Texte intégral
Le 10 juillet 2000 nous avons signé ensemble un accord important pour la fonction publique. Le phénomène de la précarité de l'emploi doit être combattu au sein des administrations comme dans le secteur privé. Notre fonction publique étant construite sur le principe de l'emploi titulaire et statutaire, l'emploi contractuel y est même, et doit y rester, l'exception. Cet accord, comme les mesures prises pour les entreprises privées, démontre la volonté de ce gouvernement de lutter efficacement contre ce phénomène de précarité.
Ce n'est certes pas toujours aisé tant il est vrai que nos administrations ou nos collectivités locales avaient pris l'habitude de recourir à l'emploi contractuel pour couvrir des besoins immédiats, contre l'esprit et parfois même la lettre du statut général. Cette situation ne résulte pas d'une volonté délibérée des employeurs publics, qui n'ont aucun intérêt fondamental à recourir à l'emploi contractuel tant ils savent que, contrairement à ce qui existe dans l'entreprise privée, les contractuels publics n'ont pas de perspectives de carrière, ce qui pose de redoutables questions en matière de gestion des ressources humaines. Ce qui explique que, néanmoins, les collectivités publiques aient eu tendance par le passé à embaucher des contractuels, c'est d'une part, le défaut de gestion prévisionnelle des effectifs et donc d'anticipation des besoins des services publics, et d'autre part, une certaine confusion budgétaire : on ne débattait, on ne revendiquait et on ne votait que des créations d'emplois budgétaires (ou d'éventuelles suppressions) alors que la vraie question qui se pose aujourd'hui et qui se posera encore plus demain, est celle du recrutement ; autrement dit, alors que ce qui importe est le nombre de personnes titulaires employées, et donc en creux la vacance d'emploi, chacun se focalisait sur la seule question du nombre d'emplois budgétaires dont dispose chaque administration.
Le recours à l'emploi contractuel s'explique ainsi largement par un défaut d'adéquation entre le nombre de recrutements et les capacités budgétaires de recrutement de titulaires et non pas par un nombre insuffisant d'emplois budgétaires qui obligerait à recruter des agents sous statut de contractuel. C'est bien pourquoi l'accord que nous avons signé en juillet 2000 comporte deux volets, un volet de déprécarisation et un volet de modernisation de la gestion de l'emploi public. Nous avons en effet constaté ensemble qu'il ne suffisait pas de traiter la question sociale du devenir des contractuels publics et qu'il fallait assez radicalement changer, dans le cadre du statut, les méthodes de gestion des ressources humaines des collectivités publiques.
De ce point de vue, cet accord me paraît exemplaire de ce que devrait être à l'avenir la négociation dans la fonction publique. Il est exemplaire d'abord parce que nous avons su très majoritairement nous retrouver autour d'un texte consensuel, une seule des organisations syndicales représentatives des agents publics ayant refusé de le signer. Il est exemplaire aussi parce qu'il fait le tour d'un problème, celui de la précarité, en proposant dans le même souffle des mesures de court terme pour les agents contractuels en place et un dispositif de moyen terme pour éviter la reconstitution de la précarité. Il est exemplaire surtout parce qu'il fait bouger la machine administrative et qu'il bouscule les habitudes ; toutes les stipulations qu'il contient n'ont pas recueilli spontanément l'adhésion de toutes les administrations et de tous les organisations ici présentes ; chacun a dû se remettre un peu en cause, accepter des mesures qui n'étaient pas précisément de sa culture ou de sa tradition. C'est cela un accord gagnant gagnant, c'est-à-dire un accord où les vrais gagnants sont les agents publics et les usagers.
