Texte intégral
MONSIEUR AZNAR - Avant de passer la parole au Président de la République française et au Premier ministre français, je voudrais faire quelques commentaires sur cette réunion et sur les relations entre la France et lEspagne.
Je tiens à dire tout dabord que je remercie la Ville de Salamanque et le Gouvernement autonome de Castille et Léon. Laccueil a été extraordinaire et je voudrais remercier personnellement tous les hôtes. Le cadre quoffre la ville est remarquable. Je tenais absolument à la faire visiter au Président de la République et au Premier ministre, car elle appartient à notre histoire espagnole et je la tiens un peu pour mienne, car vous savez que jai été le Président de cette communauté autonome. Laccueil des autorités de Salamanque - le Maire, le Recteur de lUniversité - et laccueil du Président du Gouvernement autonome, ont été exceptionnels et je les remercie encore de leur gentillesse.
Je tiens également à remercier le Président Chirac qui a annoncé hier son appui à la candidature de Salamanque comme capitale culturelle de lEurope en 2000, un geste très important.
Du point de vue des relations bilatérales franco-espagnoles, je voudrais dire que ce sont des relations très solides, dans tous les sens. Les rapports sont excellents et notre souhait est quils perdurent dans un cadre de confiance entre les gouvernements et de relations étroites entre les nations.
Du point de vue commercial, les relations sont denses et profondes. La balance des échanges favorise la France mais elle paraît raisonnablement équilibrée entre les deux pays plus que nous croyons nous autres Espagnols. Les investissements sont importants. La présence française est très profonde en Espagne, nous le savons. La France est pour lEspagne le premier client et le premier fournisseur, inversement nous sommes les 4ème et 5ème pour la France. En un mot les relations sont très intenses.
Nous en avons parlé et nous avons parlé aussi des perspectives davenir et du resserrement des liens de travail puisque, Français et Espagnols, nous partageons un même projet visant à réaliser une nation européenne politique plus parfaite, une nation économique et monétaire qui fasse que la voix de lEurope, qui est plurielle et diverse, et qui doit intégrer les différences, se fasse entendre de façon solidaire dans les enceintes internationales et monétaires.
Nous avons parlé enfin de nos relations culturelles. Salamanque était bien sûr un cadre idéal pour cela et nous avons abordé des problèmes spécifiques mais je ne voudrais pas en parler en détail ici. Simplement je tiens à rappeler certaines idées.
Tout dabord la coopération antiterroriste. Le Gouvernement espagnol est très satisfait de la collaboration française. La coopération est excellente, du fait de la volonté du Président de la République et du Gouvernement français, elle se traduit aussi par des faits qui démontrent à quel point elle est solide. Cela contribue de façon déterminante à combattre le principal problème qui frappe lEspagne naturellement.
Nous avons noté également les engagements que prend la France en ce qui concerne les agriculteurs ou les problèmes qui peuvent surgir autour des questions de transports. Nous avons convenu de travailler ensemble sur ces thèmes, comme sur dautres thèmes comme la sécurité, ou la préparation du prochain Conseil à Luxembourg et le processus de construction européenne auquel nous prêtons toute notre situation et toutes les ressources dun dialogue permanent.
Nous avons également évoqué la possibilité de tenir, dans le premier semestre 1998, le premier Sommet euro-latino-américain. Nous avons également abordé le Proche-Orient. Enfin une série de points que nous pouvons commenter ensuite si vous le voulez bien.
Mais je voudrais marrêter à deux questions qui figurent sur le calendrier de ces jours-ci. Dabord, le rendez-vous de Kyoto sur les émissions contaminantes, les changements climatiques, etc. Nous tenons à appuyer les travaux de cette réunion, tout en soutenant la position exprimée par lEurope à cette occasion. Cest un point déterminant, il y va de nos obligations fondamentales que de faire, chacun en ce qui le concerne, tous les efforts utiles à la protection de lenvironnement et obtenir que se limite résolument, clairement, par des engagements au niveau international, la détérioration qui a lieu actuellement dans latmosphère.
En deuxième lieu, je tiens à exprimer notre soutien et appui à la signature à Ottawa de la Convention visant à interdire la fabrication, la commercialisation et lutilisation des mines antipersonnel. LEspagne et la France vont signer cette Convention et nous nous sommes naturellement engagés à démarrer un processus de destruction de ces mines dans un délai aussi bref que possible. Nous voyons avec beaucoup de satisfaction la signature définitive dune telle convention et nous engageons à sy associer tous les pays qui nont pas encore rejoint le processus.
Ceci, sans compter les thèmes concrets quont évoqué, de leur côté, les ministres de lintérieur, les ministres de léconomie et des finances et les autres ministres, est le résumé dune coopération excellente, dune attitude profonde de confiance et dun travail tourné vers lavenir qui vont, je le crois, apporter une contribution décisive à la relation franco-espagnole pour laquelle nous oeuvrons côte à côte intensément.
Si vous en êtes daccord, nous allons maintenant donner la parole au Président de la république avant de nous mettre à la disposition de tous ceux qui auraient des questions à poser.
LE PRESIDENT -
Monsieur le Président du Gouvernement,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais dabord massocier aux remerciements exprimés à juste titre par José-Maria Aznar à légard du Gouvernement autonome de Castille et de Léon, du recteur de lUniversité de Salamanque et plus généralement aux habitants, et notamment aux étudiants, de Salamanque qui nous ont réservé hier un accueil si sympathique et chaleureux, faisant de ce Sommet probablement lun des plus agréables auxquels nous ayons assisté depuis bien longtemps.
Je constate quau moment où elle aborde 1998, une date symbolique, lEspagne a retrouvé à la fois son élan et sa grandeur. Elle occupe à nouveau une place éminente et historique en Europe et dans le monde et la France, qui na jamais été aussi proche de lEspagne, sen réjouit profondément.
Le Président du Gouvernement a dit ce que nous avions fait. Je souscris à tout ce quil a dit, notamment, dans le domaine européen où nos positions sont relativement convergentes, sur le plan bilatéral pour notre coopération dans la lutte contre le terrorisme, et je voudrais saluer le courage et la détermination des autorités espagnoles dans ce domaine. Nous avons aussi renforcé notre coopération pour éviter des incidents malheureux comme ceux dont ont été victimes dans le Sud de la France les producteurs espagnols de fruits et de légumes. Bien entendu, nous sommes tout à fait sur la même ligne en ce qui concerne la Conférence de Kyoto. Javais déjà pris ces positions, très fermement, au moment du Sommet de Denver, vous vous en souvenez, de même que pour la Conférence dOttawa.
Je voudrais dire un mot qui sadresse plus généralement au peuple espagnol. LEspagne et la France sont deux pays qui ont marqué lhistoire de lEurope et du monde. Nous lavons vu ici, aujourdhui et hier, ce sont deux grands peuples qui ont une vocation naturelle à être des moteurs, des éléments dimpulsion dans un certain nombre de domaines. Jen retiendrai quatre principaux.
Il y a dabord lUnion européenne, naturellement, où nous avons la même approche, notamment pour ce qui concerne leuro.
Il y a lespace méditerranéen, où lEspagne et la France ont la même préoccupation de création dun espace de développement, de paix, de démocratie, de stabilité et cest tout le processus de Barcelone.
Il y a, et Monsieur Aznar la évoqué, le renforcement de la relation entre lEurope et lAmérique Latine. Pour des raisons qui sont à la fois culturelles et économiques. Et cest ensemble, naturellement, que nous préparons cette grande Conférence, première historique mondiale, entre les pays dAmérique latine et les pays de lUnion européenne.
Et puis, il y a un domaine essentiel, celui qui consiste à maintenir la diversité culturelle du monde et donc sa diversité linguistique, et qui conduit lEspagne et la France, mais aussi dailleurs le Portugal, à affirmer la force de leur culture par lorganisation de lhispanophonie, de la francophonie et aussi de la lusophonie. Cest tout à fait capital.
Le deuxième point concerne lEurope. Je voudrais que les Européens soient conscients dune ou deux choses.
Dabord, limportance du prochain Conseil de Luxembourg, puisque cela va être le Conseil de lélargissement, donc le Conseil qui va lancer un processus qui permettra à la famille européenne de se retrouver, dans la démocratie, la stabilité et la paix. Cest donc capital. Cette Europe qui va sélargir, je souhaite naturellement quelle soit dynamique, quelle ait la capacité de se gouverner elle-même et de simposer comme un pôle de puissance économique, politique, culturelle dans le monde.
