Rapport d'information (...) conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'évolution du dispositif militaire français en Afrique et sur le suivi des opérations en cours

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Le présent rapport d'information se penche sur l'évolution du dispositif militaire français en Afrique, compte tenu des orientations formulées par le Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale, ainsi que sur le suivi des opérations extérieures en cours, à savoir Serval (Mali) et Sangaris (République centrafricaine).

INTRODUCTION
 

PREMIÈRE PARTIE LA RÉORGANISATION ENGAGÉE DE NOS FORCES PRÉPOSITIONNÉES EN AFRIQUE : « POUR QUE TOUT RESTE COMME AVANT, IL FAUT QUE TOUT CHANGE » ?

I. NOTRE DISPOSITIF MILITAIRE EN AFRIQUE, QUI A FAIT LA PREUVE DE SON EFFICACITÉ LORS DES OPÉRATIONS RÉCENTES, EST EN COURS DE RESTRUCTURATION

A. UN DISPOSITIF MILITAIRE AUJOURD’HUI CONFIGURÉ POUR DEUX MISSIONS PRINCIPALES : OPÉRATIONS ET COOPÉRATION

1. Un réseau de points d’appui au service d’une double mission : opérations et coopération

a. Cartographie du dispositif militaire français en Afrique

i. Des bases permanentes : les prépositionnements de droit

ii. Des opérations extérieures qui s’installent dans la durée : les prépositionnements « de fait »

iii. Des opérations extérieures appelées à rester ponctuelles

iv. Des missions de permanence à la mer

b. La double vocation de notre dispositif permanent en Afrique : opérations et coopération

i. Une sectorisation du continent africain pour les actions de coopération

ii. Une sectorisation du continent africain pour la préparation et la conduite d’opérations

iii. Des missions parfois confondues

2. Les opérations Serval et Sangaris ont montré l’efficacité de cette architecture, en complément de capacités de projection rapide

a. L’importance des prépositionnements pour la réactivité des forces

i. Les prépositionnements ont joué un rôle clé dans le déclenchement des opérations Serval et Sangaris en 2013

ii. Les prépositionnements ne permettent toutefois d’intervenir dans une crise majeure que s’ils s’articulent avec un dispositif de projection rapide de forces

iii. Les opérations Serval et Sangaris ont montré l’importance d’une bonne articulation entre les forces conventionnelles et les forces spéciales

b. L’importance de liens étroits de partenariat pour susciter la mobilisation des États africains

B. UNE RESTRUCTURATION PLANIFIÉE DE NOTRE DISPOSITIF PERMANENT EN AFRIQUE

1. Le nouveau schéma de notre dispositif permanent en Afrique : maintien de toutes les implantations et déplacement du centre de gravité vers la bande sahélo-saharienne

a. Un réaménagement sans abandon de notre réseau de points d’appui permanents, marqué par la montée en puissance de la Côte d’Ivoire et la réduction envisagée de notre présence au Gabon et à Djibouti

i. L’orientation générale retenue par le Gouvernement : un maintien de la présence française sur tous ses principaux points d’appui actuels, au prix de réaménagements et d’une réduction globale d’effectifs

ii. Un déplacement, de Libreville à Abidjan, de la base opérationnelle avancée (BOA) chargée de la zone de responsabilité principale (ZRP) pour les opérations en Afrique de l’Ouest

b. La « régionalisation » de notre dispositif dans la bande sahélo-saharienne

i. Le schéma général : un maillage étroit dans une vaste région enclavée

ii. Le centre de gravité : N’Djamena au Tchad

2. L’ambitieuse manœuvre de restructuration a débuté, non sans se heurter aux difficultés liées aux opérations en cours

a. Planification et état d’avancement de la manœuvre de réaménagement

i. Au sein du dispositif permanent : une restructuration rapide des Forces françaises au Gabon, futurs Éléments français au Gabon

ii. Au sein de la bande sahélo-saharienne : consolidation des bases de Gao et de N’Djamena

b. Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la manœuvre de restructuration du dispositif permanent et de régionalisation dans la bande sahélo-saharienne

i. D’inévitables réticences dans les bases permanentes appelées à subir une forte déflation

ii. La « régionalisation » du dispositif militaire français dans la bande sahélo-saharienne : un retard lié à la situation au Mali

