Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la nécessité de contrôler la qualité de l'alimentation animale, la proposition française d'abandon progessif de l'utilisation des farines animales et sur l'étiquettage des OGM (Organismes génétiquement modifiés), Paris, le 17 juin 1999.

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Circonstance : Assemblée générale du SNIA (Syndicat national des industries de la nutrition animale), à Paris, le 17 juin 1999

Texte intégral

Le Ministre de l'Agriculture et de la Pêche, Jean GLAVANY, n'a malheureusement pas pu être présent parmi vous aujourd'hui et il m'a demandé de le représenter.
Lorsque vous avez fixé la date de cette assemblée, vous n'imaginiez certainement pas qu'elle coïnciderait avec l'actualité que nous vivons aujourd'hui, même si le thème " matières premières - les nouveaux enjeux " était tout à fait prémonitoire.

Je ne m'étendrai pas sur le rappel des événements que nous avons pu vivre au cours de ces derniers jours.
Il est encore trop tôt également pour pouvoir tirer un bilan pour les différentes filières agricoles de cette crise dont nous commençons tout juste à sortir. Ce bilan, quoiqu'il en soit, il faudra le faire dans des délais très courts, aussi bien sur l'impact de cette crise sur les filières concernées, ou que sur notre dispositif de gestion de crise.
En revanche, dès maintenant, certains enseignements doivent être retenus.

Le premier, qui n'est pas une découverte, c'est la nécessité, et l'importance de la traçabilité.
On ne le répétera en effet jamais assez, une bonne traçabilité, des aliments, des animaux, des produits, est la condition indispensable à l'efficacité des mesures de prévention des risque sanitaires.
C'est elle qui conditionne la rapidité et la pertinence des dispositifs de précaution qui peuvent être mis en place. On a vu effectivement de l'efficacité qu'autorise une bonne traçabilité dans le cas d'une crise inopinée comme celle que l'on vient de vivre, et il faut s'en féliciter.

Le deuxième, et certainement le plus important à ce stade, c'est l'impératif de qualité sanitaire de l'alimentation animale.
Vous en êtes convaincus depuis longtemps.
Les travaux que vous avez pu mener au sein de votre syndicat et en concertation avec le SYNCOPAC, notamment pour l'élaboration de guides de bonne pratique, en témoignent.
Le débat que nous avons eu ce matin en constitue, s'il en était besoin, une confirmation.
Néanmoins, le fait qu'une contamination, telle que celle que nous venons de subir, puisse survenir et, surtout, la perte de confiance extrêmement rapide du consommateur, doivent nous conduire à une réflexion de fond sur les points critiques de la filière de l'alimentation animale.
Tel est l'objet du Memorandum qui a été présenté par Jean GLAVANY au Conseil des Ministres de l'Agriculture à Luxembourg lundi, et qui détaille les arguments et les orientations qui paraissent à la France devoir être poursuivis.

Le souci de protection du consommateur doit rester notre priorité.
Il doit nous pousser à avancer rapidement dans le sens d'un renforcement (et vous avez raison, Monsieur le Président,) d'harmonisation de la réglementation communautaire.
Il nous faut également prendre en compte la demande pressante et tout à fait légitime des consommateurs de disposer de produits à la fois sains et de qualité.
Or, force est de constater que malgré les enjeux sanitaires majeurs que représente la maîtrise sanitaire de la production des farines animales, malgré tous les efforts déployés, l'Union européenne n'a pas su se doter d'une réglementation sanitaire harmonisée dans ce domaine.

La question de l'utilisation des farines animales est une question récurrente.
Face au risque de propagation de l'ESB, des incertitudes scientifiques perdurent : Le traitement appliqué en équarrissage est il suffisamment efficace ? Toutes les mesures préventives ont elles été prises notamment en matière de sélection des sous produits et déchets valorisables pour l'alimentation animale ?.La protection du consommateur européen est elle réellement assurée alors que les matériaux à risques spécifiés, les cadavres et les saisies d'abattoirs sont encore autorisés dans plusieurs Etats membres ?.Enfin ces réglementations même imparfaites sont elles correctement appliquées?
Il est indéniable que d'une façon générale, la production de farines animales et plus largement la production d'aliments pour animaux doit être sécurisée davantage.
Pour ce faire, et à très court terme, la réglementation animale doit être totalement harmonisée et appliquée avec rigueur.
Mais au delà de ces mesures, il est indispensable qu'une orientation claire soit décidée au niveau communautaires quant à l'utilisation des farines animales pour l'alimentation des animaux, en réponse aux interrogations croissantes et à la perte de confiance du consommateur européen.

