Interview de Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, à France 2 le 4 novembre 2025, sur la situation aux urgences de Caen, et les propositions pour réduire le déficit de la sécurité sociale.

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Média : France 2

Texte intégral

GILLES BORNSTEIN
Bonjour Stéphanie RIST. Je vous sentais, même vous-même, impressionnée par l'étendue de vos responsabilités quand Maya donnait l'intégralité de vos attributions.
On va commencer par la situation aux urgences de Caen. Vous avez fait appel à la réserve sanitaire. Combien de médecins vont-ils arriver et quand, sans jeu de mots ?

STÉPHANIE RIST
Ça sera environ 5 médecins dans les jours qui viennent. C'est un sujet qui m'a occupée dès que je suis arrivée à mon ministère avec une alerte de mes services. Vous savez, on est très vigilants au ministère sur comment vont les services d'urgence. Il y a 612 services d'urgence dans notre pays et notamment à l'entrée de l'hiver. Donc la première chose que j'ai faite, c'est de demander un rapport pour essayer de comprendre pourquoi la situation était telle qu'elle l'est à Caen et puis apporter du soutien aux équipes que je veux saluer et qui travaillent tous les jours dans ces services. Apporter du soutien aux équipes pour éviter et améliorer la situation.

GILLES BORNSTEIN
Mais j'ai vu qu'il y avait d'habitude 40 internes. Là, il y en a 15. Cinq médecins de plus, c'est bien, mais est-ce que ça va suffire à faire fonctionner le service normalement ?

STÉPHANIE RIST
Alors vous savez, les internes, ce sont des étudiants. Ils sont là en plus des médecins. Ils sont là pour apprendre. Les conditions pour apprendre n'étaient plus respectées. C'est pour ça qu'il n'y a plus d'interne et pendant 6 mois, il n'y aura pas d'interne. Et nous avons besoin d'apporter du soutien à l'équipe en place pour se reconstruire et que des internes puissent revenir.

GILLES BORNSTEIN
Ça suffira ? Les urgences de Caen pourront fonctionner normalement ?

STÉPHANIE RIST
Les urgences de Caen vont fonctionner. Et puis vous savez, Gilles BORNSTEIN, on met en place aussi des services d'accès aux soins. C'est-à-dire que quand vous appelez le 15, on vous propose des rendez-vous chez le médecin si vous n'avez pas besoin d'aller aux urgences.

GILLES BORNSTEIN
Pour éviter d'aller aux urgences.

STÉPHANIE RIST
Et ça c'est très important, il faut que nos concitoyens appellent le 15 avant d'aller aux urgences pour pouvoir être mis à l'endroit où ils seront le mieux soignés et ce n'est pas forcément aux urgences.

GILLES BORNSTEIN
Le CHU de Toulouse a déjà restreint l'accès aux soins pour les urgences. Faut-il s'attendre à ce que d'autres services hospitaliers soient en difficulté dans les prochaines semaines ?

STÉPHANIE RIST
Je vous l'ai dit, on est très vigilant. La période hivernale arrive. Pour l'instant la situation… Ce n'est pas un problème généralisé, je ne le souhaite pas. Il y a des mesures qui sont mises en place. Et encore une fois, nous avons des services d'accès aux soins qui permettent aux gens d'appeler le 15 pour savoir s'ils doivent aller aux urgences ou pour avoir un rendez-vous chez le médecin s'ils en ont besoin.

GILLES BORNSTEIN
Mais pour quand donc ces cinq médecins ? Dans les prochains jours, compris.
L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale commence cet après-midi à l'Assemblée nationale. Vous serez au banc des ministres évidemment. Hier, la ministre des Comptes publics a annoncé sur le plateau d'à côté, au 20h de France 2, que les plus fortunés allaient être mis à contribution pour 5 milliards et demi d'Euros. Est-ce que l'intégralité de cette somme servira à amoindrir les coupes prévues dans le budget de la Sécu pour les assurés sociaux ?

STÉPHANIE RIST
Vous avez raison de dire qu'on regarde le budget et le budget de la sécurité sociale dans un même pack avec l'objectif d'être à un déficit à moins de 5 % du PIB à la fin de ces budgets. Les discussions sont en cours avec les parlementaires. Notre méthode au Gouvernement est simple, elle est d'apporter un accompagnement aux parlementaires pour qu'ils puissent juger de l'équilibre global du budget. Et c'est vraiment là-dessus que mon action se porte.

GILLES BORNSTEIN
Pardon mais vous ne me répondez pas. Les oppositions voulaient augmenter les prélèvements sur les plus fortunés pour que justement la facture soit moins douloureuse pour les autres. Est-ce que vous pouvez nous confirmer que ces 5 milliards d'Euros pris sur les plus fortunés vont aller amoindrir la douloureuse, si je puis dire, pour ceux qui n'ont pas cette chance ?

STÉPHANIE RIST
Oui, c'est ce que je dis. S'il y a un équilibre global, ça conviendra au Gouvernement. Il faut un équilibre global de trajectoire. On n'est pas arc-bouté, ce que je veux dire, sur une mesure ou sur une autre. Sur la sécurité sociale, malgré tout, comme les dépenses augmentent, il va falloir les maîtriser.

GILLES BORNSTEIN
Les dépenses doivent baisser de 7 milliards d'Euros. Vous maintenez cet objectif d'économie ?

