Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse (nos 1486, 1650).
La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Nous examinons ce soir un projet de loi attendu, fruit d'un important travail de concertation entre le gouvernement et les élus corses, qui sont présents ce soir et que je salue.
Ce texte vise à sécuriser juridiquement la gestion des ports et des aéroports de la Corse. Il a pour points de départ un constat et une conviction.
Le constat, d'abord : c'est l'insularité de la Corse qui nous l'impose. La desserte de l'île, qu'elle soit maritime ou aérienne, doit être garantie dans les meilleures conditions, pour deux raisons. D'une part, les habitants de la Corse doivent disposer d'un accès au continent –? c'est ce que l'on appelle la continuité territoriale. D'autre part, il importe de préserver la vitalité économique. Je rappelle qu'en Corse, le secteur touristique contribue cinq fois plus à la richesse produite sur l'île que dans le reste du territoire français.
La conviction, ensuite : nous partageons avec les élus corses la certitude que la maîtrise d'ouvrage doit être assumée par la puissance publique. C'est elle qui garantit, sur le long terme, la poursuite exclusive de l'intérêt général.
Dans ce contexte, permettez-moi de vous remercier, monsieur le rapporteur, pour votre important travail d'auditions et d'analyse. S'agissant d'un sujet particulièrement technique, votre regard et votre vigilance nous sont précieux. Merci aussi d'avoir insisté, en commission et dans votre rapport, sur la coconstruction de ce texte avec la collectivité de Corse.
Ce projet de loi s'inscrit donc dans une logique institutionnelle et un travail de concertation. La logique institutionnelle découle de la création de la collectivité unique de Corse le 1er janvier 2018. Il incombe depuis à cette collectivité d'assumer des compétences en matière de développement économique et de continuité territoriale.
La loi Pacte de mai 2019 décline ce nouveau paysage institutionnel aux chambres consulaires, afin de s'assurer de la coordination des intérêts des forces vives de l'île. La collectivité de Corse doit disposer des moyens lui permettant d'assumer ses compétences.
Ce projet de loi est aussi le fruit d'un travail collectif, qui a réuni pendant deux mois les services de l'État, ceux de la collectivité de Corse et ceux de la chambre de commerce et d'industrie (CCI). Je remercie la collectivité et la CCI ainsi que leurs présidents, que je salue : sans leur investissement personnel, nous n'en serions assurément pas là aujourd'hui.
Je salue également les représentants syndicaux qui ont participé au dialogue et ont concouru à établir un texte équilibré. Enfin, je remercie ma collègue Catherine Vautrin, qui avait commencé ce travail avec le préfet de Corse.
Cette démarche collaborative a permis un vote à l'unanimité du texte par l'Assemblée de Corse. Ce vote traduit l'équilibre du texte ainsi que sa sécurisation technique et juridique.
Dans le détail, le projet de loi propose de créer un nouveau type d'établissement sui generis. Trois objectifs lui sont fixés : garantir la maîtrise d'ouvrage publique des infrastructures portuaires et aéroportuaires, garantir l'intérêt des agents dans le cadre du dialogue social et garantir une qualité du service pour les citoyens.
Placé sous la tutelle de la collectivité de Corse, il assumera les missions et les attributions de la chambre de commerce et d'industrie. Il bénéficiera des mêmes recettes. Il s'agira d'une structure juridiquement solide, qui reprendra le périmètre des activités antérieures, ses infrastructures et ses personnels. Le transfert se fera à titre gratuit.
Cet établissement prendra en charge le port de Bastia et les aéroports d'Ajaccio, de Bastia, de Calvi et de Figari, dont les délégations de service public (DSP) arrivent à leur terme le 31 décembre 2025. Cette date correspond à l'ultime terme après plusieurs prolongations des DSP.
L'établissement établira un lien dit de quasi-régie, sous le contrôle de la collectivité. C'est pourquoi les élus de la collectivité de Corse seront majoritaires au conseil d'administration. Je sais que vous avez évoqué ce sujet en commission ; il s'agit d'un point technique mais fondamental, comme l'a rappelé le Conseil d'État. Celui-ci nous a également invités à ne pas décider de la nature administrative ou industrielle et commerciale de l'établissement public. Cette préconisation juridique a un bénéfice immédiat : elle laisse aux acteurs locaux le soin de décider de l'organisation la plus pertinente.