Demain, il faudra que, progressivement, pouvoirs publics et organisations syndicales retrouvent sur d'autres sujets la même façon de travailler. Parmi les perspectives ouvertes par le livre blanc de Jacques Fournier, il en est une qui me tient particulièrement à cur, celle qui consiste à lier entre eux les grands sujets de fonction publique. Ainsi, dans toute grande organisation, la question de l'emploi n'est pas étrangère à celle de la rémunération, la question de l'organisation du travail n'est pas étrangère à celle du temps de travail, la question de l'action sociale n'est pas sans rapport avec celle de la rémunération directe. Ma conviction est que nous serions plus efficaces dans la gestion de notre fonction publique et que les citoyens et leurs représentants comprendraient mieux la fonction publique, et adhéreraient davantage à notre construction statutaire, si nous savions faire ces liens, tracer des perspectives globales, en un mot embrasser les problèmes plutôt que de les curiacer.
Cet accord et les perspectives qu'il ouvre au delà même de la période de cinq ans ouverte pour la résorption de la précarité, entrent en résonance avec la politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences lancée par le gouvernement depuis deux ans, dont l'observatoire de l'emploi public est le bras armé, et avec la politique de modernisation de la gestion des ressources humaines que le dernier comité interministériel pour la réforme de l'Etat a validée.
Il y a quelque urgence à avancer hardiment dans la mise en uvre de ces deux politiques et je voudrais saisir cette occasion pour tenter de convaincre ceux qui marqueraient quelque réticence et verraient dans la modernisation de la gestion de l'emploi public une atteinte potentielle au statut. Cette urgence tient à deux facteurs. Le premier, objectif et inéluctable, c'est l'évolution démographique que connaîtront nos fonctions publiques dans les quinze ans qui viennent : les départs massifs à la retraite rendent nécessaire la prévision pluriannuelle des recrutements pour que nos administrations continuent à être en état de fonctionner et on sait ce qu'une absence de prévision dans les années 95-96 a produit comme effet désastreux pour certains métiers (infirmières, policiers, magistrats ou greffiers). Le second facteur c'est l'apparition d'un discours qui pourrait ne pas être qu'une mode passagère sur l'incompatibilité entre une gestion dynamique et la conception statutaire de la fonction publique. Effrayés par la lourdeur objective d'une fonction publique unique, regroupant plusieurs millions d'agents, certains prônent une balkanisation qui leur semblerait de nature à permettre des gestions locales plus adaptées aux besoins particuliers des services ; fascinés par les vertus supposées de la gestion privée, ils rêvent de remplacer le statut général par le code du travail. Même s'il s'agit de fantasmes, nous ne devons pas négliger l'impact sur l'opinion publique d'un tel discours qui prend toujours la précaution de flatter l'usager pour mieux remettre en cause le statut du fonctionnaire. Si nous ne démontrons pas très vite que notre fonction publique statutaire est en mouvement, si nous ne gagnons pas la bataille de communication qui est en cours, nous aurons peut-être du mal à préserver ce en quoi nous croyons : une fonction publique neutre, laïque où les droits spécifiques des agents ne sont que la juste contrepartie des obligations particulières qui leur sont imposées.
Avant d'ouvrir le débat et de laisser le soin au directeur général de l'administration et de la fonction publique de présenter plus en détail le point d'avancement de la mise en uvre de l'accord du 10 juillet 2000, je voudrais mettre l'accent sur quelques éléments de cette mise en uvre qui me paraissent particulièrement importants.
Le premier, c'est que la loi nécessaire pour mettre en application cet accord a été votée dans des délais brefs et que, ainsi que le démontrent les tableaux récapitulatifs qui figurent dans vos dossiers, les décrets d'application sont pris ou en voie de l'être. S'agissant de la résorption de la précarité, des concours réservés ont été organisés dès 2001 au ministère de l'éducation nationale et au ministère de l'agriculture, qui sont d'ailleurs ceux qui emploient le plus grand nombre d'agents susceptibles de remplir les conditions fixées par la loi. En 2002, l'ensemble des ministères, ainsi que la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière organiseront les procédures d'intégration dont je rappelle qu'elles ne se limitent pas aux concours réservés puisque des examens professionnels sont également possibles pour certaines catégories. Par ailleurs, depuis quelques semaines, les ministères peuvent organiser des recrutements directs en échelle 2, ce qui permet aux administrations de réagir plus vite et de combler plus vite les vacances d'emploi.
