Interview de Mme Rachida Dati, ministre de la culture, à CNews le 17 juin 2025, sur la situation internationale, le budget 2026, l'insécurité, la réforme de l'audiovisuel public, les attaques sur sa vie privée et la réforme du mode de scrutin des élections municipales pour les villes de Paris, Lyon et Marseille.

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Média : CNews

Texte intégral

SONIA MABROUK
Bonjour Rachida DATI.

RACHIDA DATI
Bonjour.

SONIA MABROUK
Bienvenue à la grande interview sur Cnews et Europe 1. Vous êtes la ministre de la Culture, maire du VIIe arrondissement de Paris. Il y a beaucoup de sujets à aborder avec vous ce matin. Et tout d'abord, bien sûr, l'actualité brûlante sur la scène internationale et ce qui se passe entre l'Iran et Israël. À l'instant, le Président américain, Donald TRUMP, madame DATI, reproche à Emmanuel MACRON de n'avoir rien compris sur ses intentions au sujet de ce qui se passe entre l'Iran et Israël et sur son départ prématuré au G7. Plus largement d'ailleurs, c'est une diplomatie en zigzag qui est reprochée au Président français. Que répondez-vous à cela ?

RACHIDA DATI
Tout d'abord, je vais vous dire, madame MABROUK, que monsieur TRUMP donne des leçons sur la cohérence. Il pourrait se l'appliquer. On a vu sur les politiques tarifaires, sur les droits de douane, les revirements auxquels on a pu assister depuis qu'il a été élu. Simplement, vous connaissez très bien la politique internationale, et pour cause, parce que vous avez aussi une passion pour cette région qui est aujourd'hui quand même très enflammée, et même plus que ça, très inflammable. Mais la diplomatie, ça n'a jamais été une ligne droite. Depuis toujours. Si la diplomatie était une ligne droite, Saddam HUSSEIN serait encore au pouvoir. Nous serions encore les amis de Bachar AL-ASSAD. Nous recevrions monsieur POUTINE en grande pompe. Donc la diplomatie, elle s'adapte à la situation. La situation d'aujourd'hui, j'allais dire, n'est pas celle d'il y a cinq ans. Elle n'est pas celle d'il y a six mois. Elle n'est pas celle d'il y a deux ans. Elle n'est pas celle d'il y a cinq ans. Donc nous sommes obligés de nous adapter à la situation internationale qui est quand même extrêmement fracturée. Donc aujourd'hui, la diplomatie, elle s'adapte à la situation. Mais nous ne sommes pas non plus des va-t-en guerre. C'est pour ça, d'ailleurs, en responsabilité, le président de la République a appelé à une désescalade, a appelé à ce que, évidemment, tous les responsables de cette région se mettent autour de la table pour reprendre aussi les négociations, notamment en s'agissant du fameux traité sur le nucléaire.

SONIA MABROUK
Bien sûr. Mais s'adapter ou se renier, Rachida DATI ?

RACHIDA DATI
Non. Se renier sur quoi ?

SONIA MABROUK
Par exemple, Benyamin NETANYAHOU n'exclut pas d'éliminer le guide KHAMENEI. Et Emmanuel MACRON dit que faire tomber un régime a toujours eu des conséquences néfastes. Est-ce qu'il soutient ou pas Israël

RACHIDA DATI
Est-ce que ça n'est pas une réalité ? Qu'est-il sorti de la guerre en Irak ?

SONIA MABROUK
Daesh ?

RACHIDA DATI
Voilà. Qu'est-il sorti de ce qui se passe en Syrie ? La même chose. Qu'est-il sorti, rappelez-vous, quand on a eu le GIA, le FIS en Algérie, quand on a voulu, évidemment, intervenir ? Donc moi, je vais vous dire, il faut être responsable. Il faut garder son sang-froid. Et moi, je vais vous dire, pardon pour la comparaison qui est peut-être un peu légère compte tenu de la situation, mais c'est comme quand il y a un match de football. On dit il y a 65 millions de sélectionneurs. Et ben de la même manière, j'ai l'impression, alors que la situation est tragique, ce qui se passe dans cette région, et vous et moi, madame MABROUK, on se connaît depuis assez longtemps, pour savoir que ce qui se passe dans cette région, on s'y intéresse depuis toujours. Nous étions adolescentes, et les conflits qui se passent dans cette région du monde, notamment au Moyen-Orient, ça a toujours percuté aussi nos vies, aussi nos histoires.

