Texte intégral
CÉLINE ASSELOT
Bonjour Yannick NEUDER.
YANNICK NEUDER
Bonjour.
CÉLINE ASSELOT
Merci d'avoir accepté l'invitation de France Inter, ce matin. Ministre en charge de la Santé, de l'accès aux soins. Hier soir, le conseil constitutionnel a donc décidé de retoquer partiellement la loi Duplomb, de censurer la disposition la plus contestée, celle qui prévoyait la réintroduction d'un néonicotinoïde interdit en France depuis 2018. Alors, je rappelle que 2 118 000 Français, selon le décompte de ce matin, ont signé la pétition contre cette loi. Est-ce que c'est un désaveu pour le Gouvernement qui avait défendu cette proposition de loi ?
YANNICK NEUDER
Alors, peut-être trois choses. Dire que dans la proposition de loi Duplomb, il y avait le sujet de l'acétamipride, mais il y avait aussi deux autres sujets importants, qui étaient des sujets de simplification pour les agriculteurs, parce que je crois que nos agriculteurs sont en très grande difficulté. C'est un métier lourd, pénible, très faiblement rémunéré. Et si on veut pouvoir maintenir notre souveraineté alimentaire, il faut pouvoir soutenir nos agriculteurs. Ensuite, il y a naturellement un sujet sur l'impact environnemental et un sujet sur l'impact de la santé. Donc, sur l'acétamipride, moi, je reste ministre de la Santé qui prend des décisions basées sur les preuves. Donc, je crois que moi, j'en appelle aux autorités européennes, puisque le sujet, vous l'avez bien compris, est au niveau européen. On ne peut pas interdire une substance en France si on importe les produits des autres pays européens qui traitent les aliments avec ce produit-là. Je pense que c'est une situation qui n'est pas comprise par les Françaises et les Français. Après, il ne faut pas négliger l'impact dans la population. Plus de 2 millions de Français ont signé cette pétition. Et enfin, troisième point, il s'agit naturellement de respecter la décision du Conseil constitutionnel. Donc, moi, j'en appelle très naturellement, avec beaucoup d'attention et beaucoup de transparence, à une réévaluation, par les autorités sanitaires européennes, sans délai, de l'impact sanitaire de l'acétamipride. Et en fonction des résultats de ces impacts, qui sont faits par les agences de sécurité alimentaire et les agences européennes de produits chimiques, eh bien, s'il y a un impact sur la santé humaine, il faudra naturellement interdire ce produit. Puisque je rappelle que le Conseil constitutionnel a, pour l'instant, retoqué sur des données de santé animale et d'impact environnemental.
CÉLINE ASSELOT
Ils disent tout de même, les sages, dans leur décision, certes, que les néonicotinoïdes ont des incidents sur la biodiversité, mais aussi qu'ils induisent des risques pour la santé humaine. Donc, c'est bien indiqué aussi, cet aspect-là des choses.
YANNICK NEUDER
Bien sûr, bien sûr. Et il s'agit bien de mettre la France au même niveau de principe de précaution que les autres pays européens. Et il y a des études en cours sur, notamment, le rôle perturbateur endocrinien potentiel ou neurotoxique. Et nous sommes très vigilants à l'attendue de ces études pour pouvoir prendre toutes les décisions nécessaires au même niveau que les autres pays européens. C'est un sujet qui alimente beaucoup nos discussions, entre les ministres de la Santé au niveau européen.
CÉLINE ASSELOT
Mais vous dites, Yannick NEUDER, que la France ne… ça ne sert à rien, finalement, que l'interdiction soit réservée à la France. On entend cet argument-là, mais on n'a pas beaucoup entendu votre opposition à ce texte. Y compris lorsque des sociétés savantes médicales, l'ordre des médecins, le conseil scientifique du CNRS, ont fait part de leur opposition, finalement, à la réintroduction de ce néonicotinoïde.
YANNICK NEUDER
Alors, je pense qu'il faut être prudent. L'Ordre des médecins n'est pas une agence sanitaire. L'agence sanitaire qui, en gros, pose les décisions, c'est l'ANSES. C'est justement dans la loi Duplomb. L'indépendance de l'ANSES a été maintenue, et je m'en félicite. Et naturellement, il faudrait…
CÉLINE ASSELOT
Ça montre l'inquiétude, en tout cas, d'une partie de la communauté scientifique.
