Interview de Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement, à France Info TV le 25 juin 2025, sur l'état des lieux des discussions avec les partenaires sociaux après la clôture du "conclave" sur les retraites, le dépôt d'une motion de censure par le Parti socialiste, le rappel d'airbags Takata défectueux, le budget 2026, le déficit de l'assurance maladie.

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Média : France Info TV

Texte intégral

JEROME CHAPUIS
Bonjour Sophie PRIMAS.

SOPHIE PRIMAS
Bonjour Jérôme CHAPUIS.

AGATHE LAMBRET
Bonjour.

SOPHIE PRIMAS
Bonjour Agathe LAMBRET.

JEROME CHAPUIS
Et nous parlons, avec vous, des contrecoups de cet échec. Enfin, vous allez nous dire si vous considérez cela comme un échec. Le conclave sur les retraites s'est soldé par la fin des négociations, pas d'accord entre partenaires sociaux, mais le Premier ministre ne veut pas rendre les armes. Il a donc reçu syndicats et patronats hier pour tenter une ultime conciliation. Est-ce que vous pouvez nous dire, ce matin, ce qu'ont donné ces discussions ?

SOPHIE PRIMAS
Eh bien, écoutez, le Premier ministre, effectivement, ne veut pas arrêter cette discussion si près du but. Il considère qu'il y a des points de convergence. Il y a aussi des points de désaccord. Il a donc demandé à l'ensemble des partenaires sociaux de mettre sur papier, clairement, quels sont les points de convergence, quels sont les points de difficulté, de désaccord, et puis essayer de faire converger. Il continue cette négociation.

JEROME CHAPUIS
Certaines choses ont avancé depuis hier soir ?

SOPHIE PRIMAS
Alors, certaines choses n'ont pas encore avancé, puisqu'il y a eu un premier dialogue. Chacun doit rendre sa copie au Premier ministre. Et on va travailler sur les points de convergence, et essayer de diminuer les divergences sur le reste. Il y a des points qui sont assez difficiles, comme le financement, par exemple, de systèmes de retraite ou de la pénibilité si jamais les salariés venaient à partir plus tôt en raison de facteurs de pénibilité.

AGATHE LAMBRET
Ça, c'est un point de désaccord.

SOPHIE PRIMAS
Ça, c'est un point de désaccord entre les partenaires sociaux. Il faut donc avancer, d'abord sur les points de convergence et ça sera déjà bien.

AGATHE LAMBRET
Il faut avancer, dites-vous. Ça fait déjà quatre mois que ce conclave se réunit. François BAYROU avait déjà accordé une séance supplémentaire. Hier, malgré l'échec reconnu par les syndicats eux-mêmes. Le Premier ministre s'accrochait, disait vouloir encore chercher une voie de passage. À un moment, est-ce que François BAYROU ne nie pas l'évidence ?

SOPHIE PRIMAS
Vous savez, Agathe LAMBRET, la question des retraites, c'est une question presque existentielle de notre modèle social, et de ce modèle assez extraordinaire qu'on a mis au point depuis des dizaines d'années en France, et qui ne permet plus aujourd'hui de financer les retraites de façon pérenne.

AGATHE LAMBRET
Mais il y a déjà eu une réforme, celle de 2023. C'est la réforme des retraites qui est existentielle ou c'est le maintien à Matignon de François BAYROU ?

SOPHIE PRIMAS
C'est la réforme des retraites.

AGATHE LAMBRET
Hier, Olivier FAURE disait qu'il cherchait seulement à gagner du temps.

SOPHIE PRIMAS
On est au-delà de la pérennité d'un Gouvernement, d'un Premier ministre. Nous sommes dans une réforme qui est nécessaire. La réforme qui avait été conduite par Elisabeth BORNE avait fait, évidemment, plutôt des mécontents, à cause du rallongement de la période de travail, évidemment. Mais beaucoup, dans les discussions, avaient pointé des difficultés, notamment sur les carrières longues, sur la pénibilité ou sur la carrière des femmes. Eh bien, voilà des points qui nous permettraient d'améliorer cette réforme des retraites tout en ayant en tête qu'il faut pérenniser cette réforme des retraites. Nous le devons aux générations futures, de sauver cette réforme des retraites.

