Déclaration de M. François Bayrou, Premier ministre, sur la politique du Gouvernement dans le domaine de la mer à l'occasion du Comité interministériel de la mer, Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) le 26 mai 2025.

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(...) parce que, franchement, ça fait... Premier jour de la rentrée, les mauvais élèves à côté du poêle, au fond... C'était calibré pour les caméras, mais ça ne fait rien, les caméras vont s'adapter, je crois. C'est quand même mieux, non, vous ne trouvez pas ?

Bien, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les parlementaires. Tout à l'heure, nous avons été accueillis par Monsieur le maire de Saint-Nazaire, Madame la présidente du Conseil régional, Monsieur le président du Conseil départemental. Plus largement, je salue, Mesdames et Messieurs les élus, Monsieur le préfet de la région Pays de la Loire, préfet de Loire-Atlantique, Monsieur le préfet maritime de l'Atlantique, Monsieur le secrétaire général de la Mer, Xavier DUCEPT, que je cherchais du regard, Monsieur le directeur général des Chantiers de l'Atlantique, que je remercie de son accueil et de son origine béarnaise, et puis, Mesdames et Messieurs. Je suis très heureux que ce soit dans le cadre de ces Chantiers de l'Atlantique, qui sont un lieu emblématique et une fierté de notre filière industrielle navale et une fierté pour tous ceux qui y travaillent, on a pu le mesurer tout au long de la découverte que nous avons faite des chantiers et des réalisations de ces chantiers. J'ai été très frappé par le fait que les salariés des chantiers exprimaient leur fierté d'appartenir à une entreprise aussi remarquable que celle-là, cette action en commun qui permet de porter les Chantiers de l'Atlantique à ce niveau d'excellence, spécialement parce que 2025 a été consacré comme l'année de la mer, que s'est réuni ce Comité interministériel de la mer qui précède, de seulement quelques semaines, la Conférence des Nations unies sur l'océan à Nice.

À un moment où tout le monde peut observer les menaces et déséquilibres qui pèsent sur les mers et les zones côtières. La menace économique, d'abord, avec une concurrence internationale accrue qui fragilise le modèle économique de nos filières maritimes. La deuxième menace est la menace environnementale, avec une aggravation de la pollution qui met en péril la biodiversité marine. Et enfin, troisièmement, la menace géopolitique, avec l'apparition de nouveaux risques, évidemment de déséquilibre, de conflits dans le monde résolus ou qui veulent être résolus par la force, et puis des risques numériques qui mettent à l'épreuve la sécurité du transport maritime et de nos communications.

À tous ces risques, nous devons apporter une réponse qui soit claire, efficace et durable au niveau mondial et européen et à notre niveau national. Notre réponse ne peut être que transversale et globale tant les défis sont liés et tant ils s'additionnent et même, assez souvent, se multiplient. C'est pourquoi j'ai souhaité réunir aujourd'hui les ministres en charge des sujets environnementaux, économiques, financiers, industriels, énergétiques, liés au transport, afin que nous prenions les mesures et que nous les annoncions, que l'on doit considérer exemplaires pour les unes et avec des effets directs et importants pour les autres. Les défis économiques, je le disais, que rencontre l'écosystème maritime, sont nombreux.

La mer est une ressource, au cœur de ce qu'on appelle l'économie bleue. La mer nourrit la terre. Les produits de la mer représentent le premier apport en protéines de l'humanité, avec, pour plus d'un milliard de personnes. Et la France est aujourd'hui le deuxième producteur européen des produits de la pêche et de l'aquaculture, qui sont des filières historiques et structurantes des façades maritimes françaises. Tout le monde sait combien la concurrence internationale est rude, qu'elle s'accroît en prenant des formes parfois violentes. Sur les mers, la pêche illégale est un fléau, et fléau qui ne cesse de s'amplifier, qui représente aujourd'hui au moins 15 %. Tout à l'heure, vous disiez Madame la ministre, 1 poisson sur 5 pêché dans le monde, l'est de manière illégale. Ces activités entraînent une perte d'emploi, de ressources financières et alimentaires pour les pêcheurs respectant les législations et mettent en difficulté en réalité toutes les populations dépendantes de la pêche. Nous ne pouvons pas rester inactifs et observateurs de cette violation de notre droit et de nos ressources halieutiques.