YANNICK NEUDER
Bien sûr, Mais c'est normal que la communauté scientifique, au même titre que le conseil de l'Ordre, alerte. C'est bien normal qu'il y ait des alertes du monde médical. Je rappelle que je suis médecin moi-même. Ensuite, des décisions qui se prennent sur des autorités sanitaires. Et là, les autorités sanitaires ne sont pas le conseil de l'Ordre, ne sont pas des sociétés savantes. C'est l'ANSES qui prend ces décisions et qui fait des propositions d'interdiction si, effectivement, les études, notamment européennes, sur la neurotoxicité ou sur le rôle perturbateur endocrinien est avérée. Donc, c'est des sujets extrêmement importants. Et on doit pratiquer, effectivement, des décisions qui sont basées sur l'évidence baisse aux médecines. Donc, c'est un sujet important.
CÉLINE ASSELOT
Mais vous dites qu'aujourd'hui, qu'il y a eu un problème de méthode, un problème d'explication. On aurait dû tout de suite la question au niveau européen, plutôt qu'au niveau français ?
YANNICK NEUDER
Non, mais je crois que ce que personne n'ose dire, c'est qu'en fait, peut-être que l'acétamipride a été interdite sur de mauvaises raisons en 2017, à contrario des autres pays européens. Et qu'on comprend bien que, psychologiquement, de réintroduire une molécule qui a été interdite, même si, effectivement, il n'y avait pas des critères sur la santé humaine, pose de grandes inquiétudes. Et je crois que les rôles des politiques, c'est de pouvoir entendre ces inquiétudes, qui sont relayées par plus de 2 millions de signatures. Ce n'est pas rien. Mais de pouvoir aussi pratiquer des décisions qui sont conformes aux 26 autres pays européens, qui sont basées sur la science, avec des recommandations d'agences sanitaires. On se doit, d'ailleurs, de respecter, finalement, les institutions, les agences sanitaires, nos propres agences sanitaires, en France. Sinon, ça veut dire que c'est la désorganisation totale. Et surtout, c'est qu'on ne peut plus instaurer la confiance avec les concitoyens. Et je dois être le garant de la confiance vis-à-vis de nos institutions, vis-à-vis de la population.
CÉLINE ASSELOT
Emmanuel MACRON a aussitôt annoncé qu'il allait promulguer cette loi, telle qu'elle résulte de cette décision, dans les meilleurs délais, pour reprendre les termes de l'Élysée. Il avait pourtant la possibilité aussi de demander une nouvelle délibération au Parlement. Est-ce qu'il aurait dû choisir, Yannick NEUDER, cette seconde option, au regard, justement, de la mobilisation autour de ce texte, pour qu'il y ait un vrai débat démocratique ?
YANNICK NEUDER
Après, encore une fois, ne résumons pas ce texte à la réintroduction de l'acétamipride, qui était l'article 2. Il y avait des mesures de simplification des agriculteurs, pour leur redonner de la compétitivité, pour assurer notre souveraineté alimentaire. Et après, je crois que c'est à la conférence des présidents de pouvoir discuter de ces sujets-là, de l'Assemblée nationale. Donc, je crois qu'il faut respecter les décisions du Conseil constitutionnel, et avancer sur la promulgation, puisque cette loi permet aussi un pas important pour nos agriculteurs. Et puis, de rappeler aussi que la meilleure façon de soutenir aussi nos agriculteurs, c'est d'acheter local, de pouvoir manger et prendre nos produits français, et de faire travailler sa carte bleue pour notre agriculture française.
CÉLINE ASSELOT
Ça n'a pas entamé l'unité du Gouvernement, parce qu'on a entendu vos collègues de l'agriculture et de la transition écologique, qui n'avaient pas tout à fait la même lecture du texte. Est-ce que c'est dommageable pour la suite, pour la légitimité de l'action du Gouvernement auquel vous appartenez ?