3. Un point d’attention majeur : le sort de Djibouti

a. Un point d’appui du plus haut intérêt stratégique pour la France

i. Une situation géostratégique exceptionnelle

 ii. Un point d’appui indispensable dans une zone de plus en plus instable en général, et de plus en plus menaçante pour les intérêts français en particulier

b. Un projet de déflation massif, qui repose à ce stade sur un objectif strictement quantitatif et non sur une analyse fonctionnelle préalable

i. Des plans de restructuration entièrement guidés par un objectif chiffré de déflation, sans analyse fonctionnelle préalable

ii. Un calendrier trop hâtif pour permettre une manœuvre habile

c. Un projet de déflation intenable à missions et responsabilités constantes, qui remet sérieusement en cause la crédibilité de notre dispositif en Afrique de l’Est

i. Quatre scénarios élaborés par les Forces françaises stationnées à Djibouti pour répondre à la commande qui leur a été adressée

ii. Dans toutes les hypothèses, des scénarios intenables à missions et responsabilités constantes

d. Un scénario alternatif, permettant de concilier la contrainte capacitaire générale et la crédibilité de nos forces

i. Un format minimal viable à 1 300 personnels

ii. Un calendrier à « desserrer »

II. LA RESTRUCTURATION PLANIFIÉE VISE À PERMETTRE À LA FRANCE DE CONSERVER SON INFLUENCE ET À SES FORCES LEUR RÉACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE DANS UNE AFRIQUE QUI CHANGE

A. C’EN EST FINI DE « LA PRÉSENCE POUR LA PRÉSENCE »

1. Du point de vue des États africains : la présence de « bases » étrangères ne fait pas toujours l’objet d’un consensus national

a. Certaines réticences des opinions publiques africaines conduisent à privilégier une « empreinte » militaire légère et discrète

b. Les États africains tendent désormais à rechercher aussi d’autres contreparties à la présence française que la protection d’un pays (ou d’un régime)

2. Du point de vue de la France : nous n’avons plus ni les moyens, ni l’intérêt, de maintenir un fort volume de forces sur le continent africain

a. La France n’a plus les moyens d’entretenir l’« armée d’Afrique »

i. Des contraintes financières

 ii. Des contraintes capacitaires

b. La France a-t-elle toujours intérêt à être présente sans avoir les moyens d’influer sur le cours des événements ? Le double risque de la présence militaire sans moyens conséquents d’intervention

i. Que la France soit accusée de ne pas prévenir toutes les crises : le « syndrome rwandais »

ii. Que les partenaires de la France se défaussent sur elle de leurs responsabilités

B. LE DISPOSITIF MILITAIRE FRANÇAIS EN AFRIQUE DOIT RÉPONDRE AVANT TOUT AUX BESOINS ET AUX DEMANDES DES ÉTATS AFRICAINS

1. Les menaces évoluent et appellent en conséquence une adaptation du dispositif français dans une logique de « défense de l’avant »

a. Des menaces de toute nature sur le continent africain, relevant des « risques de la faiblesse »

i. Des menaces clairement terroristes

ii. Des mouvements centrifuges à connotation ethnique

iii. Des organisations criminelles

iv. Des conflits communautaires non maîtrisés

v. Une tendance globale à l’affichage d’un islam de plus en plus radical

b. Des menaces essentiellement transfrontalières

i. Du fait de la porosité générale des frontières

ii. Du fait de la continuité des composantes ethniques de part et d’autre des frontières

iii. Du fait de l’existence de « sanctuaires » rebelles

iv. Pour les pays dotés d’une façade maritime, du fait de moyens très faibles au service de l’action de l’État en mer

v. Même Boko Haram semble porté à élargir sa zone d’action

c. Un risque de « jonction » entre les différents mouvements rebelles

d. Des menaces sur la stabilité de certains régimes et leurs conséquences sur la sécurité de l’ensemble de l’Afrique

i. Des fragilités tenant à la structure politique de certains États

ii. Des fragilités plus profondes, tenant à des déséquilibres sociaux que la croissance démographique risque d’aggraver

2. La coopération avec les États africains pour traiter ces menaces constitue désormais la principale source de légitimité de notre présence en Afrique

a. Les dirigeants des États de la région conscients de ces menaces

i. Dans les paroles : une prise de conscience

ii. Dans les actes : cette volonté politique se traduit par des efforts concrets, plus ou moins aboutis

b. Compte tenu de ses moyens plus limités que jadis, la coopération militaire française prend de nouvelles formes, marquées par une recherche d’efficience accrue

i. La coopération structurelle : un atout français en Afrique, désormais configuré dans une logique de partenariat plutôt que de substitution

ii. La coopération opérationnelle : la raison d’être des « pôles opérationnels de coopération à vocation régionale »

