L'essentiel de la proposition de loi
Plus d'un siècle s'est écoulé depuis l'adoption de la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique, dite "loi Bardoux". Puisque l'art est la chose de tous, l'atteinte à sa vérité ou à sa provenance doit être sanctionnée au nom de l'intérêt général.
Depuis ce texte fondateur, entre autres sous l'effet des mutations technologiques, de nouveaux enjeux liés à la création, à l'accès du public à l'art et à sa circulation ont émergé. Les fraudes artistiques se sont multipliées ces dernières années pour diverses raisons : explosion du prix des œuvres d'art, demande en hausse sur le marché, arrivée de nombreux acheteurs non connaisseurs, essor de la vente d'art en ligne, réglementation insuffisante des plateformes, techniques de fraude de plus en plus perfectionnées grâce aux avancées technologiques et scientifiques, intérêt des organisations criminelles pour le trafic d'oeuvres d'art...
La loi Bardoux fait appel au droit pénal afin de lutter contre le principal fléau de son époque, l'utilisation d'une fausse signature d'artiste. Son champ d'application est limité : elle couvre seulement les catégories d'oeuvres en vogue à la Belle époque (peinture, sculpture, dessin, gravure, musique) et au sein de celles-ci, celles qui ne sont pas tombées dans le domaine public et sont signées. Cette protection est devenue insuffisante face aux nouvelle formes de création, notamment numérisées, à la démocratisation du marché de l'art et aux faux sans signature ou sans auteur identifié. De plus, les peines prévues sont peu dissuasives (deux ans de prison et 75 000 euros d'amende) et bien moins sévères que celles sanctionnant des délits approchants (par exemple, jusqu'à sept ans de prison et 750 000 euros d'amende en cas d'escroquerie en bande organisée).
Pour toutes ces raisons, la proposition de loi réforme la loi Bardoux, qui ne permet plus aujourd'hui de poursuivre la plupart des faussaires et des marchands d’art mal intentionnés.
La fraude artistique est redéfinie dans le code du patrimoine. Une nouvelle infraction est créée, qui réprime la réalisation, la présentation, la diffusion ou la transmission, à titre gratuit ou onéreux, et en connaissance de cause, d’un bien artistique ou d’un objet de collection affecté, par quelque moyen que ce soit, d’une altération de la vérité sur l’identité de son créateur, sa provenance, sa datation, son état ou toute autre caractéristique essentielle.
Le champ de l'art est élargi afin de protéger tous les supports de l’art, y compris des modes d’expression artistique appelés à apparaitre dans le futur.
Les peines principales sont durcies et alignées sur celles sanctionnant l'escroquerie : cinq ans de prison et 375 000 euros d'amende. Des peines plus lourdes sont fixées pour les fraudes commises de manière habituelle ou avec l'aide de complices (sept ans de prison et 750 000 euros d'amende) et pour les fraudes en bande organisée (dix ans de prison et 1 million d'euros d'amende). Les peines complémentaires de confiscation d'œuvres et de remise des œuvres au plaignant sont maintenues.
La proposition de loi abroge la loi Bardoux. En conséquence la vente d'un tableau tombé dans le domaine public, réalisé par l'élève d'un peintre de renom faussement attribué au maître mais majeur dans l'histoire de l'art, est possible.
Par amendements, les sénateurs ont :
- clarifié la définition de l'infraction afin de la recentrer sur les différentes manœuvres frauduleuses sur ou autour de l'œuvre d'art ou de l'objet de collection ;
- élargi le champ d'application de la circonstance aggravante (faits commis par des professionnels du marché de l'art ou préjudice subi par une institution patrimoniale publique) ;
- précisé et complété les peines complémentaires du nouveau délit.
L'Assemblée nationale doit désormais examiner le texte.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.