C'est dans ce contexte que l'interdiction des farines animales, à ce stade, doit être envisagée.
C'est la raison pour laquelle le Ministre de l'Agriculture et de la Pêche, Jean GLAVANY, a proposé que le Conseil invite la Commission à examiner la question d'un abandon progressif de l'utilisation des farines animales pour l'alimentation des animaux.
Des études sur la faisabilité de débouchés alternatifs, sur les modes de destruction des déchets mais aussi sur la nécessaire évolution des productions végétales sur le territoire de l'Union devront être conduites sans tarder.
Une telle réflexion est en effet, vous l'avez souligné, indissociable d'une réflexion de fond sur les modalités d'approvisionnement en protéïnes végétales et donc sur l'évolution des productions végétales dans l'Union européenne.
Elle devrait nécessairement nous conduire à envisager, en prenant en compte le prochain cycle de négociations multilatérales, le cadre de l'organisation du marché des oléoprotéagineux pour prévenir l'aggravation du déficit communautaire.
Il s'agit donc d'une orientation très ambitieuse, mais qui nous paraît nécessaire pour préserver durablement la confiance du consommateur et pour répondre à un intervenant sur le fait qu'il ne faut pas rêver, je préciserai que mettre en avant la sécurité du consommateur et confronter cette sécurité aux mécanismes de la mondialisation s'inspire plutôt d'une légitime ambition que du rêve même et si dans toute ambition, il y a une part de rêve. Soyons ambitieux et déterminés dans la perspective des futures négociations OMC.
Je dirai un mot de l'évolution de notre dispositif public d'expertise et de contrôle destiné à assurer la sécurité des aliments ; la création de l'AFSSA peut incontestablement clarifier les rôles et responsabilités dans la gestion du risque sanitaire; le bon exercice du principe de précaution, qui fonde le comportement des pouvoirs publics en la matière, suppose une excellente capacité d'expertise préalable ; tel est le rôle de l'AFSSA.

Je voudrais également intervenir sur un autre point que vous avez évoqué, celui des Organismes génétiquement modifiés et de leur étiquetage.
Les principes de l'étiquetage ont été précisés au niveau communautaire en ce qui concerne les produits issus d'OGM destinés à l'alimentation humaine, même si des progrès restent à faire sur certains aspects techniques. En revanche, la Commission européenne n'a toujours pas proposé de texte sur les nouveaux aliments destinés aux animaux.
En attendant, ce sont donc les orientations données au niveau français en février 1997 qui restent valables. Ainsi, les produits transformés issus de façon probable de maïs ou de soja génétiquement modifiés devraient faire l'objet d'un étiquetage, sauf examen permettant de vérifier l'absence de protéine ou de brin d'ADN différent de la plante traditionnelle. L'application de ce principe pourrait être facilitée à l'avenir, dans la mesure où la mise au point de méthodes analytiques et la définition de seuils dans le cadre de l'alimentation humaine seraient transposables à l'alimentation animale.

Par ailleurs, la valorisation commerciale de certains produits animaux par le biais d'une indication sur le mode d'alimentation des animaux dont ils sont issus, se situe dans deux cadres :

  • 1° label ou certification lorsque le mode d'alimentation apporte des garanties particulières sur les caractéristiques des produits animaux,
  • 2° allégations particulières de l'opérateur dès lors qu'il est en mesure d'en prouver la véracité, notamment par un système de traçabilité, et dans le respect des règles de commercialisation existantes.

En outre, je vous rappelle qu'un avenant au cahier des charges sur le mode d'agriculture biologique exclut l'utilisation d'OGM ou de produits qui en sont issus dans l'alimentation des animaux.
Enfin, un projet auquel le Ministère de l'Agriculture et de la Pêche participe, étudie la faisabilité d'une filière non OGM. Animé par un chercheur de l'INRA, M. VASLESCHINI, il devrait nous donner des premières conclusions d'ici la fin de l'année.

Je ne peux malheureusement évoquer ici tous les sujets qui mériteraient de l'être et dont certains ont été soulevés lors des discussions ce matin. D'autres rendez-vous sont attendus ; le dossier de l'utilisateur des antibiotiques en alimentation animale restera d'actualité.

En guise de conclusion, je tiens à vous rappeler que Jean GLAVANY est particulièrement attaché à ce que se poursuive une collaboration étroite avec les services du ministère, tout particulièrement dans la perspective des réflexions qui devront être menées dans les prochaines semaines et les prochains mois.
Vous avez raison de mettre en avant le principe de corresponsabilité, Monsieur le Président, et nous sommes convaincu du sens des responsabilités de structures comme la vôtre. Votre discours s'il en était besoin, le confirme. La gestion des défis qui s'impose à nous, en matière de réforme des processus d'élaboration des produits destinés à l'alimentation animale suppose une très étroite concertation entre Pouvoirs Publics et professionnels, je sais que vous y êtes prêt et au nom de Jean GLAVANY, je vous en remercie.

(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 24 juin 1999)