Texte intégral
INTERVIEW A LA CHAINE INFO :
A. Hausser Est-ce en votre qualité de médecin ou de député que vous avez rédigé la proposition de loi qui sera examinée ce matin à l'Assemblée nationale et qui est qualifiée de proposition de loi contre l'arrêt Perruche ?
- "C'est en tant que député et citoyen, car il ne s'agit pas d'une loi destinée à protéger les médecins qui seraient coupables..."
C'est ce qu'on a dit...
- "Oui, je sais. Mais quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage et quand on veut s'opposer à une loi, on lui trouve tous les défauts du monde, même ceux qu'elle n'a pas. Premièrement, ce n'est pas une loi pour protéger les médecins coupables d'erreurs médicales. Ceux-là doivent être condamnés et les familles doivent être indemnisées. Deuxièmement, ce n'est pas une loi qui va contre la loi de 1975 sur l'IVG..."
C'est aussi ce qu'on a dit.
- "C'est une loi que j'aurais votée et qui est respectée. Quand une femme n'a pas le libre choix d'avorter, si elle porte un enfant handicapé, elle doit être indemnisée pour ne pas avoir pu exercer ce choix. En revanche, qu'un enfant, une fois né, en son nom, demande réparation du préjudice de sa naissance, alors, c'est bien introduire l'idée qu'il y aurait des vies qui ne vaudraient pas la peine d'être vécues et qu'il aurait fallu préférer l'avortement. Autrement dit, c'est l'idée que la mort, dans certains cas, serait préférable à la vie. Cela, je ne l'accepte pas, et d'autant moins que la Cour de cassation est allée encore plus loin en demandant réparation intégrale du préjudice, y compris esthétique. Je vous laisse penser la nature des revendications futures. Je crois que personne n'est fondé à porter un jugement sur la qualité d'une vie. Toute vie a une réelle dignité."
E. Guigou a dit que l'on a indemnisé un préjudice et non pas une naissance non voulue.
- "On confond : les parents ont été indemnisés de l'erreur médicale, du libre choix qui leur a été interdit pour interrompre la grossesse. Que l'enfant demande, c'est ce qui est nouveau ! Je vous rappelle que dans une affaire analogue, le Conseil d'Etat n'a pas accepté d'indemniser l'enfant. Car indemniser l'enfant, c'est reconnaître que sa vie est un préjudice, c'est-à-dire une vie dommageable, une vie préjudiciable, ce que les Anglo-saxons appellent une "wrong full life", c'est-à-dire une "vie pleine de mauvais". Si on se met à indemniser une vie, que va-t-on dire pour les enfants nés dans des conditions un peu particulières, de parents alcooliques ou qui n'ont pas peut-être pas toujours eu une l'intelligence extraordinaire ou un niveau socio-économique ? Nul - c'est le texte de ma loi - n'est recevable à demander une indemnisation du fait de sa naissance. Après, c'est la solidarité nationale qui doit jouer pour les handicapés."
Justement : est-ce que ce n'est pas parce que la solidarité nationale ne joue pas assez pour les handicapés que l'on en arrive à ces extrémités ?
- "Il n'est pas du tout impossible que la Cour de cassation ait rendu un arrêt compassionnel. Mais c'est bien là le problème : est-ce que la solidarité nationale doit s'effacer devant les décisions de justice ? Est-ce que les handicapés doivent être pris en charge par la justice ou par la solidarité nationale ? Cela créerait une formidable inégalité. Seuls les handicapés dont le cas serait traité devant la justice bénéficieraient d'une indemnisation leur permettant de vivre décemment, et ceux qui seraient, en quelque sorte, les handicapés ordinaires, n'auraient rien ? Cette idée est insupportable !"
Vous soulevez un problème colossal. Peut-il être résolu à travers une proposition de loi ? C'est tout un problème de société qui est posé...
- "Bien entendu. Sauf que je vous rappelle que l'arrêt Perruche, c'est novembre 2000, que j'ai déposé une première proposition de loi le 5 janvier 2001, que j'ai interrogé, ainsi que d'autres députés de l'opposition, le Gouvernement tout au long des textes par voie d'amendements. On nous a dit qu'il fallait réfléchir, madame Guigou a saisi le Comité d'éthique, lequel a rendu ses recommandations au mois de mai. Depuis, le débat s'est poursuivi, on a recommencé par des amendements en octobre et en novembre, la Cour de cassation rend un troisième arrêt et il y a plus de 200 dossiers en attente ! Je ne sais pas ce qu'il faut faire... Vous croyez qu'il faut encore réfléchir ?! Je crois que les choses sont claires maintenant !"
