Texte intégral
DJAMEL MAZI
7h41 sur Franceinfo. Si vous nous rejoignez, c'est l'heure de l'invité politique d'Alix BOUILHAGUET. Vous recevez ce matin Catherine VAUTRIN, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. Bonjour.
CATHERINE VAUTRIN
Bonjour.
DJAMEL MAZI
Merci d'être avec nous ce matin sur Franceinfo.
ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Catherine VAUTRIN.
CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Alix BOUILHAGUET.
ALIX BOUILHAGUET
Hier soir, Emmanuel MACRON a annoncé vouloir consulter les Français. Alors, il a évoqué un référendum à choix multiple dans différents domaines, institutionnels, économique, social, éducatif. Alors, c'est quand même extrêmement large, très peu précis, très vague. Ça va se traduire comment et quelle échéance ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais vous l'avez vu, le président de la République hier soir a voulu échanger avec les Français pour finalement parler de huit ans d'action, montrer combien le Gouvernement était évidemment totalement engagé, montrer aussi combien la situation a changé quand on regarde la France de 2017 et la France de 2025, dans un monde qui connaît un bouleversement absolument incroyable. Alors, évidemment, les référendums concernent plutôt la politique intérieure de notre pays. Et un des éléments qui a été évoqué, qui est un sujet très important, qui est celui de la fin de vie. Vous le savez, nous avons commencé à examiner le texte lundi à l'Assemblée nationale. Et ce qu'a d'abord dit le Président, c'est qu'on commence par le Parlement et si blocage, référendum.
ALIX BOUILHAGUET
Et c'est effectivement ce qu'il dit. Le référendum pourrait être une voie en cas de blocage. Est-ce que ce n'est pas une manière de mettre finalement la pression sur le Parlement, de passer outre une éventuelle opposition ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors vous savez, je crois que ce n'est pas passer outre une éventuelle opposition, puisque quand on fait un référendum, on demande aux Français leur avis. Mais je crois que ce qui est très important, c'est que la Convention citoyenne a eu lieu en 2023. Nous avions commencé à travailler en 2024. La dissolution a interrompu la discussion. Nous la reprenons. Très honnêtement, nous sommes au deuxième jour. Les choses se passent dans un esprit extrêmement constructif. Et donc ce que j'espère, c'est que nous allons continuer comme ça. Dans ces cas-là, bien évidemment, nous allons dérouler le texte d'abord à l'Assemblée, puis au Sénat. Et vous savez, il y a quatre lectures. Mais il faut également que nous pensions à toutes celles et ceux qui attendent, celles et ceux qui ont des souffrances réfractaires, qui aujourd'hui espèrent que notre pays va faire évoluer sa législation.
ALIX BOUILHAGUET
C'est effectivement l'objet du débat. Mais que pourrait penser une Assemblée nationale ou un Sénat qui voterait contre, finalement, cette aide active à mourir, et puis à qui on dirait : "Ben écoutez, vous avez discuté pendant des mois et des mois, puis à l'arrivée, on passe outre en lien avec les Français directement ?"
CATHERINE VAUTRIN
Mais vous avez bien entendu que dans ce qu'a dit le président de la République, il a bien dit : "En cas d'enlisement", ce qui veut dire qu'à ce moment-là, il ne serait pas question de revenir sur un texte déjà voté, mais sur un texte en cours de discussion, puisque par définition, notre organisation constitutionnelle fait que nous sortirons de l'Assemblée avec un texte issu de la première lecture, qui sera ensuite modifié par le Sénat, qui reviendra à l'Assemblée, qui ira au Sénat. Ça, c'est le chemin normal. S'il devait y avoir référendum, c'est si, par exemple, après la première lecture au Sénat, c'est-à-dire qu'on ait eu Assemblée-Sénat, il y ait un blocage et qu'on n'arrive pas à aller au bout du texte. C'est ça, le sujet.
ALIX BOUILHAGUET
D'accord. Et ça, ça serait quelle échéance ?
CATHERINE VAUTRIN
Écoutez, à ce stade, difficile à dire, puisque le texte est inscrit toute cette semaine, toute la semaine prochaine. Donc on peut estimer que fin mai, nous serons sortis de l'Assemblée nationale. À partir de là, ce qu'il faut, c'est que le Sénat inscrive le texte.
