Déclaration de M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la Justice, sur la mise en œuvre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ), à l'Assemblée nationale le 21 octobre 2025.

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Circonstance : Audition devant la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République

Texte intégral

M. le président Florent Boudié. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie chaleureusement d'avoir accepté d'être auditionné très rapidement après votre reconduction au gouvernement. Pourrez-vous faire un point d'étape sur la mise en œuvre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ), alors que commence la discussion budgétaire, ainsi que sur la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic ? Qu'en est-il par ailleurs du projet de loi sur la procédure pénale que vous avez annoncé ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice. Permettez-moi de vous féliciter, monsieur le président, pour votre réélection et de vous dire mon bonheur de retrouver cette commission, la bizarrerie de la situation étant que j'ai été nommé trois fois garde des sceaux la même année. Malgré les turbulences politiques, l'administration que j'ai l'honneur de diriger et les magistrats que j'accompagne ont beaucoup travaillé, y compris durant la période de gestion des affaires courantes, et j'espère, pour ma part, être en mesure d'apporter des réponses à tous les commissaires aux lois.

S'agissant de la justice civile, j'ai adopté depuis mon arrivée à la Chancellerie des dispositions qui sont beaucoup moins médiatisées que tout ce qui concerne les questions pénales ou pénitentiaires mais qui n'en sont pas moins essentielles pour le fonctionnement des juridictions et de la justice. Ces dispositions sont essentiellement de nature réglementaire, ce qui explique que nous n'en parlions pas beaucoup devant les assemblées parlementaires. Si elles sont importantes, c'est notamment parce que 60 % des magistrats ont un lien direct ou indirect avec les questions civiles, qui représentent les deux tiers des rapports entre les Français et la justice.

Un décret que j'ai publié après consultation de l'ensemble de la chaîne des professions du droit – notaires et avocats, mais pas seulement – rend obligatoire ou quasi obligatoire une phase amiable avant un procès dans la plupart des matières civiles, ce qui repose la question de l'office du juge.

Un deuxième décret, très important, qui sera présenté dans quelques semaines au Conseil d'État, prévoit le filtrage des appels civils, dans les matières commerciales ou économiques – pas pour toutes les procédures civiles –, lorsqu'ils sont manifestement infondés.

Le gouvernement proposera par ailleurs, à la demande de beaucoup d'associations, notamment de pères de famille, de retenir par principe la garde alternée des enfants en cas de divorce, sans attendre que le juge se prononce. Les demandes étant satisfaites dans 80% des cas, cela me paraît en effet légitime. Nous pourrons également revenir sur la création de l'ordonnance de sûreté de l'enfant, que j'ai annoncée à la suite des travaux menés par votre commission et par Perrine Goulet au sein de la délégation aux droits des enfants. C'est une mesure très importante, qui conduira sans doute à d'autres mesures de droit civil concernant la protection des mineurs.

J'en viens aux questions pénitentiaires, qui font partie de mes priorités au ministère de la justice. Des transformations importantes auront également lieu dans ce domaine.

Dans quelques semaines, pour la première fois, le ministère de la justice sera doté d'une direction générale. Notre administration, qui n'a actuellement que des directions " simples ", si je puis dire, manque de muscle. Cela peut paraître un détail, mais pour nous cela veut dire beaucoup. La direction générale de l'administration pénitentiaire sera divisée en deux directions, celle de la pénitentiaire, chargée de la gestion du monde carcéral, et celle de l'insertion et de la probation.

Vous remarquerez que le budget pour 2026 prévoit un recrutement très important, même s'il est sans doute encore insuffisant, de conseillers d'insertion et de probation. Ce sera la première mesure concrète prise à la suite des états généraux des services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip), qui s'achèveront bientôt.

J'ai aussi proposé au premier ministre, qui l'a accepté, un plan de rénovation de la plupart des maisons d'arrêt. Elles sont, en effet, dans un état tout à fait déplorable, sur le plan de la sécurité comme sur celui de la dignité, qu'il s'agisse des conditions de travail des agents pénitentiaires ou des conditions de vie des détenus. Dix maisons d'arrêt vont ainsi bénéficier d'un abondement de crédits de 65 millions d'euros en gestion, c'est-à-dire dans les semaines qui viennent, sans attendre le budget de l'année prochaine. Il s'agit de lutter contre les drones et toutes les formes de projection, de refaire tous les parloirs et de prendre toutes les dispositions pour empêcher la présence de téléphones portables, sur le modèle des établissements de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe. Cela s'accompagnera, bien sûr, d'une amélioration des conditions de travail des agents pénitentiaires et des conditions de vie des détenus. La centaine de maisons d'arrêt concernées fera l'objet de travaux par tranches de dix unités et de 65 millions d'euros – j'aurai l'occasion d'y revenir plus en détail.

Je proposerai en outre, à l'occasion des 20 ans du secrétariat général du ministère de la justice, un nouvel organigramme du ministère et une réforme de l'École nationale de la magistrature (ENM), de l'École nationale des greffes, de l'École nationale d'administration pénitentiaire et peut-être aussi de l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Je me rendrai vendredi à Bordeaux pour rencontrer les directions des écoles, des pédagogues et des élèves, et lancer les travaux de préfiguration.

S'agissant de la LOPJ, monsieur le président, je m'enorgueillis de voir qu'elle est respectée à l'euro près – comme la loi de programmation militaire – et à l'emploi près pour les effectifs de magistrats, de greffiers ou d'assistants, conformément aux annonces de mon antéprédécesseur, Éric Dupond-Moretti, à Annecy. Je pense que vous constatez dans vos circonscriptions l'arrivée des superpromotions notamment de l'ENM. J'ai moi-même visité une dizaine de juridictions où j'ai vu arriver le début des renforts, sachant que la cible devra être atteinte en 2027. Pour ce qui est des questions immobilières, là aussi, la LOPJ est garantie à l'euro près. La seule petite difficulté serait un gel l'année prochaine, mais cela dépendra du débat budgétaire que vous aurez. Et si les parlementaires, dans leur immense sagesse, veulent soutenir davantage le ministère de la justice et augmenter ses crédits – peut-être sur votre proposition, monsieur le président –, je ne m'y opposerai pas !

J'en viens à la loi contre le narcotrafic, qui a été, de loin, la plus largement adoptée au cours de la précédente session, des groupes politiques très différents ayant voté en sa faveur. Je salue le travail de vos rapporteurs – j'aperçois d'ailleurs Vincent Caure, Roger Vicot et Éric Pauget –, votre propre travail, monsieur le président, et celui des groupes, puisque des amendements de tous bords ont été adoptés.

Vous aurez constaté que l'engagement pris au sujet des prisons dites de haute sécurité a été tenu à l'heure dite, voire d'une manière anticipée à Condé-sur-Sarthe : alors que la date du 15 novembre avait été annoncée, les premiers transfèrements de détenus relevant des quartiers de lutte contre la criminalité organisée ont commencé cette semaine. J'ai eu l'occasion d'annoncer la création de quatre nouveaux quartiers de ce type – qui ne font pas forcément quatre nouvelles prisons : trois en 2026, à Valence, à Aix-en-Provence et en région parisienne, puis un en 2027 pour la Guyane. S'agissant du volet pénitentiaire donc, tout fonctionne bien.

L'installation du Praco, le procureur de la République anti-criminalité organisée, qui est le deuxième point le plus important pour l'application du texte, aura lieu le 5 janvier, dans les locaux du tribunal de Paris. J'ai tenu plusieurs réunions dont l'objectif était de déterminer le bon nombre de magistrats à affecter au siège et au parquet en même temps, sans déséquilibre. Nous y travaillons avec le président du tribunal de Paris et le premier président de la cour d'appel, que je remercie. Le nom du futur procureur de la République anticriminalité organisée, qui pourrait être la première femme nommée procureure nationale, sera proposé dans quelques jours au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Je remercie le Conseil d'État d'avoir accepté de faire vite afin qu'une décision soit prise dans le courant du mois de novembre sur le nom que je proposerai avec l'autorisation du président de la République.

Ce parquet pourra ainsi être en place, conformément à la volonté du législateur, au 1er janvier – ou plutôt le 5, à la fin des vacances. Son installation ira de pair avec une circulaire, préparée par la direction des affaires criminelles et des grâces, qui présentera notamment le renforcement des Jirs (juridictions interrégionales spécialisées) et le fonctionnement du nouveau parquet. Beaucoup d'autres dispositions relèvent de M. le ministre de l'intérieur, mais j'imagine qu'il vous en a parlé.

L'avant-projet de loi dit Sure, visant à assurer une sanction utile, rapide et effective, comporte actuellement quatre parties et dix-huit articles. Nous sommes convenus, avec M. le premier ministre, que le texte serait présenté en janvier au Conseil des ministres, en décembre au Conseil d'État et en novembre au conseil ministériel, l'instance qui permet de l'examiner avec les syndicats. Il nous reste donc un bon mois et demi de travail avant la présentation du texte en Conseil d'État et j'aurai l'occasion de proposer à tous les groupes politiques, et peut-être à votre commission, si vous le souhaitez, de participer à une discussion préparatoire.

La première partie du texte est constituée de l'article unique relatif à l'ordonnance de sûreté pour les enfants. Nous avions à l'origine envisagé de le placer dans un second texte mais les vicissitudes de la vie parlementaire font, vous le savez, que le nombre de jours disponibles se réduit toujours. J'ai pensé que cette mesure était si importante qu'elle devait figurer dans le projet de loi qui va vous être soumis.

