Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du protocole de Londres de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières (texte de la commission n° 622, rapport n° 621).
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Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte sur lequel il vous est demandé de vous prononcer aujourd'hui est important. Stocker et exporter le carbone est en effet une absolue nécessité pour l'avenir de nos industries et de l'emploi dans nos territoires.
La production de ciment sur le site industriel de Vicat, à Montalieu-Vercieu, dans l'Isère, ou celle de chaux à Rety, dans le Pas-de-Calais, libère du dioxyde de carbone. C'est vrai aussi pour les produits azotés et d'engrais à Gonfreville-l'Orcher ou encore à Grand-Quevilly, en Seine-Maritime.
Cette réalité concerne des dizaines de sites industriels représentant des milliers d'emplois dans notre pays. Même si ces usines cessaient d'utiliser des énergies fossiles, elles émettraient toujours du CO2 : on appelle cela le CO2 fatal, qui est lié aux procédés de production eux-mêmes. Ces émissions ne peuvent pas, par conséquent, être réduites autrement que par la capture et le stockage du CO2. Tel est l'enjeu qui nous réunit aujourd'hui.
Vous le savez, la France s'est engagée à réduire ses émissions industrielles de moitié en dix ans et vise la neutralité carbone en 2050.
La décarbonation de l'industrie représente un double défi, pour l'environnement, bien sûr, mais aussi pour l'emploi, car c'est bien la compétitivité de nos filières et de nos sites industriels qui est en jeu. Nos concurrents internationaux ne sont en effet pas soumis aux mêmes obligations, notamment en matière de quotas d'émissions.
Vous le savez, cette concurrence est aggravée par des pratiques agressives et parfois déloyales qui mettent en risque l'avenir de ces filières stratégiques pour notre souveraineté. Il y va donc de la survie de nos sites industriels, donc de l'emploi dans nos territoires ; des milliers de salariés comptent sur nous pour agir.
Agir pour la décarbonation de l'industrie passe, bien sûr, par des mesures structurelles en matière d'efficacité énergétique, d'électrification ou encore de recyclage. Mais, lorsqu'une partie importante des émissions ne peut pas être réduite à la source, la capture et le stockage du carbone interviennent comme solution de dernier recours.
Tous les industriels le savent : si nous entendons encore produire du ciment, de la chaux ou des engrais en France en 2035, il est impératif d'accélérer le développement des technologies de capture, de stockage et de valorisation du carbone.
De nombreux projets sont en cours dans ce domaine, en France et en Europe, comme dans l'usine Lhoist de Rety, où je me suis rendu en janvier dernier. Néanmoins, il n'existe pas, dans notre pays, d'infrastructures de stockage du carbone, et aucun stockage français, sous terre ou en mer, ne saurait être opérationnel avant 2030.
L'Europe du Nord est dotée, pour sa part, d'importantes infrastructures de stockage du carbone, notamment en Norvège et au Danemark, avec les projets Northern Lights et Greensand, en mer du Nord. L'export de CO2 est donc essentiel pour décarboner au plus vite nos sites industriels et pour préserver l'emploi.
J'ai d'ailleurs moi-même noué des contacts avec des industriels et avec mes homologues norvégiens lors du récent forum franco-norvégien sur l'industrie verte, ainsi qu'avec mon homologue danois dans le cadre de la visite d'État danoise en France au mois de mars dernier. Nous avons aujourd'hui des partenaires qui sont prêts, qui savent faire et avec lesquels nous entretenons des relations très étroites.
À présent, nous avons besoin d'autoriser l'exportation du carbone pour passer à l'action. C'est tout l'enjeu de ce texte relatif au protocole de Londres, porté par le Gouvernement et très attendu par les acteurs du secteur.
En France, les sites les plus directement concernés sont les trois hubs industriels portuaires de Saint-Nazaire, avec les cimenteries de Heidelberg et de Lafarge, du Havre, avec les usines chimiques de Lhoist et de Yara, et de Dunkerque, avec notamment Aluminium Dunkerque, Eqiom et Lhoist.
Plusieurs de ces entreprises ont déjà signé des contrats de stockage de CO2 en Europe du Nord, ont obtenu des soutiens publics européens ou nationaux et comptent sur la ratification de cette convention diplomatique pour lancer leurs projets de décarbonation. Ne les faisons pas attendre.
Les Pays-Bas, la Belgique ou encore le Royaume-Uni ont déjà autorisé l'exportation des flux de carbone. La course est lancée en Europe et dans le monde, et nous devons impérativement accélérer, au risque, à défaut, d'être distancés. Pour cela, nous devons permettre à nos industriels d'investir sereinement, dès maintenant, dans les technologies de capture et de stockage du carbone.
Si nous ne prenons pas aujourd'hui la décision d'avancer, nos sites industriels risquent de fermer et nos entreprises de partir s'installer à Anvers ou à Rotterdam. Il s'agit aussi d'un enjeu de finances publiques : 439 millions d'euros de financements européens sont conditionnés au démarrage à court terme des projets de captation et de stockage du carbone, donc à l'autorisation, par le Parlement français, de l'exportation du carbone. Cette décision relève de notre responsabilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je connais votre engagement en faveur de la prospérité et de la cohésion de nos territoires. Je sais aussi que la capture et le stockage du carbone suscitent parfois des interrogations, en particulier localement, à proximité des futures infrastructures de stockage et de transport.
Je tiens à vous rassurer ici au sujet de la sécurité de ces installations. Les technologies de transport et de stockage sous-marins sont éprouvées et maîtrisées ; elles ont fait leurs preuves pour le gaz naturel et le pétrole, et de récentes études scientifiques ont confirmé leur fiabilité. Par ailleurs, nous n'exporterons le CO2 que vers des pays qui respectent des standards environnementaux de haut niveau.
Pour conclure, nous partageons tous ici l'ambition de faire de la France un champion de la transition énergétique et écologique, avec l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon 2050.
Pour atteindre cet objectif, nous devons commencer à stocker du carbone en 2030. À court terme, dans un premier temps, il est essentiel d'autoriser l'exportation des flux de carbone dès aujourd'hui. Ainsi, nous poursuivrons notre combat en faveur de la décarbonation de nos industries, c'est-à-dire en faveur de l'emploi et de l'avenir de nos territoires.
C'est la raison pour laquelle je vous appelle, au nom du Gouvernement, à voter en faveur de ce projet de loi.
Source https://www.senat.fr, le 10 juin 2025