ
Anne HIDALGO, votre meilleure ennemie part dans quelques mois. Vous lui souhaitez quoi ?
RACHIDA DATI
Ben écoutez, ce n'est pas encore fait.
LÉA SALAMÉ
Vous pensez qu'elle va rester encore ?
RACHIDA DATI
Je ne sais pas, je n'en sais rien. Je ne connais pas sa vie.
LÉA SALAMÉ
En tout cas, vous irez, vous.
RACHIDA DATI
Vous connaissez ma détermination ?
LÉA SALAMÉ
Ben oui, Paris, c'est tout pour vous, non ?
RACHIDA DATI
C'est beaucoup.
NICOLAS DEMORAND
Merci.
LÉA SALAMÉ
Un dernier mot.
RACHIDA DATI
Ah, c'est fini ?
LÉA SALAMÉ
Oui, c'est fini.
RACHIDA DATI
Il n'y a pas les auditeurs ?
NICOLAS DEMORAND
Ah ben non, on a…
RACHIDA DATI
Ah bon !
LÉA SALAMÉ
Toutes les questions et vos réponses…
RACHIDA DATI
C'est vous !
LÉA SALAMÉ
Oui. C'est nous, oui. Un mot sur les révélations de Libération sur les bijoux. 400 000 euros oubliés. Vous avez régularisé
RACHIDA DATI
Ça ne vous a pas échappé que Laurent LEGER est un intime de madame HIDALGO, que Libération est subventionnée par la mairie de Paris… une vingtaine d'articles… Ils publient un article. Maintenant, je suis habituée, je dépose plainte. Donc voilà. Là, il y a un petit…
LÉA SALAMÉ
Vous avez régularisé ?
RACHIDA DATI
Vous savez, moi, je veux dire, je n'ai rien à régulariser. Je n'ai jamais été prise en défaut sur aucune déclaration. Donc ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer.
LÉA SALAMÉ
Merci Rachida DATI.
NICOLAS DEMORAND
Merci Rachida Dati d'avoir été à notre micro ce matin. Il est 8h49 déjà.
RACHIDA DATI
Déjà ?
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mai 2025