SONIA MABROUK
Effectivement ça fait plus de 50 ans.

RACHIDA DATI
Oui, ça fait plus de 50 ans. Et donc, il faut garder son sang-froid et être responsable.

SONIA MABROUK
Alors garder son sang-froid, est-ce que le Gouvernement français le fait très bien ?

RACHIDA DATI
C'est comme pour les sélectionneurs du football. J'ai l'impression que tout le monde est ministre des Affaires étrangères.

SONIA MABROUK
Il y a 66 millions d'experts géopolitiques.

RACHIDA DATI
Exactement. Rappelez-vous, s'agissant du Covid, ceux qui étaient experts du Covid sont devenus des experts aussi en lutte contre le terrorisme, en lutte contre la délinquance. Non. C'est trop grave pour que chacun dise n'importe quoi.

SONIA MABROUK
J'entends. Gardez son calme.

RACHIDA DATI
Pour que chacun instrumentalise ce qui se passe dans cette région.

SONIA MABROUK
Expliquez-moi ce qui s'est passé, par exemple, au Salon du Bourget. Le Gouvernement français a décidé de fermer des stands d'exposants israéliens au Salon du Bourget, ou plus précisément de couvrir certains d'entre eux en raison, dit l'Exécutif, de l'exposition d'armes offensives. Franchement, ça ne s'appelle pas un soutien ferme à un allié.

RACHIDA DATI
Il y avait un accord entre l'Israël et la France pour que les exposants israéliens, dans le cadre de ce Salon, n'exposent pas des armes offensives. Sur les neuf sociétés qui exposent, cinq n'ont pas respecté ce cadre. Je regardais hier soir si ce type…

SONIA MABROUK
Ce n'est pas discriminatoire de le faire à l'égard d'Israël ?

RACHIDA DATI
Non. Ce type d'accord, ce type, j'allais dire, de critères a déjà existé par le passé. En 1981, François MITTERRAND a demandé à ce que nos avions français, nos hélicoptères français qui étaient exposés soient désarmés. Donc ce type de demande a toujours existé. Donc il n'y a rien de choquant. Il y avait un cadre. Il n'a pas été respecté. Donc voilà.

SONIA MABROUK
Venons-en à l'actualité en France, Rachida DATI, aux défis du Gouvernement, bientôt les vôtre évidemment, on va en parler. C'est la fin du conclave sur les retraites aujourd'hui. François BAYROU espère, contre toute attente, arracher in fine un accord et donc sauver sa tête. Tenir, Rachida DATI, ne pas être censuré, mais pour faire quoi ? Est-ce que c'est la prime, l'éloge de l'immobilisme ?

RACHIDA DATI
On n'est pas dans l'immobilisme. On a un budget à faire.

SONIA MABROUK
Ça, c'est le vrai Himalaya à venir.

RACHIDA DATI
Non. Mais François BAYROU est très actif et très engagé. Et c'est une demande du président de la République que la France ait un budget. Et effectivement nous avons commencé d'ailleurs ces discussions budgétaires. Et donc tout l'enjeu, c'est d'avoir un budget. Tout l'enjeu, c'est de lutter contre l'insécurité.

SONIA MABROUK
On va en parler.

RACHIDA DATI
Tout l'enjeu, c'est aussi de poursuivre la réindustrialisation de la France qui a commencé depuis 2017. Comme vous le savez, plus d'un million d'emplois industriels…

SONIA MABROUK
Les chiffres sont quand même contrastés.

RACHIDA DATI
Non, les chiffres ne sont pas contrastés. Les faits sont têtus.

SONIA MABROUK
Tout va bien madame la marquise, réindustrialisation de la France.

RACHIDA DATI
Est-ce que j'ai dit ça ? Je dis simplement : "Il faut poursuivre la réindustrialisation de la France". C'est l'attractivité de la France qui est en jeu. Vous savez, depuis les Sommets Choose France, ce sont aussi les rapports qui l'indiquent, la France est devenue le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers, suite à Choose France. Également suite à VivaTech qui est devenu l'épicentre, pour ne pas dire le centre, évidemment de tout ce qui est la tech.

SONIA MABROUK
Un niveau de dette jamais atteint. Des déficits abyssaux. Un Premier ministre qui n'arrive pas à boucler un budget. Des oppositions qui ont le doigt sur la censure.