JEROME CHAPUIS
Ce que vous nous dites, c'est que même si, d'aventure, le Gouvernement dont vous êtes la porte-parole, le Gouvernement de François BAYROU, tombait, cette négociation, cette discussion devrait se poursuivre ?

SOPHIE PRIMAS
La question de la pérennité de notre système de retraite est toujours au cœur des discussions, au cœur de nos préoccupations et de la préoccupation des Français, quelles que soient leurs pensées politiques.

JEROME CHAPUIS
Alors, pourquoi ça bloque aujourd'hui ? La faute à qui ? Est-ce que c'est le MEDEF, par exemple, comme l'ont dit les syndicats et notamment la CFDT, qui a joué l'échec ?

SOPHIE PRIMAS
Non, pas du tout. Je crois que la difficulté pour le MEDEF et les points qui sont montés d'ailleurs par le patronat, d'une façon générale, que ce soit les PME ou les entreprises représentées aussi par le MEDEF, c'est la question du financement de ce modèle social. Et le financement, vous savez, aujourd'hui, pèse beaucoup sur le travail. Donc, sur la compétitivité des entreprises, mais aussi sur le salaire net des salariés. Et donc, la question qui est derrière, au-delà même des négociations qui sont en cours aujourd'hui, c'est de se dire comment est-ce que l'on allège les charges qui pèsent sur les salariés, pour trouver un autre système des retraites. C'est une autre discussion qui aura lieu probablement à l'occasion des élections présidentielles. Mais nous devons, là, en ce moment, essayer de réduire des inégalités qui auraient pu apparaître pendant la réforme des retraites précédente.

AGATHE LAMBRET
Alors, le paradoxe, c'est que vous dites : "Il faut discuter, c'est un sujet existentiel." Et en même temps, vous avez un parti socialiste qui accuse le Premier ministre de refuser de poursuivre la discussion au parlement, comme il s'y était engagé. Le Parti Socialiste qui dépose donc une motion de censure face à ce refus. On va parler du pourquoi de cette censure, mais d'abord, est-ce qu'elle vous inquiète ou c'est devenu la routine ? Ce sera la septième, je crois, pour François BAYROU.

SOPHIE PRIMAS
C'est la septième motion de censure qui sera déposée à l'encontre du Premier ministre et de notre Gouvernement. C'est une responsabilité, une prérogative, des groupes politiques à l'assemblée nationale. Donc, moi, je suis parlementariste, je crois à la puissance du Parlement. Je suis, moi-même parlementaire à l'origine. Donc, je crois à l'importance du Parlement, à la liberté des groupes politiques. Chacun prendra la responsabilité d'une instabilité politique supérieure à celle que nous connaissons aujourd'hui. Et chacun, dans une période où nous avons des enjeux qui sont des enjeux extrêmement importantes, pas pour nous personnellement, mais pour la France. Des enjeux budgétaires, des enjeux sur la pérennité du modèle social.

AGATHE LAMBRET
Justement, à l'instant, Sébastien CHENU du Rassemblement national, vice-président du RN, annonce que le Rassemblement national ne votera pas cette censure. Il donne rendez-vous au moment du budget. Vous saluez l'attitude du Rassemblement national. Vous êtes un peu entre les mains du RN aujourd'hui.

SOPHIE PRIMAS
On n'est pas entre les mains du RN. On est, très, entre les mains des 577 Députés quel que soit leur appartenance politique, qui ont la possibilité de voter ou pas une censure, et de façon libre et indépendante.

JEROME CHAPUIS
Mais de lors que vous perdez le soutien tacite du Parti socialiste, vous vous retrouvez dans la même position que Michel BARNIER, c'est-à-dire, encore une fois, entre les mains du bon vouloir du Rassemblement National ?