La deuxième partie prévoit deux dispositions principales relatives à l'audiencement criminel, à la suite du travail réalisé par votre commission, dont je salue les deux rapporteurs.

La première de ces dispositions concerne la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) en matière criminelle, c'est-à-dire, pour faire très vite, une forme de plaider coupable. La seconde est relative aux cours criminelles, qui ne seront pas supprimées mais modifiées. Il s'agira, par exemple, de faire en sorte qu'après une condamnation en cour criminelle, l'appel se fasse devant une autre cour criminelle. L'affaire Pelicot a démontré, en effet, l'absurdité du système actuel : le seul prévenu qui a fait appel après avoir été condamné en première instance par la cour criminelle est allé en cour d'assises. Est-ce une bonne façon de procéder ? Nous pourrons en discuter.

S'agissant des autres points, je ne réduirai pas le nombre de personnes chargées de siéger dans les cours criminelles – elles ne passeront pas de cinq à trois – mais nous pourrons discuter d'autres modifications, notamment l'idée que ces cours pourraient être compétentes en cas de récidive et la proposition qu'il y ait plus d'une cour criminelle par département. Dans le nord de la France, par exemple, plusieurs autres tribunaux pourraient accueillir des cours criminelles. Comme beaucoup d'affaires sont en attente et que l'audiencement criminel pose un énorme problème, nous devons faire preuve de bon sens.

La troisième partie du texte comporte des mesures relatives aux peines et à leur exécution. Je me suis déjà prononcé sur la fin de l'aménagement obligatoire des peines, sur la possibilité de courtes peines, sur la limitation du nombre de sursis à un seul, après quoi la peine serait exécutée, sur les jours-amendes tels qu'ils existent en Allemagne – si vous ne payez pas votre amende, vous pouvez être incarcéré : nous aurons l'occasion d'en discuter largement – ainsi que sur les peines minimales. Ces dernières seraient plus fermes que les peines planchers, lesquelles ne concernaient que des récidivistes, le magistrat gardant la capacité d'y déroger.

Enfin, un quatrième ensemble de mesures vise à accompagner et à aider les victimes. Je me suis déjà exprimé sur la nécessité de les prévenir lorsque leur agresseur sort de prison, ce qui nécessitera une disposition législative. Il y a d'autres sujets soulevés dans les très nombreux courriers qui me sont adressés, comme le délai parfois trop long dans lequel les autopsies sont réalisées, qui perturbe le travail de deuil, ou encore la question des affaires à restituer. Vous connaissez très bien toutes ces questions et le texte sera évidemment enrichi par votre commission.

Mme Pascale Bordes (RN). Il y a quelques années encore, nous étions peu nombreux à dénoncer l'ampleur que prenait le trafic de stupéfiants en France. Lorsque nous évoquions cette question avec vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ils nous répondaient systématiquement que le Rassemblement national était dans l'excès et faisait de la pure démagogie. Aujourd'hui, à peu près tout le monde s'accorde à reconnaître que le narcotrafic fait courir un risque majeur de déstabilisation à notre État de droit. Vous n'en disconvenez pas, puisque vous avez évoqué dans votre dernière circulaire de politique pénale l'intensité de la menace que fait peser la criminalité organisée sur nos concitoyens.

Vous avez raison, car une contre-société s'installe petit à petit dans certaines communes moyennes, comme la ville de Bagnols-sur-Cèze, où je suis élue. Un des points de deal y est situé à quelques mètres d'une école maternelle. Les enfants peuvent voir et entendre les dealers toute la journée, depuis des années, mais rien ne change. Ces dealers ont menacé de mort, en juin dernier, des élèves qui s'entraînaient avec leur professeur sur un terrain de sport qui jouxte un point de deal. On aurait pu s'attendre à une réponse ferme de l'État : que nenni ! Les dealers sont toujours là – mais les épreuves de sport comptant pour le bac n'ont pas pu avoir lieu. Les dealers ont proposé un dédommagement aux habitants, par l'intermédiaire de flyers distribués dans des boîtes aux lettres : des jouets aux enfants et des services pour la population. L'État a encore plié. Les gens le voient, le vivent et ne veulent plus l'accepter.

Très récemment, un magistrat nîmois a déclaré à la presse locale que la lutte contre le narcotrafic était " foutue " à moins d'un déploiement de moyens colossaux. Monsieur le ministre, il faut changer de méthode, en faisant de la lutte contre le narcotrafic une grande cause nationale et en se donnant des moyens matériels, humains et judiciaires à la hauteur des défis à relever. C'est un peu ce que l'Espagne a su faire pour la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle y a mis plusieurs milliards, contre quelques millions en France. Je ne vous fais pas de procès d'intention mais quand je vois le budget de la justice pour 2026, je doute sérieusement de la capacité de l'État à combattre efficacement l'hydre qu'est le narcotrafic. Quand allez-vous relever ce défi ? C'est un enjeu majeur pour la survie de notre modèle sociétal.

Mme Laure Miller (EPR). Selon le dernier baromètre de la confiance politique du Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, seulement 45% des Français ont confiance en la justice, chiffre en baisse par rapport aux années précédentes. La défiance des victimes, souvent laissées seules face à un système complexe et opaque, est encore plus préoccupante.

Monsieur le garde des sceaux, Yanis était à l'aube de ses 18 ans lorsqu'il a mis fin à ses jours. Il avait appris par hasard que l'homme qui l'avait agressé sexuellement était sorti de prison et vivait à moins de 3 kilomètres de chez lui. Vous avez signé, le 13 octobre dernier, une circulaire qui prévoit de mettre les victimes au cœur de votre action, et je tiens vous remercier pour ce changement de paradigme essentiel. De l'avis de tous, c'est une avancée majeure.

Cependant, une circulaire reste assez fragile. Il est essentiel que les victimes d'hier, d'aujourd'hui et de demain puissent se sentir pleinement sécurisées par le processus judiciaire, a fortiori quand on ne sait pas de quoi demain sera fait politiquement. Comme cela a été fait à la fin de l'année 2021 pour les victimes de violences conjugales, il me semble indispensable d'inscrire dans le droit positif l'obligation d'informer les victimes de violences sexuelles lors de la libération de leur agresseur.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé avec mon groupe, voici quelques semaines, une proposition de loi transpartisane, cosignée par 128 collègues. Nous y avons travaillé en lien étroit avec l'association Carl, en mémoire de Yanis. Elle a pour objet de rendre obligatoire l'information des victimes de violences physiques et sexuelles lorsque leur agresseur sort de prison et de créer un guichet unique à leur service qui centraliserait accueil, information et accompagnement, pour leur offrir une réponse globale et humaine. Ce serait une réponse aux attentes exprimées par les associations, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants et surtout les victimes elles-mêmes, qui réclament une justice plus accessible et plus protectrice. Vous en avez un peu parlé tout à l'heure lorsque vous avez évoqué le futur projet de loi Sure. Je voudrais savoir si vous soutenez, sur le principe, notre proposition de loi et surtout si l'essentiel pourrait en être repris à l'intérieur de votre texte.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Monsieur le ministre, nous vous entendons le jour de l'incarcération de M. Sarkozy, à qui vous avez rendu visite après l'annonce de sa condamnation, prétendument en simple ami, bafouant ainsi le principe de séparation des pouvoirs – vous qui êtes ministre de la justice et donc, en vertu de votre pouvoir hiérarchique sur les procureurs, en situation de détenir des informations confidentielles sur des affaires en cours, sans parler du fait que vous avez autorité sur l'administration pénitentiaire.

Comme M. Macron, vous avez été bien moins rapide à apporter votre soutien à la magistrate menacée de mort pour avoir simplement fait son travail – caractériser un délit à partir d'éléments de preuve – lorsqu'elle a condamné un ancien chef d'État pour association de malfaiteurs. M. Sarkozy, rappelons-le, a négocié un pacte de corruption avec un terroriste condamné en France pour avoir organisé un attentat qui a tué 170 de nos compatriotes.

Mais vous ne vous êtes pas arrêté là : vous avez annoncé hier votre volonté de rendre rapidement visite à M. Sarkozy en détention, en rappelant que le ministre de la justice pouvait aller voir n'importe quel détenu, ce qui est tout à fait vrai. Le plus haut procureur de notre pays, Rémy Heitz, a tout de même précisé qu'une telle visite pouvait constituer un obstacle à la sérénité de la justice, donc une atteinte à l'indépendance des magistrats.

Les Français découvrent que les condamnés ont droit à une visite personnelle du ministre de la justice, avant ou pendant leur incarcération – mais que ce droit semble réservé aux délinquants multirécidivistes, et uniquement s'ils ont été présidents de la République. Pourquoi ne rendez-vous pas visite aux quelque 5 200 détenus qui dorment sur des matelas au sol dans des établissements pénitentiaires surpeuplés et infestés de punaises de lit ? Pourquoi n'allez-vous pas voir les autres détenus de la prison de la Santé, dont le taux d'occupation est de 188% ?

Votre souci des personnes incarcérées s'arrête à vos copains mafieux en col blanc ou à vos plans de communication. J'en veux pour preuve votre mine satisfaite lorsque vous avez annoncé l'ouverture de quartiers de haute sécurité, alors qu'ils avaient été supprimés en 1982 par Robert Badinter car gravement attentatoires aux droits humains. Altérer la confiance des Français dans l'institution judiciaire, favoriser ses copains et briser des êtres humains détenus pour faire de la com, quel beau programme lorsqu'on est ministre de la justice !