Réfléchir, ou du moins attendre que le débat politique devienne plus serein, puisque dans quelques semaines, l'Assemblée va s'arrêter et votre proposition risque d'être arrêtée en chemin.
- "Premièrement, ce n'est pas un débat politique..."
On s'entend bien, mais il y a tout de même des échéances électorales !
- "Justement, on est en dehors et il nous reste quand même encore deux mois avant la fin de nos travaux au Parlement. Je ne serais pas très fier de moi, du Parlement si on s'en allait, si la législature se terminait sans avoir traité ce problème. C'est notre fierté et notre honneur que de répondre à un problème de cette nature, au-delà des clivages politiques."
Vous dites qu'il reste deux mois avant la campagne. Vous êtes engagé au sein de l'UEM. P. Séguin, personnalité du RPR, dit que c'est une très mauvaise stratégie, parce qu'il ne faut pas vouloir faire passer tout le monde sous la toise. Vous avez l'impression que l'on veut niveler tout le monde ?
- "Non, pas du tout. En tout cas, on n'arriverait pas à me faire passer sous la toise, croyez-le bien. Lorsque l'on parle de l'"union", cela ne veut pas dire l'uniformisation. Cela veut dire rassembler, dans une seule formation de la droite et du centre, les familles politiques qui existent aujourd'hui, mais en respectant leur droit d'exister, de s'exprimer, de défendre leurs propres idées. Est-ce que nous serions le seul pays en Europe à ne pas être capable d'avoir un grand parti de la droite et du centre ? Aznar l'a réussi en Espagne, cela existe en Angleterre, en Allemagne, et nous, nous serions toujours là, avec nos familles ? Si nous n'avons pas une grande formation qui attire au moins 30 % de l'électorat, nous ne serons jamais capables d'appuyer un gouvernement quand bien même serait-il de notre côté, parce que les divisions sont l'origine des défaites."
Quelles initiatives devraient être prises dans ce sens ?
- "Je pense qu'il faut tous se retrouver au second tour de la présidentielle et qu'auparavant, on ait organisé un programme commun de gouvernement et que l'on crée très vite cette grande formation dont on a besoin pour appuyer la politique du président de la République."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 décembre 2001)
INTERVIEW A EUROPE 1 :
- "Un couple, une femme a le droit d'interrompre sa grossesse si elle apprend que l'enfant qu'elle porte est porteur d'une malformation grave et incurable. Personne ne peut lui contester ce droit. Mais lorsqu'un enfant naît, porteur d'un handicap, il n'a pas le droit de considérer que sa naissance lui est un préjudice. Et la mort lui aurait été préférable. Car si on entre dans le problème du "préjudice de la naissance", alors on voit très bien la dérive. Parce que chacun se plaindra d'être né dans des conditions qui ne lui conviennent pas, y compris d'ailleurs, peut-être, au plan social, vis-à-vis de ses parents. Il est donc clair que la naissance ne peut pas, en tant que telle, donner lieu à une indemnisation. Je pense que la prise en charge des handicapés doit être considérablement améliorée dans notre pays, et que ce n'est certainement pas du ressort de la justice, par des décisions, de se substituer à la solidarité nationale et à une politique sociale."
E. Guigou dit que votre texte de loi risque d'être "un leurre". Est-ce que véritablement cela va ou cela peut changer les choses ?
- "Ca serait étrange que la France soit le seul pays dans lequel une telle position serait un "leurre". La Grande-Bretagne a légiféré pour interdire ce que l'on appelle "les actions en vie préjudiciable". D'une façon générale, les gens pensent, les Etats pensent que personne n'a la capacité à juger de la légitimité d'une vie, de la valeur d'une vie, de décider qu'une vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. C'est cela que j'essaie de faire passer comme message. Et je dois vous dire d'ailleurs que, lors de la discussion en commission, le débat a été de haute tenue et qu'on s'est aperçu qu'il dépassait les clivages politiques. Ce n'est pas un sujet politique au sens partisan. C'est un vrai sujet de société. Et c'est l'idée quelque part de la société des hommes et de leur humanité."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 décembre 2001)
INTERVIEW A RTL :
- "Chacun comprend qu'une erreur médicale donne lieu à réparation évidemment. Chacun comprend qu'une femme qui n'a pas pu avorter librement doit avoir une indemnisation. Mais qu'un enfant demande à être indemnisé du fait de sa naissance handicapée, conduit à penser que c'est l'interruption de grossesse qui aurait toujours été préférable. Ce qui laisse penser que des vies ne vaudraient pas la peine d'être vécues et qu'on s'arrogerait le droit de le juger par avance. L'idée même que l'on puisse porter un jugement sur une vie me laisse complètement déconcerté".