SOPHIE PRIMAS
Mais nous... Les Français ont choisi une Assemblée Nationale qui est diverse, qui n'a pas de majorité absolue. Et donc, en fonction des textes, en fonction des sujets qu'on évoque, en fonction des positions, de politique aussi de chaque groupe. On n'est pas complètement naïf sur le moment où tout cela arrive. Bien sûr, ça arrive sur les retraites. On sort du conseil national des Socialistes, des élections socialistes, d'une question pour les socialistes. Est-ce qu'on part dans le Nouveau Front Populaire ou est-ce qu'on renaît de nos cendres ?

AGATHE LAMBRET
Vous voulez dire qu'ils font ça pour exister, les socialistes ?

SOPHIE PRIMAS
C'est aussi une façon de montrer qu'ils sont là, que le Parti Socialiste existe, qu'ils ont une ligne. C'est aussi un positionnement politique, naturellement, des socialistes. Et ce n'est pas une critique de ma part. On connaît ce type de méthode.

JEROME CHAPUIS
Pardon, mais il y a du fond aussi dans la critique que vous adresse les socialistes, qu'ils adressent surtout à François BAYROU. Ils accusent le Premier ministre de leur avoir menti. C'est ce qu'a dit le premier secrétaire du PS Olivier FAURE. François BAYROU a-t-il menti aux socialistes ?

SOPHIE PRIMAS
La promesse et l'engagement du Premier ministre, c'était de dire, c'est très simple : "Si nous arrivons, par la voie de la négociation sur les partenaires sociaux, à un accord avec des dispositions qui doivent passer par le Parlement, eh bien, nous présenterons un texte devant le Parlement. S'il n'y a pas d'accord, nous resterons sur la réforme Elisabeth BORNE." Son engagement était celui-là. Il est donc conforme à son engagement.

AGATHE LAMBRET
Ce n'est pas tout à fait ça pour le Parti Socialiste, parce qu'Olivier FAURE insiste bien sur le fait que François BAYROU a dit aux socialistes que le Parlement aurait le dernier mot, accord ou pas accord. Et effectivement, quand on vérifie ce qu'a écrit le Premier ministre socialiste dans sa lettre, début janvier, François BAYROU avait effectivement écrit que si les partenaires sociaux ne parvenaient pas à un accord global, les avancées issues des travaux seraient quand même présentées via un nouveau projet de loi au Parlement. Le Parlement aura en tout état de cause le dernier mot, avait insisté le Premier ministre pour amadouer les socialistes. Les socialistes, c'est le dindon de la farce, Sophie PRIMAS ?

SOPHIE PRIMAS
C'est bien la raison pour laquelle, Agathe LAMBRET, le Premier ministre continue les discussions et veut des accords entre les partenaires sociaux, sur des points qui sont des points, je le répète, de la retraite des femmes, ou de départ à plein-droit de retraite. Là, je dépare à plein-droit de la retraite.

AGATHE LAMBRET
Il n'a pas cultivé une certaine ambiguïté, tout simplement pour éviter la censure ?

SOPHIE PRIMAS
Non, je ne pense pas. Il a été très clair. Et si nous avons un accord sur ces points-là, eh bien, ces accords seront présentés devant le Parlement.

JEROME CHAPUIS
Il y aura vraisemblablement une censure à l'automne. En tout cas, c'est le rendez-vous que donne, ce matin, le député RN, Sébastien CHENU. Qu'est-ce que vous allez faire ? Comment est-ce que vous allez mettre à profit les quelques semaines, puisque nous, désormais, on parle en semaines, en quelques mois, on va dire, qui reste... à ce Gouvernement ?

SOPHIE PRIMAS
Alors, moi, je ne lis pas les déclarations de Monsieur CHENU de la même façon. Effectivement, il donne rendez-vous au budget pour décider s'ils voteront une censure ou pas, ce qui veut dire qu'ils attendent à la fois les arbitrages et les discussions qui auront lieu avec tous les groupes politiques.