Le Comité interministériel de la mer a donc décidé et annoncé des mesures efficaces et fermes pour lutter contre ce phénomène. Nos services pourront constater par drone les infractions commises, et les sanctions seront durcies, nous allons simplifier les procédures de destruction de ces navires qui abîment nos fonds marins et ruinent nos marins-pêcheurs. Leur destruction pourra désormais être plus rapide et plus efficace. Nous devons protéger la filière de la pêche maritime et nous devons aussi améliorer sa compétitivité et garantir sa durabilité, ce que permet le contrat stratégique que vous avez signé lors du dernier salon de l'agriculture.

Mais ce dont nos pêcheurs ont besoin, c'est de visibilité. C'est pourquoi je me réjouis et nous nous réjouissons tous de l'accord trouvé la semaine dernière avec le Royaume-Uni, qui garantit à nos navires un accès continu et de long terme jusqu'en 2038, dans les eaux britanniques. Notre souveraineté alimentaire passe aussi par une moindre dépendance aux importations de produits de la mer. Notre déficit commercial en la matière s'élève à 5 milliards d'euros en 2024. Nous devons donc agir au niveau du consommateur en encourageant la consommation du poisson pêché au large de nos côtes, comme les Anchois de Méditerranée, le hareng des Hauts-de-France ou le merlu de Bretagne et de Vendée. Je veux rappeler qu'avec le Haut-Commissariat au plan, nous avions produit aussi une première étude de filière comportant un plan d'action pour stimuler l'essor et le développement durable de l'aquaculture, ou plutôt des aquacultures, tant ce secteur est divers.

La mer, c'est aussi, Madame la ministre, un écosystème à protéger. C'est là le deuxième défi que nous devons relever. La santé de nos océans se dégrade en raison de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et du fait que l'océan, c'est le premier puits de carbone qui soit disponible sur la planète. À cet égard, le transport maritime, je veux le rappeler, possède d'abord un avantage, car il représente aujourd'hui 80 % des échanges mondiaux en volume pour seulement 3 % des émissions de gaz à effet de serre. Mais, inconvénient, mais la hausse de ces émissions est considérable puisqu'elle a augmenté de 20 % en l'espace d'une décennie. C'est peu par rapport au tonnage transporté, mais c'est beaucoup en progression. Il y a donc urgence à verdir notre économie bleue, comme on dit, en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles dans ce domaine. La décarbonation des activités maritimes est un enjeu crucial et un immense défi.

La prise de conscience a eu lieu, et nous pouvons nous féliciter de l'accord obtenu il y a un peu plus d'un mois par l'Organisation Maritime Internationale en faveur d'un système mondial de tarification visant à réduire les émissions de carbone dans le secteur maritime. L'objectif que nous avons fixé au niveau européen et mondial est d'atteindre la neutralité carbone pour ce secteur en 2050. Ce qui veut dire qu'il faut conduire deux efforts parallèles, le premier effort pour réduire les émissions et le second pour augmenter la capacité de capture et de stockage en multipliant les puits de carbone. Je veux saluer ici le travail commun mené par les armateurs, les industriels et les ports qui ont présenté un plan stratégique de décarbonation il y a quelques semaines. L'enjeu est bien sûr écologique, mais aussi économique, car réussir la décarbonation de notre flotte, c'est nous assurer de disposer d'une économie maritime compétitive au niveau européen et mondial.

Cette décarbonation a déjà débuté, et elle doit se prolonger et s'amplifier. Alors, plusieurs moyens s'offrent à nous, je les énumère à la volée, si j'ose dire, à la vitesse du vent, réduire la vitesse des bateaux, utiliser des carburants moins carbonés, recourir au gaz naturel liquéfié, non seulement pour le fonctionnement des navires, mais aussi pour le matériel de manutention dans les ports. De nouvelles pistes prometteuses sont aussi explorées. Nous en avons découvert une, tout à l'heure, ici, sur ces chantiers de l'Atlantique, puisque nous avons découvert un paquebot à voile, le plus grand voilier du monde, l'Orient-Express, qui est en cours de construction et sera achevé dans quelques mois. Cette prouesse technique que nous avons tous admirée témoigne de la maîtrise exceptionnelle par les ingénieurs et les ouvriers des chantiers, de la technologie innovante de propulsion à voile pour les grands navires, dont beaucoup attendent qu'elle puisse nous permettre de faire un pas de plus dans le sens de la décarbonation. Et nous devons miser sur cette filière d'avenir pour laquelle nous disposons, on l'a bien vu, d'un véritable savoir-faire. Mais cet immense effort de décarbonation aura, nous le savons, un coût et un coût important pour les acteurs de la filière.

