Déclaration de M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, sur la libre administration des collectivités territoriales et le financement de services publics de proximité et de la transition écologique, au Sénat le 11 juin 2025.

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  • François Rebsamen - Ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation

Circonstance : Audition devant la Commission d'enquête Administration collectivités territoriales

Texte intégral

M. Olivier Henno, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'audition de M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, le Sénat a décidé de constituer une commission d'enquête dont l'objet est de travailler sur la libre administration des collectivités territoriales et le financement de services publics de proximité et de la transition écologique.

Votre audition vient conclure la première phase de notre programme de travail. Nous allons maintenant entrer dans une phase de rédaction du rapport et de finalisation de nos recommandations.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que notre réunion d'adoption du rapport se tiendra le mardi 8 juillet ainsi que nous en avions décidé lors de notre réunion d'orientation du 27 mai. L'heure de cette réunion n'est pas encore fixée, mais avec votre accord nous souhaiterions la fixer à 14 h 30. À la même heure, le Sénat devrait examiner en séance, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.

À l'issue d'un délai de vingt-quatre heures suivant l'adoption de notre rapport, nous envisageons de tenir une conférence de presse, le mercredi 9 juillet après la séance des questions d'actualité au Gouvernement.

Le rapport sera mis à la disposition des commissaires la semaine précédant son adoption et sera consultable. Je rappelle les règles applicables en la matière : la prise de connaissance du rapport s'effectuera dans une salle de réunion retenue à l'avance, en présence d'un fonctionnaire de la commission. Le rapport ne sera donc pas adressé en amont de la réunion par voie électronique. Il serait souhaitable que vous puissiez vous organiser afin que vos éventuelles demandes de modifications puissent être transmises au président et au rapporteur en amont de notre réunion de publication, cela afin de pouvoir respecter le délai de vingt-quatre heures entre l'adoption du rapport et sa publication.

Monsieur le ministre, toute commission d'enquête entraîne un certain formalisme juridique.

Avant de vous donner la parole, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter successivement serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. François Rebsamen prête serment.

M. Thomas Dossus, rapporteur. - La libre administration des collectivités semble menacée par plusieurs réformes, notamment de la fiscalité locale. L'autonomie financière des collectivités territoriales a été fragilisée. Une forme de défiance s'est installée entre les élus locaux et le Gouvernement. Les échanges ont d'ailleurs été vifs durant l'examen du projet de loi de finances. Les élus locaux ont l'impression que le Gouvernement leur demande de payer pour l'impéritie de l'État.

Parallèlement, des besoins de financement nouveaux apparaissent. Je pense en particulier à la transition écologique. La stratégie de l'État en ce domaine repose beaucoup sur les collectivités. Nous avons donc besoin de trouver les moyens de reconstruire la confiance entre l'État et les collectivités territoriales, et de jeter les bases d'un modèle garantissant une meilleure prévisibilité financière à l'avenir, qui servira de support à la programmation des investissements futurs.

Nous attendons donc, monsieur le ministre, des éclairages sur le prochain budget, même si les arbitrages n'ont pas encore été rendus. Une éventuelle réforme du pilotage des finances publiques locales est-elle prévue ? Nous avons des propositions à vous soumettre sur ce point.

Je profite enfin de votre présence parmi nous pour vous demander de bien vouloir donner la consigne à votre cabinet et à la direction générale des collectivités locales (DGCL) de nous transmettre leurs réponses au questionnaire que nous leur avons envoyé.

M. François Rebsamen, ministre. - Je suis très heureux de m'exprimer aujourd'hui sur des sujets tels que la libre administration des collectivités territoriales, le financement des services publics de proximité ou la transition écologique, qui sont, en effet, essentiels pour la démocratie locale et pour l'action publique.

J'aborderai d'emblée le coeur du sujet, afin de clarifier une position de principe du Gouvernement : non seulement celui-ci s'engage à respecter et à faire respecter le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, mais il y voit également un gage d'efficience, de rationalisation et, in fine, de succès.

La libre administration des collectivités territoriales, c'est d'abord, selon moi, la subsidiarité. J'ai la conviction que les solutions issues du terrain sont bien souvent plus adaptées que la norme générale. L'enjeu est de redonner aux collectivités locales le pouvoir d'agir. La libre administration des collectivités territoriales est donc bien plus qu'une norme à valeur constitutionnelle ; c'est une manière de faire, une garantie de bon sens, d'utilisation optimale des ressources et de réponse appropriée aux attentes de nos concitoyens.