RACHIDA DATI
Oui. Est-ce que je nie cela ? Je dis dans un pays fracturé, dans un pays en proie au doute. Et d'ailleurs, ce pays en proie au doute s'est traduit comment ? Par le résultat à l'Assemblée nationale. Et donc les Français ont voulu cette Assemblée qui aujourd'hui n'a pas de majorité. Il n'y a pas de majorité. Et donc tout l'enjeu pour un Premier ministre, c'est d'obtenir une majorité pour faire adopter un budget pour la France. C'est l'avenir de la France. Et c'est l'avenir de la France, pas à court terme, pas à moyen terme, à très long terme. C'est porter encore une vision et une ambition pour la France et répondre aux préoccupations des Français.

SONIA MABROUK
Défi du budget, Rachida DATI, défi de l'insécurité également. Bruno RETAILLEAU, le ministre de l'Intérieur qui dit vouloir en finir avec les barbares, mot qu'il a utilisé, vous le savez, suite aux violences après la victoire du PSG. Il dénonce une société sans repères. Il dit que ce sont les conséquences de mai 68 sur l'utilisation du mot barbare et sur le diagnostic. Vous le partagez avec le ministre de l'Intérieur ?

RACHIDA DATI
Moi, je vais vous dire, et sans doute mes anciennes fonctions me rattrapent un peu, mais la réponse n'est pas sémantique, elle est pénale. Voilà. Moi, je vais vous dire.

SONIA MABROUK
La révolution pénale, qu'on attend toujours.

RACHIDA DATI
Non. Attendez. Depuis 2017, encore une fois, les chiffres sont là. J'ai regardé, avant de faire votre émission, comme je le fais toujours, je regarde, dans ce qui ne relève pas de mon portefeuille, la délinquance des mineurs a fortement baissé. Et pour cause, lorsque j'étais garde des Sceaux, avec les peines plancher, avec une vraie politique pénale, nous avions fait, sous Nicolas SARKOZY, fait baisser fortement la délinquance. La délinquance des mineurs a fortement baissé en France. Ce qui effectivement…

SONIA MABROUK
Attendez.

RACHIDA DATI
Non. Attendez.

SONIA MABROUK
Est-ce que c'est audible aujourd'hui avec les attaques au couteau presque régulièrement ?

RACHIDA DATI
Ce sont les chiffres. Ce qui reste, ce qui persiste dans cette tresse de délinquance des mineurs, c'est une délinquance de plus en plus violente. Qu'a demandé le Premier ministre sous l'autorité du président de la République ? Qu'a demandé le Premier ministre à Bruno RETAILLEAU et à Gérald DARMANIN ? De prendre toutes les mesures, y compris avec Élisabeth BORNE, qu'il y a tout un plan de prévention de la délinquance au sein des établissements scolaires. Pendant longtemps, c'était un sanctuaire, l'établissement scolaire. Aujourd'hui, ça ne l'est plus. Et donc, de prendre des mesures de prévention de cette délinquance, mais aussi de prendre des mesures répressives.

SONIA MABROUK
Alors parlons-en.

RACHIDA DATI
Justement.

SONIA MABROUK
Je vous donne un exemple, ce qui s'est passé après…

RACHIDA DATI
C'est ce qui est demandé à Bruno RETAILLEAU, en termes de sécurité, et c'est ce qui est demandé à Gérald DARMANIN…

SONIA MABROUK
Très bien. C'est ce qui est demandé. Mais que font les parties des magistrats madame la ministre. Vous avez été garde des Sceaux.

RACHIDA DATI
Bien sûr. C'est ce qui a été demandé aussi à Gérald DARMANIN de porter une politique pénale forte et ferme. C'est ce qu'il fait.

SONIA MABROUK
Vous avez vu ce qu'ont dit les premiers magistrats ou le plus haut magistrat ? Il a dit : "Mais non, vous faites du populisme anti-judiciaire."

RACHIDA DATI
Si c'est le terme qu'il a employé, ce n'est pas un terme que doit employer un haut magistrat. Voilà.

SONIA MABROUK
Pourtant il l'a fait.

RACHIDA DATI
Les procureurs sont là pour appliquer la politique pénale que demande le Gouvernement. Les procureurs ne sont pas indépendants. Ils pourraient avoir une politique de sécurité, une politique de répression, une politique pénale la même sur tout le territoire, les procureurs doivent mettre en œuvre la politique pénale souhaitée par le Gouvernement.

SONIA MABROUK
… monsieur SOULARD, le premier magistrat de France.