JEROME CHAPUIS
Y compris le RN ?

SOPHIE PRIMAS
Y compris le RN. En nous écoutant, tous les groupes politiques... Et la méthode de François BAYROU, c'est évidemment d'écouter l'ensemble. Après, sa responsabilité personnelle est de faire des arbitrages et d'essayer de trouver la voie du consensus. Je le répète, les Français nous ont envoyé une Assemblée nationale qui n'a pas de majorité absolue. À partir de ce constat, nous devons faire, avec ce Gouvernement qui est polyphonique, vous le savez, qui a des sensibilités différentes à l'intérieur du même Gouvernement.

JEROME CHAPUIS
Polyphonique, c'est une façon de parler. Nous, on a le sentiment parfois que c'est cacophonique.

SOPHIE PRIMAS
Oui, mais moi, je préfère polyphonique, parce que, à situation inédite, situation aussi du Gouvernement inédite. Et chacun sait qu'il n'y a tout à fait les mêmes sensibilités politiques, c'est le moins qu'on puisse dire, à l'intérieur du Gouvernement. Le Premier ministre nous a donné liberté de parole, et puis ensuite, respect des arbitrages qui sont trouvés avec l'Assemblée Nationale, dans le cas d'une majorité absolue, qui n'existe pas.

AGATHE LAMBRET
Sophie PRIMAS, le ministère des Transports a ordonné aux constructeurs automobiles, toutes marques confondues, d'immobiliser 800 000 véhicules supplémentaires équipés d'airbags TAKATA. En France, ces airbags mis en cause dans plusieurs accidents. C'est quoi ? C'est une application stricte du principe de précaution à la veille de l'été, alors que cela fait des mois qu'on est au courant du problème ?

SOPHIE PRIMAS
Il y a eu une émotion, évidemment, renforcée, puisqu'il y a eu un décès d'une jeune femme il y a très peu de temps, qui a conduit Philippe TABAROT en responsabilité, à demander le retrait et le contrôle de l'ensemble de ces véhicules : DS3 et C3. C'est une question de responsabilité, mais qui incombe d'abord aux constructeurs. Donc, il a travaillé avec les constructeurs pour demander le retrait, la vérification de l'ensemble de ces véhicules. C'est bien sûr l'application de principes de précaution.

JEROME CHAPUIS
Mais ça fait 14 mois. C'est ce que rappelait ce matin la présidente de l'UFC-Que-Choisir, association de consommateur, sur France info. Ça fait 14 mois qu'on est au courant.

SOPHIE PRIMAS
Bien sûr. Et d'ailleurs, ça fait 14 mois que nous demandons aux constructeurs de rappeler ces véhicules, de mettre en musique l'avertissement à l'ensemble des propriétaires de ces véhicules-là, et de remplacer, et de trouver des solutions de remplacement. Donc, là, le ministre des Transport tape du poing sur la table, a convoqué le constructeur, et met en œuvre des dispositions qui sont des dispositions assez sévères dont on connaît l'impopularité, puisqu'on est à 15 jours des départs en vacances, et qu'effectivement, il faut qu'en plus…

AGATHE LAMBRET
Effectivement, ceux qui nous écoutent et qui avaient besoin de leurs voitures pour partir.

SOPHIE PRIMAS
Voilà. Mais je crois qu'ils veulent partir en vacances tranquilles aussi. On a demandé aux constructeurs de trouver des solutions de substitution pour permettre aux Français de partir en vacances.

AGATHE LAMBRET
Sophie PRIMAS, est-ce qu'il faut une commission d'enquête sur ces airbags, comme le réclame l'UFC-Que-Choisir ?

SOPHIE PRIMAS
Ça, c'est la liberté du Parlement, de l'Assemblée nationale ou du Sénat, de constituer une commission.

JEROME CHAPUIS
Mais vous, sur le principe du Gouvernement, vous voyez ça d'un bon œil ou pas ?