Mme Colette Capdevielle (SOC). Espérons que la mise en scène, ce matin, de l'incarcération de Nicolas Sarkozy, le battage médiatique savamment organisé à cette occasion et l'annonce de votre visite personnelle vont enfin alerter notre pays sur le fait que nous sommes le troisième plus mauvais élève de l'Europe en matière de surpopulation carcérale. L'avis de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, publié le 15 octobre, au sujet de la vétusté des établissements pénitentiaires est réellement alarmant quant aux conditions de détention dans notre pays.

J'ai récemment exercé mon droit de visite à la maison d'arrêt de Bayonne, avec mon collègue Peio Dufau. Au 28 août, le taux d'occupation était de 225% dans cet établissement conçu pour 67 places où l'on trouve des détenus superposés par trois dans des cellules de 9 mètres carrés sans douche ni eau chaude. J'ai constaté des conditions de détention et de travail indignes et très dangereuses pour les personnels, et j'ai donc saisi la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Le lendemain de ma visite, un détenu est décédé en cellule sans que je puisse en connaître les raisons. Suicide ou overdose ? Je vous ai interrogé également, mais je n'ai toujours pas de réponse. Puisque vous êtes si soucieux de la sécurité des détenus, j'espère que vous allez me répondre et, peut-être, visiter cet établissement. Quelles mesures immédiates entendez-vous prendre pour instaurer un système de régulation carcérale qui respecte la dignité des détenus et des personnels ?

Pensez-vous par ailleurs respecter le devoir de réserve lié à votre fonction de garde des sceaux en déclarant que vous allez visiter le détenu Nicolas Sarkozy, qui a récemment mis en cause l'ensemble de la magistrature ainsi que la presse ? Pensez-vous aux 170 victimes, derrière l'affaire Sarkozy, vous qui affirmiez en décembre 2024 que vous seriez toujours du côté des victimes et jamais du côté des délinquants ? Allez-vous rencontrer leurs ayants droit ?

M. Philippe Gosselin (DR). Monsieur le garde des sceaux, merci d'avoir publié trois circulaires de politique pénale générale qui s'intéressent aux victimes, souvent grandement oubliées, et aux agents du ministère de la justice. Cela permet, dès votre nouvelle prise de fonctions, de rappeler plusieurs priorités. Je voudrais appeler votre attention sur deux points : le narcotrafic et l'efficacité de la politique et de la chaîne pénales.

La priorité absolue doit être donnée à la lutte contre le narcotrafic, qui a fait l'objet d'un texte voté sous l'impulsion de Bruno Retailleau. Même des villes moyennes, voire petites se trouvent désormais au centre de trafics. Saint-Lô, cité préfectorale, en a fait l'expérience le 13 octobre, lorsque des policiers se sont fait tirer dessus – je leur réaffirme d'ailleurs tout notre soutien. Un caïd issu du milieu marseillais pourrait être l'auteur des faits. Les trafics, peu à peu, irriguent notre territoire. Au-delà de la prévention, il faut veiller à la sanction et à l'effectivité des peines. Il est impératif de lutter contre ces réseaux, ces milieux, qui se déplacent et cherchent à prospérer.

La surpopulation carcérale, ensuite, a atteint un niveau très élevé. Quels efforts le ministère de la justice envisage-t-il de mener pour la réduire ? La construction de nombreuses places de prison a été évoquée à plusieurs reprises au cours des dernières années mais nous ne voyons rien venir. Seules 3 000 places ont été créées depuis 2020 sur les 15 000 qui sont promises d'ici à 2030. Quels sont les blocages administratifs et budgétaires, comment les lever et quels sont vos objectifs ?

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Monsieur le ministre, vous avez fait quelques annonces qui relèvent, me semble-t-il, du domaine réglementaire. J'imagine que nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque vous leur aurez donné une première traduction.

À l'instar de mes collègues, je souhaite évoquer la situation dans les prisons. Il est des incarcérations qui émeuvent un peu plus que d'autres. Alors que l'ancien président de la République entre à la prison de la Santé, celles et ceux que l'on entend habituellement évoquer le Club Med en parlant des conditions d'emprisonnement se font un peu plus discrets. Peut-être la vue de la cellule de M. Sarkozy réussit-elle, enfin, à ébranler celles et ceux qui n'ont habituellement cure des mineurs incarcérés dans des conditions désastreuses, des délinquants entassés à cinq par cellule, de ceux qui doivent vivre avec des rats, des punaises de lit et la moisissure, qui sont privés de fenêtre, de lumière, de téléphone et de télévision. Mais vous savez tout cela : c'est largement documenté.

Il serait de bonne politique d'éprouver envers les détenus de droit commun la même compassion que vous avez exprimée à l'égard de l'ancien président de la République. Eux, les détenus de droit commun, sont cités dans des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a à de multiples reprises condamné la France pour ses conditions d'incarcération indignes. Ils sont également cités dans l'avis du 15 octobre de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, qui fait état de la « vétusté préoccupante » des prisons françaises, qui est « directement à l'origine d'atteintes aux droits fondamentaux des détenus ». Je vous épargne le détail de toutes les condamnations, de tous les rapports, de toutes les visites parlementaires, accablants à tous les niveaux. Qu'en est-il de votre devoir de vigilance à l'endroit de tous les détenus de ce pays quant à leurs conditions d'incarcération ?

Il faut rompre avec la politique d'enfermement tous azimuts qui a été largement encouragée ces dernières années et qui a conduit à battre, chaque année, tous les records en matière de dépassement des capacités d'accueil. Enfermer, c'est souvent pousser à récidiver. En ce sens, les axes que vous avez proposés peuvent légitimement nous préoccuper.

J'étais présent, comme vous peut-être, à la cérémonie de panthéonisation de Robert Badinter, qui aimait citer ce mot de Victor Hugo : " Le droit qu'on ne peut retirer à personne, c'est le droit de devenir meilleur. " Je vous laisse méditer cette pensée.

M. Philippe Latombe (Dem). L'intelligence artificielle (IA) présente des risques dans le domaine de la justice, avec notamment des deepfakes, des hypertrucages qui sont proposés comme moyens de preuve fallacieux devant les tribunaux, ou des mémoires et des conclusions truffés de fausses jurisprudences, rédigés avec ChatGPT par des avocats peu scrupuleux. Mais l'IA est aussi une chance, en ce qu'elle réduit les délais de rédaction des décisions pour les greffiers et les juges et simplifie la gestion des dossiers pour les procureurs et les juges d'instruction.

Le traitement de l'IA dans le monde juridique est fragmenté. Les notaires, friands de technologie, se sont inscrits dans une démarche volontariste de développement de l'intelligence artificielle pour l'élaboration de leurs actes, tandis que certains, dans le monde judiciaire, n'ont pas ou presque pas développé ces possibilités. Quelle est votre politique pour le ministère ? Allez-vous favoriser, comme je l'avais suggéré dans une proposition de loi, une plus grande ouverture des décisions et surtout des avis des rapporteurs publics afin de nourrir, à partir de données de bonne qualité, des modèles d'IA assermentés pour la justice ?

Enfin, comme je le demande chaque année, à quand une modification législative sur les réquisitions des données de connexion pour les procureurs qui soit compatible avec notre corpus constitutionnel et les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne ?

M. Jean Moulliere (HOR). Remettre les victimes au centre du système judiciaire : telle est, monsieur le ministre, l'instruction que vous avez donnée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République dans votre circulaire de politique pénale générale du 16 octobre.

La priorité doit effectivement aller aux victimes. Pourtant, dans ma circonscription, des parents attendent depuis septembre 2021 que la justice fasse son travail après la mort tragique de leur fils Dorian, tué lors d'un rodéo urbain à Libercourt. Quatre ans ont passé, et eux et leur famille, qui ne demandent ni vengeance ni privilèges, se sentent oubliés des institutions. Ils ont été condamnés psychologiquement à la perpétuité à la suite de ce décès tragique ; mais pendant ce temps, l'auteur des faits peut poursuivre sa vie comme si rien ne s'était passé. Ce drame illustre une situation que connaissent beaucoup de nos concitoyens, un sentiment d'injustice et d'abandon face à une justice perçue comme trop lente, trop lointaine. Ce sentiment croît depuis de trop nombreuses années.

C'est animés de la plus grande exigence que nous devons agir. Il faut assurer un accompagnement continu des victimes, simplifier leurs démarches, renforcer la coordination entre la justice et la police et, surtout, s'assurer que les affaires impliquant des victimes soient réellement traitées en priorité. Vous avez demandé au parquet, dans votre circulaire, de prévenir les victimes lorsque leur agresseur sort de détention. Souhaitez-vous aller plus loin en inscrivant dans la loi cette pratique déjà mise en œuvre par certains parquets ?

Au-delà de cette mesure nécessaire et de bon sens, comment imaginez-vous un système de justice plus proche des victimes ? Comment garantir que les familles confrontées à des drames comme celui que je viens d'évoquer n'éprouvent plus le sentiment d'être seules face à la lenteur du système ? Nous devons être au rendez-vous, pour les victimes mais aussi pour renforcer la confiance de nos concitoyens dans l'autorité judiciaire.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Monsieur le ministre, nous vous voyons sensible depuis quelques jours au sort dégradant réservé aux détenus. Espérons que cet intérêt vous ouvrira les yeux sur les effets dévastateurs de la politique pénale et pénitentiaire que vous défendez. L'inflation pénale est inefficace, qu'il s'agisse d'empêcher la récidive ou de favoriser la réinsertion. Elle produit des effets dévastateurs sur les agents pénitentiaires, les détenus et, par rebond, sur les victimes, à qui on doit pouvoir promettre la non-réitération des faits commis.