S'agissant du volet relatif à la non reconstitution de l'emploi précaire, de nombreux textes organisant des concours de troisième voie ont été pris essentiellement dans la fonction publique territoriale, ou sont en voie d'être pris, dans la fonction publique d'Etat.
Des dispositifs de reconnaissance de l'expérience professionnelle ont déjà vu le jour. D'autres sont à l'étude. Le décret développant le recours aux listes complémentaires a été publié.
Enfin, et ça n'est pas à mes yeux la moindre des mesures, des emplois budgétaires nombreux ont été créés par transformation de crédits de rémunération des vacataires : 6000 en 2001, 15 000 en 2002. Cette dernière mesure était une demande forte des organisations syndicales ; elle correspondait également à un souhait très vif de ma part. Le gouvernement, en la concrétisant de cette façon, a montré qu'elle lui paraissait effectivement essentielle pour la réussite du plan qui est en cours.
D'autres mesures de modernisation sont à l'uvre, qu'il s'agisse de la rédaction par les ministères de leur plan de gestion prévisionnelle des emplois, de la déconcentration de certains concours, de la révision des épreuves mêmes, des concours externes et internes, dont le comité interministériel pour la réforme de l'Etat a confirmé la nécessité, du renforcement de la mobilité pour laquelle le même comité a décidé des mesures qui sont en cours de finalisation.
Enfin, je voudrais terminer en évoquant la question des conditions d'emploi des agents non titulaires. Un groupe de travail spécifique était prévu sur ce sujet par le protocole d'accord ; il s'est réuni et j'ai pris connaissance avec attention et intérêt de son rapport. Des recommandations vont être adressées aux ministères pour ce qui est des conditions d'emploi et un certain nombre de mesures envisagées pourront être détaillées dans un instant. Mais il reste un sujet complexe, sur lequel persistent des divergences d'appréciation importantes, celui de la durée et de la possibilité de renouvellement des contrats à durée déterminée. C'est un sujet ancien puisque les textes de 83 et 84 qui imposaient une limite au renouvellement ont été modifiés pour permettre un renouvellement indéfini.
Nous avons fait le choix d'une fonction publique titulaire. Nous avons donc choisi de rendre le recours au contrat tellement exceptionnel que le contractuel ne trouve dans le statut aucun prolongement de son contrat en termes de carrière ou de titularisation. Nous devons reconnaître que nous ne savons pas collectivement gérer la question sociale posée par le CDD public, question plus difficile que dans la sphère privée.
Nous aurons de toute façon à prendre à relativement court terme un dispositif législatif pour trancher cette question si nous ne voulons pas nous faire imposer par la jurisprudence communautaire la requalification systématique des CDD en CDI. Je préfère bien sûr que soit prises dans le cadre national les décisions réfléchies qu'appelle cette problématique plutôt que de nous laisser imposer des solutions de l'extérieur.
Mais on se trouve confronté à une série de questions épineuses et je me bornerai ici à en évoquer quelques unes.
Quelle est la bonne durée d'un CDD dans l'administration ? L'uniformité du CDD de trois ans est-elle adaptée aux besoins des administrations ? Une durée maximale de six ans, telle qu'elle était prévue dans la loi de 84 n'est-elle pas excessive au regard de l'absence de perspectives de carrière du contractuel après six ans passés dans l'administration ? Mais n'est-elle pas dans le même temps trop brève pour certaines fonctions spécifiques pour lesquelles nous savons bien que nous ne pourrons jamais créer un corps spécifique, soit que ces fonctions s'y prêtent mal, soit que le nombre de personnes concernées soit trop faible ? Lorsque serait posée une limitation au nombre de renouvellements de CDD, comment traiter les contractuels déjà en place ? Il apparaît difficile que des agents qui ont travaillé de longues années dans l'administration soient purement et simplement remerciés ; mais, pour ceux d'entre eux qui n'auraient pas réussi à mettre un pied dans la fonction publique à travers le plan de résorption, soit qu'ils ne remplissent pas les conditions, soit qu'ils échouent au concours, peut-on sans hésiter envisager une transformation systématique de leur contrat en emploi à durée indéterminée, au risque que la promesse de sécurité de l'emploi ne décourage les contractuels éligibles au plan de résorption de préparer un concours réservé ? Si la transformation en CDI paraît indispensable lorsqu'on l'examine du point de vue de la situation sociale des agents concernés, est-elle acceptable pour les administrations ? Y-a-t-il un risque pour notre construction statutaire à réintroduire trop massivement le contrat à durée indéterminée dans nos administrations ?
