Les femmes sont-elles des hommes politiques comme les autres ? (3/3)

L'Actualité de la vie publique - Podcast - N° 60

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Par : La Rédaction

Podcast

Les femmes sont-elles des hommes politiques comme les autres ? (3/3)

Léa : Bonjour à toutes, Bonjour à tous

Bonjour « Patrice »

Patrice : Bonjour « Léa » 

Léa : En France, les progrès enregistrés en matière de parité en politique, depuis les années 2000, ont été considérables mais ils se sont avérés cependant insuffisants pour atteindre la parité réelle. 

À l’occasion du 80e anniversaire de la première participation des Françaises à une élection, au printemps 1945, voici une nouvelle série de « L’Actualité de la vie 
publique » consacrée à la participation des femmes à la vie politique. 

Au sommaire de ce troisième et dernier épisode : 

« Les femmes sont-elles des hommes politiques comme les autres ? ». 

1. Léa : Première question, Patrice, comment la France se situe-t-elle en matière de participation des femmes à la vie politique ? 

Patrice : Alors la société française Léa est marquée par des inégalités persistantes entre les femmes et les hommes dans de nombreux domaines. Le champ politique ne fait pas exception et si la parité politique a fortement progressé depuis les 
années 2000, celle-ci n’est pas encore complètement effective dans notre pays. 

1. Léa. Est-ce que de ce point de vue la situation de la France est différente de celle de ses voisins européens ?

Patrice : La France ne constitue pas une exception. La participation des femmes à la vie politique a été également très lente dans le reste de l’Europe. Dans les années 1970, on dénombre moins de 10 % de femmes parmi les élus dans les chambres basses des Parlements de la plupart des pays européens (c’est-à-dire l’équivalent de notre Assemblée nationale). Il faut attendre les années 1980 pour que dans les pays d’Europe du Nord s’amorce de manière progressive une féminisation de la classe politique. Et c’est au cours du dernier quart de siècle que la féminisation du 
personnel politique en France, mais aussi ailleurs en Europe va progresser très 
fortement.

 

2. Léa :  Et qu’est-ce qui a permis, notamment dans le cas de la France, 
d’accomplir des progrès en matière de parité politique ?

Patrice : À partir des années 1990, les organisations féministes commencent à se mobiliser en faveur de la représentation politique des femmes. Obtenir l’égalité avec les hommes dans ce domaine devient une priorité. Mais l’issue de ce combat 
politique n’avait rien d’évident à l’époque car le Conseil constitutionnel avait en 1982 censuré une loi qui prévoyait l’instauration d’un quota de 25 % de femmes dans les listes pour les élections municipales de 1983. Cette décision a constitué pendant des années un obstacle juridique majeur à l’adoption de mesures 
contraignantes visant une égalité de représentation entre les femmes et les hommes en politique. 

Léa. Et comment cet obstacle juridique a-t-il finalement été levé ?

Patrice : Eh bien en 1995, durant la campagne de l’élection présidentielle, Jacques Chirac, s’engage en cas de victoire à créer un Observatoire de la parité. Élu au mois de mai, il tient sa promesse et la nouvelle institution voit le jour à l’automne 1995. Roselyne Bachelot en est désignée rapporteure générale et Gisèle Halimi, une 
célèbre avocate féministe, est chargée de la commission politique de cette instance. Une de leurs premières tâches est la rédaction d’un rapport sur la parité dans la vie politique. Dans ce rapport, publié en décembre 1996, elles recommandent d’adopter des mesures volontaristes de nature législatives et/ou constitutionnelles instaurant les principes d’un quota ou d’une parité. L’année suivante, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, la gauche revient au pouvoir. Lionel Jospin qui est nommé Premier ministre s’engage alors à réformer la Constitution pour y inscrire la parité.

Léa. Et quelle a été la nature de cette réforme constitutionnelle et quelles sont les 
principales lois qui ont ensuite été promulguées ?

Patrice : Alors la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 instaure le principe de parité politique. L’article 1er de la Constitution dit désormais ceci : « la loi favorise l’égal 
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Le texte constitutionnel précise également à l’article 4 que ce sont les partis 
politiques qui doivent contribuer à la mise en œuvre de ce principe. Ensuite, c’est la loi du 6 juin 2000 qui instaure les premières dispositions visant à favoriser la parité aux élections européennes, législatives, sénatoriales (mais pas dans les départements qui élisent moins de 3 sénateurs), régionales et municipales (mais uniquement pour les communes de plus de 3500 habitants). D’autres lois sont venues plus tard 
compléter ces dispositions qui apparaissaient insuffisantes : en 2003, une loi inscrit le principe d’alternance stricte entre hommes et femmes pour les listes des élections régionales et européennes ; en 2007, une nouvelle loi vise notamment à féminiser les exécutifs locaux ; et, en 2013, un autre texte impose la parité aux élections 
cantonales, qui deviennent à ce moment-là des élections départementales. Et pour les municipales, les règles de parité sont étendues aux communes de 1000 habitants et plus (et non plus 3500 habitants).