Alors que de nombreux médias commentaient ce matin l'arrivée de Nicolas Sarkozy à la prison de la Santé, des agents pénitentiaires étaient mobilisés devant l'établissement. Je cite l'un d'eux : " On a un taux de surpopulation carcérale de 190% et 86 matelas au sol dans la prison de la Santé. Comme bon nombre d'établissements, on ne cherche pas les matelas pour les mettre au sol mais les centimètres carrés disponibles. Ce sont les personnes qu'on use, qu'on blesse et qu'on tue. " Ces mots sont forts tout en étant mesurés ; ils reflètent bien, me semble-t-il, la réalité. Le taux d'occupation moyen atteint 133%, mais bon nombre de maisons d'arrêt dépassent les 200%.

L'inflation carcérale ne s'explique ni par l'augmentation de la population, ni par celle de la délinquance. Les études et les retours d'expérience sont formels : cette politique démagogique de l'enfermement à tout prix crée de la récidive et ignore les enjeux de réinsertion et le sens à donner à la peine. En outre, le plan " 15 000 places de prison " grignote les budgets de la justice année après année. Pouvez-vous nous dire combien de places ont été créées depuis le lancement de ce plan et comment évolue, depuis cette date, la courbe du taux d'occupation des prisons ?

Enfin, comment allez-vous protéger et défendre les juges face aux menaces et aux attaques ? Le président de la République est garant, en vertu de la Constitution, de l'indépendance de la justice. Lorsqu'il reçoit Nicolas Sarkozy, il met en danger les juges.

Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Nous voyons, jour après jour, une partie de notre jeunesse livrée à elle-même, des enfants de 13 ou 14 ans que l'école ne retient plus, que la société ne protège plus et que les trafiquants enrôlent comme on le ferait de soldats perdus. Les réseaux criminels l'ont bien compris : ils utilisent ces adolescents parce qu'ils savent que ceux-ci ne risquent rien pénalement. C'est là, malheureusement, l'héritage d'une idéologie de gauche qui, au nom d'une bienveillance dévoyée, a instauré un régime de l'excuse au détriment de la responsabilité. À force de refuser toute fermeté, on a exposé ces jeunes au lieu de les protéger, on les a livrés à la rue, aux caïds et à la violence.

La justice des mineurs est devenue prévisible, permissive et impuissante. Elle ne protège plus ni la société ni ces enfants eux-mêmes, alors qu'il faudrait soustraire les mineurs aux circuits de la rue en créant des structures fermées, restaurer l'autorité parentale en associant les familles à un accompagnement judiciaire réel, et donner à la protection judiciaire de la jeunesse les moyens d'agir en amont aux côtés de l'école et des forces de l'ordre.

Monsieur le ministre, j'ai lu avec attention votre circulaire sur la prise en charge des victimes d'infractions pénales. Elle est louable, car protéger les victimes est essentiel, mais le véritable objectif est qu'il y ait moins de victimes. Cela implique de traiter les racines de la délinquance. Souvent, on néglige la délinquance juvénile, qui, sans réponse, finit par nourrir la grande criminalité. Il ne s'agit pas de punir pour punir mais de protéger en réaffirmant l'autorité de la loi et en tournant la page de la culture du laxisme. Êtes-vous prêt à engager une réforme visant à la protection intégrale des mineurs qui mette fin au régime de l'excuse, rétablisse l'autorité de l'État et empêche ces enfants de devenir des recrues de la criminalité organisée ?

M. Philippe Bonnecarrère (NI). Monsieur le ministre, vous avez rappelé l'importance que vous accordiez à l'application scrupuleuse de la LOPJ du 20 novembre 2023, dont l'article 2 vous donne deux ans pour publier le nouveau code de procédure pénale dit à droit constant. Allez-vous procéder à cette publication avant le 20 novembre 2025 ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je partage le point de vue de ceux qui, à l'instar de Mme Bordes, considèrent le narcotrafic comme étant la plus grande menace à laquelle nous soyons confrontés. On pourrait estimer que le terrorisme en est une aussi importante, mais il reste incontestable que le narcotrafic est à l'origine d'un grand nombre de morts et a d'importantes conséquences pour nos concitoyens, y compris dans les plus petites communes. C'est le cas, d'ailleurs, dans tous les pays occidentaux. Aux États-Unis, la première cause de mortalité est la consommation de fentanyl.

Même la politique menée par M. Trump, qui pourrait inspirer certains, ne parvient pas pour l'instant à apporter les réponses nécessaires pour lutter contre la criminalité organisée – laquelle est une activité très lucrative. Il faut donc éviter de trop simplifier les choses, même si l'on peut tous s'accorder sur le but à atteindre. Je me réjouis que, désormais, la grande majorité des groupes politiques se soient mis d'accord sur cet objectif. En 2020 et en 2021, lorsque, en tant que ministre de l'intérieur, j'évoquais le tsunami blanc et les difficultés considérables auxquelles se heurtait la lutte contre le narcotrafic, je me souviens que tout le monde ne dressait pas le même constat au sein de votre assemblée.

Je me félicite que nous avancions à présent ensemble, mais il faudrait que nous passions à la deuxième étape, qui consiste à pénaliser les consommateurs. À moins que l'extrême gauche se soit soudain convertie à la politique de l'offre, il est évident pour tous que c'est par la demande que le trafic de drogue arrive, et que cette demande concerne une minorité : selon les chiffres des organismes indépendants, français et européens, qui travaillent sur la question, moins de 10% des Français consomment de la drogue, au sens très large du terme – du cannabis aux drogues de synthèse.

On constate une explosion de la consommation des drogues de synthèse et de la cocaïne, et un recul du cannabis, qui est devenu une drogue de personnes plus âgées. La MDMA, les drogues de synthèse et la cocaïne – vendue entre 50 et 55 euros le gramme selon les territoires – se sont popularisées et touchent les plus jeunes.

Cette explosion s'explique par plusieurs raisons. La victoire des talibans, en Afghanistan, a libéré une partie du trafic de drogue. L'Amérique du Sud a également connu une surproduction, et donc une baisse des prix, qui s'explique notamment par la diminution de la demande aux États-Unis, tandis qu'il existe un volume élevé de financements au sein de certains régimes comme le Venezuela. Les échecs rencontrés par plusieurs gouvernements, comme celui de la Colombie, montrent que les pactes que l'on a pu essayer de conclure avec les narcotrafiquants ont eu pour seul effet de faire déferler un tsunami blanc sur notre planète.

Il faut donc lutter à la fois contre l'offre, ce qui a été l'objet de la loi contre le narcotrafic que nous avons coconstruite avec Bruno Retailleau et le Parlement, mais aussi contre la demande. Or, sur ce deuxième volet, nous ne sommes pas du tout au niveau. Les discours de déresponsabilisation ne font qu'encourager la consommation.

S'agissant des victimes, je salue votre travail, madame Miller, ainsi que celui de Mme Duby-Muller et de vos collègues. Je suis prêt à insérer dans la loi – ou à accepter que vous le fassiez par amendement si vous préférez – une disposition tendant à ce que les victimes soient prévenues et accompagnées lorsque leur agresseur sort de détention – du moins celles qui le souhaitent, ce qui n'est pas systématique ; c'est un choix qu'il faut évidemment leur laisser. De manière plus générale, on pourrait aussi les avertir lorsque le contrôle judiciaire de l'agresseur prend fin et qu'il peut par exemple venir vivre à proximité d'elles.

On peut prévoir beaucoup de choses dans une circulaire mais il est toujours préférable de les inscrire dans la loi. Un tel dispositif d'information sera rendu possible par les projets informatiques que je mène en ce moment au sein du ministère. Il y a sans doute de nombreuses autres dispositions de protection des victimes à insérer dans la loi, et le texte offre les accroches nécessaires pour le faire.

Je vois que la question de Nicolas Sarkozy passionne. Je tiens à préciser, car les choses ne sont peut-être pas assez claires, que j'ai visité trente-neuf établissements pénitentiaires depuis neuf mois que je suis ministre de la justice. J'ai vu peu de personnes – pas celles qui m'interrogent à ce sujet, en tout cas – m'accompagner lors de mes visites. Je vous encourage à le faire, même si je sais que vous y allez sans moi par ailleurs. M. Bernalicis, par exemple, avait rendu visite à M. Balkany, en 2019, sans se demander s'il avait le droit de lui parler ou non.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Il avait été autorisé à le faire par un magistrat.

M. Gérald Darmanin, ministre. De même, Mme Rima Hassan – comme de nombreux parlementaires ici présents, à l'instar de Mme Faucillon, me semble-t-il – est allée voir M. Abdallah, terroriste condamné à la perpétuité pour assassinat ; or je rappelle qu'il a été condamné définitivement, ce qui n'est pas le cas de Nicolas Sarkozy. En tant que garant des principes de la justice, je me permets de vous rappeler que, lorsqu'une procédure d'appel est engagée, il convient de la respecter. C'est un point fondamental.

Si je ne devais parler à aucune personne concernée par une procédure judiciaire, je ne m'adresserais pas à grand monde autour de moi, que ce soit dans la classe politique – même au sein du gouvernement, oui – ou dans le milieu économique. Cela touche tous les groupes politiques : je vous épargnerai la revue de détail, qui ne satisferait personne et confinerait à l'absurde. Je n'ai pas rendu visite à Nicolas Sarkozy à titre personnel mais en ma qualité de garde des sceaux. Je n'aime pas les meutes, l'hallali, la réjouissance politique liée à la vengeance. La justice n'est pas la vengeance, qu'il s'agisse de Mme Le Pen, de M. Mélenchon, de M. Sarkozy ou de n'importe quel autre d'entre nous ici.

