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© Philipe Huhuen/AFP

Loi du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels

Temps de lecture  8 minutes

Pour mieux lutter contre la délinquance, la loi renforce le cadre juridique des saisies et confiscations des avoirs criminels. Elle prévoit en particulier la confiscation automatique de certains biens saisis et facilitera l'action des enquêteurs, des juges et de l'Agrasc.

Où en est-on ?

  1. Étape 1 validée

    Dépôt au parlement

    25 avril 2023

  2. Étape 2 validée

    Examen et adoption

    15 mai 2024

    Adoption définitive

  3. Étape 3 validée

    Conseil Constitutionnel

    20 juin 2024

    Décision

  4. Étape 4 validée

    Promulgation

    24 juin 2024

Qu'est-ce que la procédure législative ?

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La loi a été promulguée le 24 juin 2024. Elle a été publiée au Journal officiel du 25 juin 2024.

La loi fait suite au rapport remis en 2019 aux ministres de la justice et de l'intérieur par les députés Jean-Luc Warsmann et Laurent Saint-Martin sur la mission de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).

Depuis la création de l’agence en 2010, le dispositif de saisie et de confiscation des avoirs criminels a été régulièrement renforcé. Pour 2023, le montant des saisies réalisées dépasse 1,4 milliard d'euros (+87% sur un an) et celui des confiscations atteint 175,5 millions d'euros.  Le montant des saisies et confiscations reste modeste au regard des revenus générés par la délinquance. Par exemple, le "chiffre d'affaires" annuel du narcotrafic en France est estimé au minimum à 3,5 milliards d'euros.

C'est pourquoi, la loi entend aller plus loin dans la saisie et la confiscation du produit des infractions.

Procédure de contestation des saisies

La loi simplifie la procédure de contestation des décisions de saisies de biens meubles (par exemple voitures, objets…) dont la conservation n’est plus nécessaire pour collecter des preuves. Ces décisions, prises avant jugement par le procureur ou le juge d’instruction, autorisent la destruction du bien ou à sa remise à l'Agrasc. Pour ces saisies dites "probatoires", l'appel se fera désormais auprès d'un juge unique, le premier président de la cour d’appel (et non plus devant la chambre de l’instruction). L'objectif est de réduire les délais et de limiter les frais de gestion.

D’autres procédures de saisies simples seront soumises à la procédure d’appel devant un juge unique.

Extension de l'affectation gratuite de biens saisis et confisqués

Auparavant les textes autorisaient le procureur de la République (pendant l'enquête) ou le juge d'instruction (pendant l'instruction) à confier gratuitement des biens mobiliers saisis, après appréciation de leur valeur par l'Agrasc :

  • aux services judiciaires, de police et de gendarmerie ;
  • à l'Office français de la biodiversité (OFB) ;
  • aux services du budget effectuant des missions de police judiciaire.

La loi étend la liste des bénéficiaires de ce dispositif aux services déconcentrés de l’administration pénitentiaire ainsi qu’à l’Agrasc. Ces derniers pourront également se voir confier gratuitement des biens mobiliers confisqués, de même que les parcs naturels nationaux et régionaux, les fondations ou associations d'utilité publique ou les fédérations sportives (par exemple des motos confisquées pourraient être mises à disposition de la Fédération française de motocyclisme). L'affectation des biens confisqués se fera en priorité au profit des services judiciaires et d'enquête, leurs besoins étant considérables.

Amélioration de l'indemnisation des victimes

La loi améliore l'indemnisation des victimes sur le fondement des biens confisqués. L'assiette des biens sur lesquels la victime peut être indemnisée est élargie à l'ensemble des biens saisis.

Le délai au cours duquel les victimes peuvent solliciter une indemnisation auprès de l'Agrasc est allongé à six mois (contre deux auparavant).

Expulsion d'un logement confisqué et confiscation automatique de certains biens

La loi prévoit que la confiscation d’un bien immobilier vaut expulsion de la personne condamnée. Les parlementaires ont précisé que le titre d'expulsion concernera aussi les occupants de son chef (sa famille, par exemple), mais ne sera pas applicable aux locataires de bonne foi qui ont conclu un bail avec le propriétaire condamné. Le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision du 20 juin 2024 que si les membres de la famille de la personne condamnée peuvent être expulsés, "il appartiendra au juge qui prononce la peine de confiscation de prendre en compte, au regard des éléments dont il dispose, la situation personnelle et familiale de la personne condamnée".