SECONDE PARTIE PRÉSENCE ET INTERVENTION MILITAIRES NE DOIVENT PAS RÉSUMER NOTRE POLITIQUE AFRICAINE

I. LE SUIVI DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES EN COURS MONTRE LES LIMITES DES CAPACITÉS FRANÇAISES D’INTERVENTION DANS LES CRISES AFRICAINES

A. L’OPÉRATION SERVAL AU MALI : UN SUCCÈS INDÉNIABLE, QU’IL EST URGENT D’EXPLOITER SUR LE PLAN POLITIQUE POUR NE PAS PERDRE L’AVANTAGE ACQUIS EN 2013

1. L’indéniable succès militaire de l’intervention française

a. Un défi logistique permanent

i. Dans la phase « aiguë » des opérations, en 2013

ii. Dans la phase actuelle des opérations, dont le pivot est la base de Gao

b. Une mission de contre-terrorisme qui est loin d’être achevée

2. Une prise de relais indéniablement insuffisante par les autorités maliennes et la communauté internationale – l’ONU et l’Europe

a. Un processus de « réconciliation nationale » en retard, si ce n’est en panne

i. Les avancées de juin 2013, avec l’accord de Ouagadougou

ii. Un processus électoral très satisfaisant

iii. Atermoiements et vicissitudes dans les discussions engagées depuis juin 2013

iv. La déconvenue des forces maliennes en mai 2014

b. Les lenteurs de l’Europe

i. Le Mali : un théâtre correspondant particulièrement bien aux savoir-faire et à la doctrine d’« approche globale » de l’Union européenne

ii. Les avancées réalisées par l’EUTM Mali

iii. Un bilan tout en contrastes de la formation des GTIA maliens avec la défaite des FAMa en mai 2014

c. Les inquiétantes difficultés rencontrées dans la montée en puissance de la MINUSMA

i. Un mandat assez robuste, quoi que feignent d’en croire certains

ii. Un déploiement largement facilité par la force Serval et la présence antérieure de la MISMA

iii. Une génération de forces assez décevante

iv. Un risque majeur : la « bunkerisation dans le luxe » (relatif)

d. Une conséquence regrettable : un frein au désengagement des forces françaises

B. L’OPÉRATION SANGARIS EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : UNE OPÉRATION DES PLUS DÉLICATES

1. La force Sangaris a fait au mieux avec les moyens qu’elle a en sa possession

a. Deux ennemis, peut-être sous-estimés ab initio : les « ex-Séléka » et les « anti-balaka »

i. Des ex-Séléka encore combatifs

ii. Des anti-balaka difficiles à contrôler

b. Une mission dont l’action est limitée par ses faibles moyens

i. Un concept d’opération calibré a minima, pour une opération « coup de poing » ponctuelle

ii. En dépit d’un renfort, des moyens limités pour un territoire difficile à contrôler

iii. Des contraintes liées indirectement au mode de financement des opérations extérieures

c. L’instrumentalisation confessionnelle du conflit : un épineux facteur de complication

d. Un résultat sécuritaire contrasté

i. Bangui est pacifiée, et relève désormais d’une opération de gendarmerie plutôt que d’une opération militaire

ii. La province échappe encore largement au contrôle de l’État

2. Une prise de relais indéniablement insuffisante par les autorités centrafricaines et la communauté internationale – la CEEAC, l’ONU et l’Union européenne

a. Un État qui tarde à se reconstituer

i. Les autorités de transition enregistrent quelques succès

ii. Les forces de sécurité centrafricaines restent très faibles

b. La désolante incurie de l’Europe

i. Une mission ambitieuse lancée à l’initiative de la France

ii. Une génération de force des plus poussives

c. Les difficultés rencontrées par les forces africaines

i. Des difficultés financières et capacitaires

ii. Le rôle du Tchad

d. Les grands défis qui se présentent pour une opération de maintien de la paix de l’ONU

i. Des attentes très importantes

ii. Des incertitudes pesant sur la génération de forces

II. NOTRE PRÉSENCE ET NOS INTERVENTIONS MILITAIRES GAGNERAIENT À S’INSCRIRE DANS LE CADRE D’UNE POLITIQUE AFRICAINE GLOBALE, PARTENARIALE, COHÉRENTE ET ASSUMÉE

