Texte intégral
La ministre de la culture a présenté un projet de loi permettant la restitution à des États de biens culturels, relevant de collections publiques, ayant fait l'objet d'une appropriation illicite.
Après les deux lois-cadres précédentes, celle relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites commises entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 (loi n° 2023-650 du 22 juillet 2023) et celle relative à la restitution des restes humains (loi n° 2023-1251 du 26 décembre 2023), ce nouveau projet de loi-cadre constitue la troisième et dernière étape d'élaboration d'un dispositif législatif destiné à faciliter le processus de restitution des œuvres relevant du domaine public. Il se place également dans la continuité des récentes lois permettant la restitution de plusieurs œuvres au Sénégal, au Bénin et à la Côte d'Ivoire (lois n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 et n° 2025-644 du 16 juillet 2025).
Le projet de loi crée dans le code du patrimoine une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres qui ont fait l'objet, entre 1815 et 1972, d'une appropriation illicite ; le périmètre géographique retenu pour ce texte est universel : la personne publique aura la faculté de prononcer la sortie du domaine public de ces biens culturels lorsque leur appropriation s'est faite dans des situations de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenues par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer. La décision de sortie des collections, réalisée pour opérer la restitution du bien à un Etat qui en a donc été privé, répondra à un objectif de réappropriation par son peuple d'éléments fondamentaux de son patrimoine. Elle ne pourra intervenir que par décret en Conseil d’État après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.
Afin d'assurer la coordination avec le cadre juridique en vigueur en matière de lutte contre le trafic illicite de biens culturels, le texte organise, autour d'une date-pivot de césure, le 24 avril 1972, deux régimes successifs de restitution. Le premier, créé par le projet de loi, porte sur la période allant du 10 juin 1815, lendemain de l'Acte final du congrès de Vienne, correspondant au règlement des conquêtes napoléoniennes, au 23 avril 1972. Le second, créé par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, verra sa portée renforcée : de nature juridictionnelle, il relève de l'application de la Convention de l'UNESCO de 1970, entrée en vigueur à partir du 24 avril 1972.
De portée géographique universelle, ce projet de loi répond également à la volonté du Président de la République de renouveler les relations de la France avec ses partenaires africains. Ce texte donne ainsi une traduction législative aux engagements pris par le Président de la République dès son discours de Ouagadougou, prononcé le 28 novembre 2017, et qui visait à engager un mouvement de restitutions de biens culturels auprès des États du continent africain.
Cet engagement politique en faveur des restitutions de biens culturels ayant fait l'objet d'appropriations illicites a été réaffirmé depuis à plusieurs reprises. Il trouve son aboutissement dans ce projet de loi de qui s'inscrit dans une démarche résolue de réparation, matérielle et symbolique, du lien qui unit les États concernés à leur patrimoine et à leur mémoire. Ce projet de loi contribue à la reconnaissance et à l'apaisement des mémoires voulus par le chef de l’État depuis 2017.