Toutes ces questions sont redoutables et je n'ai pas trouvé dans le rapport qui m'a été remis de solutions consensuelles. Le temps législatif nous est en outre maintenant fermé. Mais la solution qu'il faudra le moment venu dégager devra à mes yeux remplir au minimum quelques conditions fondamentales : ne pas déséquilibrer la mise en uvre du protocole du 10 juillet 2000 en rendant moins attractive pour les contractuels concernés l'accès à l'emploi public titulaire ; ne pas banaliser le contrat à durée indéterminée dans l'administration ; organiser le devenir des contractuels une fois leur CDD arrivé à expiration ; ne pas mettre les administrations dans l'incapacité d'accomplir certaines de leurs missions.
A la durée et au nombre de renouvellements des contrats à durée déterminée est enfin liée la formalisation précise de l'indemnité de fin de contrat que le groupe de travail a proposé d'instaurer.
Enfin, nous avons lancé avec l'aide de l'Observatoire de l'emploi public un important travail de recensement fin de l'emploi non titulaire. C'est un travail lourd et exigeant, complètement finalisé pour quelques ministères où les non-titulaires sont en nombre important (Education nationale, Finances, Agriculture) et en cours de finalisation pour les autres. Il en ressort globalement que le chiffre de 100.000 agents non-titulaires de l'Etat que j'avais avancé lors de la signature de l'accord est confirmé ; le nombre de personnes éligibles au plan de résorption sera évidemment quelque peu inférieur.
La tâche déjà accomplie en dix huit mois est importante. Réunissant début janvier l'ensemble des responsables du personnel des ministères, j'ai pu constater que tous avaient à cur de réussir les deux volets de ce plan. Votre implication en qualité d'organisations représentatives des personnels est également essentielle et je souhaite que notre séance de travail d'aujourd'hui soit un point d'étape utile et important.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 20 février 2002)
Ce n'est certes pas toujours aisé tant il est vrai que nos administrations ou nos collectivités locales avaient pris l'habitude de recourir à l'emploi contractuel pour couvrir des besoins immédiats, contre l'esprit et parfois même la lettre du statut général. Cette situation ne résulte pas d'une volonté délibérée des employeurs publics, qui n'ont aucun intérêt fondamental à recourir à l'emploi contractuel tant ils savent que, contrairement à ce qui existe dans l'entreprise privée, les contractuels publics n'ont pas de perspectives de carrière, ce qui pose de redoutables questions en matière de gestion des ressources humaines. Ce qui explique que, néanmoins, les collectivités publiques aient eu tendance par le passé à embaucher des contractuels, c'est d'une part, le défaut de gestion prévisionnelle des effectifs et donc d'anticipation des besoins des services publics, et d'autre part, une certaine confusion budgétaire : on ne débattait, on ne revendiquait et on ne votait que des créations d'emplois budgétaires (ou d'éventuelles suppressions) alors que la vraie question qui se pose aujourd'hui et qui se posera encore plus demain, est celle du recrutement ; autrement dit, alors que ce qui importe est le nombre de personnes titulaires employées, et donc en creux la vacance d'emploi, chacun se focalisait sur la seule question du nombre d'emplois budgétaires dont dispose chaque administration.
Le recours à l'emploi contractuel s'explique ainsi largement par un défaut d'adéquation entre le nombre de recrutements et les capacités budgétaires de recrutement de titulaires et non pas par un nombre insuffisant d'emplois budgétaires qui obligerait à recruter des agents sous statut de contractuel. C'est bien pourquoi l'accord que nous avons signé en juillet 2000 comporte deux volets, un volet de déprécarisation et un volet de modernisation de la gestion de l'emploi public. Nous avons en effet constaté ensemble qu'il ne suffisait pas de traiter la question sociale du devenir des contractuels publics et qu'il fallait assez radicalement changer, dans le cadre du statut, les méthodes de gestion des ressources humaines des collectivités publiques.