 

 

3. Léa : Et alors quel a été l’effet de ces réformes, Patrice. Aujourd’hui quelle est la part des femmes élues dans les différentes élections ? 

Patrice : La parité politique a fortement progressé au cours des dernières années. Alors que la part des femmes parmi les conseillers généraux n’était que de 14 % en 2011, les conseillères départementales sont désormais aussi nombreuses que les hommes. Elles sont également quasiment à parité au sein des conseils régionaux (avec 49 % en 2021). Concernant les élections municipales, la part des femmes élues a plus que doublé par rapport à la situation qui prévalait dans les années 1980, 
passant de 17 % en 1989 à 42 % en 2020. Enfin, depuis les dernières élections 
européennes, en 2024, on compte 41 femmes sur les 81 eurodéputés français.

Léa. Mais il semble pourtant que concernant l’Assemblée nationale, on observe un recul de la parité depuis 2022 ? Pour quelles raisons Patrice ?

Patrice : Alors Concernant les élections législatives, Léa, rappelons d’abord que 
jusqu’à la fin des années 1990, la part des femmes élues députées se situait constamment sous la barre des 6 %. Cette part a ensuite augmenté jusqu’à atteindre 39 % en 2017 (contre seulement 26,9 % en 2012). Mais c’est vrai qu’en 2022 avec 37,3 %, puis 36 % en 2024, la parité recule à l’Assemblée nationale. Cette évolution s’explique en partie par la progression du Rassemblement national, un parti dont la part de femmes élues au Palais-Bourbon est la plus faible. 

Léa. Et au Sénat comment la parité se situe-t-elle ?

Patrice : Eh bien même si le Sénat compte, depuis 2023, 36 % de femmes contre 6 % seulement en 1998, cette assemblée reste la moins féminisée, puisque la part de femmes élues est très inférieure à celle des candidates, qui était de 46,6 % aux 
dernières élections.

4. Léa : Patrice, la notion de « plafond de verre » désigne le fait qu’il est plus difficile pour les femmes d’accéder aux postes dont les responsabilités sont les plus importantes. Est-ce que ce phénomène est observable dans l’accès aux postes politiques les plus prestigieux ?

Patrice : Alors Léa si des progrès considérables ont été réalisés à tous les échelons politiques, au niveau local comme national, les femmes se heurtent aujourd’hui à un nouveau « plafond de verre ». Elles sont ainsi très peu à exercer les responsabilités les plus importantes. La parité est plus effective pour les postes de conseillers 
municipaux ou régionaux par exemple que pour les plus prestigieux comme maire, ministre ou chef de gouvernement. À titre d’exemple, depuis le début de la Ve République en 1958, la France n’a eu qu’à deux reprises une femme Première 
ministre : Édith Cresson de 1991 à 1992 et Élisabeth Borne de 2022 à 2024. De même, ce n’est qu’en 2022, qu’une femme a été élue pour la première fois Présidente de l’Assemblée nationale. 

Léa. Mais il y a qu’en même de plus en plus de femmes nommées ministres, non ?

Patrice : Oui mais lorsque les femmes se voient attribuées un portefeuille ministériel, c’est très souvent dans un domaine considéré comme entre guillemets « féminin » : les affaires sociales, la santé, l’éducation nationale, etc. et beaucoup plus rarement un ministère 
régalien comme la défense, l’intérieur ou les affaires étrangères).

Léa. Et cette répartition « genrée » du pouvoir est-elle la même au niveau local ?

Patrice : Oui Léa ! Au niveau local, on observe le même phénomène. L’exercice du pouvoir reste aux mains des hommes. Les femmes accèdent encore peu aux plus hautes responsabilités. En 2021, elles ne président qu’un tiers des régions et 20 % des conseils départementaux. Concernant, les communes, si la part des femmes maires a progressé ces dernières années, elle reste faible avec 19 % en 2020 et seulement 12 % dans les communes de plus de 30 000 habitants. Il faut dire qu’aux dernières élections municipales, en 2020, les hommes représentaient 77 % des têtes de listes. Or, on sait bien que, c’est en général la tête de liste, qui est élue maire en cas de victoire électorale. En 2020, une nouvelle disposition paritaire a été introduite pour les élections municipales : l’alternance obligatoire sur la liste des adjoints dans les communes de 1000 habitants et plus afin de favoriser la progression du nombre de femmes parmi les deux premières adjointes.

Léa. Mais alors, Patrice, qu’est-ce qui explique que les femmes peinent à obtenir les mêmes responsabilités que les hommes ?