J'ai été élu local et maire pendant vingt-cinq ans. J'ai toujours été un fervent défenseur de la décentralisation - il est d'ailleurs significatif que ce terme apparaisse dans l'intitulé même de mon ministère. Mon objectif est de renforcer l'autonomie des collectivités territoriales, en leur redonnant du pouvoir. L'effort de décentralisation constitue l'une des meilleures réponses aux critiques relatives à une prétendue impuissance des pouvoirs publics. En préservant les leviers à la main des élus locaux et en en inventant de nouveaux, on permet l'émergence de solutions locales, adaptées aux besoins et perceptibles par nos concitoyens.

Redonner du pouvoir d'agir aux collectivités, c'est confier les commandes aux responsables de terrain, aux élus. Je ne crois pas que l'on puisse administrer un grand pays comme la France depuis Paris. Les élus vivent sur leur territoire. Ils sont, de fait, comptables de l'action publique. Dès lors, si les maires doivent assumer les succès et les échecs des politiques publiques face à leurs administrés, il faut garantir qu'ils en soient bien les initiateurs.

L'autonomie financière des collectivités territoriales, principe inscrit à l'article 72 de la Constitution, se mesure à travers plusieurs indicateurs, parmi lesquels figure la part des ressources propres sur lesquelles les collectivités ont un pouvoir de décision. Contrairement à certaines idées reçues, cette part augmente, ce qui démontre que l'État n'a pas rogné l'autonomie financière des collectivités. En vingt ans, le ratio d'autonomie financière, tel qu'il a été défini par la loi organique du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, est ainsi passé de 61% à 73% pour le bloc communal.

La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales a été compensée à l'euro près pour les collectivités, ce qui représente un montant de 3,7 milliards d'euros en 2021. Cette compensation préserve, grâce à l'instauration d'un coefficient correcteur, le bénéfice de la dynamique des bases fiscales et des choix de politique fiscale locale. Les communes ont bénéficié du transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), tandis que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont reçu une fraction de la TVA. Ces mécanismes ont été conçus pour garantir la stabilité des ressources des collectivités, tout en tentant de simplifier notre système fiscal.

Certes, toutes ces ressources propres ne sont pas directement pilotables par les collectivités elles-mêmes. C'est l'un des sujets majeurs auxquels il nous appartiendra de répondre collectivement. Pour ma part, dans le contexte actuel, j'estime qu'il est prioritaire de redonner une prévisibilité pluriannuelle aux collectivités sur les ressources dont elles disposent. C'est l'un des axes forts des travaux en cours de la conférence financière des territoires, qui se poursuivront jusqu'à la fin du mois de juin. Une réforme fiscale de plus grande ampleur sera nécessaire lorsque les conditions politiques seront réunies.

En attendant, les collectivités font face à de vrais défis : une réduction de leur liberté de fixation des taux et une augmentation des contraintes et des normes auxquelles elles sont soumises. Or, lorsque l'on tente de lever ces contraintes, on se heurte souvent au " gardien de la niche " que l'on souhaite réformer - pour reprendre l'image que j'ai utilisée précédemment.

C'est précisément pour répondre à ces enjeux que nous avons mis en oeuvre certaines actions concrètes, qui témoignent de notre engagement en la matière. Nous avons ainsi lancé un « Roquelaure de la simplification », avec la volonté de réduire les contraintes administratives qui pèsent sur les collectivités. M. Boris Ravignon m'a ainsi remis un rapport, dans lequel il était proposé de rendre facultatifs les centres communaux d'action sociale (CCAS) pour les communes de moins de 1 500 habitants. Je précise que le Gouvernement n'a jamais eu la volonté de déposer un amendement en ce sens.

Nous nous efforçons de lever les contraintes administratives, de rendre aux collectivités une marge de manoeuvre dans le processus de décision.

Dans le cadre de la conférence financière des territoires, quatre groupes de travail ont été mis en place : sur la situation financière des départements, les modalités des relations financières entre l'État et les collectivités, la fonction publique territoriale et la prévisibilité pluriannuelle des recettes. J'espère que ces travaux permettront de définir, avec les collectivités, des solutions durables et équitables, pour les impliquer dans le redressement de nos finances publiques.

Je suis convaincu que nous devons également redonner aux collectivités un pouvoir en matière de taux. Cela signifie qu'elles doivent pouvoir décider plus librement de l'utilisation de leurs ressources, dans le respect de leurs compétences et de règles claires. Cette simplification et cette clarification sont essentielles pour parvenir à une gestion plus efficace et responsable de nos finances publiques.

Au-delà des aspects financiers, il faut créer un modèle de gouvernance qui laisse la possibilité aux territoires d'agir : il importe de faire confiance a priori aux élus locaux et aux habitants. La différenciation n'est pas un gros mot. L'adaptation des normes doit être possible, y compris par la voie de dérogations, lesquelles pourraient être édictées par les préfets de département. Cela peut se faire sans porter atteinte au principe d'égalité ni renoncer à la volonté de réduire les fractures territoriales.