De ce point de vue, cet accord me paraît exemplaire de ce que devrait être à l'avenir la négociation dans la fonction publique. Il est exemplaire d'abord parce que nous avons su très majoritairement nous retrouver autour d'un texte consensuel, une seule des organisations syndicales représentatives des agents publics ayant refusé de le signer. Il est exemplaire aussi parce qu'il fait le tour d'un problème, celui de la précarité, en proposant dans le même souffle des mesures de court terme pour les agents contractuels en place et un dispositif de moyen terme pour éviter la reconstitution de la précarité. Il est exemplaire surtout parce qu'il fait bouger la machine administrative et qu'il bouscule les habitudes ; toutes les stipulations qu'il contient n'ont pas recueilli spontanément l'adhésion de toutes les administrations et de tous les organisations ici présentes ; chacun a dû se remettre un peu en cause, accepter des mesures qui n'étaient pas précisément de sa culture ou de sa tradition. C'est cela un accord gagnant gagnant, c'est-à-dire un accord où les vrais gagnants sont les agents publics et les usagers.
Demain, il faudra que, progressivement, pouvoirs publics et organisations syndicales retrouvent sur d'autres sujets la même façon de travailler. Parmi les perspectives ouvertes par le livre blanc de Jacques Fournier, il en est une qui me tient particulièrement à cur, celle qui consiste à lier entre eux les grands sujets de fonction publique. Ainsi, dans toute grande organisation, la question de l'emploi n'est pas étrangère à celle de la rémunération, la question de l'organisation du travail n'est pas étrangère à celle du temps de travail, la question de l'action sociale n'est pas sans rapport avec celle de la rémunération directe. Ma conviction est que nous serions plus efficaces dans la gestion de notre fonction publique et que les citoyens et leurs représentants comprendraient mieux la fonction publique, et adhéreraient davantage à notre construction statutaire, si nous savions faire ces liens, tracer des perspectives globales, en un mot embrasser les problèmes plutôt que de les curiacer.
Cet accord et les perspectives qu'il ouvre au delà même de la période de cinq ans ouverte pour la résorption de la précarité, entrent en résonance avec la politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences lancée par le gouvernement depuis deux ans, dont l'observatoire de l'emploi public est le bras armé, et avec la politique de modernisation de la gestion des ressources humaines que le dernier comité interministériel pour la réforme de l'Etat a validée.
Il y a quelque urgence à avancer hardiment dans la mise en uvre de ces deux politiques et je voudrais saisir cette occasion pour tenter de convaincre ceux qui marqueraient quelque réticence et verraient dans la modernisation de la gestion de l'emploi public une atteinte potentielle au statut. Cette urgence tient à deux facteurs. Le premier, objectif et inéluctable, c'est l'évolution démographique que connaîtront nos fonctions publiques dans les quinze ans qui viennent : les départs massifs à la retraite rendent nécessaire la prévision pluriannuelle des recrutements pour que nos administrations continuent à être en état de fonctionner et on sait ce qu'une absence de prévision dans les années 95-96 a produit comme effet désastreux pour certains métiers (infirmières, policiers, magistrats ou greffiers). Le second facteur c'est l'apparition d'un discours qui pourrait ne pas être qu'une mode passagère sur l'incompatibilité entre une gestion dynamique et la conception statutaire de la fonction publique. Effrayés par la lourdeur objective d'une fonction publique unique, regroupant plusieurs millions d'agents, certains prônent une balkanisation qui leur semblerait de nature à permettre des gestions locales plus adaptées aux besoins particuliers des services ; fascinés par les vertus supposées de la gestion privée, ils rêvent de remplacer le statut général par le code du travail. Même s'il s'agit de fantasmes, nous ne devons pas négliger l'impact sur l'opinion publique d'un tel discours qui prend toujours la précaution de flatter l'usager pour mieux remettre en cause le statut du fonctionnaire. Si nous ne démontrons pas très vite que notre fonction publique statutaire est en mouvement, si nous ne gagnons pas la bataille de communication qui est en cours, nous aurons peut-être du mal à préserver ce en quoi nous croyons : une fonction publique neutre, laïque où les droits spécifiques des agents ne sont que la juste contrepartie des obligations particulières qui leur sont imposées.