Aujourd'hui, en moyenne 18 mois s'écoulent entre un jugement de confiscation d'un appartement, d'un immeuble, d'une villa et sa vente car ce jugement ne vaut pas titre d'expulsion. Avant la vente, l'Agrasc doit obtenir la libération du bien immobilier et saisir la justice civile en vue d'obtenir un titre d'expulsion. Outre le temps consacré à cette démarche, les frais engagés dans la procédure sont importants. Or, le titre d'expulsion est délivré dans 100% des cas par le juge civil.

La loi prévoit également la confiscation automatique de certains biens saisis : à savoir ceux qui sont l'objet, le produit ou l'instrument de l'infraction. Cette peine complémentaire est rendue obligatoire. Il s'agit d'un renversement de la logique actuelle des confiscations et d'une évolution qui conduira à rendre cette peine plus dissuasive. L'objectif est de faire vivre l'adage selon lequel "le crime ne paie pas". Actuellement seuls 30% des biens saisis finissent par être effectivement confisqués. 

Le parquet et les juges, quel que soit le stade de la procédure, pourront prononcer la confiscation du produit de l'infraction, y compris en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Par exemple en cas de décès de la personne mise en cause, il n'est pas envisageable de restituer le produit de l'infraction à ses héritiers.

La peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine est étendue aux infractions de corruption et trafic d'influence passifs et actifs punies de 10 ans de prison. Une telle peine, particulièrement dissuasive, permettra aux juridictions de prononcer la confiscation de l'entier patrimoine du condamné.

Convention judiciaire d'intérêt public

La convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) permet pour certaines infractions (corruption, trafic d'influence, blanchiment…) d’éteindre l’action publique si la personne morale mise en cause exécute certaines obligations (versement au trésor public d'une amende d'intérêt public et respect d'un programme de mise en conformité sous le contrôle de l'agence française anticorruption).

La loi ajoute à la CJIP un troisième type d'obligation : le dessaisissement au profit de l'État de tout ou partie des biens saisis dans le cadre de la procédure. En effet, aujourd'hui, lorsque des biens ont été saisis au cours de l'enquête ou de l'instruction, ils sont restitués pour payer l'amende fixée par la CJIP. Le texte instaure la même obligation de dessaisissement pour les CJIP dites environnementales, dans le cadre de délits prévus par le code de l'environnement.

Missions de l'Agrasc, des policiers et autres mesures

Les officiers de police judiciaire (OPJ) voient leurs compétences élargies : les enquêtes patrimoniales sont ajoutées à la liste de leurs missions. De plus, ils pourront saisir les sommes déposées sur des comptes de paiement et donc dans des "néo-banques" (les nouvelles banques en ligne).

L'Agrasc sera désormais compétente pour la vente de biens saisis ou confisqués dévolus à l'État ou non restitués. Dans le cadre de ses missions, l'agence aura accès au fichier informatisé des données juridiques immobilières (Fidji). Par ailleurs, toutes les décisions de saisie et de confiscation devront lui être communiquées. L'agence devra former régulièrement les juridictions et les services de police et de douanes judiciaires.

La loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales prévoit la restitution à la population d'un État étranger des biens mal acquis par ses dirigeants (recel, blanchiment…). Ce dispositif est étendu à tous les biens confisqués, cédés ou non, dont les comptes bancaires où sont hébergés des fonds "mal acquis". Aujourd'hui, sont seules concernées les recettes provenant de la cession des biens confisqués.

Les cas de vente avant jugement de biens saisis qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité, confiés à l'Agrasc, sont élargis. Ces dispositions permettront une vente plus rapide et rémunératrice des biens saisis et éviteront la constitution de "stocks dormants" générateurs de coûts. 

Enfin, le président du tribunal judiciaire, une fois la juridiction de jugement saisie, sera compétent pour statuer sur les requêtes portant sur l'exécution de la saisie des biens. Cette disposition lui permettra de désigner un ou deux magistrats pour qu'ils puissent se spécialiser dans ce domaine.

Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.

Où en est-on ?

  1. Étape 1 validée

    Dépôt au parlement

    25 avril 2023

  2. Étape 2 validée

    Examen et adoption

    15 mai 2024

    Adoption définitive

  3. Étape 3 validée

    Conseil Constitutionnel

    20 juin 2024

    Décision

  4. Étape 4 validée

    Promulgation

    24 juin 2024

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