A. LES ÉTATS AFRICAINS NE POURRONT ASSURER LEUR SÉCURITÉ QUE DANS LE CADRE DE COOPÉRATIONS, OÙ LA FRANCE PEUT JOUER UN RÔLE DE PREMIER PLAN

1. Des efforts substantiels de renforcement des forces armées et des forces de sécurité africaines, qui constituent autant d’occasions de partenariats « gagnant-gagnant » avec la France

a. La plupart des pays africains planifient le renforcement de leurs forces armées et leurs forces de sécurité

i. Des efforts de développement des effectifs des forces armées

ii. Des efforts de renforcement capacitaire

iii. Le renforcement de la fonction de renseignement

iv. Améliorer l’organisation de l’action de l’État en mer

b. La France dispose d’atouts de premier plan pour accompagner les États africains dans leurs efforts

i. Parce que la France peut « capitaliser » l’héritage de la coopération des années passées : les liens particuliers qui unissent les responsables militaires africains et français

ii. Parce que la France dispose d’atouts pour renouveler et enrichir cette relation particulière

2. Les États d’Afrique subsaharienne mettent l’accent sur la coopération internationale pour l’organisation de leur sécurité, et la France a un rôle à jouer dans cette organisation

a. L’Union africaine et les sous-régions sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important dans les opérations en Afrique

i. Un déploiement progressif des forces de l’Union africaine, dans le cadre de l’architecture africaine de paix et de sécurité

ii. Un déploiement que la France peut accompagner

b. Des accords de périmètre plus réduit complètent utilement l’architecture africaine de paix et de sécurité

i. Une multiplication d’accords de coopération de défense

ii. Une occasion pour la France d’apporter un appui décisif

B. LA FRANCE A INTÉRÊT À METTRE EN œUVRE UNE POLITIQUE AFRICAINE GLOBALE, PARTENARIALE, COHÉRENTE ET ASSUMÉE

1. La France n’a ni les moyens ni l’ambition d’être le « gendarme de l’Afrique » : dès lors, son action doit s’articuler de façon pragmatique avec celle de ses partenaires

a. L’action de la France gagne à s’inscrire dans un cadre partenarial, si possible multilatéral

i. La stratégie politique générale : une approche multilatérale de la gestion des crises africaines

ii. Le cadre d’action pratique : une recherche pragmatique d’effets de levier au moyen de partenariats

b. Des partenaires européens à sensibiliser plus en amont aux enjeux de la sécurité en Afrique

i. Un défi difficile à relever, compte tenu du faible enthousiasme des Européens à prendre toutes leurs responsabilités en Afrique

ii. Un défi indispensable à relever compte tenu des moyens (notamment financiers) qu’il est possible de mobiliser par le biais de l’Union européenne

2. La présence et les interventions militaires de la France gagneraient à s’inscrire dans une approche plus globale, plus cohérente et mieux assumée d’une véritable politique africaine

a. Assurer le « service après-vente » des interventions, en développant une doctrine cohérente intégrant toutes les phases d’une crise : détection/intervention/stabilisation/normalisation

i. Intervenir suffisamment tôt : détecter précocement les crises

ii. Savoir passer de l’intervention à la stabilisation : le contre-exemple de la Libye, l’enjeu de Serval et de Sangaris

iii. De la stabilisation à la normalisation, savoir gérer les difficultés rencontrées en « sortie de crise » : le cas de la Côte d’Ivoire

b. Développer la connaissance de l’Afrique et les liens de solidarité

i. Entretenir les savoirs et les savoir-faire de personnels de la Défense « accoutumés » à l’Afrique

ii. Entretenir plus largement, une connaissance des sociétés et des systèmes politiques africains

c. Entretenir des liens institutionnels avec les forces de sécurité africaines

d. Mettre sans complexe en cohérence l’ensemble des outils de la coopération et de l’influence

TRAVAUX DE LA COMMISSION

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. YVES FROMION, RAPPORTEUR

ANNEXES

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

ANNEXE 2 : LISTE DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LES RAPPORTEURS

ANNEXE 3 : PRINCIPALES ÉCHÉANCES ÉLECTORALES PRÉVUES EN AFRIQUE