Avant d'ouvrir le débat et de laisser le soin au directeur général de l'administration et de la fonction publique de présenter plus en détail le point d'avancement de la mise en uvre de l'accord du 10 juillet 2000, je voudrais mettre l'accent sur quelques éléments de cette mise en uvre qui me paraissent particulièrement importants.
Le premier, c'est que la loi nécessaire pour mettre en application cet accord a été votée dans des délais brefs et que, ainsi que le démontrent les tableaux récapitulatifs qui figurent dans vos dossiers, les décrets d'application sont pris ou en voie de l'être. S'agissant de la résorption de la précarité, des concours réservés ont été organisés dès 2001 au ministère de l'éducation nationale et au ministère de l'agriculture, qui sont d'ailleurs ceux qui emploient le plus grand nombre d'agents susceptibles de remplir les conditions fixées par la loi. En 2002, l'ensemble des ministères, ainsi que la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière organiseront les procédures d'intégration dont je rappelle qu'elles ne se limitent pas aux concours réservés puisque des examens professionnels sont également possibles pour certaines catégories. Par ailleurs, depuis quelques semaines, les ministères peuvent organiser des recrutements directs en échelle 2, ce qui permet aux administrations de réagir plus vite et de combler plus vite les vacances d'emploi.
S'agissant du volet relatif à la non reconstitution de l'emploi précaire, de nombreux textes organisant des concours de troisième voie ont été pris essentiellement dans la fonction publique territoriale, ou sont en voie d'être pris, dans la fonction publique d'Etat.
Des dispositifs de reconnaissance de l'expérience professionnelle ont déjà vu le jour. D'autres sont à l'étude. Le décret développant le recours aux listes complémentaires a été publié.
Enfin, et ça n'est pas à mes yeux la moindre des mesures, des emplois budgétaires nombreux ont été créés par transformation de crédits de rémunération des vacataires : 6000 en 2001, 15 000 en 2002. Cette dernière mesure était une demande forte des organisations syndicales ; elle correspondait également à un souhait très vif de ma part. Le gouvernement, en la concrétisant de cette façon, a montré qu'elle lui paraissait effectivement essentielle pour la réussite du plan qui est en cours.
D'autres mesures de modernisation sont à l'uvre, qu'il s'agisse de la rédaction par les ministères de leur plan de gestion prévisionnelle des emplois, de la déconcentration de certains concours, de la révision des épreuves mêmes, des concours externes et internes, dont le comité interministériel pour la réforme de l'Etat a confirmé la nécessité, du renforcement de la mobilité pour laquelle le même comité a décidé des mesures qui sont en cours de finalisation.
Enfin, je voudrais terminer en évoquant la question des conditions d'emploi des agents non titulaires. Un groupe de travail spécifique était prévu sur ce sujet par le protocole d'accord ; il s'est réuni et j'ai pris connaissance avec attention et intérêt de son rapport. Des recommandations vont être adressées aux ministères pour ce qui est des conditions d'emploi et un certain nombre de mesures envisagées pourront être détaillées dans un instant. Mais il reste un sujet complexe, sur lequel persistent des divergences d'appréciation importantes, celui de la durée et de la possibilité de renouvellement des contrats à durée déterminée. C'est un sujet ancien puisque les textes de 83 et 84 qui imposaient une limite au renouvellement ont été modifiés pour permettre un renouvellement indéfini.
Nous avons fait le choix d'une fonction publique titulaire. Nous avons donc choisi de rendre le recours au contrat tellement exceptionnel que le contractuel ne trouve dans le statut aucun prolongement de son contrat en termes de carrière ou de titularisation. Nous devons reconnaître que nous ne savons pas collectivement gérer la question sociale posée par le CDD public, question plus difficile que dans la sphère privée.