Patrice : Eh bien les femmes se heurtent à de nombreux obstacles. Plus les enjeux de pouvoir sont importants, moins ils sont conciliables avec les multiples contraintes qui peuvent peser sur les femmes, comme les charges qu’elles assument dans la sphère domestique et familiale qui peuvent en définitive dissuader les candidates. Mais il y a aussi des obstacles d’une autre nature qui sont propres au champ 
politique notamment les stéréotypes sexistes, la valorisation des codes et qualités masculines, l’esprit de club mais aussi la persistance des violences sexistes et sexuelles.

5. Léa : Alors quelles mesures faudrait-il prendre aujourd’hui en France pour progresser vers une parité effective ?

Patrice : Selon de nombreux responsables politiques ou le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), la seule façon de faire de nouveau 
progresser la parité et briser le « plafond de verre » passe par une nouvelle révision 
constitutionnelle qui ferait de la parité un droit fondamental. Il faudrait désormais « garantir » l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives dans la Constitution au lieu de simplement la favoriser, puisque l’incitation ne suffit pas. Le HCE recommande également la mise en œuvre de 
nouvelles mesures contraignantes notamment étendre aux communes de moins de 1000 habitants le mode de scrutin en vigueur dans les autres communes. D’ailleurs une proposition de loi allant dans ce sens a été adoptée en 2022 par l’Assemblée nationale et est cours d’examen au Sénat. Le HCE propose aussi l’instauration de modes de scrutin plus favorables à la parité (pour les élections législatives et 
sénatoriales), l’adoption de dispositifs paritaires contraignants dans les nominations ministérielles, la mise en place d’une instance indépendante dédiée au contrôle des violences sexistes et sexuelles ou encore la création d’un statut de l’élu favorisant l’intégration des femmes dans la vie politique.

Fin de l’épisode :

Léa : Près de 25 ans après le vote de la première loi sur la parité politique, on le voit le chemin vers une parité réelle est encore long. C’est pourtant une condition 
essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie ! 

Merci beaucoup « Patrice » ! 

C’est la fin de notre série dont vous pouvez réécouter gratuitement les trois 
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On se retrouve très bientôt ! Au revoir « Patrice », au revoir à tous !

Patrice : Au revoir ! A bientôt

 

 

Sources

· Briatte A.-L. (2020), « Le droit de vote des femmes », Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe, ISSN 2677-6588, mis en ligne le 22 juin, Permalien : https://ehne.fr/fr/node/12266
· Durovic A. et Mayer N. (2022), « Un vent de renouveau : la recomposition des genders gaps électoraux à l’élection présidentielle française de 2022 », Revue française de science politique, vol. 72, n° 4
· Durovic A. (2023), « Des avancées paradoxales : inégalités générationnelles et de genre dans la participation politique en France (1981-2018) », Revue française de science 
politique, vol. 73, n° 1
· Campos Posada A. (2023), « Le droit de vote des femmes : chronologie d’un combat historique », Histoire et civilisationswww.histoire-et-civilisations.com, 30 août 
· Deroeux I. (2025), « Des femmes plus progressistes, des hommes plus conservateurs : pourquoi les clivages idéologiques s’accentuent chez les jeunes », Entretien avec Anja Durovic, Les Décodeurs, www.lemonde.fr, 13 février
· Global Gender Gap Report 2024, Forum économique mondial, 11 juin
· HCE (2022), Parité politique : la nécessité d’un acte II, Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Rapport n° 2022-12-12-PAR-54, 12 décembre 
· INSEE (2022), Femmes et hommes, l’égalité en question, INSEE Références 
· INSEE (2022), « Vingt ans de participation électorale : en 2022, les écarts selon l’âge et le diplôme continue de se creuser », INSEE Première, n° 1929, novembre
· Lardeux L. et Tiberj V. (2022), « Le vote et l’abstention des jeunes au prisme de leurs 
valeurs et de leur situation sociale », Analyses et synthèses, INJEP, n° 62, 22 novembre
· Manière F. (2021), « Le vote des femmes, un si long combat », Hérodote.net, 13 
novembre
· Michon S. (2020), « La féminisation du personnel politique européen et la parité en Europe », Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe, ISSN 2677-6588, mis en ligne le 22 juin, Permalien : https://ehne.fr/fr/node/12311
· Observatoire des inégalités (2024), « La parité en politique ne progresse plus », 1er août
· Pflimlin E. (2018), « 1918 : les femmes obtiennent le droit de vote au Royaume-Uni », Les Décodeurs, www.lemonde.fr, 6 février
· Public Sénat (2022), « Les femmes votent-elles comme les hommes ? Entretien avec Janine Mossuz-Lavau »,  Je vote, tu votes, nous votons, podcast, 15 février 2025
· France Inter (2025), « Gender Gap : le vote a-t-il un genre ?», Zoom Zoom Zen, 23 
janvier 

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