C'est pourquoi ce Comité interministériel de la mer a décidé que les revenus générés par le marché carbone européen maritime seront mobilisés pour participer à la décarbonation du secteur maritime. Ce sont près de 90 millions d'euros qui pourront ainsi être mobilisés en 2026 au titre des recettes perçues en 2025 et permettront de faire effet de levier sur les autres sources de financement disponibles. Ces crédits publics permettront de financer la transformation des navires, l'adaptation des infrastructures portuaires et la production de carburants marins décarbonés, en tout cas, d'avoir un effet de levier puissant pour que cet effort puisse être financé. Afin de préciser les priorités et les modalités de financement les plus adaptées, une gouvernance associant les acteurs de la filière sera mise en place dans les prochains mois.

Pour verdir notre économie, le Gouvernement souhaite aussi soutenir de manière raisonnée les énergies marines renouvelables et la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui doit être publiée après examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi d'origine sénatoriale, présentée en particulier par le sénateur GREMILLET, fixera les objectifs en la matière. Dans la lutte contre la pollution des eaux, Madame la ministre, l'un de nos chevaux de bataille, c'est la lutte contre la pollution plastique.

La France s'est dotée d'une feuille de route sur ce sujet dès 2019. Le Comité interministériel demande la révision de cette feuille de route pour la période 2026-2030, afin de dresser un bilan des actions entreprises et des résultats atteints, tout en définissant de nouveaux objectifs. La France est en première ligne sur la planète sur ce sujet et s'engage à porter ce combat au niveau international lors de la prochaine Conférence des Nations unies sur l'océan, afin qu'un traité international contre la pollution plastique puisse être signé rapidement. Le défi environnemental se pense en termes de protection de nos océans, qui jouent un rôle clé dans la lutte contre le réchauffement climatique, du fait de leur capacité à capter le CO2 de l'atmosphère, et se pense aussi en termes d'adaptation de notre littoral. D'ici 2050, 5 200 logements et 1 400 locaux d'activité sont menacés par l'érosion des côtes. Et donc, c'est pour nous un devoir que de repenser collectivement l'aménagement des territoires exposés. Le Comité interministériel de la mer a donc décidé que les services de l'État, en lien étroit avec les collectivités, développent les outils les plus efficaces et les plus justes pour contribuer à ces enjeux d'adaptation. Il s'agit d'abord de mieux mobiliser les outils financiers dont disposent les territoires pour faire face à ce type de risque, mais aussi d'envisager la mobilisation des activités saisonnières générées sur le littoral. Enfin, troisième enjeu, la mer est une zone de conflit. À l'heure du basculement du monde que nous avons rencontré depuis plusieurs années, et principalement depuis l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe de Monsieur POUTINE, nous devons développer une politique maritime capable de répondre aux nouveaux défis stratégiques qui émergent.

Ce qui est ici en jeu, c'est notre souveraineté maritime, aujourd'hui remise en question dans de nombreux endroits du globe, enjeux de sécurité nationale, de lutte contre les trafics illicites, lutte contre les opérations de piraterie et organisation du sauvetage en mer sont plus que jamais importants. Les tensions géopolitiques s'intensifient et ont des répercussions jusque sur nos fonds marins, par exemple, parce que les câbles sous-marins deviennent des cibles privilégiées. Le Comité interministériel a donc décidé que nous allons relancer les réflexions sur la flotte stratégique, en validant la feuille de route définie lors de la Conférence nationale maritime. Cette flotte stratégique, elle vise à assurer en temps de crise la sécurité de nos approvisionnements, de nos moyens de communication, de nos services et des infrastructures maritimes. Les vulnérabilités spécifiques de nos territoires d'Outre-mer seront pleinement intégrées à ces travaux. Mais la souveraineté maritime ne repose pas uniquement sur la capacité de présence de nos flottes. Avec le développement des technologies numériques, nous devons aussi disposer d'une capacité de connaissance et de contrôle de l'information, c'est-à-dire, collecter et analyser rapidement les données maritimes afin d'anticiper et de décider au mieux. Le Comité interministériel de la mer reconnaît l'importance de l'enjeu associé au partage et à l'exploitation des données numériques, en appui aux politiques maritimes et soutient les initiatives en cours au sein des administrations, afin que soit constituée une plateforme de données maritimes. Nous savons que l'intelligence artificielle peut, à cet égard, se révéler une alliée précieuse en vue d'accélérer le traitement et l'analyse de toutes les données maritimes que nous pourrons collecter.