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 décembre 2001)
A. Hausser Est-ce en votre qualité de médecin ou de député que vous avez rédigé la proposition de loi qui sera examinée ce matin à l'Assemblée nationale et qui est qualifiée de proposition de loi contre l'arrêt Perruche ?
- "C'est en tant que député et citoyen, car il ne s'agit pas d'une loi destinée à protéger les médecins qui seraient coupables..."
C'est ce qu'on a dit...
- "Oui, je sais. Mais quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage et quand on veut s'opposer à une loi, on lui trouve tous les défauts du monde, même ceux qu'elle n'a pas. Premièrement, ce n'est pas une loi pour protéger les médecins coupables d'erreurs médicales. Ceux-là doivent être condamnés et les familles doivent être indemnisées. Deuxièmement, ce n'est pas une loi qui va contre la loi de 1975 sur l'IVG..."
C'est aussi ce qu'on a dit.
- "C'est une loi que j'aurais votée et qui est respectée. Quand une femme n'a pas le libre choix d'avorter, si elle porte un enfant handicapé, elle doit être indemnisée pour ne pas avoir pu exercer ce choix. En revanche, qu'un enfant, une fois né, en son nom, demande réparation du préjudice de sa naissance, alors, c'est bien introduire l'idée qu'il y aurait des vies qui ne vaudraient pas la peine d'être vécues et qu'il aurait fallu préférer l'avortement. Autrement dit, c'est l'idée que la mort, dans certains cas, serait préférable à la vie. Cela, je ne l'accepte pas, et d'autant moins que la Cour de cassation est allée encore plus loin en demandant réparation intégrale du préjudice, y compris esthétique. Je vous laisse penser la nature des revendications futures. Je crois que personne n'est fondé à porter un jugement sur la qualité d'une vie. Toute vie a une réelle dignité."
E. Guigou a dit que l'on a indemnisé un préjudice et non pas une naissance non voulue.
- "On confond : les parents ont été indemnisés de l'erreur médicale, du libre choix qui leur a été interdit pour interrompre la grossesse. Que l'enfant demande, c'est ce qui est nouveau ! Je vous rappelle que dans une affaire analogue, le Conseil d'Etat n'a pas accepté d'indemniser l'enfant. Car indemniser l'enfant, c'est reconnaître que sa vie est un préjudice, c'est-à-dire une vie dommageable, une vie préjudiciable, ce que les Anglo-saxons appellent une "wrong full life", c'est-à-dire une "vie pleine de mauvais". Si on se met à indemniser une vie, que va-t-on dire pour les enfants nés dans des conditions un peu particulières, de parents alcooliques ou qui n'ont pas peut-être pas toujours eu une l'intelligence extraordinaire ou un niveau socio-économique ? Nul - c'est le texte de ma loi - n'est recevable à demander une indemnisation du fait de sa naissance. Après, c'est la solidarité nationale qui doit jouer pour les handicapés."
Justement : est-ce que ce n'est pas parce que la solidarité nationale ne joue pas assez pour les handicapés que l'on en arrive à ces extrémités ?
- "Il n'est pas du tout impossible que la Cour de cassation ait rendu un arrêt compassionnel. Mais c'est bien là le problème : est-ce que la solidarité nationale doit s'effacer devant les décisions de justice ? Est-ce que les handicapés doivent être pris en charge par la justice ou par la solidarité nationale ? Cela créerait une formidable inégalité. Seuls les handicapés dont le cas serait traité devant la justice bénéficieraient d'une indemnisation leur permettant de vivre décemment, et ceux qui seraient, en quelque sorte, les handicapés ordinaires, n'auraient rien ? Cette idée est insupportable !"
Vous soulevez un problème colossal. Peut-il être résolu à travers une proposition de loi ? C'est tout un problème de société qui est posé...
- "Bien entendu. Sauf que je vous rappelle que l'arrêt Perruche, c'est novembre 2000, que j'ai déposé une première proposition de loi le 5 janvier 2001, que j'ai interrogé, ainsi que d'autres députés de l'opposition, le Gouvernement tout au long des textes par voie d'amendements. On nous a dit qu'il fallait réfléchir, madame Guigou a saisi le Comité d'éthique, lequel a rendu ses recommandations au mois de mai. Depuis, le débat s'est poursuivi, on a recommencé par des amendements en octobre et en novembre, la Cour de cassation rend un troisième arrêt et il y a plus de 200 dossiers en attente ! Je ne sais pas ce qu'il faut faire... Vous croyez qu'il faut encore réfléchir ?! Je crois que les choses sont claires maintenant !"