M. Sarkozy a été condamné par la justice de notre pays, qui est indépendante. Le fait que je sois garde des sceaux n'a évidemment posé aucun problème – y compris dans le travail du parquet national financier. Je ne peux pas, ce qui est fort heureux, donner d'instruction individuelle en matière pénale. Je ne suis donc pas le supérieur hiérarchique individuel des parquetiers, comme je l'entends encore cet après-midi – ce qui montre votre méconnaissance de la loi, ou votre envie de faire de la politique. En revanche, en ma qualité de ministre de la justice, je suis le chef de l'administration pénitentiaire. Cette dernière ne relève pas de l'autorité judiciaire : c'est une administration dont je nomme ou révoque les directeurs, les sous-directeurs et chacun des agents. À ce titre, je visite quand je le souhaite, dans n'importe quel établissement, les détenus comme les agents pénitentiaires.

Je note l'envie qui vous a pris, d'un seul coup, de parler d'un homme qui dormira ce soir en prison ; j'observe que cela réjouit certains d'entre vous (Exclamations). La violence de vos propos témoigne d'une forme d'inhumanité, d'un comportement de meute qui ne satisfait personne. Nous aimerions que vous souteniez avec la même énergie la condamnation de personnes qui, par exemple, attaquent des femmes ou des enfants, sans leur trouver systématiquement des excuses. On a vraiment regretté que La France insoumise ait été le seul groupe à ne pas avoir voté la loi contre le narcotrafic. Même les communistes du Sénat, même les écologistes – dont je salue, malgré nos désaccords, la position très responsable, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, où le texte a recueilli l'unanimité – n'ont pas voté contre le projet de loi. Cela montre que l'on pourrait trouver, sur cette question, des points de convergence.

Madame Capdevielle, vous avez parfaitement raison de dire que les conditions de détention dans une grande partie des prisons françaises sont indignes : je m'en rends compte tous les jours. En la matière, tout le monde a failli. Les gouvernements que vous avez soutenus n'ont pas construit une seule place de prison. Si la surpopulation carcérale dépasse 130% aujourd'hui, elle atteignait déjà 121% lorsque M. Hollande a quitté le pouvoir. Les leçons de morale peuvent donc être adressées à la majorité comme à l'opposition. Mme Taubira a arrêté le plan prisons qu'avaient lancé ses prédécesseurs. Si nous disposions de 10 000 places de prison supplémentaires, nous n'aurions pas à discuter du sujet.

Vous n'avez pas visité que la prison de Bayonne, mais aussi celle de Vendin-le-Vieil : vous connaissez donc le régime de détention qui y est en vigueur, dont je suis en quelque sorte l'instigateur. Et vous pouvez témoigner du fait que je me suis consacré, avec les moyens que m'a accordés le Parlement, à faire en sorte que les conditions de détention ne soient en rien indignes à Vendin-le-Vieil et à Condé-sur-Sarthe.

J'ai honte lorsque je visite des prisons comme celles de Cayenne, Bonneville, Rouen ou Valenciennes – et la liste est bien plus longue. On y voit des choses horribles. Mais je ne sais pas qui, ici, est allé, à l'âge de 18 ans, rendre visite à son père en prison comme ce fut mon cas, neuf mois durant, en l'occurrence à la maison d'arrêt de Valenciennes. J'estime que je n'ai de leçon à recevoir de personne en matière de dignité des détenus. À 18 ans, quand on va voir son père au parloir, ça forge un homme. Mon père a été incarcéré. Il avait commis des erreurs, il a été condamné par la justice. Tout le monde a droit à une seconde chance et, vous avez parfaitement raison, monsieur Amirshahi, tout le monde a le droit de devenir meilleur. Et j'ai bien évidemment le plus grand respect pour mon père – paix à son âme désormais.

Je n'accepte donc pas les leçons de morale, les manifestations de bons sentiments de ceux qui n'ont pas construit de places de prison quand ils étaient aux responsabilités. Qu'il faille à présent rénover une grande partie de notre parc carcéral, c'est vrai. Je le ferais immédiatement si le Parlement votait des crédits supplémentaires. J'ai obtenu 70 millions de plus pour la réhabilitation de dix prisons, dont celles de Corbas, qui est dans un état particulièrement dégradé, et d'Aix-en-Provence.

Le problème est double. Premièrement, il n'y a pas suffisamment de places : il faut en construire. Encore faut-il que les élus acceptent. Avouez, monsieur Gosselin, que ce n'est pas chose facile – et cela vaut pour tous les groupes politiques, y compris le Rassemblement national. Je suis à la tête d'un ministère qui a décidé il y a douze ans de créer une prison à Magnanville, dans les Yvelines : tous les élus la refusent. C'est pareil dans le Val-de-Marne. En tant qu'élu local, je sais bien qu'il n'est pas facile d'avoir une prison près de chez soi, mais ce serait bien que nous puissions avancer sur ces questions très importantes de dignité des personnes, loin du jeu politique, pour construire ensemble un avenir pour nos concitoyens et pour l'administration pénitentiaire.

La surpopulation carcérale actuelle tient largement au fait qu'il y a 23 000 personnes en détention provisoire dans notre pays, sans doute parce que la violence a augmenté, mais surtout parce que nous avons un problème d'audiencement criminel. Il faudra le résoudre – nous en reparlerons dans le cadre de la loi Sure. Si l'on veut moins de personnes en détention provisoire – car la dignité des personnes voudrait plutôt qu'on n'aille pas en prison tant qu'on n'a pas été définitivement jugé, à l'exclusion évidemment des personnes les plus dangereuses –, on ne peut pas ne pas prévoir de dispositions pour accélérer l'audiencement criminel. 23 000, c'est quand même beaucoup au regard des 84 000 détenus dans nos prisons : c'est une grande partie de la surpopulation carcérale. Or ils sont généralement détenus dans les maisons d'arrêt, c'est-à-dire dans les endroits les plus difficiles – même s'il y a aussi des choses à améliorer dans les prisons pour peine.

Deuxième problème : l'augmentation du quantum des peines par les magistrats, qui sont indépendants. Les magistrats ont prononcé 122 000 années de prison en 2024, contre 94 000 en 2017. Mais pourquoi ? La loi pénale n'a pourtant pas changé. Seulement, à force de décider des aménagements de peine obligatoires – et tout le monde en a mis : la gauche, la droite et même notre gouvernement dans le premier quinquennat du président Macron, il faut savoir le reconnaître –, on a poussé les magistrats à augmenter naturellement le quantum de peine pour s'assurer que la personne ira bien en prison.

Il faut dire que le code pénal prévoit une peine de six mois de prison pour certaines infractions, tandis que le code de procédure pénale dit qu'il n'y a pas de prison pour les peines de six mois ! L'augmentation du quantum des peines est avérée dans toutes les études. La durée moyenne des peines prononcées est passée de quatre mois en 1982 à treize mois en 2024. Avec les aménagements de peine obligatoires, le juge qui voit arriver la même personne trois, cinq, dix fois pour conduite sans permis en état d'ivresse finit par l'envoyer en prison ! Il y a dans nos prisons 16 000 auteurs de délits routiers n'ayant pas entraîné la mort ou la blessure d'un homme, juste parce que des magistrats indépendants ont augmenté le quantum de peine – oui, indépendants, puisque tout le monde n'a que ce mot à la bouche, sauf lorsqu'ils décident de peines qui déplaisent, manifestement.

Il faut donc à la fois construire des places de prison et supprimer les aménagements de peine obligatoires pour redonner la main aux magistrats, qui feront ce que bon leur semble. Il est vraiment étonnant de défendre l'indépendance et l'individualisation de la peine tout en rendant l'aménagement de peine obligatoire. Il y a des solutions à ce dysfonctionnement dont nous sommes tous responsables, nous en parlerons dans le cadre de la loi Sure.

Monsieur Bonnecarrère, monsieur Latombe, je présenterai prochainement deux textes répondant à vos questions respectives. Le premier sera la traduction de la refonte du code de procédure pénale, conformément aux dispositions votées par le Parlement et dans la lignée du travail engagé par mon antéprédécesseur, M. Dupond-Moretti. Le second tirera les conclusions des décisions de justice européennes sur les données de connexion : il opérera la nécessaire sécurisation des procédures judiciaires et confiera cette question cruciale des données de connexion non plus au seul procureur de la République, mais aux magistrats – sans doute avec une autorité spécifique. Ces deux textes seront déposés concomitamment, après avis du Conseil d'État, sans doute en novembre – j'en ai parlé dimanche soir avec le premier ministre.

Madame Faucillon, vous avez parfaitement raison : on doit une protection au juge pénal, notamment dans les affaires médiatiques, ainsi qu'au juge civil, dont le jugement – divorce mal prononcé, perte de la garde d'un enfant – peut faire naître de graves menaces. La protection peut être fonctionnelle, policière quand c'est nécessaire ; elle passe aussi par la protection des données. Suite à un travail mené avec la Cour de cassation, je proposerai l'anonymisation des noms des magistrats dans les bases de données des procédures, car une bonne partie des menaces qu'ils reçoivent naissent des listes que certains – je pense notamment à un magazine que l'on pourrait qualifier d'extrême droite – dressent à l'aide de l'IA pour laisser entendre que la jurisprudence de tel ou tel magistrat va plutôt dans un sens ou dans un autre, notamment en droit des étrangers.