RACHIDA DATI
Oui. Mais ce n'est pas du populisme, c'est de mettre en œuvre la politique pénale demandée par le gouvernement. Un exemple, lorsque j'étais garde des Sceaux, je demandais, lorsqu'il y avait ce type de violences, comme je le faisais pour les violences faites aux femmes, de demander des interpellations, des déferrements, et qu'à l'audience soient requis des mandats de dépôt. C'est d'avoir une politique claire, ferme, et qui porte évidemment ses fruits.

SONIA MABROUK
Alors au sujet, Rachida DATI, de l'un de vos dossiers brûlants, c'est la réforme de l'audiovisuel public. L'examen de la proposition de loi reprend là, c'est aujourd'hui, ce mardi, en commission des affaires culturelles et de l'éducation, avant les débats parlementaires à la fin du mois. Les oppositions syndicales et politiques sont fortes, elles vous reprochent notamment un assèchement financier du groupe d'audiovisuel public, un démantèlement. Et vous ne cessez de rappeler, madame la ministre, votre détermination. Qu'est-ce qui garantit que vous ne reculerez pas ?

RACHIDA DATI
D'abord l'examen a lieu aujourd'hui en commission, et en commission la dernière fois, nous avions fait, obtenu le vote à une large majorité de la création de la holding exécutive. Et ça c'est important aussi de le rappeler, c'est qu'il y a une majorité évidemment pour adopter cette réforme. Elle est attendue depuis des années. Vous savez, quand on a créé la fusion France 2, France 3, enfin la création de France Télévisions il y a 10 ans, est-ce que quelqu'un est revenu sur cette réforme ? Personne. Et d'ailleurs, depuis cette réforme, beaucoup disaient : "Il fallait aller plus loin". Et comment fallait-il aller plus loin ? C'est notamment par des coopérations, ce qu'on appelle par le bas, avec radio et télévision, et évidemment qui pouvaient générer une réforme aussi par le haut avec cette réforme de la gouvernance.

SONIA MABROUK
Tout le monde n'est pas convaincu…

RACHIDA DATI
Et la coopération…

SONIA MABROUK
Oui.

RACHIDA DATI
Non mais attendez, la coopération a du mal à se faire. Et donc il faut poser un cadre pour rassembler les forces de l'audiovisuel public.

SONIA MABROUK
Le député Emmanuel GRÉGOIRE a écrit au Premier ministre, d'ailleurs il sera aussi peut-être votre opposant aux municipales à Paris.

RACHIDA DATI
C'est bien de le faire remarquer. Voilà.

SONIA MABROUK
Il appelle à la transmission rapide de l'avis du Conseil d'État et il dénonce le manque de sérieux et l'insulte, dit-il, que vous faites à l'encontre du service public.

RACHIDA DATI
Vous savez, Emmanuel GRÉGOIRE, comme certains députés de gauche, s'agissant de ma personne, ils se permettent tout, l'injure, les attaques en dessous de la ceinture, le mensonge.

SONIA MABROUK
Pourquoi ? Ben personne parce que c'est vous.

RACHIDA DATI
Ou du trumpisme, je ne sais pas ce que ça veut dire. Moi, il y a une chose qui est sûre, c'est qu'aujourd'hui, l'audiovisuel public, aujourd'hui, il y a une désaffection des jeunes et des classes populaires vis-à-vis de l'audiovisuel public. L'audiovisuel public, c'est près de 4 milliards d'euros, c'est de l'argent public. Cet argent public destiné à l'audiovisuel public doit intéresser l'ensemble des Français et sur tout le territoire. Aujourd'hui, les forces de l'audiovisuel public sont totalement dispersées.

SONIA MABROUK
Vous dites l'ensemble des Français, est-ce que c'est le cas ? Est-ce que les opinions de droite sont représentées par des experts, par des intellectuels ?

RACHIDA DATI
Justement, les mêmes qui font des leçons de pluralisme devraient se les appliquer. Et donc l'audiovisuel public, payé par l'ensemble des Français, doit s'intéresser à tous les Français. Aujourd'hui, les usages ont changé. 62% des Français s'informent sur les réseaux sociaux. La concurrence, ce n'est plus les chaînes traditionnelles, ce sont les plateformes et les réseaux sociaux. Aujourd'hui, il faut regrouper ces forces avec les forces de l'audiovisuel public et il faut, évidemment, une organisation cohérente. C'est tout, d'ailleurs, les conclusions que je souhaite mettre en œuvre.

SONIA MABROUK
C'est tout l'enjeu de la holding.

RACHIDA DATI
Ce sont les conclusions du rapport fait par Laurence BLOCH.