Nous aurons de toute façon à prendre à relativement court terme un dispositif législatif pour trancher cette question si nous ne voulons pas nous faire imposer par la jurisprudence communautaire la requalification systématique des CDD en CDI. Je préfère bien sûr que soit prises dans le cadre national les décisions réfléchies qu'appelle cette problématique plutôt que de nous laisser imposer des solutions de l'extérieur.
Mais on se trouve confronté à une série de questions épineuses et je me bornerai ici à en évoquer quelques unes.
Quelle est la bonne durée d'un CDD dans l'administration ? L'uniformité du CDD de trois ans est-elle adaptée aux besoins des administrations ? Une durée maximale de six ans, telle qu'elle était prévue dans la loi de 84 n'est-elle pas excessive au regard de l'absence de perspectives de carrière du contractuel après six ans passés dans l'administration ? Mais n'est-elle pas dans le même temps trop brève pour certaines fonctions spécifiques pour lesquelles nous savons bien que nous ne pourrons jamais créer un corps spécifique, soit que ces fonctions s'y prêtent mal, soit que le nombre de personnes concernées soit trop faible ? Lorsque serait posée une limitation au nombre de renouvellements de CDD, comment traiter les contractuels déjà en place ? Il apparaît difficile que des agents qui ont travaillé de longues années dans l'administration soient purement et simplement remerciés ; mais, pour ceux d'entre eux qui n'auraient pas réussi à mettre un pied dans la fonction publique à travers le plan de résorption, soit qu'ils ne remplissent pas les conditions, soit qu'ils échouent au concours, peut-on sans hésiter envisager une transformation systématique de leur contrat en emploi à durée indéterminée, au risque que la promesse de sécurité de l'emploi ne décourage les contractuels éligibles au plan de résorption de préparer un concours réservé ? Si la transformation en CDI paraît indispensable lorsqu'on l'examine du point de vue de la situation sociale des agents concernés, est-elle acceptable pour les administrations ? Y-a-t-il un risque pour notre construction statutaire à réintroduire trop massivement le contrat à durée indéterminée dans nos administrations ?
Toutes ces questions sont redoutables et je n'ai pas trouvé dans le rapport qui m'a été remis de solutions consensuelles. Le temps législatif nous est en outre maintenant fermé. Mais la solution qu'il faudra le moment venu dégager devra à mes yeux remplir au minimum quelques conditions fondamentales : ne pas déséquilibrer la mise en uvre du protocole du 10 juillet 2000 en rendant moins attractive pour les contractuels concernés l'accès à l'emploi public titulaire ; ne pas banaliser le contrat à durée indéterminée dans l'administration ; organiser le devenir des contractuels une fois leur CDD arrivé à expiration ; ne pas mettre les administrations dans l'incapacité d'accomplir certaines de leurs missions.
A la durée et au nombre de renouvellements des contrats à durée déterminée est enfin liée la formalisation précise de l'indemnité de fin de contrat que le groupe de travail a proposé d'instaurer.
Enfin, nous avons lancé avec l'aide de l'Observatoire de l'emploi public un important travail de recensement fin de l'emploi non titulaire. C'est un travail lourd et exigeant, complètement finalisé pour quelques ministères où les non-titulaires sont en nombre important (Education nationale, Finances, Agriculture) et en cours de finalisation pour les autres. Il en ressort globalement que le chiffre de 100.000 agents non-titulaires de l'Etat que j'avais avancé lors de la signature de l'accord est confirmé ; le nombre de personnes éligibles au plan de résorption sera évidemment quelque peu inférieur.
La tâche déjà accomplie en dix huit mois est importante. Réunissant début janvier l'ensemble des responsables du personnel des ministères, j'ai pu constater que tous avaient à cur de réussir les deux volets de ce plan. Votre implication en qualité d'organisations représentatives des personnels est également essentielle et je souhaite que notre séance de travail d'aujourd'hui soit un point d'étape utile et important.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 20 février 2002)