Cette anonymisation existe déjà dans la juridiction administrative : il suffit de regarder un recueil des grands arrêts de la jurisprudence pour voir qu'on ne mentionne que " Monsieur X. " ou " Madame Y. ". Que le personnel et les parties connaissent le nom du magistrat qui juge, oui, évidemment ; mais qu'il figure dans les bases de données des cabinets d'avocats, des offices de notaires, des journalistes ou qui sais-je, non. Il ne faut pas pouvoir déduire des données de supposées orientations du juge. Des dispositions de la loi Sure seront donc consacrées à la protection des magistrats.

S'agissant des mineurs, madame Ricourt Vaginay, vous avez raison. La loi Attal a été en partie censurée, mais un certain nombre de dispositions demeurent et permettent de protéger les mineurs lorsqu'ils sont violents. Ainsi, le couvre-feu peut désormais être prononcé par le procureur de la République sans passer par le juge – j'en profite pour saluer le travail de Jean Terlier sur ce sujet. Je me suis déjà prononcé pour la fin de l'excuse de minorité et l'abaissement de l'âge pénal, mais ce sont des dispositions d'ordre constitutionnel : on ne peut pas en décider par une loi ordinaire. Quoi qu'il en soit, la loi Sure ne contiendra pas de dispositions relatives aux mineurs, car cette question me semble plus large. Nous verrons bien si des groupes politiques prennent des initiatives. M. Attal a annoncé qu'il déposerait un nouveau texte.

Jean Moulliere m'a demandé si l'on ne pouvait pas faire davantage pour les victimes. Si. J'ai lancé une mission de l'Inspection générale de la justice à la demande de la famille du jeune Elias, ce qui est une première pour un garde des sceaux. Le rapport, qui pointe des dysfonctionnements collectifs et individuels, vient de lui être remis, et je le rendrai public. Je pense qu'il faut réfléchir à la manière dont la justice, et parfois les magistrats eux-mêmes, doivent expliquer les décisions rendues, non pour tirer des conclusions sur leur responsabilité personnelle – cela relève du CSM et du garde des sceaux – mais pour permettre à chacun de les comprendre. Dans le cas de l'assassinat du jeune Elias, il y a eu une série de dysfonctionnements : celui des éducateurs, qui ne sont pas suffisamment nombreux ; celui du juge des enfants, qui n'a pas réussi à audiencer et prioriser un de ses 400, 500, parfois 600 dossiers – et c'est alors le ministre de la justice, en tant que chef de l'administration, qui est responsable. Et il y a parfois des décisions individuelles, qui peuvent poser question. Oui, la justice des mineurs est un énorme sujet.

Sur l'IA, monsieur Latombe, suite aux conclusions d'un rapport que j'ai commandé, j'ai installé une équipe dédiée au sein du secrétariat général. Nous sommes en train de passer des appels d'offres, notamment auprès d'entreprises de la legaltech, pour développer dans la pénitentiaire, la justice, la PJJ, des applications qui améliorent le fonctionnement de la justice grâce à l'intelligence artificielle. Elle peut servir à des choses toutes bêtes, comme répondre aux mails : la petite juridiction de Senlis reçoit chaque jour 150 mails que ses agents d'accueil traitent manuellement alors que leurs homologues de Pôle emploi utilisent l'IA depuis déjà quatre ans. Mais au-delà du volet administratif, il s'agit d'une réforme plus globale avec ses difficultés, liées par exemple au secret de l'instruction, au secret de la vie personnelle ou au secret des affaires.

M. Romain Baubry (RN). La situation dans les établissements pénitentiaires, y compris dans les prisons dites de haute sécurité, est le symbole d'un État à bout de souffle, incapable d'imposer son autorité face à des détenus devenus rois. Fin août, à Vendin-le-Vieil, six détenus ont volontairement inondé leur cellule ; la nuit suivante, une vingtaine récidivaient. En réaction, l'administration, impuissante, a dû couper l'eau. Oui, dans une prison de haute sécurité, c'est l'administration qui plie et les détenus qui rient. Quelques jours plus tard, deux d'entre eux ont commencé une grève de la faim, se posant en victimes après avoir semé le désordre. Et le mois dernier, Mohamed Amra a osé inonder sa cellule et insulter le personnel pénitentiaire. Telle est la réalité : les voyous défient l'État.

Trente des quatre-vingt-huit détenus de Vendin-le-Vieil contestent leur affectation dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Ce n'est pas un hasard : ils savent combien les règles manquent d'être appliquées, dans l'ensemble de nos prisons. Il y a un an, ici même, les députés de tous bords rejetaient les propositions du Rassemblement national visant à sécuriser les prisons, protéger les personnels pénitentiaires et empêcher l'entrée d'armes, de téléphones et de drogues derrière les murs – tous les murs. Malheureusement, le budget pour 2026 n'apporte aucun moyen sécuritaire suffisant à l'administration pénitentiaire. Vous avez refusé la fermeté, nous en payons aujourd'hui le prix.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour restaurer au plus vite l'autorité des agents pénitentiaires ? Quelles assurances allez-vous leur donner pour qu'ils puissent exercer leur mission difficile dans de meilleures conditions ?

M. Jean Terlier (EPR). Monsieur le ministre, vous avez invité les élus à être plus ouverts aux projets de construction de prison. Si vous avez envie de construire un établissement pénitentiaire, venez dans le sud du Tarn, en particulier dans la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet, les élus y seront très favorables !

Je vous remercie d'avoir souligné que les engagements pris dans la LOPJ pour les années 2023 à 2027 en matière de recrutement de magistrats, de greffiers, d'attachés de justice, ont été tenus. Dans certains tribunaux, comme au tribunal judiciaire de Castres, les effectifs ont augmenté de plus de 20%.

Concernant la justice pénale des mineurs, il faut avancer sur la comparution immédiate et l'atténuation de la responsabilité pénale – même si nous avons bien compris que cela ne figurerait pas dans le projet de loi Sure.

La question de la souveraineté économique est également importante. Nous avons adopté un texte pour assurer la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise – une sorte de legal privilege à la française ; il est pendant au Sénat. Il faut avancer sur ce sujet. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, vous avez récemment plaidé, à la Sorbonne, pour la création d'un code de l'arbitrage, afin de renforcer ce mode alternatif de règlement des litiges en droit français. Une partie des mesures sera d'ordre réglementaire, mais il y a aussi une partie législative. Seriez-vous favorable à ce que nous avancions sur ce sujet dans les semaines à venir ?

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Monsieur le chef de l'administration pénitentiaire, le jeudi 9 octobre, des centaines de personnels des Spip ont défilé dans les rues de Paris pour manifester leur exaspération face aux politiques délétères que vous et vos prédécesseurs avez menées et pour réclamer une énième fois des moyens dignes pour la pénitentiaire. À cette occasion, votre cabinet a reçu l'intersyndicale des agents d'insertion et de probation, qui a une nouvelle fois mesuré tout le dogmatisme de votre politique et de votre logique du tout répressif.

Leurs demandes sont à l'opposé de ce qui vous obsède – doubler le RN dans sa frénésie carcérale. Vous persistez à vouloir faire adopter le projet de loi Sure, qui, entre autres choses, supprimera les aménagements de peine de six mois, interdira tout sursis dès la moindre mention au B1 du casier judiciaire, exclura les étrangers condamnés de l'aménagement des peines, instaurera des peines minimales et supprimera l'ajournement des peines. Vos ambitions dans le budget pour 2026 sont indécentes : 100 postes supplémentaires seulement pour les Spip, alors qu'au moins 1 000 sont vacants sur les 6 500 actuels, qui sont chargés de suivre près de 250 000 personnes – mais il est vrai que vous êtes contraint par la LOPJ de votre prédécesseur. Vous poursuivez le déploiement des quartiers de lutte contre la criminalité organisée sans aucun retour sur les profils qui sont mis au cachot. Bref : vous ignorez les revendications unanimes d'un corps professionnel tout entier et vous vous obstinez dans des mesures qui compliqueront toujours plus leur quotidien tout en détériorant la situation des personnes placées sous main de justice.

Faire toujours plus avec toujours moins de moyens n'a jamais fonctionné. Monsieur le ministre multidémissionnaire, votre fonction vous oblige à l'égard de tous ceux dont vous êtes censé défendre les intérêts. Que comptez-vous faire pour répondre à leurs revendications, surtout pour augmenter d'urgence leurs effectifs et abandonner des mesures délétères ?

M. Roger Vicot (SOC). La mission de préfiguration du Pnaco (parquet national anti-criminalité organisée), élément central du dispositif de lutte contre la criminalité organisée, avait estimé qu'au moins trente magistrats et soixante greffiers étaient nécessaires pour que ce parquet puisse fonctionner correctement. Où en sont les recrutements ?

Surtout, le Pnaco prendra la suite de la Junalco, la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée, qui a 250 dossiers en cours. Cela a conduit un procureur à déclarer récemment dans la presse que le Pnaco risquait d'être englouti dès son lancement, le 5 janvier. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. Éric Martineau (Dem). Vous avez instauré, au sein de la direction de l'administration pénitentiaire, une mission spécifique consacrée au recensement des détenus étrangers et à l'état des lieux de leurs condamnations, dans l'optique de les renvoyer purger la fin de leur peine dans leur pays d'origine – un travail de long terme, loin des effets d'annonce, dans le respect des conventions internationales et bilatérales entre pays. La part des étrangers dans la population carcérale est passée de 20% en 2018 à 25% en 2023. Pourriez-vous nous donner des chiffres plus récents et nous indiquer les principales raisons de cette hausse ? Par ailleurs, quels sont les premiers résultats de la circulaire relative à la prise en charge des personnes détenues de nationalité étrangère définitivement condamnées en termes de laissez-passer consulaires et de mesures de libération conditionnelle – les " expulsions " ?