ALIX BOUILHAGUET
Donc cet automne.
CATHERINE VAUTRIN
Probablement cet automne. Vous avez tout à fait raison. À partir de là, tout dépend de la date de l'inscription, de la fin de la discussion au Sénat pour qu'ensuite, le texte soit réinscrit à l'Assemblée nationale, puis de nouveau au Sénat.
ALIX BOUILHAGUET
Donc ça veut dire qu'un référendum, s'il devait y avoir référendum, ce ne serait pas avant une année ?
CATHERINE VAUTRIN
A priori. Ce n'est pas à moi de donner des dates. Mais on peut imaginer que ça ne serait probablement pas avant en tout cas 26. Sur ce sujet. Je reste sur ce sujet.
ALIX BOUILHAGUET
Emmanuel MACRON souhaite aussi ouvrir une conférence sociale sur le mode de financement de notre modèle social et mener en parallèle une réflexion sur l'évolution du travail. Alors, hier soir, il n'a pas apporté beaucoup de précisions. Est-ce que vous, vous en avez, notamment sur cette conférence sociale ? Comment là encore, de manière très concrète, ça va se traduire ? Dès demain, les partenaires sociaux, tout le monde va se mettre autour de la table ?
CATHERINE VAUTRIN
On va très vite. C'est un champ dont j'ai la responsabilité. Et très vite, oui, nous allons travailler avec les partenaires sociaux. Pourquoi ? Parce que nous avons un rendez-vous. Au mois d'octobre, notre modèle de sécurité sociale aura 80 ans. Ce modèle de sécurité sociale, il représente 650 milliards d'euros. Et il a un déficit de 22 milliards. Et si je remets ça à l'échelle du budget d'un ménage, vous avez vu qu'hier, le président de la République a expliqué ce que l'on faisait comme dépense publique sur 1 000 euros. Eh bien sur 1 000 euros, il y a aujourd'hui 253 euros pour les retraites. Il y a 201 euros pour la santé. Et il y a 107 euros pour la dette de la protection sociale. Donc on voit que déjà là, on est presque déjà à 600 euros sur 1 000 exclusivement sur notre modèle social. Et ce modèle social, et c'est ça tout le sujet, tel qu'il a été conçu il y a 80 ans, il est porté par les seuls actifs. C'est-à-dire que ce sont celles et ceux qui travaillent qui financent les cinq branches de la sécurité sociale.
ALIX BOUILHAGUET
Donc volonté de remettre à plat ce modèle social. Concrètement, ces discussions avec les organisations patronales et syndicales, est-ce qu'il y a déjà un calendrier ? Est-ce qu'on se dit : "Ben le mois prochain, dans 15 jours, dans trois mois, il y aura un nouveau conclave cette fois-ci sur le modèle social ?"
CATHERINE VAUTRIN
Alors je ne sais pas s'il s'agira d'un conclave. Moi, je prends le contact évidemment avec l'ensemble des partenaires sociaux. Mais vous savez que sur la partie déjà retraite, il faut déjà que le sujet sur les retraites se termine. Nous rencontrons avec Astrid…
ALIX BOUILHAGUET
Normalement, c'est début juin.
CATHERINE VAUTRIN
Alors nous rencontrons ce matin avec Astrid PANOSYAN-BOUVET les parlementaires pour leur rendre compte du travail qui est mené avec Jean-Jacques MARETTE, que je salue, qui est la personne qui coordonne ce conclave. Ils vont travailler jusqu'à la fin du mois de juin. Donc dans la foulée, il faut effectivement qu'on s'organise sur quelque chose de beaucoup plus large, parce que finalement, la question, c'est les cinq branches auxquelles les Français sont incontestablement attachés, comment est-ce qu'on les finance ? Est-ce que le travail finance tout ? Sinon, comment faisons-nous ?