SOPHIE PRIMAS
Moi, je pense que ce qui est urgent maintenant, c'est qu'on trouve une solution. Après, on pourra faire une commission d'enquête si les parlementaires le souhaitent. L'urgence et la responsabilité de Philippe TABAROT et l'ensemble du Gouvernement, c'est d'être assez directif, assez volontaire, pour demander aux constructeurs d'assumer ses responsabilités très vite.

JEROME CHAPUIS
Sophie PRIMAS, la porte-parole du Gouvernement est l'invitée de France info jusqu'à 9 h.

(…)

AGATHE LAMBRET
Toujours avec Sophie PRIMAS, porte-parole du Gouvernement. Un Premier ministre fragilisé dont la méthode doit encore faire ses preuves. On en parlait à l'instant. Dans ce contexte, François BAYROU doit dévoiler, mi-juillet, comme il s'y était engagé, ses pistes pour trouver les 40 milliards d'Euros nécessaires pour le budget 2026. Est-ce que vous en savez un peu plus sur les intentions du Premier ministre, ou c'est toujours le grand brouillard, même pour la porte-parole du Gouvernement ?

SOPHIE PRIMAS
Non. C'est un travail qui est réalisé avec Éric LOMBARD et Amélie DE MONTCHALIN. Avec le Premier ministre, toutes les pistes sont étudiées, je le répète, sans tabou, si j'ose dire. Et le Premier ministre tranchera dans les prochains jours, puisqu'on approche de mi-juillet à grand pas. Et donc, le travail est réalisé. Trouver 40 milliards, c'est très ambitieux.

AGATHE LAMBRET
Oui. D'ailleurs, vous dites "pas de tabou", mais à chaque fois qu'une mesure sort de l'atmosphère, il y a notamment des ministres qui remettent en cause son bien fondée. À quoi doivent se préparer les Français, Sophie PRIMAS ? Vous dites : "40 milliards, c'est beaucoup". Ça veut dire quoi ? On peut parler de rigueur, d'austérité ?

SOPHIE PRIMAS
Non. On parle surtout de réforme de l'État. On parle de se questionner sur l'ensemble de nos dépenses, sur leur efficacité, sur les méthodes avec lesquelles elles sont dépensées. Ça, ça demande un travail de fond qui est assez colossal et qui portera ses fruits sur 2, 3, 4 ans. Donc, on parle de pluri annualité sur la réforme de l'État. On regarde évidemment les gros postes de dépense de l'État. Vous savez clairement, 50 % des dépenses de l'État, c'est sur la sphère sociale, un-quart pour les retraites, un-quart pour les dépenses d'assurance-maladie, dont vous certainement vu qu'on a des questions à se poser, puisqu'il y a des dérapages de dépense assez importants, massifs.

JEROME CHAPUIS
Excusez-moi. Il faut en parler, Sophie PRIMAS, parce qu'on vous rappelle ce chiffre dont on a parlé sur France Info ce matin. Non, parce que c'est important. Là, vous parlez des dépenses sociales. 41 milliards d'euros de déficit selon les prévisions de l'assurance-maladie. Un rapport de prévision qui a été rendu hier. Et des propositions. Un bonus-malus, par exemple, pour la prévention de l'absentéisme. La fin de la prise en charge à 100 % pour les affections longue-durée, avec un changement du dispositif. Ce sont des choses que vous, vous voyez d'un bon œil ?

SOPHIE PRIMAS
Écoutez. Ce sont des propositions qui ont été faites par l'assurance-maladie aujourd'hui. Compte tenu du déficit, ce qui est important pour Catherine VAUTRIN et pour le Gouvernement, c'est effectivement de ne pas laisser ce déficit perdurer. Parce que là aussi, c'est une question de pérennité de notre système social. Donc, Catherine VAUTRIN fera des annonces dans les heures ou dans les deux jours qui viennent.

JEROME CHAPUIS
Dans les deux jours qui viennent.

SOPHIE PRIMAS
Voilà. Dans les heures qui viennent. Je n'ai pas la date exacte, donc, je ne veux pas trop m'avancer.