La fermeté affichée en matière de politique carcérale nécessite une politique d'insertion et de réinsertion solide des détenus dans notre société, l'un n'allant pas sans l'autre dans notre État de droit. Vous avez lancé il y a quelques mois les états généraux de l'insertion et de la probation, suivis d'un Tour de France. Quels sont les principaux objectifs de cette démarche – refondation des Spip, amélioration de l'exécution des peines, lutte contre la récidive ? Le ministère prévoit-il une restitution des travaux des états généraux, par exemple sous forme de livre blanc ?

Mme Hanane Mansouri (UDR). Mes collègues de gauche ont beaucoup parlé de la situation des délinquants et des criminels condamnés. Moi, je voudrais parler aussi des innocents et des victimes. Nos concitoyens constatent chaque jour un peu plus la faillite de la justice française : lente, inégale et politique, elle est désormais aussi une justice à deux vitesses – indulgente avec certains, implacable avec d'autres.

Le meurtrier de Philippine, par exemple, avait été condamné à sept ans de prison pour viol en 2021 : il n'en a purgé que quatre avant d'être libéré et de pouvoir l'assassiner. Jawad, hébergeur de terroristes notoire, n'a écopé que de quatre ans de prison ferme. Nordahl Lelandais, lui, a pu concevoir un enfant en prison alors que les parents de la petite Maëlys pleuraient le leur. Dans le même temps, l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, qui demeure présumé innocent, est condamné à cinq ans de prison ferme. Ce déséquilibre choquant donne le sentiment qu'en France, on enferme les uns pour l'exemple et qu'on excuse les autres par habitude.

Vous êtes le garant non pas d'une justice neutre, car une justice neutre est une justice indifférente, mais d'une justice juste, qui protège les innocents, sanctionne les coupables et s'applique avec la même rigueur pour tous. Aujourd'hui, la République des juges, que vous cautionnez, ne respecte plus la séparation des pouvoirs : elle empiète, elle juge avant d'instruire et elle oublie le peuple. Monsieur le ministre, maintenant que votre CDD de garde des sceaux a été renouvelé, que comptez-vous faire pour que la justice cesse de donner le spectacle d'un pays où la loi s'applique à géométrie variable ?

Mme Marie-France Lorho (RN). En août dernier, un homme de 34 ans, de nationalité algérienne, en situation irrégulière et sous OQTF (obligation de quitter le territoire français) a violé une jeune fille de 17 ans dans le tram, à Bordeaux. Déjà condamné seize fois, il est interpellé après les faits, condamné à trois ans de prison ferme et cinq ans d'interdiction du territoire français pour agression sexuelle sur une mineure de plus de 15 ans, maintien irrégulier sur le territoire et usage de stupéfiants. Pour cette affaire, le parquet de Bordeaux a choisi la voie rapide : comparution immédiate, jugement en correctionnelle pour agression sexuelle et exécution immédiate de la peine. Si la procédure semble efficace à court terme, elle est juridiquement discutable et bien inférieure à l'échelle criminelle, qui prévoit une sanction pouvant aller jusqu'à quinze ans de prison dans de telles circonstances.

Qualifier un crime en délit, alors même que les éléments confirment qu'il y a eu viol, revient à minimiser la gravité sociale et pénale du crime. Le viol porte atteinte à l'intégrité physique et psychique d'une personne : c'est un crime, qui doit donc être jugé par une cour d'assises ou une cour criminelle départementale. De plus, un renvoi en correctionnelle revient à une requalification ou à un traitement moins sévère, ce qui peut donner l'impression que l'infraction est moins condamnable. Cela réduit la portée de la réparation pénale et le caractère dissuasif des poursuites. Enfin, traiter le viol comme un fait moins grave affaiblit le signal sur l'intolérance de la société envers les violences sexuelles et peut nuire à la prévention.

Monsieur le ministre, prévoyez-vous de rappeler, par voie de circulaire, que les crimes doivent être jugés comme tels ? Allez-vous également appeler les procureurs à requérir des peines en rapport avec la gravité des faits, qui signent un recul manifeste pour les droits des femmes ?

M. Stéphane Mazars (EPR). Vous avez annoncé que le projet de loi Sure comprendrait un volet relatif au contentieux criminel. À l'occasion de nos récents travaux sur les cours criminelles départementales, nous avons constaté, avec Pascale Bordes, que les juridictions étaient face à un véritable mur de contentieux – c'est l'expression des professionnels – en matière criminelle, notamment pour des faits de viol. Il est donc urgent d'agir. Si des améliorations sont nécessaires, notamment pour fluidifier le traitement des dossiers, les cours criminelles départementales ont démontré leur utilité et ne doivent pas être remises en cause.

Vous avez également évoqué la procédure du plaider coupable en matière criminelle, cette fameuse CRPC qui fait couler beaucoup d'encre. Il sera nécessaire d'apporter des garanties, notamment aux victimes : il serait inconcevable que cette procédure puisse être appliquée sans leur accord préalable. N'oublions pas non plus toute la difficulté à recueillir des aveux dans de bonnes conditions, qui soient complets et ne puissent pas donner lieu à rétractation – quiconque l'a déjà pratiqué sait combien l'exercice est difficile. Pouvez-vous d'ores et déjà apporter des garanties à ceux qui s'interrogent ?

M. Marc Pena (SOC). La justice n'a de sens que lorsqu'elle est intelligible et comprise : ces mots, monsieur le ministre, ce sont les vôtres. C'est le sens, dites-vous, de la circulaire de politique pénale générale que vous avez adressée, le 16 octobre dernier, à l'ensemble des magistrats. Dès lors, les chiffres du budget nous interpellent : les dépenses de fonctionnement allouées au Défenseur des droits, acteur essentiel pour un égal accès aux droits, sont en baisse, tout comme celles destinées au monde associatif socio-judiciaire, qui m'interpelle. Dans bien des territoires, les services d'aide aux victimes, de prévention de la délinquance ou d'accompagnement à la réinsertion sont fragilisés par manque de moyens humains et financiers. Pourtant, la prévention demeure à mes yeux la clé de voûte d'une baisse durable de la délinquance, la réinsertion, celle d'une baisse de la récidive, et la réparation, le fondement d'une justice qui apaise plutôt qu'elle ne divise.

La justice ne peut être comprise que si elle est visible, accessible, incarnée. Or les femmes et les hommes qui accompagnent cette justice humaine au quotidien – les associations, les médiateurs, les éducateurs, les Défenseurs des droits – voient aujourd'hui leur marge d'action se réduire alors même qu'on leur demande d'en faire davantage. Monsieur le ministre, comment entendez-vous assurer l'intelligibilité et la compréhension de la justice si ses acteurs sont aussi fragilisés ? Comment garantir une justice qui ne soit pas seulement rendue, mais aussi comprise, partagée et vécue comme un lien entre la République et ses citoyens ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Baubry, vous avez dressé un réquisitoire contre les prétendus dysfonctionnements de la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil. Or vous ne l'avez pas visitée. Interrogez M. Bilde – c'est dans sa circonscription –, M. Valet, M. Szczurek ou M. Clavet : pour en avoir discuté avec eux, je sais qu'ils ont félicité l'administration pénitentiaire – ainsi que le ministre, même s'ils ne l'ont pas dit comme cela. Mme Capdevielle s'en est aussi rendu compte en venant sur place, comme de nombreux autres parlementaires, lesquels sont tous les bienvenus.

Avant de dire du mal des agents et de l'administration pénitentiaires, allez voir sur place, monsieur Baubry, cela vous évitera de dire des bêtises.

M. Romain Baubry (RN). Vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je vous ai écouté attentivement, vous parlez de quelque chose que vous n'êtes pas allé voir. Cela nuit beaucoup à la crédibilité de votre parole publique. Bien sûr qu'il y a eu trente recours, mais la justice – tribunaux administratifs et Conseil d'État – a donné raison au garde des sceaux dans l'intégralité des dossiers.

L'autorité de l'État est très forte dans les prisons de haute sécurité ; les grèves de la faim ont cessé et il n'y a plus d'inondations. Certains prisonniers veulent quitter ces établissements ? C'était un peu le but de leur création ! C'est ce que nous voulions dans la loi « narcotrafic » – que vous avez d'ailleurs votée. Les détenus enfermés à Vendin-le-Vieil sont considérés comme très dangereux par le service national du renseignement pénitentiaire ou par les juges d'instruction. Certains demandent d'ailleurs à rencontrer un juge pour bénéficier du statut de repenti – dispositif que bon nombre d'entre vous ont soutenu, y compris les députés de La France insoumise.

Je vous propose de visiter cette prison : si vous voulez, nous irons ensemble car je m'y rends presque chaque mois. Cela vous évitera de manquer de sérieux et de décrire une situation qui ne correspond pas à la réalité. La prison de Vendin-le-Vieil est une réussite : les gouvernements italien, britannique et allemand envoient des représentants pour la visiter. Vous, vous parlez d'une faillite de l'État alors que vous ne vous êtes pas rendu sur place. Utilisez votre droit de visite de parlementaire, cela vous évitera de dire des bêtises. Vous parlez d'un sujet que vous ne connaissez pas.