Réfléchir, ou du moins attendre que le débat politique devienne plus serein, puisque dans quelques semaines, l'Assemblée va s'arrêter et votre proposition risque d'être arrêtée en chemin.
- "Premièrement, ce n'est pas un débat politique..."
On s'entend bien, mais il y a tout de même des échéances électorales !
- "Justement, on est en dehors et il nous reste quand même encore deux mois avant la fin de nos travaux au Parlement. Je ne serais pas très fier de moi, du Parlement si on s'en allait, si la législature se terminait sans avoir traité ce problème. C'est notre fierté et notre honneur que de répondre à un problème de cette nature, au-delà des clivages politiques."
Vous dites qu'il reste deux mois avant la campagne. Vous êtes engagé au sein de l'UEM. P. Séguin, personnalité du RPR, dit que c'est une très mauvaise stratégie, parce qu'il ne faut pas vouloir faire passer tout le monde sous la toise. Vous avez l'impression que l'on veut niveler tout le monde ?
- "Non, pas du tout. En tout cas, on n'arriverait pas à me faire passer sous la toise, croyez-le bien. Lorsque l'on parle de l'"union", cela ne veut pas dire l'uniformisation. Cela veut dire rassembler, dans une seule formation de la droite et du centre, les familles politiques qui existent aujourd'hui, mais en respectant leur droit d'exister, de s'exprimer, de défendre leurs propres idées. Est-ce que nous serions le seul pays en Europe à ne pas être capable d'avoir un grand parti de la droite et du centre ? Aznar l'a réussi en Espagne, cela existe en Angleterre, en Allemagne, et nous, nous serions toujours là, avec nos familles ? Si nous n'avons pas une grande formation qui attire au moins 30 % de l'électorat, nous ne serons jamais capables d'appuyer un gouvernement quand bien même serait-il de notre côté, parce que les divisions sont l'origine des défaites."
Quelles initiatives devraient être prises dans ce sens ?
- "Je pense qu'il faut tous se retrouver au second tour de la présidentielle et qu'auparavant, on ait organisé un programme commun de gouvernement et que l'on crée très vite cette grande formation dont on a besoin pour appuyer la politique du président de la République."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 décembre 2001)
INTERVIEW A EUROPE 1 :
- "Un couple, une femme a le droit d'interrompre sa grossesse si elle apprend que l'enfant qu'elle porte est porteur d'une malformation grave et incurable. Personne ne peut lui contester ce droit. Mais lorsqu'un enfant naît, porteur d'un handicap, il n'a pas le droit de considérer que sa naissance lui est un préjudice. Et la mort lui aurait été préférable. Car si on entre dans le problème du "préjudice de la naissance", alors on voit très bien la dérive. Parce que chacun se plaindra d'être né dans des conditions qui ne lui conviennent pas, y compris d'ailleurs, peut-être, au plan social, vis-à-vis de ses parents. Il est donc clair que la naissance ne peut pas, en tant que telle, donner lieu à une indemnisation. Je pense que la prise en charge des handicapés doit être considérablement améliorée dans notre pays, et que ce n'est certainement pas du ressort de la justice, par des décisions, de se substituer à la solidarité nationale et à une politique sociale."
E. Guigou dit que votre texte de loi risque d'être "un leurre". Est-ce que véritablement cela va ou cela peut changer les choses ?
- "Ca serait étrange que la France soit le seul pays dans lequel une telle position serait un "leurre". La Grande-Bretagne a légiféré pour interdire ce que l'on appelle "les actions en vie préjudiciable". D'une façon générale, les gens pensent, les Etats pensent que personne n'a la capacité à juger de la légitimité d'une vie, de la valeur d'une vie, de décider qu'une vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. C'est cela que j'essaie de faire passer comme message. Et je dois vous dire d'ailleurs que, lors de la discussion en commission, le débat a été de haute tenue et qu'on s'est aperçu qu'il dépassait les clivages politiques. Ce n'est pas un sujet politique au sens partisan. C'est un vrai sujet de société. Et c'est l'idée quelque part de la société des hommes et de leur humanité."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 décembre 2001)
INTERVIEW A RTL :
- "Chacun comprend qu'une erreur médicale donne lieu à réparation évidemment. Chacun comprend qu'une femme qui n'a pas pu avorter librement doit avoir une indemnisation. Mais qu'un enfant demande à être indemnisé du fait de sa naissance handicapée, conduit à penser que c'est l'interruption de grossesse qui aurait toujours été préférable. Ce qui laisse penser que des vies ne vaudraient pas la peine d'être vécues et qu'on s'arrogerait le droit de le juger par avance. L'idée même que l'on puisse porter un jugement sur une vie me laisse complètement déconcerté".
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 décembre 2001)