YANNICK NEUDER
Je crois que c'est normal qu'effectivement, en fonction de son champ, les niveaux de preuves, notamment, ne sont pas les mêmes. C'est-à-dire que ce produit est important pour la compétitivité de nos agriculteurs. Agnès PANNIER-RUNACHER est dans son rôle sur la biodiversité. Et moi, je suis dans mon rôle sur la santé humaine. Pour l'instant, moi, je reste extrêmement vigilant, en tant que ministre de la Santé, pour pouvoir prendre toutes les mesures nécessaires si l'ANSES, encore une fois, notre agence sanitaire française, et les agences sanitaires européennes, aux suites des études en cours, peuvent confirmer, effectivement, l'impact de l'acétamipride. Mais pour l'instant, la France se remet au même niveau de principe de précaution que les autres pays européens. C'est le point de vue que je partage avec les 26 autres ministres de la Santé européens.
CÉLINE ASSELOT
Alors, autre sujet, Yannick NEUDER. Vous étiez en déplacement, hier, dans le Var pour demander la vigilance maximum des vacanciers face aux risques de noyade, qui sont en forte hausse cette année. Est-ce qu'il y a la crainte que le retour des fortes chaleurs suscite d'autres accidents ?
YANNICK NEUDER
Oui, il y a cette crainte, puisque quand on regarde, le nombre de noyades a fortement augmenté, sur différentes raisons, notamment les enfants, avec souvent, je stigmatise, je ne culpabilise personne, mais des défauts de surveillance. Je crois qu'il faut vraiment accompagner les enfants, ne jamais les laisser seuls. Il y a aussi les personnes plus âgées qui peuvent être en difficulté. L'eau est par définition un milieu hostile, notamment au niveau de l'océan ou de la mer méditerranée. Et je crois qu'il faut respecter les consignes, se baigner dans les zones de baignade surveillée. C'était l'objectif de mon déplacement, hier, dans le Var, notamment à Saint-Mandrier, avec notamment les pompiers, les sapeurs-pompiers qui assurent ces baignades surveillées. J'ai pu aussi constater la mobilisation de l'ensemble des élus locaux, notamment des maires, qui sont particulièrement concernés pour la sécurité, notamment, des touristes, et pas forcément que des touristes. Et je crois qu'il faut surtout aussi faire passer des messages. On ne consomme pas d'alcool avant d'aller se baigner. Si on est déjà fatigué, on reste dans la zone surveillée. On respecte aussi les consignes de drapeau de baignade. On est effaré de voir que parfois le drapeau est rouge et qu'on voit des personnes se baigner.
CÉLINE ASSELOT
Alors, il y a la question de la vigilance, de la sensibilisation. Mais vous avez sans doute lu la tribune des deux champions, Alain BERNARD et Florent MANAUDOU, pour un vrai plan piscine, qui s'inquiète de la vétusté des équipements, de l'éloignement des piscines de certains établissements scolaires, qui fait que dans les zones urbaines dites sensibles, la moitié des enfants qui entrent en 6ème ne savent pas nager. Est-ce que là, l'État n'a pas un rôle à jouer ?
YANNICK NEUDER
Alors, je crois qu'il faut distinguer deux problèmes. Déjà, le coût des infrastructures de piscine, qui, effectivement, est un coût d'investissement important, mais surtout, ensuite, de fonctionnement. J'ai été maire moi-même pendant une vingtaine d'années et je sais que les équipements aquatiques sont onéreux. Puis après, il y a l'accès. Actuellement, il y a des plans-piscines pour permettre que 80 % des élèves en sixième sachent nager. Donc, moi, j'ai envoyé, quand j'étais maire, à la piscine, qui était intercommunale. On avait regroupé sur un équipement intercommunal, du fait des coûts, les différentes classes pour que les enfants, effectivement, puissent savoir nager. C'était le plan bleu. Et la ministre des Sports est mobilisée pour pouvoir, justement, permettre que tous nos jeunes enfants puissent obtenir 80 % de taux de nage à l'entrée en sixième. C'est une bonne mesure.
CÉLINE ASSELOT
Yannick NEUDER, ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins. Merci beaucoup d'avoir été l'invité, ce matin, de France Inter.
YANNICK NEUDER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 août 2025