Les préfets doivent pouvoir répondre aux enjeux locaux. C'est pourquoi nous suivons avec une attention particulière le parcours au Parlement de la proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires, qui a été déposée par Rémy Pointereau et Guylène Pantel.

Le Gouvernement engagera, de son côté, un nouvel effort de déconcentration. En donnant des marges d'action aux préfets, on leur permet de mieux répondre aux enjeux locaux. Les préfets ne sont pas que des délégués territoriaux de certaines agences...

Il nous faut également encourager les expérimentations, ainsi que leur évaluation. Donner aux territoires la possibilité de tester des solutions nouvelles comporte sans doute un risque d'échec, mais cela permet de mesurer la prise de risque.

Cette autonomie, corollaire de la liberté, doit cependant s'accompagner d'une responsabilité accrue. C'est l'esprit même de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, qui repose sur les principes de liberté et de responsabilité. Les élus locaux doivent assumer leurs choix devant les électeurs, sans systématiquement solliciter l'État pour des financements supplémentaires.

Finalement, l'État, les collectivités locales et les caisses de sécurité sociale sont tous sur le même bateau, celui des administrations publiques. Nous devrons oeuvrer ensemble pour assurer la soutenabilité de nos finances publiques, dont l'état, permettez-moi cette litote, n'est pas au beau fixe. La situation financière de notre pays est semblable à celle d'un navire qui navigue en eaux troubles et qui est secoué par les flots en raison du gros temps. Nous devons tous contribuer à l'effort de redressement des finances publiques, sans nous réfugier derrière des nomenclatures comptables. La solidarité entre les différents niveaux de collectivités est plus que jamais nécessaire. Toutes les contributions sont les bienvenues à cet égard.

Enfin, je tiens à souligner notre engagement en faveur de la transition écologique, domaine dans lequel les collectivités locales jouent un rôle clé, car, en réalité, tout se joue sur le terrain. Si des décisions sont prises au niveau national, ce sont les collectivités territoriales qui agissent concrètement, grâce, le cas échéant, aux dotations d'investissement.

Le fonds vert, instrument entièrement dédié à la transition écologique, a mobilisé 1,6 milliard d'euros en 2024 - 100 % des autorisations d'engagement disponibles ont été consommées. Depuis 2023, le soutien de l'État à l'investissement des collectivités dans ce domaine s'élève à 3,6 milliards d'euros. Ce dispositif, fortement soutenu par le Président de la République, a fait ses preuves. Il n'existait aucun mécanisme d'une telle ampleur auparavant.

En 2023, 9 000 projets ont été financés en France, pour un coût total de plus de 10 milliards d'euros. Ces projets ont bénéficié de 534 millions d'euros de subventions, ce qui représente plus de 25 % des crédits ouverts au titre de quatre dotations : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et la dotation politique de la ville (DPV).

La transition écologique est un objectif transversal qui doit irriguer toutes les politiques publiques. Les projets que j'ai évoqués s'inscrivent dans différents domaines. Plus de 3 000 dossiers de rénovation énergétique de bâtiments publics ont été subventionnés, pour réaliser des gains énergétiques moyens de 55 %. Plus de 950 dossiers de renaturation de villes et de villages ont permis de renaturer 610 hectares. Enfin, plus de 670 projets de recyclage de friches ont été accompagnés : 1 200 hectares ont ainsi été recyclés, ce qui a permis la création de 30 000 logements et de libérer 1,6 million de mètres carrés pour de nouvelles activités.

En conclusion, je réaffirme l'engagement du Gouvernement en faveur de la libre administration des collectivités territoriales. Nous travaillons à renforcer leur autonomie financière et à simplifier les normes qui pèsent sur elles - des normes qui sont souvent issues d'une loi bavarde. Cette autonomie doit s'accompagner de responsabilités partagées, dans l'intérêt de tous nos concitoyens. Notre engagement pour la transition écologique, illustré par le financement de milliers de projets verts, témoigne de notre détermination à construire ensemble un avenir durable et respectueux de l'environnement.

M. Thomas Dossus, rapporteur. - Quel regard portez-vous sur les différentes réformes de la fiscalité locale ? Les collectivités locales ont l'impression d'être victimes d'une double peine. Alors qu'elles ont perdu un grand nombre de leviers fiscaux, certes avec des compensations, elles doivent aujourd'hui contribuer au redressement des finances publiques. L'État a mené des réformes de la fiscalité locale et il demande maintenant aux collectivités de participer au financement de ces mêmes réformes, parce que le budget dérive ! Quelle est votre analyse sur ce sentiment qui s'installe chez des élus à qui l'on demande des efforts, alors qu'on les a privés de leurs leviers d'action ?

