Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Maud BREGEON.
MAUD BREGEON
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Les députés doivent se prononcer aujourd'hui sur la partie recette du budget de la Sécurité Sociale. Tard hier soir, ils ont trouvé un compromis sur une mesure très contestée, la hausse de la CSG sur certains revenus du capital. Alors c'est un compromis qui est encourageant. Dans quel état d'esprit vous êtes-vous, ce matin, sur le vote qui va avoir lieu aujourd'hui ? Vous êtes plus proche de la sérénité ou de l'inquiétude ?
MAUD BREGEON
Une chose est sûre, nous n'avons jamais été aussi proches du but. Vous l'avez dit, un compromis très important, pas suffisant, mais très important, a été trouvé hier sur la CSG. D'autres compromis avaient été trouvés par le passé. En première lecture, la partie 2, et donc la partie relative aux dépenses, avait été votée à l'Assemblée nationale. Et donc, on espère et on fera tout ce qui est en notre possible pour permettre, encore une fois, ce chemin de se dessiner. Je le redis quand même parce que c'est extrêmement important, la différence entre un PLFSS, un projet de loi de la Sécurité sociale, voté, et une absence de budget, c'est 10 milliards d'euros de déficit supplémentaires.
ADRIEN GINDRE
Là, on est bien sur le vote sur les recettes. Vous évaluez les chances de votes positifs à combien ?
MAUD BREGEON
Je pense qu'il y a une majorité absolue de députés à l'Assemblée nationale qui souhaitent que le compromis puisse se faire, et qui ont parfaitement conscience, encore une fois, de la nécessité absolue de doter la France d'un projet de loi de finances de la Sécurité sociale. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de loi spéciale possible pour la Sécurité sociale, et parce qu'encore une fois, le déficit filerait aux alentours de 30 milliards d'euros en l'absence de vote.
ADRIEN GINDRE
Maud BREGEON, on va revenir sur les conséquences. Juste, pardon, je m'attarde sur la configuration politique. Hier soir, certes, il y a eu un vote, il est incontestable, il y a eu beaucoup d'abstentions. Ce matin, vous avez peut-être lu le journal Les Echos. Michel BARNIER, ancien Premier ministre, dont vous avez été la porte-parole, dit très clairement, je le cite, "Je fais le choix de ne pas voter en faveur de ce projet de loi. On ne doit jamais sacrifier l'avenir au présent." Il parle même d'ailleurs de calculs politiques de courte vue. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
MAUD BREGEON
Je leur demande quelle est l'alternative. Quelle est la solution proposée ? J'entends les doutes qu'émettent les uns et les autres, et ils sont parfaitement libres de le faire.
ADRIEN GINDRE
C'est irresponsable ?
MAUD BREGEON
Mais je n'ai pas à qualifier la responsabilité ou l'irresponsabilité des uns et des autres si je ne suis pas là pour donner des brevets. Mais enfin, quelle est l'alternative ? Une fois qu'on a dit qu'on ne veut pas voter, comment fait-on ? Puisqu'aucune loi spéciale n'est possible, et puisqu'encore une fois, l'absence de budget pour la sécurité sociale laisserait filer le déficit, y compris, pardonnez-moi, pour l'avenir et pour les générations futures.
ADRIEN GINDRE
Vous dites à juste titre, les uns et les autres, vous avez raison de le dire, parce que cette semaine, déjà, Édouard PHILIPPE, pour le Parti Horizons, avait eu exactement les mêmes mots. Ça ne vous fait pas douter de l'issue de ce vote ?
MAUD BREGEON
Édouard PHILIPPE a dit, en l'état, avant le début de cette seconde lecture, donc de ce nouvel examen, le budget n'était pour lui pas votable. Eh bien, il y a eu des avancées, encore hier, sur la question de la CSG. Et on va continuer, il reste de nombreuses heures de débat à l'Assemblée nationale. Édouard PHILIPPE a toujours dit, depuis le début, qu'il avait parfaitement conscience de la nécessité de doter la France d'un budget pour la sécurité sociale et pour l'État. D'ici au 31 décembre, je suis convaincue que ça n'a pas changé.
