Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs.
Le Sénat examine aujourd'hui les conclusions de votre commission des lois concernant la proposition de loi déposée par M. Aymeri de Montesquiou tendant à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines en matière de terrorisme.
Je comprends parfaitement les motifs ayant motivé le dépôt de la présente proposition de loi, liés aux événements tragiques du 11 septembre 2000 et qui ont choqué l'ensemble de la communauté internationale.
Toutefois, et sans sous-estimer ni la menace terroriste ni l'horreur de ces crimes, le Gouvernement est opposé à cette proposition de loi.
La position du Gouvernement rejoint ainsi celle de votre commission des lois et de son rapporteur, Monsieur de Richemont, qui ont décidé de ne pas retenir le texte de cette proposition.
Le premier objet de cette proposition est de rendre les crimes terroristes imprescriptbles.
Je vous rappelle que depuis 1996, la prescription des crimes terroristes est de trente ans au lieu des 10 ans, prévus par le droit commun.
Compte tenu de l'extrême longueur de ce délai de trente ans, il n'apparaît pas nécessaire, au regard de considérations d'efficacité, de modifier à nouveau la loi et de prévoir l'imprescriptibilité de ces crimes.
Faut-il alors, pour des raisons symboliques, rendre imprescriptibles ces crimes ?
Je ne le pense pas non plus.
Il n'est en effet pas envisageable de porter atteinte au caractère spécifique des crimes contre l'humanité, qui justifie que l'imprescriptibilité soit réservée à ces seuls crimes et qu'elle ne soit pas étendue à d'autres infractions, quelles que soient leur nature ou leur gravité.
Etendre à d'autres crimes que les crimes contre l'Humanité le principe d'imprescriptibilité reviendrait à mon sens à affaiblir la notion de crime contre l'Humanité.
Et en disant cela, je ne banalise pas un seul instant les crimes du 11 septembre, car après analyse, il apparaît bien que ces crimes, par leur nature et leur extrême gravité, constituent en réalité, outre des actes de terrorisme, des crimes contre l'Humanité.
Ils paraissent en effet tomber sous le coup de l'article 212 -2 du code pénal qui réprime (...) la pratique massive et systématique (...) d'actes inhumains inspirés par des motifs politiques (...) raciaux ou religieux et organisés en application d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile.
Le second objet de la proposition de loi est de rendre incompressibles les peines en matière de terrorisme, y compris la réclusion criminelle à perpétuité.
Cette proposition est toutefois contraire à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 janvier 1994.
Le Conseil constitutionnel a en effet jugé dans cette décision que "l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion".
Ainsi, le Conseil constitutionnel n'a déclaré conforme à la constitution les dispositions de la loi du 1er février 1994 qui instauraient la "peine perpétuelle incompressible" pour les assassinats d'enfants qui sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité que parce que cette peine n'était pas véritablement incompressible, dans la mesure où la période de sûreté pouvait être levée à l'issue d'un délai de trente ans.
Je vous rappelle au demeurant que lors de l'examen de cette loi, c'est votre Assemblée qui avait pris l'initiative d'amender le texte du projet initial, qui prévoyait une perpétuité incompressible, pour permettre une possibilité de lever la période de sûreté après trente ans.
Prévoir l'incompressibilité des peines en matière de terrorisme serait donc contraire à la Constitution.
D'une manière générale, notre arsenal juridique actuel contre les actes de terrorisme présente une particulière sévérité, et il est adapté pour lutter contre la menace à laquelle doivent aujourd'hui faire face les Etats de droit.
Comme vous le savez, cet arsenal a d'ailleurs été sensiblement amélioré par plusieurs dispositions figurant dans la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, que le Gouvernement a demandé au Parlement d'adopter suite aux attentats du 11 septembre.
Il n'y a donc aucune raison de le modifier.
Je vous demande donc de ne pas retenir cette proposition, ainsi que vous y invite votre commission des lois.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 18 février 2002)
Mesdames et Messieurs les sénateurs.