M. François Rebsamen, ministre. - Vous avez raison, la question de la participation des collectivités locales au redressement des finances publiques fait débat. Deux discours s'expriment aujourd'hui. Le premier, porté notamment par des associations d'élus, telles que l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) consiste à dire que les collectivités ne peuvent pas participer à cet effort de redressement des comptes publics, parce que l'État leur a retiré des recettes, et notamment celles qui provenaient de la taxe d'habitation. Le second discours, que je tenais moi-même il y a encore un an en tant que président de la commission " finances et fiscalité " de France urbaine, consiste à dire que les collectivités ne peuvent se soustraire à cet effort, mais que leur participation doit être raisonnable et raisonnée.

Le Président de la République avait annoncé, durant la campagne électorale, qu'il supprimerait la taxe d'habitation s'il était élu. Initialement, le dégrèvement ne concernait que 80% des foyers, mais la réforme a été amplifiée ensuite, au nom du principe d'égalité, pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel, et tous les ménages ont été exonérés. Il ne faut pas oublier toutefois que 30% à 35% de nos concitoyens ne payaient déjà plus cet impôt. Cette mesure a représenté un gain de pouvoir d'achat indéniable, mais elle a également fragilisé nos finances publiques. Je comprends donc ceux qui tiennent le premier discours.

Pour autant, cette décision a été, d'une certaine manière, approuvée par le peuple français lors de l'élection présidentielle, puisque la mesure avait été annoncée durant la campagne. Je remarque d'ailleurs qu'aucun de ceux qui dénoncent cette mesure ne propose de rétablir cet impôt.

Toutefois, on a rompu le lien qui existait entre les ressources locales et les citoyens. Désormais, l'impôt local ne repose quasiment plus que sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), qui pèse sur une proportion très variable des habitants en fonction des lieux. Dans certaines communes, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), la part des propriétaires est faible. Dans certaines communes, cette part n'est que de 27% ou 28%. L'impôt local pèse alors sur une fraction très restreinte de la population.

À titre personnel, j'estime que cette rupture du lien fiscal sera intenable sur la durée. C'est pourquoi j'avais émis l'idée d'instaurer une contribution locale, qui ne serait pas une nouvelle taxe d'habitation, dont les défauts et l'injustice étaient réels, mais une contribution modeste qui permettrait de rétablir le lien entre les citoyens et le service public, tout en redonnant du sens à ce dernier. Nos concitoyens risquent en effet de considérer que le service public est gratuit. Mon idée a été reprise par de nombreuses associations d'élus et je suis convaincu qu'elle fera son chemin.

Vous avez également évoqué la question de la prévisibilité des ressources pour les collectivités locales. Je ne pense pas que la libre administration des collectivités territoriales soit menacée, à condition évidemment que nous sachions redresser nos finances publiques. Toutefois l'État central est tenu de respecter certains engagements internationaux ; il doit notamment ramener le déficit sous le seuil des 3 % du PIB. Il est normal qu'il associe les collectivités à la réflexion sur la trajectoire des finances publiques, dans la mesure où il finance une part du budget des collectivités territoriales.

Encore faudrait-il toutefois que l'État respecte la parole qu'il a donnée. Le non-respect de cette parole est, à mon sens, l'une des causes de l'apparition de tensions entre les collectivités et les administrations centrales. C'est pourquoi la première des mesures que je proposerai cette année sera le remboursement, conformément aux engagements pris, d'un tiers des sommes versées au titre du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico). Si l'État ne tenait pas parole sur ce point, il serait quasiment impossible de poursuivre une réflexion commune avec les élus.

M. Thomas Dossus, rapporteur. - Que l'État tienne parole, voilà qui me semble être la moindre des choses ! Mais je vous remercie de préciser ce point.

Vous avez évoqué les travaux en cours pour instaurer une prévisibilité pluriannuelle, qui pourrait prendre la forme d'une contractualisation. Or les associations d'élus gardent un mauvais souvenir des contrats de Cahors. Quelle forme pourrait prendre cette nouvelle contractualisation entre l'État et les collectivités ?

M. François Rebsamen, ministre. - Nous pourrions sans doute annexer à la loi de finances une trajectoire prévisionnelle des finances locales, qui serait définie en commun avec les collectivités locales. Cela permettrait de donner de la visibilité à ces dernières, notamment sur les dotations d'investissement. En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, les strates de la dotation globale de fonctionnement (DGF) continuent de s'accumuler et de se sédimenter.

M. Thomas Dossus, rapporteur. - C'est vrai.

M. François Rebsamen, ministre. - Lorsque j'étais sénateur, nous avions demandé la réalisation d'une étude de la DGF, je crois qu'elle est toujours d'actualité.