Je ferais donc pour terminer deux observations : la première, cest que nous devons avoir le courage de réformer nos institutions avant dengager lélargissement, ou plus exactement avant que lélargissement ne prenne réellement effet, cest-à-dire que des pays nous rejoignent concrètement parce que nos institutions qui étaient adaptées à six ne marchent pas très bien à quinze et seront tout à fait incapables dassurer la responsabilité de lUnion à 20 ou à 25.
La deuxième observation, cest que le Chef du Gouvernement espagnol ma dit quil y avait, et je le comprend parfaitement, des sujets sur lesquels il ne pouvait pas transiger, notamment sur la place de lEspagne dans lUnion européenne aujourdhui, et demain et en particulier sur certaines caractéristiques de la politique européenne à légard de lEspagne comme à légard des autres pays.
Je le comprends parfaitement et je voudrais indiquer que, moi non plus, je ne suis pas décidé à accepter une Europe, une organisation européenne qui remettrait en cause les intérêts de la France ou les intérêts des Français, je pense en particulier à ceux de nos paysans.
Voilà. Mais je suis sûr quau Conseil européen de Luxembourg, tous ensemble, nous aurons la possibilité de trouver la bonne voie pour lEurope et de ce point de vue, comme le Premier ministre espagnol, je suis très optimiste.
Monsieur le Premier Ministre, vous voulez peut-être rajouter quelque chose ?
LE PREMIER MINISTRE -
Monsieur le Président du Gouvernement,
Mesdames, Messieurs,
Comme le Président de la République, jai ressenti ainsi que les Ministres comme un privilège le fait de pouvoir tenir ce sommet à Salamanque, dans ce lieu prestigieux, et je me suis fait la même réflexion que je me faisais à Weimar lorsque nous étions sur les traces de Goethe. Ici à Salamanque, sur les traces de très grands penseurs et notamment dans la ville dUnalmo, je me suis fait la réflexion que même si Salamanque était au coeur de lEspagne, cétait un lieu qui avait pour nous la même résonance. Cétait un lieu dans lequel en tant quEuropéen et en tant que Français nous nous retrouvions, comme si cela faisait partie de notre patrimoine. Je voudrais dire puisque cest mon premier Sommet franco-espagnol au côté du Président de la République que je me réjouis des relations qui ont été nouées entre les ministres français et les Ministres espagnols en six mois dans la prolongation naturellement des liens noués avant avec dautres Ministres. Cest de la même manière que nous avons pu, José Maria Aznar et moi-même, apprendre à nous connaître en ces six mois et commencer à travailler ensemble au côté du Président de la République française. Je ne vais pas reprendre les thèmes qui ont été évoqués, sans doute voudrez-vous les aborder dans les questions, jinsiste simplement sur le fait que la coopération entre la France et lEspagne dans la lutte contre le terrorisme nest plus aujourdhui un problème, je dirais quelle est un symbole de la façon dont deux grandes démocraties, deux Etats de droit travaillent ensemble face à une violence dont les méthodes ne peuvent pas être acceptées dans les démocraties. Quand il y a des problèmes par contre et là, il peut sagir de problèmes, je pense au problème posé par les arraisonnements de camions de fruits et légumes, nous nous efforçons de trouver une méthode qui permette de répondre à ces difficultés. Nous lavons fait dès le séminaire ministériel dIbiza, et la commission mixte franco-espagnole réunissant des professionnels et des membres de ladministration va se réunir le 18 décembre pour avancer dans cette direction. Jai moi-même contribué à rendre conscient le milieu agricole français des conséquences que cela pouvait avoir, non seulement sur nos relations, mais aussi sur les intérêts de nos exportateurs en Espagne qui sont très importants. En ce qui concerne le conflit des routiers, jai pris lengagement que pour les dossiers dindemnisation considérés comme agréés, lindemnisation se ferait dans un délai de trois mois. Les instructions ont donc été données aux préfectures pour que lon agisse dans ce sens. Et en ce qui concerne le conflit de 1997, nous nous sommes efforcés, vous lavez vu, dinformer nos gouvernements amis qui pouvaient être concernés, notamment le gouvernement espagnol, dès le déclenchement du conflit et même parfois avant. Nous avons dégagé une voie de sortie immédiatement vers lEspagne et enfin nous avons pu régler ce conflit dans des délais tels et des conditions telles que je crois que beaucoup moins de camions espagnols nauront été pris en quelque sorte dans la nasse. Donc, quand il y a des problèmes, nous les réglons dans un esprit de coopération, et le gouvernement français fait des efforts dans ce sens sur nos relations bilatérales, au sens plus large ; nous en avons discuté de façon tout à fait positive et en ce qui concerne les questions européennes, le Président de la République vient de tracer notre approche, je ny reviendrais pas, sauf si des questions précises métaient adressées.
MONSIEUR AZNAR -
Merci. Nous allons donc commencer.
QUESTION - Je voulais demander au Président de la République s'il avait l'impression que dans les différents entretiens avec M. le Président Aznar, il y avait l'émergence, les prémisses d'une politique étrangère commune ? Je voudrais dire sur certains dossiers, comme par exemple, le Proche-Orient où on peut imaginer, qu'entre Madrid et Paris, il y a des possibilités communes.
LE PRESIDENT - Il y a plus que des possibilités communes aujourd'hui entre l'Espagne, qui acquiert un rôle de plus en plus important sur le plan diplomatique dans le monde, et la France. Vous avez cité le Proche-Orient, c'est vrai que nous avons une volonté d'action commune et des objectifs communs, notamment pour ce qui concerne le processus de paix.
Le Président Aznar a évoqué tout à l'heure notre position commune pour la Conférence de Kyoto ou celle d'Ottawa. Nous nous sommes concertés, je vous l'ai dit, pour ce qui concerne la politique entre l'Europe et l'Amérique latine, où nous sommes ensemble le moteur d'un rapprochement naturel, légitime. Sur le plan européen, notre vision des choses est la même et notre action sera la même. C'est vrai, en particulier, pour le geste essentiel qui concerne la création de l'euro ou celui qui implique l'élargissement. Je pourrais multiplier les exemples.
QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre Jospin, je m'éloigne, permettez-le moi, de ce Sommet pour poser une question à Monsieur le Président du Gouvernement espagnol qui a trait également à la lutte anti-terroriste. Monsieur Aznar, que pensez-vous de la sentence de la Cour d'hier quant à la tête dHerri Batasuna ?
MONSIEUR AZNAR - J'ai eu l'occasion de parler de ceci avec le Premier ministre et le Président de la République. Obéir à la loi me semble très bien. C'est un progrès très positif que tous les citoyens espagnols sachent que dans un Etat de droit, il n'y a pas d'impunité. Il n'y en a pour personne. Ce sont des citoyens qui ont commis un délit. Ils ont été jugés et condamnés, cette foi-ci, par la Cour de Cassation espagnole. C'est l'Etat de droit et c'est la loi.
Donc, je crois que les Espagnols aujourd'hui peuvent se sentir très sûrs, sereins et confiants dans l'avenir parce qu'ils savent que la loi n'exclut personne. Pour un citoyen, pour un démocrate et pour quelqu'un dans le Gouvernement, c'est très satisfaisant de voir que l'Etat de droit fonctionne quand on obéit à la loi et que les problèmes trouvent une solution grâce à la loi. C'est tout ce que je voulais dire quant à cette question.
QUESTION - Une question tout d'abord pour Monsieur le Président du Gouvernement espagnol. Je voudrais savoir s'il y a eu un accord, ou pas, quant au financement de l'élargissement de l'Union européenne. Et une deuxième question pour le Président de la République française : croyez-vous que lEspagne avec un Gouvernement conservateur, peut être, petit à petit, isolée dans des décisions importantes de l'Union européenne face à une grande majorité de gouvernements socialistes ?
MONSIEUR AZNAR - Je répondrai à la première question, mais j'ai envie de répondre également à la deuxième question, je l'avoue, mais vous l'avez posée au Président de la République.
Je voudrais vous dire qu'il est difficile de se mettre d'accord sur quelque chose quand on ne sait pas exactement de quoi il s'agit. Nous ne savons pas quel va être le coût de l'élargissement de l'Union et donc, il est difficile de se mettre d'accord sur ce point là. Mais, nous savons que nous devons parler de ces mécanismes. Il y a des objectifs communs à ce sujet, des principes communs. Il existe également des stratégies communes.
Il peut y avoir des visions différentes quant au délai, le court terme, mais du point de vue institutionnel, comme le disait auparavant Monsieur le Président Chirac, le cadre européen ne sert plus à grand chose. Dans le traité d'Amsterdam, on a dit qu'avant de faire l'élargissement, quelle que soit la dimension de l'élargissement, il faudrait faire une réforme institutionnelle dans le cadre de l'Union européenne. C'est logique, c'est cohérent, absolument. Il faut également aborder les perspectives financières, non seulement à partir de cet élargissement, mais également face aux nouvelles perspectives financières entre 2000 et 2006.
