Déclaration de M. Georges Sarre, président du Mouvement des citoyens, sur le vote du MDC contre le projet de loi réformant la politique de l'eau, à l'Assemblée nationale, le 8 janvier 2002.

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Circonstance : Intervention sur le projet de réforme de la politique de l'eau à l'Assemblée nationale, le 8 janvier 2002

Texte intégral

Mes chers collègues,
Le projet de réforme de la politique de l'eau partait d'une grande ambition : instaurer plus de transparence pour préserver les intérêts des consommateurs et lutter contre la pollution en instaurant le principe du pollueur-payeur.
Disons-le tout net : cet objectif n'est pas atteint. Déjà insuffisant, ce texte a encore été édulcoré par des amendements relayant des intérêts catégoriels ou locaux. L'usager, endormi par les bonnes intentions, continuera à payer pour la pollution qu'il subit et dont les auteurs n'encourront que des sanctions faibles.
Voyons tout de même quelques aspects positifs. J'en retiens trois : l'accès à l'eau garanti aux personnes en condition de précarité ; la facturation individuelle aux consommateurs ; la création du Haut Conseil du service public de l'eau, susceptible de freiner la toute-puissance des deux groupes qui se partagent le marché français. Et encore ! Car la seule mesure vraiment efficace est de créer le service public de l'eau et de rétablir le principe d'égalité. Il faut remunicipaliser la distribution de l'eau.
Dans ce projet, le rédacteur a voulu mettre un garde-fou au caractère léonin des contrats de concession en limitant leur durée à 12 ans. C'était un progrès. Un amendement a tout changé : cette durée est certes limitée à 12 ans, mais des dérogations sont susceptibles d'être accordées à peu près dans tous les cas.
Cet exemple résume le texte: édicter un bon principe, le vider aussitôt de sa portée, voilà la méthode, notamment pour la partie relative aux redevances pour pollution ou excédents d'azote. L'objectif était de taxer les pollutions nées d'une agriculture intensive. Tout le monde est d'accord : il faut faire payer le pollueur. Sauf qu'en définitive, d'abattements en exemptions, peu paieront. D'abord, parce que le calcul de la redevance, effroyablement complexe, est difficilement applicable, encore moins contrôlable. Ensuite, parce que la redevance ne concerne pas toutes les exploitations et que les abattements en réduisent considérablement l'assiette ; enfin, parce que la loi ne sera applicable qu'en 2008 pour certains agriculteurs. Or de deux choses l'une : où il est urgent de légiférer et il faut supprimer ce délai, comme celui relatif à l'application des règles de mesure de la pollution domestique par certaines collectivités, où l'on peut tranquillement polluer pendant encore 6 ans, auquel cas ce projet n'est qu'un effet d'annonce.
La montagne a donc accouché d'une souris. L'agriculture, principale consommatrice d'eau et plus grand pollueur, s'en tire bien : l'incidence financière du nouveau système sur le revenu global des exploitations ne serait que de 0,35% ! Les agences de l'eau s'en tirent mal : elles contribuent pour 106 millions d'euros au programme de maîtrise des pollutions agricoles et si la nouvelle redevance rapportera 61 millions d'euros par an, sa seule gestion absorbera un quart de la recette.
Autre coup pour rien : la redevance pour consommation d'eau. Comme il existe un seuil d'exemption et un taux minoré en deça de 24000 mètres cubes, son impact est minime. L'agriculture, qui contribue à cette redevance pour 12 millions d'euros par an, paiera 19,8 millions d'euros. C'est encore peu. C'est cela que veut masquer la petite baisse de la redevance due par les autres catégories d'usagers.
Ce projet reste donc une mesure d'affichage. Il fallait aller droit au but : toute pollution se paye, tout pollueur paye, de suite. Les intérêts particuliers ayant triomphé de l'intérêt général, les élus du MDC ne le voteront pas.
(Source http://www.mdc-France.org, le 14 janvier 2002)