M. Romain Baubry (RN). Ne me dites pas cela à moi ! D'autant que cela fait des semaines que je mène des auditions.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je le fais car vous n'y connaissez rien. Faites comme vos collègues RN, mais aussi socialistes, communistes ou LR : visitez cette prison située dans la circonscription de M. Bilde, lequel ne dit évidemment rien contre elle en public. Lui s'est au moins déplacé pour se faire sa propre idée : je rends hommage à cette démarche.

Monsieur Terlier, si M. Attal et votre groupe redéposaient une proposition de loi, je serais tout prêt à en débattre dans l'hémicycle et à soutenir, par principe, les dispositions que vous défendez. Il faudra saisir le Conseil d'État en amont pour éviter certaines difficultés, mais cela ne signifie pas que je ne soutiens pas vos objectifs, quand bien même ils emporteraient des changements constitutionnels.

Sur l'arbitrage, quelques dispositions du futur code seront de nature législative : j'ai demandé à des professeurs de droit et à des avocats spécialisés d'élaborer ces mesures, qui seront prêtes au printemps, afin que la France reste l'une des grandes places de l'arbitrage, voire la plus grande. Elles ne seront pas finalisées à temps pour intégrer le projet de loi Sure, mais le gouvernement verrait d'un bon œil la reprise par le Parlement de ces travaux dans une proposition de loi.

Je retiens enfin bien volontiers votre proposition d'ouvrir une prison à Mazamet.

Monsieur Vicot, la question des moyens du Pnaco est importante. Je souscris aux conclusions du rapport de préfiguration, que j'ai rendu public, et les soixante magistrats du siège et du parquet ainsi que les trente greffiers seront en place à la fin de l'année prochaine. La montée en puissance sera progressive, comme il en a été pour le parquet national antiterroriste et le parquet national financier, mais le Pnaco accueillera dès le 5 janvier seize magistrats accompagnés de greffiers.

Je ne vois pas comment on peut prétendre que 250 dossiers lui seront d'office attribués : la circulaire de politique pénale qui doit fixer la nature de ceux qui seront transmis au Pnaco n'est pas encore prise. On peut penser qu'il y en aura moins d'une centaine dans les premiers mois, pour éviter un engorgement. Comme vous l'avez vous-même souhaité, la saisine du Pnaco pourra s'accompagner de celle des Jirs. Je conduirai une nouvelle mission de préfiguration avec la procureure, une fois sa nomination validée par le Conseil supérieur de la magistrature, et je vous inviterai à participer, sans doute au mois de novembre, à ce travail essentiel d'application de la loi. Je suis d'ailleurs prêt, si le président de la commission le souhaite, à venir en parler spécifiquement ici.

Monsieur Coulomme, vous avez parfaitement raison, il faut fortement augmenter les effectifs des Spip : la LOPJ a commencé de le faire, même si cela reste insuffisant. Entre 2018 et 2024, 1 500 postes ont été créés dans les Spip, dont 970 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation et plus de 175 directeurs. Le projet de loi de finances pour 2026, que vous allez, j'imagine, voter, prévoit 100 postes supplémentaires par rapport à la LOPJ. Il s'agit d'un arbitrage très favorable, même s'il reste beaucoup à faire. Et, c'est vrai, il faut améliorer l'attractivité du métier – car, une fois les postes budgétisés, reste encore à embaucher les personnes. Il faut également améliorer les locaux des Spip car, pour en visiter partout en France, je sais qu'ils sont parfois logés dans des endroits non sécurisés et presque insalubres.

L'article L. 111-1 du code pénitentiaire débute ainsi : " Le service public pénitentiaire est assuré par l'administration pénitentiaire sous l'autorité du garde des sceaux ". Je ne fais donc qu'appliquer la loi : le ministre de la justice est le chef de l'administration pénitentiaire. À ce titre, je m'intéresse au fonctionnement de mon administration. Je suis très fier d'être le chef de l'administration pénitentiaire, laquelle compte 50 000 des 98 000 agents du ministère de la justice. Les personnels de l'administration pénitentiaire accomplissent un travail très difficile, souvent exercé en sous-effectif et pas toujours bien rémunéré. Parmi ces 50 000 agents, 42 % sont originaires des territoires d'outre-mer et 21% du Nord ou du Pas-de-Calais.

Nous avons un quart de détenus qui sont étrangers, dont 80% ne viennent pas de l'Union européenne et 66% sont définitivement condamnés, soit plus de 11 000 personnes. La proportion est assez stable : 22,4% d'étrangers parmi les détenus en 2018, et 24,7% en septembre dernier. J'ai créé une mission visant à accélérer les expulsions. C'est une politique qui fonctionne puisque nous avons enregistré 67% d'expulsions supplémentaires depuis quatre mois. Des laissez-passer consulaires sont accordés, grâce à une collaboration étroite avec le ministère de l'intérieur, hier avec Bruno Retailleau et demain, j'en suis sûr, avec Laurent Nuñez, et grâce à la loi que vous avez adoptée qui permet la libération conditionnelle.

On me demande parfois pourquoi l'étranger n'est pas immédiatement expulsé, mais une victime de viol ou de tentative d'assassinat n'aimerait pas forcément qu'il le soit avant d'avoir effectué au moins une partie de sa peine dans notre pays, pour être sûre qu'elle est effectivement accomplie. En revanche, nous dégradons le titre de séjour de tous les étrangers en prison, grâce à la très bonne loi " immigration " que vous avez votée. Cette dernière dispose que lorsqu'un étranger encourt trois ans d'emprisonnement, son titre de séjour est dégradé avant même toute condamnation, ce qui permet d'accélérer leur expulsion.

Le projet de loi Sure supprime par ailleurs les aménagements de peine pour les étrangers. En effet, les aménagements de peine sont conçus dans une optique de réinsertion ; or les détenus étrangers n'ont pas vocation à se réinsérer mais à retourner dans leur pays d'origine. Aujourd'hui, la loi nous oblige à libérer de manière anticipée des détenus sous OQTF, alors que par définition ils devraient partir. Des peines sont ainsi aménagées pour des personnes ne disposant d'aucun titre pour séjourner sur le territoire national. Ce ne sont pas la justice, l'administration pénitentiaire ou le ministre qui sont laxistes, c'est la loi qui est absurde. Je vous proposerai donc de la modifier.

Enfin, vous ne pouvez pas assimiler les quartiers de lutte contre la criminalité organisée à des cachots. Mme Capdevielle pourra vous expliquer que les cellules à Vendin-le-Vieil n'y ressemblent pas vraiment. Utilisez des mots qui correspondent à la réalité, ne serait-ce que par égard pour les agents pénitentiaires, qui sont assez fiers de leur métier.

S'agissant des moyens, monsieur Pena, vous avez raison sur plusieurs points et certaines enveloppes diminuent. Mais le budget du Défenseur des droits dépend, comme celui du Conseil d'État, du premier ministre. En matière de prévention de la délinquance, les crédits sont gérés par le ministère de l'intérieur et non par celui de la justice. En revanche, les crédits qui dépendent du ministère de la justice sont maintenus à l'euro près.

Dans un souci de bonne gestion en revanche, je demande aux associations, comme je le faisais déjà lorsque j'étais maire, l'état de leur trésorerie : quand celle-ci représente trois à quatre fois le montant annuel des subventions perçues, je leur écris pour leur expliquer que l'État ne va pas emprunter de l'argent sur les marchés financiers pour abonder davantage leurs comptes, et je m'engage à le verser si un projet le nécessite. Mais il n'y a pas de baisse de l'aide apportée aux associations de victimes.

Monsieur Mazars, assimiler la CRPC à un plaider coupable est un peu rapide. La reconnaissance de culpabilité existe dans plusieurs domaines correctionnels. Plus de 70% des prévenus devant une cour criminelle reconnaissent déjà leur culpabilité – très souvent pour un viol, puisque 85% des dossiers des cours criminelles concernent ce crime. Nous en reparlerons, mais la victime pourra à tout moment refuser la mise en œuvre de la CRPC. La procédure reposera sur une audience, l'écoute de la parole de la victime et la garantie des droits. Il faut agir avec une grande précaution sur la CRPC criminelle, car elle suscite des questions. Néanmoins, n'oublions pas qu'elle existe dans la plupart des pays qui nous entourent, y compris ceux dans lesquels l'Habeas corpus s'applique. Je m'inspirerai de votre rapport d'information rédigé avec Mme Bordes pour les autres sujets relatifs à l'audiencement criminel.

Madame Mansouri, je vous laisse la responsabilité de votre interpellation collective, même si certaines questions relatives aux faits divers que vous avez évoqués sont pertinentes.

Madame Lorho, le projet de loi Sure contiendra certaines dispositions de protection des femmes qui ne figuraient pas dans la proposition de loi de Mme Bergé, concernant par exemple les circonstances aggravantes en matière de viol ou les viols sériels – je pense au prédateur de la Sambre ou à d'autres. En outre, je proposerai au Parlement de supprimer toute possibilité d'aménagement de peine pour bonne conduite pour les auteurs d'agression sexuelle. En effet, je ne vois pas comment apprécier la bonne conduite de ces détenus qui ne risquent guère d'agresser une femme en prison, puisqu'ils n'y croisent que des hommes, mais qui se retrouvent ensuite sur la voie publique. Discutons librement, sans démagogie, de ce sujet, qui comporte de nombreux aspects, par exemple médicaux. Nous devons nous interroger sur l'accompagnement de ces personnes : leur sortie ne me pose pas de problème, mais plutôt tard que tôt quand même.

M. le président Florent Boudié. Merci d'être venu si vite devant la commission.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 29 octobre 2025