ADRIEN GINDRE
Vous dites qu'il y aura encore des avancées. Alors, une précision. Hier soir, dans l'hémicycle, Amélie De MONTCHALIN, votre collègue ministre des Comptes publics, dit que le Gouvernement renonce au doublement des franchises médicales. Est-ce que ça veut dire que le Gouvernement renonce à toute augmentation des franchises médicales ou qu'il y aura une augmentation intermédiaire ?
MAUD BREGEON
Le Premier ministre a été clair, nous ne passerons pas en force. Et, de toute évidence, il n'y a pas de majorité pour augmenter les franchises dans ce budget. Donc, la réponse, elle est simple, il n'y aura pas d'augmentation des franchises médicales dans le budget qui est étudié aujourd'hui.
ADRIEN GINDRE
Ni dans le budget, ni ultérieurement par décret ? Est-ce que le Gouvernement peut le faire par décret ?
MAUD BREGEON
Oui, mais on ne le fera pas sans les parlementaires. Or, vous voyez bien aujourd'hui qu'il n'y a pas de majorité. Par contre, attention, si on renonce à cette mesure-là, encore une fois, parce qu'on écoute l'Assemblée nationale, il faudra trouver des mesures d'économie à mettre en face. Parce que la question de la cible du déficit qu'on souhaite, nous, autour de 20 milliards d'euros, n'a pas changé. Et donc, comme d'habitude, face à chaque plus, il faut mettre un moins.
ADRIEN GINDRE
En l'occurrence, le compromis d'hier soir, on ne va pas rentrer dans la bataille de chiffres, mais il a été trouvé en faisant en sorte que la CSG rapporte moins à la fin. Elle va moins coûter aux Français, elle va moins rapporter à l'État. Il y a à peu près 1,5 milliard, on va faire simple. Ça veut dire que le déficit s'est aggravé hier soir en réalité. On s'est rapproché du compromis et on a aggravé le déficit. Quel déficit vous êtes prêts à accepter ? Si le budget de la Sécu, à la fin, aboutit à un déficit de 25 milliards par exemple, est-ce que ce sera un bon budget ? Est-ce que vous direz : "Banco, on fait comme ça" ?
MAUD BREGEON
Il y avait 23 milliards de déficit cette année. On terminera l'année avec 23 milliards d'euros de déficit. Il est évident que la cible du déficit doit être inférieure au déficit de cette année. Et donc, nous, on maintient une cible à 20 milliards d'euros. Je rappelle à toute fin utile que ces déficits étaient de 10 milliards d'euros en 2023 et de 15 milliards d'euros en 2024.
ADRIEN GINDRE
Mais donc j'entends dans votre réponse que 23 milliards, si on est juste en dessous, c'est acceptable ? C'est un nouvel objectif de déficit le cas échéant ?
MAUD BREGEON
C'est à l'Assemblée nationale de le définir. Mais enfin, j'entends les groupes parlementaires qui, dans une grande majorité, sont attachés à la question de la réduction du déficit. Et c'est précisément parce qu'ils sont attachés à cette réduction du déficit qu'on a besoin de voter un budget.
ADRIEN GINDRE
Un point de méthode, vous disiez tout à l'heure à juste titre… Edouard PHILIPPE, par exemple, a dit : "À ce stade, je ne vote pas". Jusqu'ici, le Premier ministre a dit "pas de 49.3". C'est un pas de 49.3 à ce stade ? Ou c'est un pas de 49.3, quoi qu'il en coûte, jusqu'au bout, quitte à échouer ?
MAUD BREGEON
Nous n'utiliserons pas le 49.3. Je réponds à cette question à chaque nouvelle interview. Et je fais la même réponse.
ADRIEN GINDRE
Oui, mais donc ce n'est pas à ce stade pour le coup ? Pas de 49.3 ni aujourd'hui ni jamais.