L'Union européenne, me semble-t-il, a suivi un processus très logique, très cohérent pendant ces dernières années. Il y a eu un accord pour commencer la Conférence intergouvernementale pour réformer les traités. Cela a eu lieu, il y a eu un nouveau traité à Amsterdam. L'étape suivante a été de mettre en oeuvre, de mettre en marche, les mécanismes de cet élargissement. Il faut discuter sur le nombre, je ne vais pas en parler moi-même, je crois qu'il faut en parler avec tous les candidats. Il y a certaines nuances que l'on pourra discuter plus tard. Il faut établir après les conditions, les rythmes différents qui vont affecter tous les candidats.
Nous sommes sur le point de conclure la deuxième phase et de commencer la troisième phase de la monnaie unique. Et puis, il faut prévoir les perspectives financières pour quinze et prévoir quelles seront pour les autres. J'espère que nous arriverons à des conclusions positives dans ce domaine, qui permettent que l'élargissement ait lieu, qui permettent que l'ensemble des équilibres financiers et politiques, dans le cadre de l'Union des quinze, continue à exister dans une Union plus large et que les éléments essentiels de la solidarité continuent également.
Il faut donc travailler clairement vers l'avenir pour pouvoir progresser. On ne peut pas rentrer dans les détails maintenant. Chaque pays sait ce qui va l'affecter plus particulièrement et nous voulons tous avancer vers l'avenir, mais on ne peut pas rentrer dans les détails actuellement. Sans aucun doute, l'Espagne et la France sur ce point et sur la question institutionnelle vont être en contact pour commencer à travailler dès demain à ce sujet.
LE PRESIDENT - Sur l'isolement éventuel de l'Espagne, je voudrais d'abord dire que c'est une illusion de croire que les choix de politique intérieure ont leur répercussion sur le plan de la politique européenne, qui est fonction des intérêts des Etats, qui s'imposent quels que soient par ailleurs les choix politiques internes.
Deuxièmement, l'Espagne aujourd'hui, compte tenu de son extraordinaire progrès et sa grandeur retrouvée que j'évoquais tout à l'heure, ne peut être isolée par personne en Europe et si, par hypothèse d'école, la question se posait, en tous les cas je peux vous dire que la France ne le permettrait pas.
QUESTION - Deux questions, l'une pour le Président de la République et l'autre pour le Président du Gouvernement espagnol.
Monsieur Chirac, croyez-vous qu'il serait nécessaire, peut-être en France, peut-être grâce à l'intermédiation du Gouvernement français, que le Gouvernement espagnol ait certain contact avec la bande terroriste de l'ETA pour essayer de trouver la paix ?
Monsieur le Président du Gouvernement espagnol, croyez-vous qu'avant la fin de l'année, nous arriverons à un accord pour débloquer la question de l'OTAN avec la Grande-Bretagne ? Avez-vous prévu personnellement de parler avec le Premier ministre Tony Blair pour trouver une solution à ce problème ?
LE PRESIDENT - Sur le premier point, je n'ai pas de commentaire à faire. Le Chef du Gouvernement espagnol a dit ce quil pensait pour ce qui concerne le terrorisme et je partage tout à fait son sentiment.
MONSIEUR AZNAR - Sur cette question, je parlerai un peu plus parce que vous savez quactuellement lEspagne a trois éléments déterminants, ou quatre plutôt, quant à la sécurité et qui sont très importants. Tout dabord, la mise en marche de nos forces armées complètement professionnelles, un processus qui a subi un essor très important et qui continuera son essor en 1998. Je souhaite que ces forces armées professionnelles soient une réalité en Espagne dès le début du XXIème siècle.
Puis, nous avons le renouvellement de nos forces armées qui va de pair avec le processus de professionnalisation et qui affecte différents domaines, différents secteurs de la défense. Par exemple, depuis un certain temps déjà, je parlais avec le Président Chirac qui mavait dit quil sintéressait à la Marine. Cest une question dont nous avons parlé pendant longtemps dans le cadre du processus de renouvellement de nos forces armées. Je peux vous dire également que la Marine espagnole est arrivée à la conclusion suivante : dans un bref délai, on va renouveler les sous-marins, qui vont être des sous-marins scorpene français et qui vont être achetés par la Marine espagnole. Cest la décision qui semble la plus appropriée du point de vue de lévolution de notre Marine.
Nous avons pris des décisions également pour les forces aériennes et avec larmée de Terre et cest une décision que nous devons affronter à lavenir. Ce sont des questions dont on a parlé depuis longtemps et donc jai déjà discuté avec le Président Chirac. Nous continuons ce processus de renouvellement.
Troisième processus : lincorporation de lEspagne à la structure de commandement de lOTAN. Nous voulons que cela ait lieu et sans problème. Il y a différentes façons de traiter certaines questions, certains problèmes quun dirigeant politique, un Premier ministre ou un Président, essaie de discuter.
Moi, je préfère traiter des questions plus discrètement en essayant de trouver des solutions. Jai la sensation, et je répète, jai la sensation que vous naurez pas longtemps à attendre pour trouver une réponse à cette question. Jai cette sensation. Je ne veux pas réchauffer certains problèmes. Je nai quune impression et cest une question que nous partageons pleinement avec nos amis français. Cest le développement de lidentité européenne de sécurité défense, de lUnion européenne occidentale, que nous voulons voir renforcer en plein essor dans notre cadre de responsabilités.
LE PRESIDENT - Juste un mot pour exprimer au Président du gouvernement espagnol toute notre reconnaissance, la reconnaissance de la France pour la décision que le gouvernement vient de prendre en ce qui concerne le Scorpene. Cela va être un élément de coopération essentiel entre nos deux pays. Chacun construisant ces sous-marins, qui sont ultramodernes, pour sa propre armée et ensemble, notamment en direction de certains pays dAmérique latine produisant ces sous-marins en commun. Cest un dossier dans lequel je métais beaucoup investi et dont nous avions souvent parlé avec José Maria Aznar, notamment depuis quil est Chef de gouvernement. Je me réjouis que cette coopération, très importante pour nos deux pays, ait pu être finalement arrêtée et décidée. Je voudrais remercier le Président et le Gouvernement espagnols à ce sujet.
QUESTION - Jaimerais savoir du Premier ministre français, du Président de la République si le dossier de la nomination de M. Trichet a été évoquée et si le gouvernement espagnol a donné une opinion ; et aussi, jaimerais savoir si vous avez des craintes après la décision, hier soir, de procéder avec un Conseil de lEuro, craintes dune division en Europe ?
LE PREMIER MINISTRE - Pour ce qui me concerne et nous avions à linstant un conciliabule éclair avec le Président de la République, je crois que cétait la même chose, nous navons pas évoqué le problème de la candidature à la présidence du directoire de la Banque centrale européenne.
En ce qui concerne le Conseil de lEuro, les discussions ont eu lieu encore hier. Les deux ministres de léconomie et des finances sont dailleurs arrivés dans la nuit. Nous, nous pensons quil est logique, quà partir du moment où lUnion a un espace commercial et une monnaie unique pour -les pays participant dès le départ à lEuro- quil doit y avoir une instance de concertation sur les politiques économiques, dans le respect de lindépendance de la Banque centrale pour ce qui est de la gestion de la monnaie, afin de permettre aux représentants des gouvernements de discuter de la politique dinvestissements, de la politique budgétaire, de la politique fiscale, (on a avancé hier sur lharmonisation fiscale, cest une bonne chose), discuter de la politique salariale, de celle de lemploi, non pas pour se substituer au gouvernement car la politique économique est de la compétence nationale, mais pour concerter leur politique. Or, on ne peut pas imaginer quil y ait une monnaie unique, un espace commercial unique et en même temps que cette concertation nexiste pas. Cest cela le sens du Conseil de lEuro que nous avons proposé, nous avons vu que cette idée progressait et était apparue comme logique à tout le monde.