SONIA MABROUK
L'ancienne patronne de France Inter, de Radio France, oui.

RACHIDA DATI
De France Inter qui était aussi à Radio France, et qui est une vraie spécialiste, une vraie professionnelle.

SONIA MABROUK
Rapport très attendu. Madame la ministre, vous venez de me dire…

RACHIDA DATI
Très attendu. Et d'ailleurs la conclusion de ce rapport dit, évidemment, cette réforme de l'audiovisuel public, le statu quo n'est plus une option. La conclusion de ce rapport, il faut réformer cet audiovisuel public. D'ailleurs, moi, je me suis engagée à le réformer, à regrouper ces forces dans le cadre de cette holding. Et d'ailleurs, l'année dernière, lorsque j'ai pris mes fonctions, je m'étais engagée à sanctuariser le financement de l'audiovisuel public. C'est ce que j'ai fait, puisque depuis le 1er janvier 2025, l'audiovisuel public a un financement dédié et sanctuarisé.

SONIA MABROUK
À ma question sur la pluralité des opinions, vous me dites que ceux qui font des leçons devraient se les appliquer. Ça veut dire quoi précisément ?

RACHIDA DATI
Parfois, ceux qui vous donnent des leçons de pluralisme ne se l'appliquent pas. C'est toujours la même opinion, c'est toujours la même chose, la même pensée qui, évidemment, s'impose, devrait en tous les cas s'imposer à tous. Ce n'est pas comme ça. L'audiovisuel public, ce n'est pas ça. Bien au contraire, c'est de s'intéresser à tous les Français et de pouvoir aussi répondre à leurs demandes d'informations dans un contexte quand même qui est très fracturé. On voit les influences étrangères, on voit les ingérences, on voit la désinformation. Est-il normal que les adolescents ne regardent plus ou n'écoutent plus l'audiovisuel public ? Voilà.

SONIA MABROUK
Alors information, Rachida DATI, et investigation tandis que Delphine ERNOTTE a été confortée à la tête de France Télévisions, récemment Complément d'enquête vous a consacré un portrait. Nous allons en parler dans quelques instants du contenu, des accusations à votre endroit. Mais sur l'émission en elle-même, Complément d'enquête ou encore Cash Investigation avec Elise LUCET, est-ce que vous considérez que c'est un travail d'investigation indépendante qu'il faut défendre ? C'est la marque du service public ou est-ce que ce n'est pas le cas pour vous ?

RACHIDA DATI
Moi, je vais vous dire, même si on me critique, on m'attaque, je serai toujours pour la liberté de la presse. Toujours. Après, on peut s'interroger sur des méthodes, sur des cibles, toujours les mêmes cibles, toujours les mêmes méthodes, d'être très à charge. Est-ce que ça sert l'information ? Est-ce que ça sert votre profession ? Certains, peut-être, ça procède de la confusion. Si vous voulez enquêter, si vous voulez devenir procureur, c'est un métier. Je l'ai exercé. C'est un métier avec une formation et avec un objectif très clair. Ça n'est pas à charge. Ça n'est pas pour détruire des gens. Ça n'est pas pour discréditer des gens.

SONIA MABROUK
Et ça rejoint le rôle de procureur aujourd'hui notamment ?

RACHIDA DATI
Oui. Mais moi, j'ai trop de respect pour le métier de procureur pour qu'il n'y ait pas de confusion des gens. Et j'ai trop de respect pour votre profession, pour la profession de journaliste, pour qu'il n'y ait pas de confusion des gens. Et moi, ce qui, parfois, peut m'interroger, c'est la méthode et évidemment la cible.

SONIA MABROUK
Alors la cible, ça a été vous, en l'occurrence, puisque l'équipe de Complément d'enquête et les journalistes ont affirmé dans ce portrait avec des documents à l'appui que vous auriez reçu, madame DATI, plus de 290 000 Euros d'honoraires non déclarés de la part de GDF, à l'époque, lorsque vous étiez eurodéputée et que vous traitiez de la politique énergétique à Bruxelles. C'est faux ? C'est totalement diffamatoire ?

RACHIDA DATI
C'est totalement diffamatoire.

SONIA MABROUK
Avec les documents à l'appui ?