MAUD BREGEON
Ce n'est pas au Gouvernement d'engager sa responsabilité, c'est aux parlementaires d'engager leur responsabilité. Et il y a quelque chose d'un peu hypocrite, à nous demander d'utiliser le 49.3 sur un budget, que les parlementaires refusent de voter, tout en disant au Gouvernement : "utilisez le 49.3 et on ne vous censurera pas". Ça ne peut pas marcher comme ça. Ça ne peut plus marcher comme ça.
ADRIEN GINDRE
Ça veut dire que s'il n'y a pas de vote, le Premier ministre fait quoi ? Il s'en va ? Il démissionne ?
MAUD BREGEON
Il y aura un vote. Il y aura un vote mardi.
BRUCE TOUSSAINT
Attendez, s'il n'y a pas de vote, qu'est-ce qu'il se passe ? Je ne parle pas forcément du Premier ministre, mais qu'est-ce qui… Expliquez aux Français ce qu'il se passe s'il n'y a pas de vote, si la partie recette est rejetée.
MAUD BREGEON
S'il n'y a pas de vote sur le projet de loi de finances de la Sécurité Sociale, mardi prochain, nous ne pourrons pas mettre en place de loi spéciale parce que ça n'existe pas pour la Sécurité Sociale. Et donc, nous démarrerons l'année 2026 sans budget de la Sécurité Sociale avec un déficit qui filera de façon incontrôlée. La conséquence, c'est celle-ci.
ADRIEN GINDRE
Certains de vos opposants disaient hier que ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de budget, jamais. Ça veut dire qu'éventuellement, il faudra reprendre une nouvelle copie en début d'année prochaine. Mais on a le temps de voir venir une chose à la fois.
Une autre question très importante, il se trouve qu'on a appris aussi cette semaine qu'un décret de 2023 prévoyait d'obliger les Français à installer des thermostats indiquant la température sur leur chauffage. Ça vise à faire des économies d'énergie. Votre collègue Roland LESCURE a dit hier que l'obligation va être décalée de 2027 à 2030. Mais on dit bien "décalée", ça veut dire que l'obligation est maintenue. Le Gouvernement ne va pas abroger ce décret purement et simplement ?
MAUD BREGEON
Cette obligation n'aura pas lieu en 2027. Et le Premier ministre l'avait annoncé au Salon des maires. Ça n'avait peut-être pas été entendu, mais ça avait déjà été dit.
ADRIEN GINDRE
Pour les bâtiments publics.
MAUD BREGEON
Et donc, on décale cette échéance précisément pour permettre aux particuliers, aux collectivités territoriales de s'adapter aux discussions de ce faire. On a conscience que c'est une obligation qui a un coût pour les Français, qui n'est pas facile, dans un moment, encore une fois, qui n'est pas facile non plus.
ADRIEN GINDRE
Mais qui vous paraît justifiée.
MAUD BREGEON
Et donc, c'est une mesure, encore une fois, c'est une mesure qui s'entend. Pourquoi ? Parce que ça permet, in fine, de faire des économies d'énergie et donc de diminuer la facture. Pour autant, imposer cette mesure aujourd'hui, dans un délai aussi court, ne nous paraît pas justifié.
BRUCE TOUSSAINT
Et pendant ce temps, le ministre de l'Education nationale dit qu'il veut redonner de la crédibilité au bac. C'est dans Le Parisien ce matin. Il veut vraiment changer, le durcir. Ça veut dire que jusqu'ici, le bac ne valait pas grand-chose ?
MAUD BREGEON
En tout cas, on a le débat chaque année… On avait déjà le débat quand moi je passais le bac, ce n'était pas hier, ce n'était pas si longtemps, mais enfin quand même, en disant qu'effectivement le bac était dévalorisé. Ce qu'il faut, c'est redonner du crédit à ce diplôme qui est un diplôme important.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 décembre 2025