A partir de là se pose effectivement la question de savoir de ce qui peut être fait pour des pays qui, soit parce quils ne peuvent pas, soit parce quils ne le veulent à ce stade même sils envisagent dadhérer à la monnaie unique plus tard, soit parce quils nont pas encore décidé sils le feraient effectivement, se trouvent hors dun éventuel Conseil de lEuro. Nous pensons quil est un petit peu difficile, à un certain nombre de nos partenaires, de vouloir décider, pour ceux qui vont faire lEuro, des conditions dans lesquelles ils vont débattre entre eux. Alors, je crois que les ministres de léconomie et des finances, en particulier espagnol et français, ont tout à fait admis lidée que des informations devaient être données et des contacts pris. Les membres des gouvernements qui vont participer à ce Conseil de lEuro, même si le nom nest pas encore, je crois, choisi, sont aussi des membres de lEcofin, et donc ont une habitude des discussions avec leurs collègues. Il a été, je crois, évoqué lidée que ces réunions autour de lEuro pourraient se tenir dans la même journée, sans doute, que les sessions de lEcofin. Nous sommes donc ouverts, je crois, en tout cas du côté du gouvernement, à ces contacts, à cette information. Nous avons un peu une hésitation à admettre lidée que quelquun ne soit pas dedans et quen même temps il veuille fixer, dune façon un peu rigide, les modes de fonctionnement de ce Conseil. Alors, il faut encore trouver des solutions, semble-t-il, dici le prochain Sommet de Luxembourg. Je crois que ces solutions seront trouvées, mais autour didées de bon sens naturellement.
QUESTION - Je voudrais savoir si M. Aznar est satisfait des explications et des accords auxquels on est arrivé à ce Sommet sur les routiers, le problème des routiers et des marchandises espagnoles. M. Chirac a dit que « la situation avec les routiers pouvait se répéter, avoir lieu une fois de plus » ?
M. Jospin, vous avez eu un entretien avec M. Aznar, est-ce que vous avez parlé des efforts que fait votre gouvernement pour la création de lemploi, et surtout quant à la réduction de la journée de travail à 35 heures ?
MONSIEUR AZNAR - Par rapport à la première question, comme vous pourrez le comprendre, Monsieur le Président Chirac dont je nai pas à faire léloge, ici et maintenant, mais qui a été prudent, discret et intelligent, naurait jamais eu lidée de sengager à ce que plus jamais il ny aura plus jamais dincident nulle part en France par rapport à tout ce qui a trait ou affecte lEspagne. Monsieur le Président Chirac et le Gouvernement français qui ont la responsabilité, ont la volonté bien décidée daffronter ces décisions. Il est évident quil faut parler de ces questions avec beaucoup de décision et on doit aller contre les attitudes violentes hors la loi, et il faut respecter la libre circulation des personnes et des marchandises sur le territoire français. Comme le fera et la fait le Gouvernement espagnol dans tous les cas. Cela, cest lattitude du Gouvernement français, je nen ai aucun doute, cest lattitude du Président de la République, je nai aucun doute à ce sujet. Jai toutes les garanties que sil y avait certains de ces problèmes, de ces circonstances qui ont déjà eu lieu, je sais parfaitement quelle va être lattitude du Gouvernement français à ce sujet.
LE PRESIDENT - Je voudrais confirmer tout à fait ce que vient de dire le Président Aznar et ce qui a été confirmé par le Premier ministre français sans ambiguïté. Quant à la deuxième question du journaliste de la télévision espagnole concernant le problème de la réduction du temps de travail, cette question a été traitée lors du Conseil européen sur lemploi de Luxembourg. En revanche, elle nétait pas à lordre du jour de notre Sommet bilatéral, et cest pourquoi il ny a pas lieu de traiter de ce problème ici, en Espagne.
LE PREMIER MINISTRE - Jai compris que sur le temps de travail, la question métait aussi posée. Je dois dire que le Gouvernement français a montré dans le récent conflit des routiers quil faisait face à ses responsabilités, à ses engagements internationaux, il sest efforcé dagir vite et en prenant en compte les problèmes de nos voisins et amis.
Je ne voudrais pas cacher que pour nous le secteur des transports routiers reste un secteur fragile dans notre économie et aussi, je dirais, par ces implications sociales et nous souhaitons poser au niveau européen la question dune meilleure harmonisation des règlements et des législations touchant le secteur routier.
En ce qui concerne le temps de travail, le Président de la République a raison. Cette question de la réduction du temps de travail nétait pas à lordre du jour naturellement de notre Sommet. Disons, simplement, pour que vous soyez correctement informés que dans lentretien que nous avons eu ce matin avec M. José Maria Aznar, nous avons eu un échange bref sur ce point pour nous informer mutuellement.
MONSIEUR AZNAR - Je voudrais ajouter un petit point à ce sujet. Jai la sensation que parfois, je ne dis pas pour cette question concrète, nous avons des positions un peu enfantines par rapport au Gouvernement.
Il y a une position enfantine dont je parlais ce matin pendant le petit déjeuner avec Monsieur le Premier ministre JOSPIN. M. JOSPIN et moi-même, forcément, il faut que nous soyons toujours en désaccord parce quil est du parti socialiste et moi pas. Mais non. Cela na rien à voir. Cest absurde et de plus, non seulement cest absurde mais cest ridicule. Il ne faut construire sur ceci aucune théorie et on ne doit pas penser que cela doit affecter les positions des pays dans un Conseil européen. Cest absurde. Je le répète, cest absurde. Je ne vais jamais être socialiste, que voulez-vous que je vous dise, mais je suis sûr que les relations entre la France et lEspagne sont des relations, je lai déjà expliqué, qui vont continuer à être excellentes et à se renforcer quelles que soient les personnes qui sont au Gouvernement, cest ce qui fait que les nations soient fortes, sérieuses et quelles veulent parier sur lavenir et ont une grande tradition derrière elles.
QUESTION - Monsieur le Président Chirac, pourriez-vous nous informer avec une certaine perspective historique quant aux effets qua eu sur la politique française lapprobation de la loi du point final des partis politiques. Est-ce que cela va avoir une importance sur la vie politique ?
Monsieur Aznar, croyez-vous que lexpérience française est applicable en Espagne ou comme la dit un dirigeant espagnol, il appelait cela la politique du point final ? Quest-ce que cela veut dire, la réglementation des partis politiques ?
LE PREMIER MINISTRE - Cest le problème du financement public des partis politiques.
LE PRESIDENT - Voilà un problème qui est strictement français. Je vous dirai que la situation que nous connaissons à cet égard dans notre pays me paraît satisfaisante et vous comprendrez que je nai pas dautres commentaires à faire à ce sujet.
MONSIEUR AZNAR - De mon côté, je crois quil ne faut pas mélanger les problèmes. Actuellement au Parlement espagnol, il y a un projet de loi de financement de partis. Moi, jaimerais quon arrive à un accord. Le Gouvernement est disposé à arriver à cet accord et cest une procédure normale sur laquelle il faut travailler avec les engagements parlementaires de législation interne de chaque pays. Le reste évidemment sil y a des problèmes auprès de la justice, cest la justice qui doit agir daprès la loi.
Avant de lever la séance, je voudrais parler de deux questions. On a parlé de beaucoup de questions, des Ministres de lindustrie, de coopération industrielle mais il y a une question dont je voudrais parler parce que sinon on court le risque que lon nous dise : « ah ! Vous navez pas parlé de... » Une question importante, cest la question des Iles Canaries et la banane pour la France. il y a un total accord entre la France et lEspagne au moment de la défense des intérêts des producteurs européens par rapport à la banane. Et nous avons aussi parlé des connections différentes entre lEspagne et la France soit à travers les chemins de fer à grande vitesse qui sont en train dêtre construits de grande vitesse à travers la frontière de lEst et à travers la Catalogne et également les nouveaux travaux dinfrastructures dans les Pyrénées à travers la partie espagnole de lAragon. Il y a dautres questions donc qui ont été traitées.
LE PRESIDENT - Je voudrais juste dire une chose pour conclure. Ce Sommet restera en tous les cas dans ma mémoire et je pense que je peux le dire également pour ce qui concerne le Premier Ministre et les Ministres français, dabord parce quil a bien fait apparaître la nouvelle puissance de lEspagne. Cest important, dans le cadre notamment de la construction européenne. Ensuite parce quil nous a fait apprécier naturellement la beauté historique de Salamanque, et enfin parce que nous avons pu apprécier une vrai convergence fondée sur lintérêt mais aussi sur lamitié entre nos deux pays.
Mais tout cela nest rien à côté, à mon sens, de ce que nous avons ressenti hier, notamment hier soir pendant toutes ces promenades au milieu de tous ces étudiants, en particulier beaucoup détudiant français qui étaient là, dont un grand nombre au titre du programme européen Erasmus. Cest grâce à Erasmus, grâce à lEurope que des étudiants français ont le privilège de venir recevoir un enseignement dans lune des premières, des plus anciennes, des plus prestigieuses des universités de lEurope. Nous avons tous parlé avec ces étudiants hier soir. Nous avons regardé, nous avons observé leurs yeux et ils mont paru, tous, courageux et optimistes. En tous les cas, cest ce quils exprimaient directement ou indirectement et cela ma beaucoup impressionné car au fond, cest pour eux que nous faisons lEurope. Alors je voudrais remercier, de ce point de vue, lUniversité de Salamanque qui nous donne un bel exemple de ce que doit être lEurope de demain.