Il convient aussi de tenir compte du cycle électoral, qui joue un rôle important pour l'investissement. Je n'ai pas encore rencontré la ministre des comptes publics. Je la rencontrerai la semaine prochaine. Je m'exprime donc à titre personnel sur ce point. Si l'on se fie au modèle des cycles électoraux, on peut s'attendre à ce que l'année prochaine ne soit pas celle où les subventions d'investissement seront les plus utilisées, car les nouvelles équipes municipales devront d'abord élaborer leur programme pluriannuel d'investissement (PPI). Cela nous laisserait une marge de manoeuvre pour établir une trajectoire ascendante des subventions d'investissement sur la durée du mandat. Si un accord était trouvé et si l'État respectait ses engagements sur le remboursement d'un tiers du Dilico - ce qui est essentiel pour recrédibiliser sa parole -, nous pourrions avancer ensemble et annexer cette programmation à la loi de finances. Telle est la forme de prévisibilité que j'estime possible.

M. Thomas Dossus, rapporteur. - Dans la réflexion sur la libre administration se pose la question des compétences obligatoires ou contraintes. Celles-ci s'accompagnent souvent de dépenses non pilotables. Je pense notamment aux dépenses sociales, qui pèsent lourd dans les budgets des départements et dont le financement a été adossé à des ressources volatiles, comme les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Ne faudrait-il pas remettre à plat l'ensemble des compétences des collectivités pour mieux assurer leur financement, afin d'éviter un " crash ", alors que les chiffres sur l'épargne des départements sont très inquiétants ?

M. François Rebsamen, ministre. - La part des dépenses sociales dans le budget des départements est en effet de plus en plus importante. Ceux-ci ne veulent cependant pas être cantonnés à ce seul rôle ; ils ont d'autres compétences, en matière de voirie, de soutien aux EPCI, d'école, de culture, de tourisme, de gestion des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), etc. Le financement de ces dépenses est parfois partagé entre les départements et le bloc communal.

Cette situation ne pourra pas perdurer. Cependant, une réforme ne pourra pas se faire sans un grand débat, qui, espérons-le, aura lieu lors des prochaines élections présidentielles. En attendant, nous faisons du rafistolage. Nous avons ainsi donné la possibilité aux départements d'augmenter de 0,5% le taux des DMTO. Or les départements qui ont le plus de charges sociales par habitant sont souvent ceux qui perçoivent le moins de DMTO ! Les dépenses sociales augmentent d'environ 6% par an en moyenne, mais les dépenses sociales par habitant sont souvent plus importantes dans les départements les plus pauvres, pour des raisons historiques : je pense par exemple au recours aux nourrices dans la Nièvre, aux foyers pour handicapés dans l'Yonne, etc.

La seule ressource propre des départements est donc devenue les DMTO. La hausse de 0,5% des DMTO devrait rapporter entre 350 et 650 millions d'euros selon Bercy, mais l'estimation est difficile à réaliser. Il serait judicieux de mettre en place une péréquation horizontale. Sinon, nous continuerons d'appauvrir les départements les plus pauvres et d'enrichir les plus riches. On compte deux départements très riches, Paris et les Hauts-de-Seine, puis les départements se répartissent en trois tiers, en fonction de leur richesse. Mais dans le premier tiers, certains départements sont également très riches.

La hausse des DMTO permettra donc de colmater les brèches à court terme, mais elle ne résoudra pas le problème de fond : les dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité continueront de progresser, indépendamment des recettes. Des solutions ont été avancées, comme l'affectation d'une part de la TVA - mais il s'agit d'une recette indexée sur le cycle économique - ou d'un point de contribution sociale généralisée (CSG) - qui pourrait rapporter 19 milliards d'euros, mais qui aurait l'inconvénient de cantonner les départements à l'action sociale.

M. Thomas Dossus, rapporteur. - J'ai l'impression que vous partagez nos conclusions : le mode de financement des collectivités locales est arrivé à bout de souffle. La défiance des élus naît aussi d'un manque de transparence de la part de l'État. Ne faudrait-il pas, comme le proposait Éric Woerth dans son rapport sur la décentralisation, créer une instance qui, à l'image du Conseil d'orientation des retraites (COR), pourrait objectiver les trajectoires financières des collectivités, avec des données transparentes et fiables ? Ce conseil d'orientation des finances locales remplacerait le Comité des finances locales (CFL) et les autres instances existantes en ce domaine.

M. Olivier Henno, président. - Si l'on recréait un lien fiscal entre les collectivités et le citoyen, par exemple au travers d'une contribution assise non seulement sur les valeurs locatives, mais aussi sur le revenu, n'accentuerait-on pas ainsi les écarts entre les départements riches et les départements pauvres ? Cela rendrait la péréquation encore plus nécessaire.