Ces 3 défis que je viens d'énoncer, économiques, environnementaux et stratégiques, touchent tout particulièrement nos Outre-mer, sans lesquels la France ne pourrait pas être une puissance maritime. Comme je le rappelais, nous disposons du deuxième espace maritime mondial avec près de 11 millions de kilomètres carrés, et au sein de ces 11 millions de kilomètres carrés, 97 % dépendent de la proximité de nos Outre-mer. C'est pourquoi, le Comité interministériel a accordé une attention toute particulière à la situation de nos 12 territoires situés dans les océans Atlantique, Indien, Pacifique et Antarctique.

En particulier, la lutte contre les sargasses est un axe prioritaire de cette politique maritime dans les Outre-mer. Ces algues brunes défigurent nos côtes dans les Antilles, empêchent la baignade, rendent impossible la vie des riverains et présentent une menace pour leur santé. Nous allons donc lancer, d'ici à la fin de l'année, dans les mois qui viennent, un troisième plan de lutte et de gestion des sargasses, axé notamment sur le soutien à la collecte et à la destruction de ces algues, ce qui passe par le recours accru à des navires, ce qu'on appelle "les sargators" capable de collecter 16 tonnes d'algues par heure à des grues et à des barges de stockage dédiés. Moyen supplémentaire, parce que des sargators, pour l'instant, nous en avons un, et le Comité interministériel a décidé que nous devrions en ajouter 5 supplémentaires, de manière à faire face réellement à cette pollution et à cette menace qui, simplement, rend la vie insupportable à tous ceux qui y sont soumis. Autre mesure importante concerne cette fois-ci l'offre de formation professionnelle maritime qu'il est indispensable de développer en Outre-mer au regard de la forte demande locale. En Guyane, la formation au CAP Maritime au sein du lycée agricole de Matiti, qui a accueilli ses premiers élèves à cette rentrée 2024, doit se poursuivre. Cette formation participe pleinement à la reconstruction d'une filière légale de la pêche dans un territoire où la pêche illicite a pris le dessus.

Le Comité interministériel de la mer a aussi décidé de créer de nouvelles formations à commencer par un baccalauréat professionnel polyvalent Pont/Machine, en Polynésie française, dès la rentrée 2025, c'est-à-dire dans quelques mois, qui formera les élèves à la conduite et à la maintenance, et leur permet, une fois diplômés, de devenir capitaines de navires de pêche ou de navires à passagers, mécaniciens ou encore responsables d'entreprises dans le secteur maritime. Mesdames et messieurs les ministres, et mesdames et messieurs, l'identité de la France est indissociable de la mer. Ici même, il y a 65 ans, le général DE GAULLE, à l'occasion de l'inauguration du paquebot France, proclamait "La mer si redoutée et si désirée des peuples, la mer qui sépare les nations, mais leur permet de se joindre, la mer par où les pires dangers qui peuvent menacer les États mais sans laquelle il n'est point de grandeur.", eh bien cette déclaration, l'inauguration du paquebot France, elle est on ne peut plus d'actualité maintenant que la planète se trouve si profondément déstabilisée. Aujourd'hui comme hier, notre univers se joue au large, notre avenir national. C'est pourquoi ce Comité interministériel de la mer s'est réuni aujourd'hui pour définir et décider notre politique maritime des prochains mois et des prochaines années, mais aussi notre avenir mondial. Et c'est pourquoi la France, madame la ministre, accueille dans moins de deux semaines à Nice la conférence des Nations unies sur l'océan, qui sera l'occasion, je l'espère et je le crois, de parvenir collectivement à des engagements forts en faveur de la protection des océans. Je vous remercie de votre participation, de votre imagination et de votre présence. Merci à tous. La parole est à madame PANNIER-RUNACHER.

[...]

François BAYROU

Il me reste à vous remercier au nom des membres du Gouvernement et de l'État, représentés ici par de nombreux responsables, vous remercier de votre présence et participation à cette journée qui était, je crois, ainsi très importante pour montrer la mobilisation de notre pays pour le développement, la sécurisation de sa filière maritime. Merci à tous.


Source https://www.info.gouv.fr, le 28 mai 2025