Je tiens à dire tout dabord que je remercie la Ville de Salamanque et le Gouvernement autonome de Castille et Léon. Laccueil a été extraordinaire et je voudrais remercier personnellement tous les hôtes. Le cadre quoffre la ville est remarquable. Je tenais absolument à la faire visiter au Président de la République et au Premier ministre, car elle appartient à notre histoire espagnole et je la tiens un peu pour mienne, car vous savez que jai été le Président de cette communauté autonome. Laccueil des autorités de Salamanque - le Maire, le Recteur de lUniversité - et laccueil du Président du Gouvernement autonome, ont été exceptionnels et je les remercie encore de leur gentillesse.
Je tiens également à remercier le Président Chirac qui a annoncé hier son appui à la candidature de Salamanque comme capitale culturelle de lEurope en 2000, un geste très important.
Du point de vue des relations bilatérales franco-espagnoles, je voudrais dire que ce sont des relations très solides, dans tous les sens. Les rapports sont excellents et notre souhait est quils perdurent dans un cadre de confiance entre les gouvernements et de relations étroites entre les nations.
Du point de vue commercial, les relations sont denses et profondes. La balance des échanges favorise la France mais elle paraît raisonnablement équilibrée entre les deux pays plus que nous croyons nous autres Espagnols. Les investissements sont importants. La présence française est très profonde en Espagne, nous le savons. La France est pour lEspagne le premier client et le premier fournisseur, inversement nous sommes les 4ème et 5ème pour la France. En un mot les relations sont très intenses.
Nous en avons parlé et nous avons parlé aussi des perspectives davenir et du resserrement des liens de travail puisque, Français et Espagnols, nous partageons un même projet visant à réaliser une nation européenne politique plus parfaite, une nation économique et monétaire qui fasse que la voix de lEurope, qui est plurielle et diverse, et qui doit intégrer les différences, se fasse entendre de façon solidaire dans les enceintes internationales et monétaires.
Nous avons parlé enfin de nos relations culturelles. Salamanque était bien sûr un cadre idéal pour cela et nous avons abordé des problèmes spécifiques mais je ne voudrais pas en parler en détail ici. Simplement je tiens à rappeler certaines idées.
Tout dabord la coopération antiterroriste. Le Gouvernement espagnol est très satisfait de la collaboration française. La coopération est excellente, du fait de la volonté du Président de la République et du Gouvernement français, elle se traduit aussi par des faits qui démontrent à quel point elle est solide. Cela contribue de façon déterminante à combattre le principal problème qui frappe lEspagne naturellement.
Nous avons noté également les engagements que prend la France en ce qui concerne les agriculteurs ou les problèmes qui peuvent surgir autour des questions de transports. Nous avons convenu de travailler ensemble sur ces thèmes, comme sur dautres thèmes comme la sécurité, ou la préparation du prochain Conseil à Luxembourg et le processus de construction européenne auquel nous prêtons toute notre situation et toutes les ressources dun dialogue permanent.
Nous avons également évoqué la possibilité de tenir, dans le premier semestre 1998, le premier Sommet euro-latino-américain. Nous avons également abordé le Proche-Orient. Enfin une série de points que nous pouvons commenter ensuite si vous le voulez bien.
Mais je voudrais marrêter à deux questions qui figurent sur le calendrier de ces jours-ci. Dabord, le rendez-vous de Kyoto sur les émissions contaminantes, les changements climatiques, etc. Nous tenons à appuyer les travaux de cette réunion, tout en soutenant la position exprimée par lEurope à cette occasion. Cest un point déterminant, il y va de nos obligations fondamentales que de faire, chacun en ce qui le concerne, tous les efforts utiles à la protection de lenvironnement et obtenir que se limite résolument, clairement, par des engagements au niveau international, la détérioration qui a lieu actuellement dans latmosphère.
En deuxième lieu, je tiens à exprimer notre soutien et appui à la signature à Ottawa de la Convention visant à interdire la fabrication, la commercialisation et lutilisation des mines antipersonnel. LEspagne et la France vont signer cette Convention et nous nous sommes naturellement engagés à démarrer un processus de destruction de ces mines dans un délai aussi bref que possible. Nous voyons avec beaucoup de satisfaction la signature définitive dune telle convention et nous engageons à sy associer tous les pays qui nont pas encore rejoint le processus.
Ceci, sans compter les thèmes concrets quont évoqué, de leur côté, les ministres de lintérieur, les ministres de léconomie et des finances et les autres ministres, est le résumé dune coopération excellente, dune attitude profonde de confiance et dun travail tourné vers lavenir qui vont, je le crois, apporter une contribution décisive à la relation franco-espagnole pour laquelle nous oeuvrons côte à côte intensément.
Si vous en êtes daccord, nous allons maintenant donner la parole au Président de la république avant de nous mettre à la disposition de tous ceux qui auraient des questions à poser.
LE PRESIDENT -
Monsieur le Président du Gouvernement,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais dabord massocier aux remerciements exprimés à juste titre par José-Maria Aznar à légard du Gouvernement autonome de Castille et de Léon, du recteur de lUniversité de Salamanque et plus généralement aux habitants, et notamment aux étudiants, de Salamanque qui nous ont réservé hier un accueil si sympathique et chaleureux, faisant de ce Sommet probablement lun des plus agréables auxquels nous ayons assisté depuis bien longtemps.
Je constate quau moment où elle aborde 1998, une date symbolique, lEspagne a retrouvé à la fois son élan et sa grandeur. Elle occupe à nouveau une place éminente et historique en Europe et dans le monde et la France, qui na jamais été aussi proche de lEspagne, sen réjouit profondément.
Le Président du Gouvernement a dit ce que nous avions fait. Je souscris à tout ce quil a dit, notamment, dans le domaine européen où nos positions sont relativement convergentes, sur le plan bilatéral pour notre coopération dans la lutte contre le terrorisme, et je voudrais saluer le courage et la détermination des autorités espagnoles dans ce domaine. Nous avons aussi renforcé notre coopération pour éviter des incidents malheureux comme ceux dont ont été victimes dans le Sud de la France les producteurs espagnols de fruits et de légumes. Bien entendu, nous sommes tout à fait sur la même ligne en ce qui concerne la Conférence de Kyoto. Javais déjà pris ces positions, très fermement, au moment du Sommet de Denver, vous vous en souvenez, de même que pour la Conférence dOttawa.
Je voudrais dire un mot qui sadresse plus généralement au peuple espagnol. LEspagne et la France sont deux pays qui ont marqué lhistoire de lEurope et du monde. Nous lavons vu ici, aujourdhui et hier, ce sont deux grands peuples qui ont une vocation naturelle à être des moteurs, des éléments dimpulsion dans un certain nombre de domaines. Jen retiendrai quatre principaux.
Il y a dabord lUnion européenne, naturellement, où nous avons la même approche, notamment pour ce qui concerne leuro.
Il y a lespace méditerranéen, où lEspagne et la France ont la même préoccupation de création dun espace de développement, de paix, de démocratie, de stabilité et cest tout le processus de Barcelone.
Il y a, et Monsieur Aznar la évoqué, le renforcement de la relation entre lEurope et lAmérique Latine. Pour des raisons qui sont à la fois culturelles et économiques. Et cest ensemble, naturellement, que nous préparons cette grande Conférence, première historique mondiale, entre les pays dAmérique latine et les pays de lUnion européenne.
Et puis, il y a un domaine essentiel, celui qui consiste à maintenir la diversité culturelle du monde et donc sa diversité linguistique, et qui conduit lEspagne et la France, mais aussi dailleurs le Portugal, à affirmer la force de leur culture par lorganisation de lhispanophonie, de la francophonie et aussi de la lusophonie. Cest tout à fait capital.
Le deuxième point concerne lEurope. Je voudrais que les Européens soient conscients dune ou deux choses.
Dabord, limportance du prochain Conseil de Luxembourg, puisque cela va être le Conseil de lélargissement, donc le Conseil qui va lancer un processus qui permettra à la famille européenne de se retrouver, dans la démocratie, la stabilité et la paix. Cest donc capital. Cette Europe qui va sélargir, je souhaite naturellement quelle soit dynamique, quelle ait la capacité de se gouverner elle-même et de simposer comme un pôle de puissance économique, politique, culturelle dans le monde.
Je ferais donc pour terminer deux observations : la première, cest que nous devons avoir le courage de réformer nos institutions avant dengager lélargissement, ou plus exactement avant que lélargissement ne prenne réellement effet, cest-à-dire que des pays nous rejoignent concrètement parce que nos institutions qui étaient adaptées à six ne marchent pas très bien à quinze et seront tout à fait incapables dassurer la responsabilité de lUnion à 20 ou à 25.