M. François Rebsamen, ministre. - Les strates de collectivités connaissent des situations très différentes. Pour les régions, tout dépend de la gestion qui est faite. Quant aux départements, certains sont à bout de souffle. Le bloc communal, pour sa part, ne s'en sort pas trop mal. Les taux d'épargne, très dégradés pour les départements, sont confortables pour les communes ; ils ont peu évolué ces huit dernières années.

Concernant la question du président Henno, je propose de ne pas moduler la contribution selon l'impôt sur le revenu. Celle-ci doit être la même pour tous les citoyens d'une même commune, sachant qu'ils paient des taxes différentes en fonction de leur statut de locataire ou de propriétaire - le calcul se fait en fonction de la surface occupée et de la qualité de la maison.

Je ne peux pas toucher au Comité des finances locales, car son président s'appelle André Laignel. Il a autour de lui des élus et les services de l'État. Il rend des avis sur de nombreux sujets.

M. Thomas Dossus, rapporteur. - C'est lui-même qui nous a parlé du manque de transparence des services de l'État.

M. François Rebsamen, ministre. - Il peut certes regretter parfois que les documents demandés n'arrivent pas assez vite. J'en conviens.

Nous pourrions renforcer ou valoriser le rôle du CFL, comme nous pourrions partager plus d'informations avec le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), notamment en matière de normes existantes et de modifications à apporter.

Dans les groupes de travail de la conférence financière des territoires, nous travaillons aussi avec les associations des directions générales des services, pour élaborer des propositions concrètes, disposer de données pluriannuelles et essayer d'avancer sur les rentrées fiscales et le partage des prévisions.

Les prévisions locales des directions régionales des finances publiques (DRFiP) et de la direction générale des finances publiques (DGFiP) sont moins fiables qu'auparavant : nous manquons de retours ; les bases n'évoluent pas alors que la population augmente ; les retards sont récurrents, et je constate un léger " brouillard " en matière de prévisions.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Parlons-nous franchement, monsieur le ministre. Vous cochez toutes les cases pour ce ministère, au regard de votre parcours. Vous savez de quoi vous parlez.

M. François Rebsamen, ministre. - C'est ma passion !

M. Jean-Raymond Hugonet. - Même si nous ne partageons pas les mêmes convictions politiques, je vous écoute toujours avec beaucoup d'intérêt.

Cela étant dit, étant élu local depuis plus de vingt-cinq ans, je précise que nous avons le sentiment que nous sommes gentiment menés en bateau. Ce que j'ai réalisé lors de mon premier mandat municipal en 2001 ne serait plus possible aujourd'hui, pour une commune de 6 600 habitants en région parisienne.

M. François Rebsamen, ministre. - Je me rappelle de mon premier mandat, entre 2001 et 2008 : j'ai exactement la même expérience.

M. Jean-Raymond Hugonet. - À l'heure où nous parlons beaucoup de déconstruction, les deux piliers de notre démocratie - les communes et les départements - sont dans l'oeil du cyclone. Les départements sont dans le rouge financièrement, car ils n'ont plus de dynamique fiscale, alors que leurs compétences augmentent - je précise que les DMTO relèvent bien d'un problème de gestion. Quoi qu'il en soit, les départements sont exsangues.

Quant aux communes, elles restent relativement en bonne santé, car elles sont contraintes à une gestion rigoureuse ; elles ne peuvent, contrairement à l'État, emprunter pour des dépenses de fonctionnement.

À contrario de ce qu'il aurait fallu faire, nous avons augmenté le fameux millefeuille territorial, avec les régions, dont certaines rencontrent des problèmes qui sont bien des problèmes de gestion, et les intercommunalités, qui prospèrent grassement. L'intercommunalité est un échec cuisant. Et je ne parle pas des métropoles !

À l'heure où nous parlons d'économies, ne pensez-vous pas que ces collectivités - régions, intercommunalité et métropoles - pourraient contribuer un peu plus que les deux collectivités qui sont à la base de notre démocratie, à savoir les communes et les départements ?

Nous avons beaucoup de mal à faire des prévisions dans notre pays. Je souhaite vous croire, monsieur le ministre : j'attends le premier remboursement lié au Dilico.

M. François Rebsamen, ministre. - Moi aussi.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je le dis d'autant plus librement que ce sont des amis politiques qui ont été les architectes de cette hérésie ! Pour ma commune, cela ne représente pas qu'un pourboire.

Mme Isabelle Briquet. - J'aborderai l'une de mes marottes : l'effort demandé aux collectivités devrait être déterminé en fonction de leur poids dans la dette publique.