AGATHE LAMBRET
Mais vous n'avez pas de tabou, Sophie PRIMAS, quand on parle de mettre fin au 100 % pour les personnes en rémission de cancer, quand on parle de malus pour les entreprises qui ne feraient pas assez pour lutter contre l'absentéisme ?

SOPHIE PRIMAS
Vous savez, Agathe LAMBRET, on a une société qui, structurellement, est en train de vieillir. Et on a une société qui est fragilisée également par quelque chose que Michel BARNIER avait fait, une thématique dont Michel BARNIER avait fait la grande cause nationale, qui est la santé mentale et qui a été reprise par le Premier ministre François BAYROU. On a des difficultés qui sont liées aux arrêts-maladie, par exemple, dont vous parliez, aux infections de longue durée. Il est hors de question de brader la solidarité que représente aujourd'hui notre modèle social, sur ces questions-là. Quand on a dit ça, il faut trouver des solutions pour rendre notre système pérenne. Donc, je sais que Catherine VAUTRIN travaille d'arrache-pied sur les questions, par exemple, de prévention : pour éviter les maladies, pour éviter les dépenses, qu'elle travaille sur des questions de prévention. Ça sera évidemment au cœur de son action, mais ça ne sera pas suffisant.

JEROME CHAPUIS
Mais là, on ne parle pas de prévention. On se met, par exemple, à la place d'un malade du cancer qui nous écoute ce matin, qui entend la proposition de l'assurance-maladie. Vous revenez de votre traitement, vous êtes en début de rémission, on vous donne un arrêt maladie d'un mois et on se revoit dans un mois pour statuer.

SOPHIE PRIMAS
Qui n'est pas la proposition du Gouvernement, qui n'est pas le choix, pour l'instant, de Catherine VAUTRIN. Et donc, je laisserai Catherine VAUTRIN faire ses annonces. Pour l'instant, c'est des propositions qui sont faites par l'assurance-maladie au regard du dérapage des dépenses de santé. Il y a ensuite un arbitrage, qui est un arbitrage politique, évidemment, que portera Catherine VAUTRIN.

AGATHE LAMBRET
Sophie PRIMAS, vous parliez des pistes du budget 2026. Vous dites que rien n'est tabou. Parmi les pistes, il y a celle de l'année blanche. Cela reviendrait à geler l'an prochain les dépenses de l'État, les dotations en collectivité, les dépenses de la sécurité sociale à leur niveau actuel. Est-ce que c'est l'option la plus facile politiquement selon vous ?

SOPHIE PRIMAS
Il me semble, sans trahir de secret parlementaire, que c'est une hypothèse sur laquelle travaille le Sénat, sur des propositions qui nous seront faites dans les prochains jours par le Sénat sur comment est-ce qu'on économise 40 milliards. On écoutera avec attention ces propositions, parce qu'elles sont faites de façon partagée politiquement au Sénat, avec un travail de fond qui a été réalisé sous la tutelle, bien sûr, de Gérard LARCHER, mais aussi du rapporteur général aux finances Jean-François HUSSON. Et vous connaissez, dans la situation politique actuelle, l'importance des propositions du Sénat.

JEROME CHAPUIS
On sent que c'est une proposition qui vous intéresse, en tout cas, l'année blanche.

SOPHIE PRIMAS
Ce n'est pas une proposition qui est écartée. Il faut la regarder comme les autres propositions.

AGATHE LAMBRET
Alors qu'à l'instant, vous nous parliez de réformes structurelles de l'État, l'année blanche, ce n'est pas la solution la plus facile, qui frappe tout le monde, sans distinction, de façon un peu mécanique. Ce n'est pas une réforme de structure

SOPHIE PRIMAS
Vous avez absolument raison, Agathe LAMBRET, sauf que les réformes de structure, les réformes en profondeur, il faut les initier tout de suite. Leurs effets, c'est l'effet de la politique. Et la politique, c'est le temps long. Et donc, nous avons besoin de plusieurs années pour mener à bien toutes les réformes. On parle beaucoup des agences, par exemple. Les agences, les autorités indépendantes qu'on veut réformer. Moi, je suis tout à fait favorable à cette réforme. Et Amélie De MONTCHALIN travaille, les services de Bercy travaillent sur ces questions-là. Mais derrière les agences, il y a des personnes. Et donc, si on fusionne, si on enlève, si on ramène dans la sphère du public ces agences, il faut faire attention au personnel. Et ça, ça ne demande pas deux mois.