La deuxième observation, cest que le Chef du Gouvernement espagnol ma dit quil y avait, et je le comprend parfaitement, des sujets sur lesquels il ne pouvait pas transiger, notamment sur la place de lEspagne dans lUnion européenne aujourdhui, et demain et en particulier sur certaines caractéristiques de la politique européenne à légard de lEspagne comme à légard des autres pays.
Je le comprends parfaitement et je voudrais indiquer que, moi non plus, je ne suis pas décidé à accepter une Europe, une organisation européenne qui remettrait en cause les intérêts de la France ou les intérêts des Français, je pense en particulier à ceux de nos paysans.
Voilà. Mais je suis sûr quau Conseil européen de Luxembourg, tous ensemble, nous aurons la possibilité de trouver la bonne voie pour lEurope et de ce point de vue, comme le Premier ministre espagnol, je suis très optimiste.
Monsieur le Premier Ministre, vous voulez peut-être rajouter quelque chose ?
LE PREMIER MINISTRE -
Monsieur le Président du Gouvernement,
Mesdames, Messieurs,
Comme le Président de la République, jai ressenti ainsi que les Ministres comme un privilège le fait de pouvoir tenir ce sommet à Salamanque, dans ce lieu prestigieux, et je me suis fait la même réflexion que je me faisais à Weimar lorsque nous étions sur les traces de Goethe. Ici à Salamanque, sur les traces de très grands penseurs et notamment dans la ville dUnalmo, je me suis fait la réflexion que même si Salamanque était au coeur de lEspagne, cétait un lieu qui avait pour nous la même résonance. Cétait un lieu dans lequel en tant quEuropéen et en tant que Français nous nous retrouvions, comme si cela faisait partie de notre patrimoine. Je voudrais dire puisque cest mon premier Sommet franco-espagnol au côté du Président de la République que je me réjouis des relations qui ont été nouées entre les ministres français et les Ministres espagnols en six mois dans la prolongation naturellement des liens noués avant avec dautres Ministres. Cest de la même manière que nous avons pu, José Maria Aznar et moi-même, apprendre à nous connaître en ces six mois et commencer à travailler ensemble au côté du Président de la République française. Je ne vais pas reprendre les thèmes qui ont été évoqués, sans doute voudrez-vous les aborder dans les questions, jinsiste simplement sur le fait que la coopération entre la France et lEspagne dans la lutte contre le terrorisme nest plus aujourdhui un problème, je dirais quelle est un symbole de la façon dont deux grandes démocraties, deux Etats de droit travaillent ensemble face à une violence dont les méthodes ne peuvent pas être acceptées dans les démocraties. Quand il y a des problèmes par contre et là, il peut sagir de problèmes, je pense au problème posé par les arraisonnements de camions de fruits et légumes, nous nous efforçons de trouver une méthode qui permette de répondre à ces difficultés. Nous lavons fait dès le séminaire ministériel dIbiza, et la commission mixte franco-espagnole réunissant des professionnels et des membres de ladministration va se réunir le 18 décembre pour avancer dans cette direction. Jai moi-même contribué à rendre conscient le milieu agricole français des conséquences que cela pouvait avoir, non seulement sur nos relations, mais aussi sur les intérêts de nos exportateurs en Espagne qui sont très importants. En ce qui concerne le conflit des routiers, jai pris lengagement que pour les dossiers dindemnisation considérés comme agréés, lindemnisation se ferait dans un délai de trois mois. Les instructions ont donc été données aux préfectures pour que lon agisse dans ce sens. Et en ce qui concerne le conflit de 1997, nous nous sommes efforcés, vous lavez vu, dinformer nos gouvernements amis qui pouvaient être concernés, notamment le gouvernement espagnol, dès le déclenchement du conflit et même parfois avant. Nous avons dégagé une voie de sortie immédiatement vers lEspagne et enfin nous avons pu régler ce conflit dans des délais tels et des conditions telles que je crois que beaucoup moins de camions espagnols nauront été pris en quelque sorte dans la nasse. Donc, quand il y a des problèmes, nous les réglons dans un esprit de coopération, et le gouvernement français fait des efforts dans ce sens sur nos relations bilatérales, au sens plus large ; nous en avons discuté de façon tout à fait positive et en ce qui concerne les questions européennes, le Président de la République vient de tracer notre approche, je ny reviendrais pas, sauf si des questions précises métaient adressées.
MONSIEUR AZNAR -
Merci. Nous allons donc commencer.
QUESTION - Je voulais demander au Président de la République s'il avait l'impression que dans les différents entretiens avec M. le Président Aznar, il y avait l'émergence, les prémisses d'une politique étrangère commune ? Je voudrais dire sur certains dossiers, comme par exemple, le Proche-Orient où on peut imaginer, qu'entre Madrid et Paris, il y a des possibilités communes.
LE PRESIDENT - Il y a plus que des possibilités communes aujourd'hui entre l'Espagne, qui acquiert un rôle de plus en plus important sur le plan diplomatique dans le monde, et la France. Vous avez cité le Proche-Orient, c'est vrai que nous avons une volonté d'action commune et des objectifs communs, notamment pour ce qui concerne le processus de paix.
Le Président Aznar a évoqué tout à l'heure notre position commune pour la Conférence de Kyoto ou celle d'Ottawa. Nous nous sommes concertés, je vous l'ai dit, pour ce qui concerne la politique entre l'Europe et l'Amérique latine, où nous sommes ensemble le moteur d'un rapprochement naturel, légitime. Sur le plan européen, notre vision des choses est la même et notre action sera la même. C'est vrai, en particulier, pour le geste essentiel qui concerne la création de l'euro ou celui qui implique l'élargissement. Je pourrais multiplier les exemples.
QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre Jospin, je m'éloigne, permettez-le moi, de ce Sommet pour poser une question à Monsieur le Président du Gouvernement espagnol qui a trait également à la lutte anti-terroriste. Monsieur Aznar, que pensez-vous de la sentence de la Cour d'hier quant à la tête dHerri Batasuna ?
MONSIEUR AZNAR - J'ai eu l'occasion de parler de ceci avec le Premier ministre et le Président de la République. Obéir à la loi me semble très bien. C'est un progrès très positif que tous les citoyens espagnols sachent que dans un Etat de droit, il n'y a pas d'impunité. Il n'y en a pour personne. Ce sont des citoyens qui ont commis un délit. Ils ont été jugés et condamnés, cette foi-ci, par la Cour de Cassation espagnole. C'est l'Etat de droit et c'est la loi.
Donc, je crois que les Espagnols aujourd'hui peuvent se sentir très sûrs, sereins et confiants dans l'avenir parce qu'ils savent que la loi n'exclut personne. Pour un citoyen, pour un démocrate et pour quelqu'un dans le Gouvernement, c'est très satisfaisant de voir que l'Etat de droit fonctionne quand on obéit à la loi et que les problèmes trouvent une solution grâce à la loi. C'est tout ce que je voulais dire quant à cette question.
QUESTION - Une question tout d'abord pour Monsieur le Président du Gouvernement espagnol. Je voudrais savoir s'il y a eu un accord, ou pas, quant au financement de l'élargissement de l'Union européenne. Et une deuxième question pour le Président de la République française : croyez-vous que lEspagne avec un Gouvernement conservateur, peut être, petit à petit, isolée dans des décisions importantes de l'Union européenne face à une grande majorité de gouvernements socialistes ?
MONSIEUR AZNAR - Je répondrai à la première question, mais j'ai envie de répondre également à la deuxième question, je l'avoue, mais vous l'avez posée au Président de la République.
Je voudrais vous dire qu'il est difficile de se mettre d'accord sur quelque chose quand on ne sait pas exactement de quoi il s'agit. Nous ne savons pas quel va être le coût de l'élargissement de l'Union et donc, il est difficile de se mettre d'accord sur ce point là. Mais, nous savons que nous devons parler de ces mécanismes. Il y a des objectifs communs à ce sujet, des principes communs. Il existe également des stratégies communes.
Il peut y avoir des visions différentes quant au délai, le court terme, mais du point de vue institutionnel, comme le disait auparavant Monsieur le Président Chirac, le cadre européen ne sert plus à grand chose. Dans le traité d'Amsterdam, on a dit qu'avant de faire l'élargissement, quelle que soit la dimension de l'élargissement, il faudrait faire une réforme institutionnelle dans le cadre de l'Union européenne. C'est logique, c'est cohérent, absolument. Il faut également aborder les perspectives financières, non seulement à partir de cet élargissement, mais également face aux nouvelles perspectives financières entre 2000 et 2006.