RACHIDA DATI
Ces documents sont des documents tirés d'où ? Ce sont des documents qui ont été examinés par la justice. Ils ont été tirés d'où ? De la comptabilité. De la comptabilité d'un cabinet d'avocats et de ma comptabilité. Tout ça est déclaré être très au clair. On veut toujours attaquer ma probité, mon honnêteté. Jamais. Tout ce que j'ai, je l'ai gagné. Je ne suis pas la seule élue députée comme avocate. Moi, j'aimerais que les investigations qui portent sur mon activité ancienne d'avocate, ce soit la même pour les autres. Beaucoup d'élus, beaucoup de députés, beaucoup de candidats à des élections suprêmes sont également avocats. Est-ce qu'une seule fois, on s'est intéressé à leur activité ?

SONIA MABROUK
Alors pourquoi vous ? Selon vous, pourquoi c'est vous ? Pourquoi c'est vous, la cible ? Pourquoi ces méthodes que vous dénoncez…

RACHIDA DATI
Parce que, moi, je vais vous dire. J'aimerais qu'on me juge sur mon bilan, d'une manière générale. On m'a toujours attaqué sur mes compétences et ma légitimité. Toujours la même chose. Lorsque j'étais garde des Sceaux, j'ai subi les mêmes attaques. Les mêmes attaques en illégitimité et des attaques sur les compétences, lorsque j'ai porté la réforme de la carte judiciaire, qui était attendue depuis 25 ans, lorsque j'ai porté la révision constitutionnelle de 2008, qui était une révision d'ampleur de la Constitution, qui encadrait les pouvoirs du Président, qui donnait plus de pouvoir au Parlement et plus de droits aux citoyens. C'est moi qui ai instauré et créé toutes ces autorités indépendantes, de contrôle des…

SONIA MABROUK
Mais ça ne vous fragilise pas politiquement, Rachida DATI ?

RACHIDA DATI
Non mais attendez, de contrôle des lieux de privation de liberté.

SONIA MABROUK
Ces honoraires, mise en examen dans l'affaire Carlos GHOSN.

RACHIDA DATI
Attendez. Moi, je vais vous dire, je vais vous répondre très simplement. Et j'ai également créé le défenseur des droits. Je suis très fière de cela. Et d'ailleurs, lorsque j'ai mené ces réformes, est-ce qu'elles ont été remises en cause depuis ? Jamais. D'ailleurs, même la Cour des comptes m'a attribué un satisfecit, notamment sur la réforme de la carte judiciaire. Et personne n'en parle.

SONIA MABROUK
Politiquement, mais qu'est-ce que ça ne vous fragilise pas ?

RACHIDA DATI
Mais qu'est-ce que ça fragilise ?

SONIA MABROUK
Honoraire de GDF, oubli de déclarer plusieurs centaines de milliers de bijoux à la Haute autorité de transparence, mise en examen dans l'affaire Carlos GHOSN.

RACHIDA DATI
Madame, vous trouvez ça digne qu'on s'attaque à ma vie privée, qu'on fouille des choses, que par exemple on s'attaque à ma vie intime ? Ma vie intime, je l'ai toujours préservée et protégée. Et on se sert de cela. Toutes mes déclarations ont été scannées. Je n'ai jamais été reprise sur aucune de mes déclarations. Ce sont des revenus du travail. Et ce ne sont pas des revenus bruts ou nets, ce sont des honoraires. Les honoraires, il y a des charges qui sont prélevées. Et donc, tout ce qui est indiqué, tout a été déclaré. Je n'ai jamais été ni reprise fiscalement ni même par la Haute autorité. Tout ça a été mis en transparence. S'agissant de l'affaire RENAULT, la justice évidemment est toujours en cours. Je suis l'objet d'un règlement de compte entre monsieur SENARD, l'actuel patron de RENAULT, d'ailleurs ce n'est pas un hasard si le directeur général est parti, parce qu'évidemment, ce n'est pas lié uniquement à une volonté de ce départ. Je suis prise en otage entre monsieur SENARD et Carlos GHOSN. Mais de toute façon, la vérité…

SONIA MABROUK
Tout ça est un feu nourri parce que c'est vous venant de différents milieux, différents domaines.

RACHIDA DATI
Non mais attendez. Justement, ça gêne certains que je ne sois jamais victimisée. Je ne suis pas une victime. Et je ne le serai jamais. Et vous savez tout à fait de quoi je parle. Toujours les mêmes profils. Est-ce qu'on accepte aujourd'hui qu'on change de conditions sociales ? Est-ce que la promotion sociale c'est toujours pour les mêmes ?