AGATHE LAMBRET
Sophie PRIMAS, on parlait de réformes structurelles. Il y a aussi le sujet de la gabegie de l'État. Est-ce que vous entendez monter cette petite musique "C'est Nicolas qui paie" ? Cette expression qui est devenue virale sur les réseaux sociaux. Alors, à l'origine, relayée par des comptes d'extrême droite. Nicolas, personnage fictif qui incarne le ras-le-bol fiscal face à cette gabegie de l'État, notamment. Est-ce que c'est démago, c'est populiste ou est-ce que Nicolas a raison ?

SOPHIE PRIMAS
En réalité, ce que je viens de vous dire, c'est que la politique, c'est le temps long. Le temps long et la gestion de la complexité. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'y attaquer. Et après le ministre de l'Intérieur, le ministre d'État, hier, a parlé de la République des "Yaka-faucon". Dans la République TikTok, ou en tout cas le Parlement TikTok, ou en tout cas la politique telle qu'on l'assume aujourd'hui sur les réseaux sociaux, avec un nombre de caractères limités et des idées simples, elles sont l'expression d'une préoccupation de la population. Mais elles ne peuvent pas être une politique qui doit être une politique du temps long. Quand je dis du temps long, ce n'est pas 15 ans. Une politique du temps long, c'est mener des réformes de structure de l'État qu'on peut conduire sur 2, sur 3 ans.

AGATHE LAMBRET
Donc c'est un peu simpliste, ce "Nicolas qui paie".

SOPHIE PRIMAS
Ça correspond à une volonté du peuple, à un ras-le-bol, à des idées qui sont des idées communément partagées. Mais la complexité de la gestion de l'État, la politique, c'est du temps long. Ça nécessite du temps long et vraiment en profondeur.

JEROME CHAPUIS
Et le temps long, c'est aussi de savoir comment est-ce qu'on va se défendre notre pays, l'Europe, face aux nouvelles menaces dans les prochaines années. Il se trouve qu'aujourd'hui, c'est le sommet de l'OTAN. Dans ce cadre, sous la pression des États-Unis, l'OTAN propose de consacrer 5 % de la richesse nationale à la défense d'ici 10 ans, d'ici 2035. Pour donner un ordre de grandeur, aujourd'hui, c'est à peu près 2 % pour la France. Dans le contexte budgétaire dont on vient de parler, est-ce que c'est possible ? Est-ce que c'est raisonnable ?

SOPHIE PRIMAS
C'est obligatoire. Dans les 5 % que vous indiquez, il y a aussi des dépenses…

JEROME CHAPUIS
Oui, sur la menace cyber, mais il y a 3,5 % pour…

SOPHIE PRIMAS
3,5 % pour l'armement, pour l'armée, pour la refondation de l'armée et de notre défense. C'est une obligation. Dans ce concert des nations, qui est un concert de plus en plus difficile, un concert qui a une ambiance qui se tend au niveau international. L'EUROPE, la France singulièrement, a besoin d'avoir une voix qui porte et on est respecté quand on peut se défendre et quand on a les moyens de se défendre.

JEROME CHAPUIS
Comment fait-on encore ? Il faut donner des ordres de grandeur. Le budget de la défense aujourd'hui, pour que nos éditeurs comprennent, est de 50 milliards. En 2035, si on suit cette trajectoire, ce serait 172 milliards. Ce serait le premier budget de l'État.