L'Union européenne, me semble-t-il, a suivi un processus très logique, très cohérent pendant ces dernières années. Il y a eu un accord pour commencer la Conférence intergouvernementale pour réformer les traités. Cela a eu lieu, il y a eu un nouveau traité à Amsterdam. L'étape suivante a été de mettre en oeuvre, de mettre en marche, les mécanismes de cet élargissement. Il faut discuter sur le nombre, je ne vais pas en parler moi-même, je crois qu'il faut en parler avec tous les candidats. Il y a certaines nuances que l'on pourra discuter plus tard. Il faut établir après les conditions, les rythmes différents qui vont affecter tous les candidats.
Nous sommes sur le point de conclure la deuxième phase et de commencer la troisième phase de la monnaie unique. Et puis, il faut prévoir les perspectives financières pour quinze et prévoir quelles seront pour les autres. J'espère que nous arriverons à des conclusions positives dans ce domaine, qui permettent que l'élargissement ait lieu, qui permettent que l'ensemble des équilibres financiers et politiques, dans le cadre de l'Union des quinze, continue à exister dans une Union plus large et que les éléments essentiels de la solidarité continuent également.
Il faut donc travailler clairement vers l'avenir pour pouvoir progresser. On ne peut pas rentrer dans les détails maintenant. Chaque pays sait ce qui va l'affecter plus particulièrement et nous voulons tous avancer vers l'avenir, mais on ne peut pas rentrer dans les détails actuellement. Sans aucun doute, l'Espagne et la France sur ce point et sur la question institutionnelle vont être en contact pour commencer à travailler dès demain à ce sujet.
LE PRESIDENT - Sur l'isolement éventuel de l'Espagne, je voudrais d'abord dire que c'est une illusion de croire que les choix de politique intérieure ont leur répercussion sur le plan de la politique européenne, qui est fonction des intérêts des Etats, qui s'imposent quels que soient par ailleurs les choix politiques internes.
Deuxièmement, l'Espagne aujourd'hui, compte tenu de son extraordinaire progrès et sa grandeur retrouvée que j'évoquais tout à l'heure, ne peut être isolée par personne en Europe et si, par hypothèse d'école, la question se posait, en tous les cas je peux vous dire que la France ne le permettrait pas.
QUESTION - Deux questions, l'une pour le Président de la République et l'autre pour le Président du Gouvernement espagnol.
Monsieur Chirac, croyez-vous qu'il serait nécessaire, peut-être en France, peut-être grâce à l'intermédiation du Gouvernement français, que le Gouvernement espagnol ait certain contact avec la bande terroriste de l'ETA pour essayer de trouver la paix ?
Monsieur le Président du Gouvernement espagnol, croyez-vous qu'avant la fin de l'année, nous arriverons à un accord pour débloquer la question de l'OTAN avec la Grande-Bretagne ? Avez-vous prévu personnellement de parler avec le Premier ministre Tony Blair pour trouver une solution à ce problème ?
LE PRESIDENT - Sur le premier point, je n'ai pas de commentaire à faire. Le Chef du Gouvernement espagnol a dit ce quil pensait pour ce qui concerne le terrorisme et je partage tout à fait son sentiment.
MONSIEUR AZNAR - Sur cette question, je parlerai un peu plus parce que vous savez quactuellement lEspagne a trois éléments déterminants, ou quatre plutôt, quant à la sécurité et qui sont très importants. Tout dabord, la mise en marche de nos forces armées complètement professionnelles, un processus qui a subi un essor très important et qui continuera son essor en 1998. Je souhaite que ces forces armées professionnelles soient une réalité en Espagne dès le début du XXIème siècle.
Puis, nous avons le renouvellement de nos forces armées qui va de pair avec le processus de professionnalisation et qui affecte différents domaines, différents secteurs de la défense. Par exemple, depuis un certain temps déjà, je parlais avec le Président Chirac qui mavait dit quil sintéressait à la Marine. Cest une question dont nous avons parlé pendant longtemps dans le cadre du processus de renouvellement de nos forces armées. Je peux vous dire également que la Marine espagnole est arrivée à la conclusion suivante : dans un bref délai, on va renouveler les sous-marins, qui vont être des sous-marins scorpene français et qui vont être achetés par la Marine espagnole. Cest la décision qui semble la plus appropriée du point de vue de lévolution de notre Marine.
Nous avons pris des décisions également pour les forces aériennes et avec larmée de Terre et cest une décision que nous devons affronter à lavenir. Ce sont des questions dont on a parlé depuis longtemps et donc jai déjà discuté avec le Président Chirac. Nous continuons ce processus de renouvellement.
Troisième processus : lincorporation de lEspagne à la structure de commandement de lOTAN. Nous voulons que cela ait lieu et sans problème. Il y a différentes façons de traiter certaines questions, certains problèmes quun dirigeant politique, un Premier ministre ou un Président, essaie de discuter.
Moi, je préfère traiter des questions plus discrètement en essayant de trouver des solutions. Jai la sensation, et je répète, jai la sensation que vous naurez pas longtemps à attendre pour trouver une réponse à cette question. Jai cette sensation. Je ne veux pas réchauffer certains problèmes. Je nai quune impression et cest une question que nous partageons pleinement avec nos amis français. Cest le développement de lidentité européenne de sécurité défense, de lUnion européenne occidentale, que nous voulons voir renforcer en plein essor dans notre cadre de responsabilités.
LE PRESIDENT - Juste un mot pour exprimer au Président du gouvernement espagnol toute notre reconnaissance, la reconnaissance de la France pour la décision que le gouvernement vient de prendre en ce qui concerne le Scorpene. Cela va être un élément de coopération essentiel entre nos deux pays. Chacun construisant ces sous-marins, qui sont ultramodernes, pour sa propre armée et ensemble, notamment en direction de certains pays dAmérique latine produisant ces sous-marins en commun. Cest un dossier dans lequel je métais beaucoup investi et dont nous avions souvent parlé avec José Maria Aznar, notamment depuis quil est Chef de gouvernement. Je me réjouis que cette coopération, très importante pour nos deux pays, ait pu être finalement arrêtée et décidée. Je voudrais remercier le Président et le Gouvernement espagnols à ce sujet.
QUESTION - Jaimerais savoir du Premier ministre français, du Président de la République si le dossier de la nomination de M. Trichet a été évoquée et si le gouvernement espagnol a donné une opinion ; et aussi, jaimerais savoir si vous avez des craintes après la décision, hier soir, de procéder avec un Conseil de lEuro, craintes dune division en Europe ?
LE PREMIER MINISTRE - Pour ce qui me concerne et nous avions à linstant un conciliabule éclair avec le Président de la République, je crois que cétait la même chose, nous navons pas évoqué le problème de la candidature à la présidence du directoire de la Banque centrale européenne.
En ce qui concerne le Conseil de lEuro, les discussions ont eu lieu encore hier. Les deux ministres de léconomie et des finances sont dailleurs arrivés dans la nuit. Nous, nous pensons quil est logique, quà partir du moment où lUnion a un espace commercial et une monnaie unique pour -les pays participant dès le départ à lEuro- quil doit y avoir une instance de concertation sur les politiques économiques, dans le respect de lindépendance de la Banque centrale pour ce qui est de la gestion de la monnaie, afin de permettre aux représentants des gouvernements de discuter de la politique dinvestissements, de la politique budgétaire, de la politique fiscale, (on a avancé hier sur lharmonisation fiscale, cest une bonne chose), discuter de la politique salariale, de celle de lemploi, non pas pour se substituer au gouvernement car la politique économique est de la compétence nationale, mais pour concerter leur politique. Or, on ne peut pas imaginer quil y ait une monnaie unique, un espace commercial unique et en même temps que cette concertation nexiste pas. Cest cela le sens du Conseil de lEuro que nous avons proposé, nous avons vu que cette idée progressait et était apparue comme logique à tout le monde.
A partir de là se pose effectivement la question de savoir de ce qui peut être fait pour des pays qui, soit parce quils ne peuvent pas, soit parce quils ne le veulent à ce stade même sils envisagent dadhérer à la monnaie unique plus tard, soit parce quils nont pas encore décidé sils le feraient effectivement, se trouvent hors dun éventuel Conseil de lEuro. Nous pensons quil est un petit peu difficile, à un certain nombre de nos partenaires, de vouloir décider, pour ceux qui vont faire lEuro, des conditions dans lesquelles ils vont débattre entre eux. Alors, je crois que les ministres de léconomie et des finances, en particulier espagnol et français, ont tout à fait admis lidée que des informations devaient être données et des contacts pris. Les membres des gouvernements qui vont participer à ce Conseil de lEuro, même si le nom nest pas encore, je crois, choisi, sont aussi des membres de lEcofin, et donc ont une habitude des discussions avec leurs collègues. Il a été, je crois, évoqué lidée que ces réunions autour de lEuro pourraient se tenir dans la même journée, sans doute, que les sessions de lEcofin. Nous sommes donc ouverts, je crois, en tout cas du côté du gouvernement, à ces contacts, à cette information. Nous avons un peu une hésitation à admettre lidée que quelquun ne soit pas dedans et quen même temps il veuille fixer, dune façon un peu rigide, les modes de fonctionnement de ce Conseil. Alors, il faut encore trouver des solutions, semble-t-il, dici le prochain Sommet de Luxembourg. Je crois que ces solutions seront trouvées, mais autour didées de bon sens naturellement.