ALIX BOUILHAGUET
Alors on va rentrer dans le détail. Emmanuel MACRON, à l'entendre hier soir, estime que le modèle social se finance trop donc par le travail et pas assez par la consommation. Est-ce que ça veut dire qu'Emmanuel MACRON souhaite supprimer tout ou partie des cotisations sur les salaires et compenser finalement ce manque à gagner par une hausse de la TVA ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors vous vous imaginez que tout supprimer serait juste impossible, eu égard évidemment aux sommes que nous avons évoquées. Quand vous écoutez les partenaires sociaux, les partenaires sociaux disent : "Il y a des choses qui sont totalement liées au travail". Je prends l'exemple des retraites, je prends l'exemple des accidents du travail, des maladies professionnelles. Il y a des questions, par exemple, qui ont été soulevées par certains partenaires sociaux sur le sujet, par exemple, de la politique familiale. Est-ce que c'est le travail qui exclusivement doit financer la politique familiale ? Je dis bien qu'à ce stade, rien n'est absolument discuté, puisque ce sont des choses qu'on a entendues de la part des partenaires sociaux qui n'ont pas fait l'objet de discussions et j'oserais même dire d'instructions au sens économique du terme. Après, le président de la République a insisté sur un autre élément qui est l'élément de la productivité et du travail, c'est-à-dire qu'un de nos sujets, c'est que nous avons moins d'actifs que nous en avions il y a 80 ans. Et donc toute notre difficulté, c'est qu'on a aujourd'hui un taux d'emploi, c'est-à-dire le nombre de gens qui travaillent par rapport au nombre de gens qui pourraient travailler, chez les jeunes comme chez les seniors, qui est faible. Plus nous augmentons le taux d'activité des jeunes et des seniors, plus nous retrouvons une marge de financement.
ALIX BOUILHAGUET
Mais pour le dire plus clairement, est-ce qu'aujourd'hui, c'est le retour de la TVA sociale ? C'est la vieille marotte, ça a commencé avec Nicolas SARKOZY. Est-ce qu'aujourd'hui, vous pouvez nous dire : "Ben oui, c'est une question qui est posée" ?
CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, il y a des sujets qui tournent tous les jours. L'un s'appelle TVA sociale, l'autre s'appelle CSG. Et les deux se répondent, c'est-à-dire que l'un est sur la consommation, l'autre est plutôt sur les revenus, et plutôt les revenus les plus importants, y compris ceux des retraités. À ce stade, rien n'est ni documenté ni fait. Il faut, par définition, comme toujours dans ce type de projet, regarder toutes les pistes, toutes les analyser, ce qui est certain.
ALIX BOUILHAGUET
Donc vous ne nous annoncez pas aujourd'hui le retour d'une TVA sociale ?
CATHERINE VAUTRIN
Non. Ce que je vous annonce aujourd'hui, c'est l'attachement… Et vous n'allez pas trouver que c'est très nouveau. Mais je pense que c'est important de se le rappeler. L'un des éléments clés de notre contrat social, c'est notre modèle de protection sociale. Et je connais l'attachement des Français sur le sujet. Et c'est là-dessus que nous allons travailler.
ALIX BOUILHAGUET
Et donc là encore, pour terminer sur ce sujet, cette conférence sociale sur le mode de financement de notre modèle social, ça, c'est quel calendrier ? L'année prochaine ? L'automne ?
CATHERINE VAUTRIN
Ah non. Dès maintenant.
ALIX BOUILHAGUET
Dès maintenant.
CATHERINE VAUTRIN
Dès maintenant, pour une raison très simple, c'est que c'est ce qu'on appelle le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ça, ça se discute à l'automne. Donc il faut que dès maintenant, on se mette à travailler…
ALIX BOUILHAGUET
Les partenaires sociaux.
CATHERINE VAUTRIN
Pour faire des propositions pour le projet de loi de finance qui arrivera à l'automne au Parlement.
ALIX BOUILHAGUET
Un petit mot très rapidement sur ce que souhaite Emmanuel MACRON concernant les écrans. On n'a pas bien compris. Il semble favorable à vérifier l'âge sur les réseaux sociaux. Est-ce que ça, d'une part, c'est la hauteur d'un référendum ? Ou est-ce que ça ne peut pas se contenter d'une loi ?
CATHERINE VAUTRIN
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que nous mesurons tous les jours les dégâts des réseaux sociaux sur les jeunes. Et ce que le président de la République a évoqué hier soir, c'est évidemment que les réseaux sociaux avant 15 ans, sans aucun contrôle, c'est un énorme sujet. C'est un sujet pour les plus jeunes en termes de langage. C'est un sujet en termes de santé, parce que certains ont de véritables risques de cyberharcèlement. On a aussi des risques, malheureusement, de temps passé devant les écrans qui génèrent des problèmes de myopie, des problèmes d'obésité. Donc oui, nous avons un sujet avec les écrans. Et ça, c'est un sujet qui concerne chaque famille de France, chaque parent qui nécessite qu'on s'y attaque.