SOPHIE PRIMAS
La loi de programmation militaire prévoit 75 milliards, 76 milliards. On aura doublé en une dizaine d'années le budget de l'armée qui était beaucoup trop faible.

JEROME CHAPUIS
Là, on parle d'un triplement si on suit les chiffres de l'OTAN.

SOPHIE PRIMAS
Alors, ce n'est pas tout à fait à périmètre égal. Je répète qu'il y a des dépenses d'infrastructures, de cybersécurité qui rentrent dans les 5 %. Donc, on n'est pas tout à fait sur les mêmes chiffres. Il faut suivre la loi de programmation militaire. C'est une des données du budget de 2026, mais aussi de 2027 jusqu'à 2030. Donc, ça fait partie des données du problème.

JEROME CHAPUIS
Mais cette loi de programmation, elle sera taboue après l'accord qui va être signé ?

SOPHIE PRIMAS
Non, elle ne sera pas taboue parce que, je le répète, il y a des dépenses qui sont extramilitaires qui sont aussi comptabilisées dans ces 5 %. Mais c'est clair que la France doit avoir une politique sur sa défense qui soit ambitieuse et qui nécessite aussi des efforts de la nation. C'est la raison pour laquelle ce budget doit prendre en considération ses efforts sur la loi de programmation militaire.

AGATHE LAMBRET
Sophie PRIMAS, le Président iranien a déclaré hier être prêt à revenir à la table des négociations alors qu'un cessez-le-feu est entré en vigueur avec Israël. Vous dites "merci Donald TRUMP" ?

SOPHIE PRIMAS
Écoutez, vous savez, avec l'Iran, il y avait les accords de Vienne qui ont été décidés en 2015 et qui permettaient une non-prolifération de l'arme nucléaire en Iran, en contrepartie de quoi les sanctions vis-à-vis de l'Iran pouvaient être baissées. Les États-Unis ont décidé de quitter les accords de Vienne… Donald TRUMP, lors de son premier mandat, a quitté ses accords de Vienne amenant des perturbations, notamment sur les inspections, sur notre capacité à tenir les engagements de l'accord de Vienne.

AGATHE LAMBRET
Donc vous ne lui dites pas merci ?

SOPHIE PRIMAS
Nous, nous privilégions… aujourd'hui, il y a une opération militaire. La France, l'Europe, qui l'a clairement dit, sont contre l'obtention de l'arme nucléaire par l'Iran, mais sont pour la voie diplomatique. C'est aujourd'hui la voie que nous prenons.

AGATHE LAMBRET
Mais la France a regardé passer les balles, non, Sophie PRIMAS ?

SOPHIE PRIMAS
Non, la France n'a pas du tout regardé les balles passer. Le ministre des Affaires étrangères est en permanence en lien avec les États-Unis, avec son homologue américain, mais surtout avec ceux de la région et son homologue iranien. Et nous poussons pour une voie diplomatique depuis le début.

AGATHE LAMBRET
Emmanuel MACRON a d'ailleurs lancé une initiative diplomatique. Où en est-elle ? Elle a fait pschitt ? Il y a un cessez-le-feu.

SOPHIE PRIMAS
Non, la preuve, c'est qu'effectivement, l'ayatollah veut revenir aux tables de négociation et que la position qui a été défendue par l'Europe est aujourd'hui une position qui va arriver. Je l'espère et je souhaite... Je veux juste avoir un mot pour nos deux otages. Il ne faut pas les oublier parce qu'ils sont au cœur de ce drame.

JEROME CHAPUIS
Vous n'avez pas de nouvelles depuis le bombardement de la prison d'Évin ?

SOPHIE PRIMAS
Jean-Noël BARROT, le ministre des Affaires étrangères, a pris attache auprès de son homologue iranien qui nous a affirmé que nos deux otages étaient en vie. Je ne crois pas qu'à ce jour et à cette heure nous ayons des preuves de vie, mais nous avons une certitude de la part du ministre. Et nous attendons à la fois les visites consulaires immédiates, rapides et nous avons demandé de nouveau leur libération immédiate.

Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2025