STÉPHANIE RIST
L'objectif est vraiment de baisser le trou de la sécurité sociale.

GILLES BORNSTEIN
7 milliards d'euros au moins.

STÉPHANIE RIST
Il faut arriver à 17 milliards l'année prochaine, on est à 23 milliards de trous de la Sécu.

GILLES BORNSTEIN
17 milliards, c'est le montant du déficit auquel vous voulez arriver.

STÉPHANIE RIST
C'est le montant du déficit…

GILLES BORNSTEIN
Aujourd'hui, il est de 23. Cette année, il était de 23.

STÉPHANIE RIST
C'est important d'expliquer pourquoi on veut baisser le trou de la Sécu. Ce n'est pas juste pour se faire plaisir, c'est vraiment parce qu'on veut maintenir une protection sociale pour les Français… Et que si on laisse une trajectoire déviée - elle a doublé ces dernières années - et si elle continue à doubler, à un moment donné il n'y aura plus de protection sociale comme on peut l'avoir dans notre pays actuellement.

GILLES BORNSTEIN
Le doublement de la participation des malades, c'est ce qui est prévu dans le budget de la Sécu. Pour que les choses soient claires, 2 Euros par boîte de médicaments au lieu d'un Euro, 4 Euros par consultation au lieu de 2 Euros, le tout ne pouvant pas dépasser 200 Euros par patient. Cette proposition a été rejetée en commission. Est-ce que vous allez persévérer et demander son rétablissement ?

STÉPHANIE RIST
Le Parlement décidera, débattra et votera. Moi, je maintiens que cette proposition a du sens. Parce qu'il faut le savoir qu'un Français sur trois ne paye pas ses franchises. Les patients les plus fragiles, les personnes mineures, les femmes enceintes, ne payent pas ces franchises aujourd'hui et ne le payeront pas demain. Je trouve qu'un débat pourrait être intéressant de savoir s'il faut un peu plus de personnes qui ne les payent pas. Mais les personnes qui le peuvent pourraient participer et faire cet effort pour baisser ce trou de la Sécu.

GILLES BORNSTEIN
Mais vous savez que c'est un casus belli pour les Socialistes.

STÉPHANIE RIST
Mais il va y avoir les discussions. Et encore une fois, si l'équilibre est tenu, je ne serais pas arc-boutée sur une des mesures en particulier. Mais cette mesure, elle paraît en tout cas intéressante à débattre.

GILLES BORNSTEIN
Le texte, par la révision du Code de la Santé publique, souhaite imposer la vaccination aux résidents et aux personnels des EHPAD. Alors vous attendez l'avis de la Haute Autorité de Santé, mais vous, ministre de la Santé, est-ce que vous êtes favorable à une telle obligation ?

STÉPHANIE RIST
D'abord, je voudrais rappeler que c'est en ce moment que les personnes fragiles et ceux qui le souhaitent peuvent se faire vacciner puisque la grippe n'est pas encore arrivée, mais elle va arriver. Donc, vaccin de la grippe et du Covid, en ce moment, c'est important de le rappeler. Dans le texte, il y a effectivement une obligation de vaccination.
Si l'autorité qui est indépendante, l'autorité de la Haute Autorité de Santé, dit qu'il y a un intérêt pour protéger les personnes les plus fragiles, que les soignants soient obligatoirement vaccinés, oui, c'est dans le texte et oui, j'assumerai cette obligation à partir du moment où il y a un intérêt scientifique.

GILLES BORNSTEIN
Autre piste dans le budget de la Sécurité Sociale, pour financer la suspension de la réforme des retraites, est-ce que vous allez maintenir la contribution de 2,25 % demandée aux complémentaires santé, aux mutuelles ?

STÉPHANIE RIST
C'est un effort partagé, cette première copie de budget de la Sécurité Sociale. On a parlé pour les assurés avec les franchises. On parle maintenant des complémentaires avec cette taxe. Il y a aussi les industries pharmaceutiques avec une baisse de prix.

GILLES BORNSTEIN
Elles vont être mises à contribution ?

STÉPHANIE RIST
Oui, 1,6 milliard de baisse de prix sur les tarifs. Et sur les complémentaires, il y a effectivement une taxe qui est demandée. Le débat parlementaire, là aussi, va dire s'il faut plus taxer ou pas les complémentaires et voir comment ils équilibrent ce budget. Dans cette copie initiale, il y a effectivement un effort demandé aux complémentaires.

GILLES BORNSTEIN
Si je comprends bien, vous êtes ouverte à à peu près toutes les discussions, du moment que la réduction du déficit de l'assurance maladie est de 7 milliards d'Euros. Sur ce chiffre, vous ne voulez pas bouger. A l'intérieur, tout est ouvert ?

STÉPHANIE RIST
En fait, nous devons maîtriser nos dépenses. Si nous ne maîtrisons pas nos dépenses de Sécurité Sociale, nous aurons un risque de pérennité. Et puis, je crois qu'ensuite, dans le débat présidentiel, il faudra se poser la question de notre modèle social qui est financé par les gens qui travaillent. Vous savez qu'avec le vieillissement de la population, on arrive à un modèle qui s'épuise. Donc, il faudra avoir ce débat. En attendant, il faut une trajectoire maîtrisée du déficit de la Sécurité Sociale.

GILLES BORNSTEIN
Stéphanie RIST était l'invitée des 4V sur France 2. Très bonne journée à tous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 novembre 2025