Les administrations publiques locales (Apul) comprennent les collectivités locales et les organismes divers d'administration locale (Odal). Parmi les Odal, nous comptons la Société du Grand Paris (SGP) et Île-de-France Mobilités (IDFM), qui ont des besoins de financement et des investissements très lourds. Les Apul représentent 7,9% de la dette, avec une progression de leur part en valeur de 13,8 milliards d'euros l'année dernière. Quelle est la répartition de la dette des Apul entre les collectivités locales et les Odal ? Sur une dette de 40 milliards d'euros, la question est importante.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Vous avez parlé de visibilité pluriannuelle, monsieur le ministre. Qu'y a-t-il derrière ce concept ? Quelles sont les implications pour le quotidien des élus qui s'engagent pour six ans ?

M. Olivier Henno, président. - Je vous prie de m'excuser, monsieur le ministre, je dois m'absenter pour auditionner M. Mignola.

- Présidence de M. Jean-Raymont Hugonet, vice-président -

M. François Rebsamen, ministre. - L'architecture des collectivités françaises repose sur 36 000 communes, d'où des débats à n'en plus finir pour savoir s'il faut les regrouper ou non. De nombreuses tentatives ont eu lieu - je pense à la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite loi Marcellin. Ce fut un échec. Il en va de même pour les communes nouvelles. Le Sénat tente de faciliter les regroupements, mais cela n'avance pas beaucoup.

Les très petites communes - de moins de 200 habitants, avec peu de moyens - sont très nombreuses ; on a pensé qu'elles pourraient collaborer. J'étais alors jeune commissaire du Gouvernement auprès du ministre de l'intérieur de l'époque. Nous avons fait adopter la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, dite loi ATR, avec une part " préfet " plus importante. Depuis, à cause des opérateurs, les préfets ont perdu beaucoup de pouvoir - je trouve gênant que des opérateurs expliquent qu'ils ont comme délégué territorial le préfet, ou d'apprendre, comme ministre, qu'ils ont dépensé des crédits que je ne connaissais pas. La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite loi Chevènement, a donné un coup d'accélérateur. Nous avons alors vu fleurir les communautés d'agglomération. Le principe du regroupement est né à ce moment-là, se poursuivant avec la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) puis la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam).

Monsieur Hugonet, ce que vous dites est juste, mais surtout en Île-de-France, là où personne n'est allé au bout de la logique de simplification. On a ajouté la strate de la métropole du Grand Paris (MGP), et empêché la constitution d'EPCI. L'organisation territoriale de la République n'y est pas achevée.

Concernant les métropoles, qui sont peu nombreuses, le Sénat, sous l'impulsion de Mme Gourault, s'était opposé à ce que certains regroupements de communes deviennent des métropoles, comme Toulon. L'Assemblée nationale l'a autorisé. Aujourd'hui, les régions, pour certaines, ne correspondent pas à grand-chose. Les départements font incontestablement partie de l'histoire de France. Il y a des problèmes de tutelle de certaines collectivités sur d'autres. Avec seulement des communes et des départements, des territoires se retrouveraient sous une dépendance clientéliste. Il est donc normal que les communes se soient regroupées en EPCI, même si cela a eu lieu à marche forcée.

En Île-de-France, certaines choses ne vont pas bien, contrairement au reste du territoire. Le Mouvement des entreprises de France (Medef) a accepté que le forfait mobilités durables (FMD) soit augmenté de 3,5%, mais seulement en Île-de-France : il y a donc la " belle France ", et la France en souffrance, qui, elle, n'a pas le droit d'avoir des transports en commun.

Il faudrait revoir les choses, comme il faudrait revoir la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui est très inégalitaire : elle varie du simple ou double ! Dijon touche 25 millions d'euros, Angers et Le Havre 53 ou 55 millions d'euros ! Il faudra revenir sur ce point, en espérant une loi de programmation pour les collectivités locales.

Les Odal représentent 30 % de la dette des Apul. Il est légitime qu'ils contribuent.

En cumul sur douze ans, le besoin de financement des collectivités territoriales s'élève à 13 milliards d'euros, contre 30 milliards pour les Odal. Le poids de la dette ne peut cependant être le seul indicateur, le potentiel financier doit aussi être pris en compte. En Côte-d'Or, la région vitivinicole participe tout particulièrement.

J'en viens à la prévisibilité. Les contrats de Cahors - on agissait par la contrainte - avaient fonctionné, mais ils ont laissé un souvenir cuisant aux collectivités. À l'époque, le Premier ministre voulait maîtriser la dépense publique, on ne peut lui en vouloir. Depuis, cela part dans tous les sens.

Je souhaiterais que l'on instaure de la prévisibilité au moins pour les subventions d'investissement. Les dépenses de fonctionnements dépendent des recettes et des choix des élus, qui peuvent par exemple modifier la taxe foncière sur les propriétés bâties. Les comparaisons sont ainsi difficiles, d'autant plus que les communes ont récupéré une part départementale de la taxe, qui varie aussi.