QUESTION - Je voudrais savoir si M. Aznar est satisfait des explications et des accords auxquels on est arrivé à ce Sommet sur les routiers, le problème des routiers et des marchandises espagnoles. M. Chirac a dit que « la situation avec les routiers pouvait se répéter, avoir lieu une fois de plus » ?
M. Jospin, vous avez eu un entretien avec M. Aznar, est-ce que vous avez parlé des efforts que fait votre gouvernement pour la création de lemploi, et surtout quant à la réduction de la journée de travail à 35 heures ?
MONSIEUR AZNAR - Par rapport à la première question, comme vous pourrez le comprendre, Monsieur le Président Chirac dont je nai pas à faire léloge, ici et maintenant, mais qui a été prudent, discret et intelligent, naurait jamais eu lidée de sengager à ce que plus jamais il ny aura plus jamais dincident nulle part en France par rapport à tout ce qui a trait ou affecte lEspagne. Monsieur le Président Chirac et le Gouvernement français qui ont la responsabilité, ont la volonté bien décidée daffronter ces décisions. Il est évident quil faut parler de ces questions avec beaucoup de décision et on doit aller contre les attitudes violentes hors la loi, et il faut respecter la libre circulation des personnes et des marchandises sur le territoire français. Comme le fera et la fait le Gouvernement espagnol dans tous les cas. Cela, cest lattitude du Gouvernement français, je nen ai aucun doute, cest lattitude du Président de la République, je nai aucun doute à ce sujet. Jai toutes les garanties que sil y avait certains de ces problèmes, de ces circonstances qui ont déjà eu lieu, je sais parfaitement quelle va être lattitude du Gouvernement français à ce sujet.
LE PRESIDENT - Je voudrais confirmer tout à fait ce que vient de dire le Président Aznar et ce qui a été confirmé par le Premier ministre français sans ambiguïté. Quant à la deuxième question du journaliste de la télévision espagnole concernant le problème de la réduction du temps de travail, cette question a été traitée lors du Conseil européen sur lemploi de Luxembourg. En revanche, elle nétait pas à lordre du jour de notre Sommet bilatéral, et cest pourquoi il ny a pas lieu de traiter de ce problème ici, en Espagne.
LE PREMIER MINISTRE - Jai compris que sur le temps de travail, la question métait aussi posée. Je dois dire que le Gouvernement français a montré dans le récent conflit des routiers quil faisait face à ses responsabilités, à ses engagements internationaux, il sest efforcé dagir vite et en prenant en compte les problèmes de nos voisins et amis.
Je ne voudrais pas cacher que pour nous le secteur des transports routiers reste un secteur fragile dans notre économie et aussi, je dirais, par ces implications sociales et nous souhaitons poser au niveau européen la question dune meilleure harmonisation des règlements et des législations touchant le secteur routier.
En ce qui concerne le temps de travail, le Président de la République a raison. Cette question de la réduction du temps de travail nétait pas à lordre du jour naturellement de notre Sommet. Disons, simplement, pour que vous soyez correctement informés que dans lentretien que nous avons eu ce matin avec M. José Maria Aznar, nous avons eu un échange bref sur ce point pour nous informer mutuellement.
MONSIEUR AZNAR - Je voudrais ajouter un petit point à ce sujet. Jai la sensation que parfois, je ne dis pas pour cette question concrète, nous avons des positions un peu enfantines par rapport au Gouvernement.
Il y a une position enfantine dont je parlais ce matin pendant le petit déjeuner avec Monsieur le Premier ministre JOSPIN. M. JOSPIN et moi-même, forcément, il faut que nous soyons toujours en désaccord parce quil est du parti socialiste et moi pas. Mais non. Cela na rien à voir. Cest absurde et de plus, non seulement cest absurde mais cest ridicule. Il ne faut construire sur ceci aucune théorie et on ne doit pas penser que cela doit affecter les positions des pays dans un Conseil européen. Cest absurde. Je le répète, cest absurde. Je ne vais jamais être socialiste, que voulez-vous que je vous dise, mais je suis sûr que les relations entre la France et lEspagne sont des relations, je lai déjà expliqué, qui vont continuer à être excellentes et à se renforcer quelles que soient les personnes qui sont au Gouvernement, cest ce qui fait que les nations soient fortes, sérieuses et quelles veulent parier sur lavenir et ont une grande tradition derrière elles.
QUESTION - Monsieur le Président Chirac, pourriez-vous nous informer avec une certaine perspective historique quant aux effets qua eu sur la politique française lapprobation de la loi du point final des partis politiques. Est-ce que cela va avoir une importance sur la vie politique ?
Monsieur Aznar, croyez-vous que lexpérience française est applicable en Espagne ou comme la dit un dirigeant espagnol, il appelait cela la politique du point final ? Quest-ce que cela veut dire, la réglementation des partis politiques ?
LE PREMIER MINISTRE - Cest le problème du financement public des partis politiques.
LE PRESIDENT - Voilà un problème qui est strictement français. Je vous dirai que la situation que nous connaissons à cet égard dans notre pays me paraît satisfaisante et vous comprendrez que je nai pas dautres commentaires à faire à ce sujet.
MONSIEUR AZNAR - De mon côté, je crois quil ne faut pas mélanger les problèmes. Actuellement au Parlement espagnol, il y a un projet de loi de financement de partis. Moi, jaimerais quon arrive à un accord. Le Gouvernement est disposé à arriver à cet accord et cest une procédure normale sur laquelle il faut travailler avec les engagements parlementaires de législation interne de chaque pays. Le reste évidemment sil y a des problèmes auprès de la justice, cest la justice qui doit agir daprès la loi.
Avant de lever la séance, je voudrais parler de deux questions. On a parlé de beaucoup de questions, des Ministres de lindustrie, de coopération industrielle mais il y a une question dont je voudrais parler parce que sinon on court le risque que lon nous dise : « ah ! Vous navez pas parlé de... » Une question importante, cest la question des Iles Canaries et la banane pour la France. il y a un total accord entre la France et lEspagne au moment de la défense des intérêts des producteurs européens par rapport à la banane. Et nous avons aussi parlé des connections différentes entre lEspagne et la France soit à travers les chemins de fer à grande vitesse qui sont en train dêtre construits de grande vitesse à travers la frontière de lEst et à travers la Catalogne et également les nouveaux travaux dinfrastructures dans les Pyrénées à travers la partie espagnole de lAragon. Il y a dautres questions donc qui ont été traitées.
LE PRESIDENT - Je voudrais juste dire une chose pour conclure. Ce Sommet restera en tous les cas dans ma mémoire et je pense que je peux le dire également pour ce qui concerne le Premier Ministre et les Ministres français, dabord parce quil a bien fait apparaître la nouvelle puissance de lEspagne. Cest important, dans le cadre notamment de la construction européenne. Ensuite parce quil nous a fait apprécier naturellement la beauté historique de Salamanque, et enfin parce que nous avons pu apprécier une vrai convergence fondée sur lintérêt mais aussi sur lamitié entre nos deux pays.
Mais tout cela nest rien à côté, à mon sens, de ce que nous avons ressenti hier, notamment hier soir pendant toutes ces promenades au milieu de tous ces étudiants, en particulier beaucoup détudiant français qui étaient là, dont un grand nombre au titre du programme européen Erasmus. Cest grâce à Erasmus, grâce à lEurope que des étudiants français ont le privilège de venir recevoir un enseignement dans lune des premières, des plus anciennes, des plus prestigieuses des universités de lEurope. Nous avons tous parlé avec ces étudiants hier soir. Nous avons regardé, nous avons observé leurs yeux et ils mont paru, tous, courageux et optimistes. En tous les cas, cest ce quils exprimaient directement ou indirectement et cela ma beaucoup impressionné car au fond, cest pour eux que nous faisons lEurope. Alors je voudrais remercier, de ce point de vue, lUniversité de Salamanque qui nous donne un bel exemple de ce que doit être lEurope de demain.