SONIA MABROUK
Vous avez vu que certains en profitent pour fragiliser votre ambition pour la conquête de Paris aux municipales. Dans cette émission, un deal, enfin ce qui est révélé en tous les cas, un deal aurait été conclu entre vous et le Président. Alors ça, ça a beaucoup soulevé des interrogations dans le bloc central, Rachida DATI. Et on voit, par exemple, l'ancien Premier ministre, Gabriel Attal, qui appelle à trouver un autre candidat pour Paris. On voit également du côté d'Édouard PHILIPPE qu'un candidat est en train d'émerger également.

RACHIDA DATI
Moi qui suis pour la démocratie, je ne vais quand même pas critiquer ceux qui veulent se présenter.

SONIA MABROUK
Ce deal, il a eu lieu ou pas ?

RACHIDA DATI
Mais de quoi parlons-nous ?

SONIA MABROUK
D'un deal entre vous et le président de la République. Vous entrez au Gouvernement, il vous soutient aux municipales à Paris. Vous avez le soutien présidentiel.

RACHIDA DATI
Vous pensez que lorsque le président de la République me propose d'être ministre de la Culture, il me dit, je vous propose d'être ministre de la Culture.

SONIA MABROUK
Et pourquoi on pourrait l'exclure ?

RACHIDA DATI
Non mais je vous interroge. Comme ça, en dehors, on s'extrait un peu.

SONIA MABROUK
La politique est faite de beaucoup d'accords et de deals, madame la ministre.

RACHIDA DATI
Mais bien sûr. Et alors ?

SONIA MABROUK
Et alors est-ce que c'est le cas ?

RACHIDA DATI
Est-ce que tout cela est écoeurant et interdit ?

SONIA MABROUK
… politique, pas du tout.

RACHIDA DATI
La politique, ce sont des accords, ce sont des compromis, ce sont des discussions.

SONIA MABROUK
Donc il y en a eu un.

RACHIDA DATI
Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis simplement, lorsque le président de la République me propose d'être ministre de la Culture, c'est pour quoi ? C'est pour contribuer et favoriser la réduction des inégalités, notamment par la culture. Mais aussi, il m'a demandé à ce que la culture soit accessible pour le plus grand nombre sur tout le territoire. Première mesure que j'ai prise, préservation, protection de notre patrimoine historique, mais aussi le plan ruralité. Parce que la ruralité…

SONIA MABROUK
J'entends. Et puis vous êtes la personnalité qu'il a voulu avoir dans son Gouvernement.

RACHIDA DATI
C'est 22 millions de nos concitoyens en ruralité qui doivent avoir aussi les mêmes droits que tous les autres habitants et citoyens sur le territoire national. Donc ma mission est très claire. Je l'amène avec beaucoup de ténacité et d'énergie. Vous savez, avant qu'on m'affaiblisse, je ne crois pas que…enfin depuis 2007, c'est toujours bien tenté.

SONIA MABROUK
… On entend votre résilience, votre… encore raté.

RACHIDA DATI
Et j'allais dire… encore raté. Voilà.

SONIA MABROUK
Vous avez même, pour la réforme PLM qui modifie les règles du scrutin Paris-Lyon-Marseille, sur laquelle vous misez pour la conquête de Paris, le Sénat, il va serrer la vis.

RACHIDA DATI
Cette loi PLM, c'est quoi ? C'est de corriger une anomalie démocratique. C'est juste du bon sens. C'est Paris-Lyon-Marseille. Ils n'ont pas les mêmes droits démocratiques que les autres citoyens français. C'est de dire : "Ils veulent, et toutes les études d'opinion le confirment, près de 90% des habitants de Lyon-Paris-Marseille veulent voter directement pour leur maire". Ils veulent avoir le choix éclairé de leur maire. 90% des études d'opinion le confirment. C'est une anomalie démocratique que nous devons, évidemment, corriger. Aujourd'hui, cette réforme a été amplement, très largement votée à l'Assemblée. Certains au Sénat.

SONIA MABROUK
Oui. Le premier d'entre eux, le président du Sénat, ici même.

RACHIDA DATI
J'ai eu un échange avec lui.

SONIA MABROUK
Il n'a pas changé d'avis.

RACHIDA DATI
Non. Je lui ai dit : "Écoute Gérard, je vais te dire, soit vous voulez qu'on gagne Paris, soit vous voulez corriger cette anomalie démocratique, soit vous voulez préserver les mandats de quelques-uns, de quelques élus."

SONIA MABROUK
A bon entendeur.