Les contrats de Cahors représentent une somme de 3,1 milliards d'euros en trois ans.

M. Thomas Dossus, rapporteur. - Concernant les dotations d'investissement, des craintes existent sur leur fusion, notamment dans les territoires plus ruraux. Le fonds vert, qui a bien fonctionné, a subi un coup de rabot l'année dernière. Quel est l'avenir de ces dotations ?

M. François Rebsamen, ministre. - Nous aimerions conserver le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), dont la souplesse d'utilisation, à la main des préfets, est utile aux communes. Je me bats pour que nous le conservions.

Il ne faut pas toucher à la DETR. La France compte 32 000 communes de moins de 1 000 habitants, parfois au sein d'EPCI ou de métropoles. Je ne citerai qu'un chiffre : 87 % des projets financés par la DETR concernent des communes de moins de 10 000 habitants. Elle est donc ciblée sur les communes essentiellement rurales. Certains souhaitent exclure du dispositif certaines communes rurales ou rurbaines des métropoles et des communautés d'agglomération, au motif qu'elles auraient leur propre circuit de financement. Je voudrais mettre ces dotations à la main du préfet, pour les protéger.

L'autre volet de la décentralisation, c'est la déconcentration. Les élus savent qu'il faut renforcer le pouvoir des préfets et leur donner la main sur les dotations. Telle était mon idée. Je pensais ainsi protéger les collectivités des coupes budgétaires de Bercy. Je voulais une dotation rurale et une dotation urbaine. Il fallait donc rassembler, d'une part, la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et la DETR dans une dotation rurale et, d'autre part, la dotation politique de la ville (DPV), qu'il faudra modifier face à de criantes inégalités, et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dans une dotation urbaine.

Outre le fonds vert, existent aussi les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui nous échappent.

M. Thomas Dossus, rapporteur. - Mais qui fonctionnent bien ! Je pense au fonds Chaleur.

M. François Rebsamen, ministre. - Oui, mais les crédits sont mal consommés.

M. Rémi Cardon. - Qu'en est-il de la visibilité pour les labels Petites Villes de demain (PVD) ou Villages d'avenir ? Dans la Somme, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) n'est pas toujours très engagée ; c'est bien le préfet qui gère la question dans les départements. Les investissements en ingénierie pour les communes restent bien faibles. Je n'ai aucune visibilité sur ces labels.

M. François Rebsamen, ministre. - Le ministère de l'aménagement du territoire a produit un document sur le nombre et l'implantation des programmes de l'ANCT. Je vous le transmettrai demain. Ces programmes ont en fait été inventés par les élus. L'État a porté en propre France Services. Pensons aussi à Territoires d'industrie.

Cela étant dit, voilà qui ne fait pas une politique d'aménagement du territoire. C'est de l'aménagement du territoire, mais pas une politique d'aménagement du territoire, qui devrait dessiner les orientations de mobilité et les grandes infrastructures au niveau national.

En France, l'aménagement du territoire passe plutôt par des coups de coeur. Il faut plutôt refaire de l'aménagement global, pour de grandes infrastructures, et piloter plus finement. L'ANCT doit changer de nature, et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) devrait participer un peu plus à l'ingénierie des collectivités, là où les départements n'ont plus les moyens de le faire. Le Cerema compte 2 545 agents. Il est né à Bron, et s'est ensuite implanté dans l'Ouest du pays, puis dans le Sud, mais des territoires entiers ne sont pas couverts.

M. Rémi Cardon. - L'Ademe va-t-elle perdurer jusqu'en 2027 ?

M. François Rebsamen, ministre. - Je ne vois pas pourquoi nous y toucherions.

M. Bernard Buis. - La dotation globale de fonctionnement (DGF) est devenue un vrai maquis. Dans la Drôme, certaines communes de 10 000 habitants n'ont plus de DGF. Certaines communes de 12 habitants ont 160 000 euros de DGF, quand d'autres communes de 20 habitants ont 15 000 euros de DGF. Personne ne comprend rien aux critères, ni les élus ni la DGFiP. Nous sommes incapables de renseigner les maires. Nous avions voté le maintien de la DGF pour toutes les communes il y a deux ans ; or des communes qui voient leur population augmenter perdent de la DGF, et inversement. L'aberration est totale. Il faut donner un grand coup de balai.

M. François Rebsamen, ministre. - Vous avez tout à fait raison. Nous pouvons expliquer les variations, mais cela est si complexe que c'est incompréhensible pour les citoyens, comme pour un grand nombre d'élus.


Source https://www.senat.fr, le 19 juin 2025