Financièrement, l'opération est neutre : l'établissement public récupère l'intégralité des recettes de la CCI issues des contributions des entreprises et incluant les transferts complémentaires du réseau CCI France. Une compensation pour la charge de la tutelle précédemment assumée par l'État sera versée.
Le conseil d'administration de l'établissement public sera composé majoritairement de représentants élus de l'Assemblée de Corse, de représentants des professionnels élus mais aussi, à titre consultatif, comme dans les autres établissements de nature similaire, de représentants du personnel.
Sur le sujet de la gouvernance, les sénateurs ont complété le texte pour, d'une part, garantir au président du conseil exécutif la présidence de l'établissement public ou la possibilité de la conférer à un membre du conseil exécutif s'il le souhaite ; et, d'autre part, permettre aux conseillers exécutifs, en particulier aux présidents d'agences, de siéger au conseil d'administration avec voix délibérative.
Le Sénat a prévu la présence des représentants du personnel au conseil d'administration, avec voix consultative, et a limité à vingt le nombre d'élus consulaires de la CCI. Pour être réellement opérationnel, un conseil d'administration doit en effet être assez ouvert pour être représentatif et assez resserré pour garantir la qualité du dialogue.
Enfin, le comité social territorial a été remplacé par un comité social et économique, ce qui répond exactement aux demandes des partenaires sociaux. Tous ces ajouts du Sénat sont des précisions utiles et bienvenues qui emportent l'assentiment du gouvernement.
Avant de conclure, je souhaite apporter des précisions sur deux sujets particuliers qui ont fait l'objet de débats en commission.
Premièrement, l'idée d'intégrer, à terme, la chambre de métiers et de l'artisanat (CMA) de Corse à ce nouvel établissement public. Cette perspective, prévue dans la loi Pacte, mérite d'être étudiée et de faire l'objet d'une concertation de même qualité que celle que nous avons conduite avec la CCI. Dans l'immédiat, comme le soulignait très justement le rapporteur lundi en commission, il est indispensable de créer l'établissement public dans les meilleurs délais. Cette intégration pourra être envisagée dans un second temps.
Deuxièmement, l'idée d'adapter le contrôle de l'activité de l'établissement, notamment par la chambre régionale des comptes de Corse. Ce contrôle doit s'exercer dans les conditions qui s'appliquent pour les établissements publics régionaux et départementaux.
Comme partout sur le territoire national, il est double. Il s'opère d'abord via le contrôle de légalité exercé par le préfet, y compris pour les contrats de la commande publique, et dans un second temps à travers les contrôles de la chambre régionale des comptes, en application du code des juridictions financières. Ces contrôles sont déclenchés par la chambre, sur demande du préfet ou de la collectivité de Corse. Ainsi, l'état actuel du droit garantit un contrôle effectif, sans qu'il y ait besoin de prévoir un mécanisme exorbitant du droit commun.
Voilà ce que je souhaitais vous dire avant de débuter l'examen de ce projet de loi qui doit mettre fin à la situation juridique actuelle, laquelle ne peut être que transitoire –? elle n'a que trop duré.
Le cadre juridique actuel ne peut perdurer. Il est impératif de lancer rapidement la constitution de l'établissement, afin qu'il soit prêt pour le 1er janvier prochain. C'est la raison pour laquelle ce texte doit être promulgué rapidement : l'établissement public doit être constitué d'ici le 31 décembre de cette année. Cela suppose un vote conforme, car le travail réglementaire, logistique et humain sera si important que chaque semaine va désormais compter.
Ainsi pourrons-nous nous assurer que le transfert des personnels s'effectue dans les meilleures conditions possibles et serons-nous au rendez-vous le 1er janvier 2026. Je sais que c'est un point auquel vous êtes sensibles. Je le suis aussi. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
(…)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre
Je voudrais vous remercier, mesdames et messieurs les députés, pour votre présence et votre état d'esprit, qui me semble converger avec la volonté de faire avancer rapidement ce dossier. Nous en avons besoin.
Monsieur Oberti, vous avez cité Jean-Jacques Rousseau, qui est devenu connu après avoir été primé en 1750 par l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. Je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de le rappeler.
L'État a bel et bien été présent, y compris quand la gestion des infrastructures était assurée par la CCI. Il a fourni cette année un effort particulier, puisque j'ai porté la subvention de 187 à 237 millions d'euros, grâce à un abondement de 50 millions, afin de permettre à la CCI et au président de la collectivité d'assurer la continuité territoriale. Celle-ci vous tient tous à cœur, et je m'en réjouis.
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 9 juillet 2025