RACHIDA DATI
Voilà. Et donc, il en a convenu. Et donc c'est pour ça que là nous sommes très en attente et de manière assez optimiste pour justement l'examen qui aura lieu le 24 juin prochain.

SONIA MABROUK
J'ai deux questions importantes pour conclure, Rachida DATI. L'une, évidemment, qui concerne votre domaine sur les vitraux de Notre-Dame. Je sais que ça intéresse beaucoup nos auditeurs et téléspectateurs. La Commission nationale du patrimoine a acté de la volonté de l'Exécutif de remplacer les vitraux de ce geste contemporain et vous avez dit que c'était un feu vert. Ce n'est pas un feu vert. Ils sont contre.

RACHIDA DATI
Cette commission qui s'est réunie, qu'a-t-elle actée ? Elle a acté à l'unanimité que les vitraux qui sont aujourd'hui installés seront déposés, restaurés, et exposés. Et donc quand ils seront déposés, restaurés et exposés, les nouveaux vitraux qui seront faits par l'artiste madame TABOURET seront évidemment montés à leur place.

SONIA MABROUK
Au sujet de l'ancien président de la République, Nicolas SARKOZY, c'est une conséquence de sa condamnation. Il a perdu sa Légion d'honneur. Il a été exclu de l'Ordre national du mérite. Ça a provoqué beaucoup de réactions dans sa famille politique plus large. Vous êtes un soutien de toujours, quelqu'un de proche. Comment vous avez réagi ?

RACHIDA DATI
Je suis un soutien. Je suis aussi loyale. Comme je le suis avec Emmanuel MACRON, le président de la République. Moi, j'ai beaucoup d'affection. C'est beaucoup plus que ça. On a un lien.

SONIA MABROUK
Ça vous a choqué qu'on retire sa Légion d'honneur ?

RACHIDA DATI
Mais bien sûr. Pourquoi ça m'a choquée ? Parce que les gens font le parallèle avec le maréchal PETAIN. Là, effectivement, je trouve qu'il y a de l'indignité. C'est un homme qui s'est engagé pour la France. Moi, je disais toujours, c'est la France qui coule dans ses veines. Et donc on oublie un épisode majeur. Vous et moi, nous avons des enfants et des enfants en bas âge. Il a sauvé plus d'une vingtaine d'enfants lors de la prise d'otages des enfants à Neuilly. Pour cette raison, d'ailleurs, dans l'exposé lorsque…

SONIA MABROUK
C'est le meilleur Légion d'honneur pour vous ?

RACHIDA DATI
Évidemment. Il a sauvé ces enfants. Il a fait preuve d'un acte de courage. Comme il a fait preuve d'acte de courage lorsqu'il a été élu président de la République de manière majoritaire. Moi, j'ai beaucoup de respect pour les institutions et les fonctions qu'occupent ces femmes et ces hommes. Vous savez, être président de la République, ce n'est pas n'importe quoi. Moi, je considère que les institutions sont de plus en plus désacralisées. Moi, j'ai beaucoup de respect pour ces institutions, notamment cette fonction suprême que je considère encore un peu sacrée.

SONIA MABROUK
On note qu'on peut être sarkoziste et macroniste. Ce serait presque un sujet du Bac philo. Si vous deviez y plancher, vous avez quatre heures, madame la ministre.

RACHIDA DATI
Non. Madame MABROUK, encore une fois, on se connaît, donc ce n'est pas à vous que je vais dire ça. Je vous ai entendue aussi dans des interviews très personnelles. Il y a quelque chose qui me frappe chez vous, c'est la reconnaissance et la loyauté. Ça fait partie de ma vie. Je ne serais pas en face de vous aujourd'hui si je n'avais pas eu de la reconnaissance et de la loyauté pour ceux qui m'ont tendu la main. Albin CHALANDON, Jean-Luc LAGARDERE, Simone VEIL, Claude BEBEAR, Marceau LONG, Nicolas SARKOZY et aujourd'hui Emmanuel MACRON. J'ai de la reconnaissance et de la loyauté. Voilà. Ça fait partie de mon éducation, ça fait partie de ma vie. Et donc moi, j'ai beaucoup plus que de la loyauté et de la reconnaissance pour Nicolas SARKOZY, j'ai de la même chose pour Emmanuel MACRON. C'est ce qui fait aussi et mon éducation et mes principes de vie.

SONIA MABROUK
Sur ce point, vous aurez eu sûrement une très bonne note au Bac philo en répondant ainsi. Merci Rachida DATI.

RACHIDA DATI
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 juin 2025