Le Sénat examine aujourd'hui les conclusions de votre commission des lois concernant la proposition de loi déposée par M. Aymeri de Montesquiou tendant à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines en matière de terrorisme.
Je comprends parfaitement les motifs ayant motivé le dépôt de la présente proposition de loi, liés aux événements tragiques du 11 septembre 2000 et qui ont choqué l'ensemble de la communauté internationale.
Toutefois, et sans sous-estimer ni la menace terroriste ni l'horreur de ces crimes, le Gouvernement est opposé à cette proposition de loi.
La position du Gouvernement rejoint ainsi celle de votre commission des lois et de son rapporteur, Monsieur de Richemont, qui ont décidé de ne pas retenir le texte de cette proposition.
Le premier objet de cette proposition est de rendre les crimes terroristes imprescriptbles.
Je vous rappelle que depuis 1996, la prescription des crimes terroristes est de trente ans au lieu des 10 ans, prévus par le droit commun.
Compte tenu de l'extrême longueur de ce délai de trente ans, il n'apparaît pas nécessaire, au regard de considérations d'efficacité, de modifier à nouveau la loi et de prévoir l'imprescriptibilité de ces crimes.
Faut-il alors, pour des raisons symboliques, rendre imprescriptibles ces crimes ?
Je ne le pense pas non plus.
Il n'est en effet pas envisageable de porter atteinte au caractère spécifique des crimes contre l'humanité, qui justifie que l'imprescriptibilité soit réservée à ces seuls crimes et qu'elle ne soit pas étendue à d'autres infractions, quelles que soient leur nature ou leur gravité.
Etendre à d'autres crimes que les crimes contre l'Humanité le principe d'imprescriptibilité reviendrait à mon sens à affaiblir la notion de crime contre l'Humanité.
Et en disant cela, je ne banalise pas un seul instant les crimes du 11 septembre, car après analyse, il apparaît bien que ces crimes, par leur nature et leur extrême gravité, constituent en réalité, outre des actes de terrorisme, des crimes contre l'Humanité.
Ils paraissent en effet tomber sous le coup de l'article 212 -2 du code pénal qui réprime (...) la pratique massive et systématique (...) d'actes inhumains inspirés par des motifs politiques (...) raciaux ou religieux et organisés en application d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile.
Le second objet de la proposition de loi est de rendre incompressibles les peines en matière de terrorisme, y compris la réclusion criminelle à perpétuité.
Cette proposition est toutefois contraire à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 janvier 1994.
Le Conseil constitutionnel a en effet jugé dans cette décision que "l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion".
Ainsi, le Conseil constitutionnel n'a déclaré conforme à la constitution les dispositions de la loi du 1er février 1994 qui instauraient la "peine perpétuelle incompressible" pour les assassinats d'enfants qui sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité que parce que cette peine n'était pas véritablement incompressible, dans la mesure où la période de sûreté pouvait être levée à l'issue d'un délai de trente ans.
Je vous rappelle au demeurant que lors de l'examen de cette loi, c'est votre Assemblée qui avait pris l'initiative d'amender le texte du projet initial, qui prévoyait une perpétuité incompressible, pour permettre une possibilité de lever la période de sûreté après trente ans.
Prévoir l'incompressibilité des peines en matière de terrorisme serait donc contraire à la Constitution.
D'une manière générale, notre arsenal juridique actuel contre les actes de terrorisme présente une particulière sévérité, et il est adapté pour lutter contre la menace à laquelle doivent aujourd'hui faire face les Etats de droit.
Comme vous le savez, cet arsenal a d'ailleurs été sensiblement amélioré par plusieurs dispositions figurant dans la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, que le Gouvernement a demandé au Parlement d'adopter suite aux attentats du 11 septembre.
Il n'y a donc aucune raison de le modifier.
Je vous demande donc de ne pas retenir cette proposition, ainsi que vous y invite votre commission des lois.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 18 février 2002)