ALIX BOUILHAGUET
Alors il n'y aura pas non plus de référendum sur l'immigration. Il n'y en aura pas sur les retraites. Il n'y en aura pas non plus, a priori, en tout cas, il a semblé quand même recaler un peu l'idée, sur les finances publiques. C'était l'idée mise sur la table par François BAYROU. Et les Français, d'ailleurs, soutiennent plutôt cette idée.
CATHERINE VAUTRIN
Mais vous savez, le sujet que nous venons d'évoquer, qui est celui de notre modèle social, ce sont les finances publiques. 650 milliards d'euros, c'est une dépense sur deux dans le pays. Donc vous voyez que c'est typiquement un sujet qui est un sujet sur lequel le président de la République a rappelé combien le Gouvernement allait travailler sur le sujet. Et donc on va travailler avec les partenaires sociaux, avec les parlementaires.
ALIX BOUILHAGUET
Mais sur la proposition telle qu'elle était, sur ce plan des déficits publics, de finances publiques de François BAYROU, il a dit niet. Il dit : "Le budget, la fiscalité, ce n'est pas dans le champ référendaire. Donc c'est circuler, il n'y a rien à voir". Il dit ça quand même au Premier ministre.
CATHERINE VAUTRIN
Il dit quand même que le Gouvernement aura à travailler sur des projets. Et je pense que ça aussi, c'est un élément important. Moi, je pense que ce qu'il faut qu'on se dise, c'est qu'on a vu un Président au cœur de l'actualité avec un rappel qui était important pour les Français sur toute la politique internationale et la place de la France à l'internationale. Et je pense que ça aussi, c'est un élément extrêmement important, qui a été un élément très important de l'intervention du président de la République. Ensuite, on est venus sur les grands sujets de société. Et je crois que c'était important qu'il y ait ce rendez-vous avec les Français.
ALIX BOUILHAGUET
Un tout dernier mot. On parlait à l'instant de François BAYROU. À 17h, il va être auditionné par la commission d'enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire. On l'appelle la commission Bétharram.
CATHERINE VAUTRIN
Bétharram.
ALIX BOUILHAGUET
Exactement. Je rappelle 200 plaintes dans ce dossier, dont 90 à caractère sexuel. Le Premier ministre s'est, à de nombreuses reprises, contredit sur ce dossier, notamment devant les députés. Il joue gros cet après-midi devant la commission, François BAYROU ?
CATHERINE VAUTRIN
Deux messages. Le premier, évidemment, je pense aux victimes. Le second, c'est l'occasion pour François BAYROU, clairement, posément, devant une commission d'enquête, d'expliquer tous les éléments. Et je lui redis ma confiance.
ALIX BOUILHAGUET
Vous trouvez que jusqu'à présent, il a été plutôt maladroit ?
CATHERINE VAUTRIN
Je ne vais pas juger des bribes de phrases quelquefois sorties de leur contexte. Je crois que c'est un sujet qui est suffisamment grave pour qu'il soit effectivement examiné posément avec les parlementaires dans le cadre d'une commission d'enquête qui permet d'avoir le temps de s'exprimer sur le sujet.
ALIX BOUILHAGUET
La censure, elle est toujours là ? Si la gauche décidait de voter la censure sur ce dossier, si le RN aussi, ça veut dire que le Gouvernement saute ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais vous savez, c'est vrai sur tous les sujets, tous les jours. 11 groupes à l'Assemblée nationale, pas de majorité. C'est aujourd'hui l'Assemblée nationale qui a été souhaitée par les Français le 30 juin dernier.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup, Catherine VAUTRIN.
CATHERINE VAUTRIN
Merci à vous.
ALIX BOUILHAGUET
Bonne journée à vous.
CATHERINE VAUTRIN
Merci beaucoup.
DJAMEL MAZI
Merci beaucoup Alix. Merci madame la ministre d'avoir été avec nous sur Franceinfo dans la matinale qui se poursuit avec la chronique Science avec vous, David LEFORT.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2025