Déclaration de M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, sur les mesures gouvernementales prises pour évaluer les risques ou les bienfaits liés aux OGM, Paris, le 18 décembre 2001.

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Circonstance : Clôture du colloque "OGM et alimentation : peut-on évaluer les bénéfices pour la santé ?" à Paris, le 18 décembre 2001

Texte intégral

Je voudrai remercier et féliciter l'AFSSA, en particulier le Président, M. Chevassus-au-Louis, le directeur, M. Hirsch et le président du comité d'experts sur les biotechnologies, M. Schwartz, pour cette initiative et pour la qualité de l'organisation de ce colloque.
La première préoccupation du gouvernement sur ce dossier a d'abord été et reste encore la sécurité des produits. Nous avons toujours appliqué strictement le principe de précaution dans la gestion de ce dossier et oeuvré au niveau communautaire pour une meilleure prise en compte de ce principe.
Pour reprendre l'expression de M. Le Déaut dans son rapport de la Conférence des citoyens de juillet 1998, s'il y a le moindre risque même faible, concernant une plante transgénique, le produit doit être interdit jusqu'à ce que le risque soit maîtrisé.
Nos instances scientifiques chargées de l'évaluation des risques liés aux OGM, l'AFSSA et la CGB (Commission du Génie Biomoléculaire), n'ont pas émis d'avis indiquant un risque de santé publique pour les OGM actuellement autorisés ou suite à la découverte par la DGCCRF de traces d'OGM dans des semences. Pour autant, des interrogations subsistent et le débat scientifique n'est pas clos.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement maintient une grande vigilance sur les effets éventuels à long terme. Dans cette objectif, il faut souligner les actions que nous menons, en particulier :
- un dispositif de biovigilance mis en place dès 1998 ;
- des contrôles à tous les stades de la filière effectués par la DGCCRF, les services du ministère de l'agriculture ainsi que les douanes ;
- des études engagées par l'AFSSA sur la consommation alimentaire ;
- un programme de recherche sur les allergies que Bernard Kouchner vient de lancer.
Mais, les conclusions "tel OGM ne présente pas de risque en l'état actuel des connaissances" ou "il n'existe pas de risque zéro" ne satisfont pas les citoyens.
Le dernier Eurobaromètre publié en décembre le confirme : une large majorité des consommateurs (80 %) expriment des craintes vis à vis des OGM et est opposée à en consommer.
En effet, le débat sur les OGM dépasse le cadre strictement scientifique du point de vue sécuritaire et soulève des questions plus larges en termes de consommation, de modes de production, d'objectifs de recherche, questions qui concernent l'ensemble de la société civile.
Ce colloque sur "les éventuels bénéfices sanitaires" des OGM, première européenne comme l'a indiqué M. Hirsch, me semble d'autant plus utile que la question fondamentale que se pose le consommateur est "à quoi sert un OGM ?".
On dit que le consommateur est irraisonné. Je ne le crois pas. Comment voulez-vous qu'il accepte des interrogations ou souhaite les OGM si on ne peut pas lui prouver un intérêt ?
Par ailleurs, il est appréciable que ce débat soit basé d'abord sur une approche rigoureuse et sans a priori, ni "diabolisation", ni postulat sur les bénéfices. Ce qui n'est pas antagoniste avec le débat contradictoire mais évite de tomber dans la polémique. Je reconnais là les qualité d'indépendance, d'excellence et de transparence de l'AFSSA !
Les conclusions de ce débat seront utiles à plusieurs titres :
- il me semble important que la question de l'intérêt d'un OGM soit posée en amont dans le processus de recherche et débattu avec les consommateurs (avant de poursuivre plus avant le développement voire les expérimentations). J'invite donc les professionnels comme les organismes de recherche à développer ce type de consultation ;
- quand un bénéfice est avancé, qu'il s'agisse d'un OGM ou non, cette allégation doit être prouvée. Aussi, il convient de disposer de principes d'évaluation de ces éventuels bénéfices. Si ce colloque dresse un premier état des lieux, je souhaite qu'il aboutisse à terme à l'établissement de lignes directrices pour l'évaluation. Ces principes permettront de mieux appréhender une approche "bénéfices-risques" dans le processus de décision et de gestion ;
- enfin, la synthèse de ce colloque sera versée au débat en public sur les expérimentations en plein champ qui aura lieu au début de l'année 2002.
Un débat de plus, comme j'entends certains déjà ironisé. En matière d'OGM, le débat n'est pas nouveau et il n'est pas clos non plus. En revanche, il évolue et le gouvernement s'est fixé une exigence de dialogue permanent avec l'ensemble des acteurs de la société civile.
Je voudrai d'ailleurs rappeler l'initiative de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques qui, en juillet 1998, a ouvert la voie sur une nouvelle forme de débat en organisant la conférence des citoyens sur les OGM. Il y a eu ensuite les Etats Généraux de l'Alimentation et plus spécifiquement les soixante débats publics organisés sur tout le territoire par trois associations de consommateurs afin d'informer et recueillir au plus près l'expression des citoyens. Sans compter les travaux menés par le Conseil National de la Consommation et le Conseil National de l'Alimentation sur ce dossier depuis 1997.
A chaque fois des réponses ont été apportées. J'indiquerai notamment :
- pour les OGM disséminés dans l'environnement, nous avons obtenu au niveau communautaire un renforcement des procédures d'évaluation et de surveillance biologique des OGM avec la nouvelle directive 2001/18 du 12 mars 2001 qui remplacera en octobre 2002 le cadre actuellement en vigueur depuis 1990. Cette nouvelle directive prévoit, en outre, une plus grande transparence dans les procédures, une consultation du public et la création de registres publics sur la localisation des cultures. Sur ces aspects, nous avons demandé à la Commission du Génie Biomoléculaire (CGB) d'anticiper ce dispositif ;
- dans le même sens, un nouveau dispositif est actuellement débattu au niveau communautaire pour les OGM et leurs produits dérivés destinés à l'alimentation humaine et animale ;
- en matière de traçabilité et d'étiquetage, le gouvernement a, là aussi, joué un rôle moteur au niveau communautaire afin que soit défini un dispositif complet, cohérent et efficace, se traduisant par :
* un étiquetage qui ne doit plus souffrir d'ambiguïté afin que le consommateur dispose d'une information claire et fiable lui permettant de choisir ;
* une traçabilité à tous les stades de la filière afin d'assurer la loyauté des transactions et permettre une surveillance renforcée de la sécurité sanitaire et environnementale ;
* des moyens de contrôle améliorés tant pour les services officiels que pour les professionnels : registre public des moyens analytiques et harmonisation des méthodes.
J'ai rencontré les associations de consommateurs sur ce sujet en octobre dernier qui ont globalement bien accueilli les propositions de la Commission. J'ai demandé que les modalités techniques proposées par la Commission, en particulier le seuil, soit étudié dans le cadre du Conseil National de la Consommation. Le prochain CNC plénier du 20 décembre sera l'occasion de faire un point sur ce dossier.
Bien entendu, ce n'est pas l'étiquetage et la traçabilité qui rendront acceptables ou intéressants les OGM pour le consommateur. (Et ce n'est pas le but !). Mais c'est une demande légitime du consommateur de pouvoir exprimer son choix, demande exprimée aujourd'hui par près de 95 % des consommateurs européens.
En conclusion, la politique du gouvernement sur ce dossier a toujours suivi trois principes : la précaution, la vigilance et la transparence. Ces lignes directrices ne sont pas spécifiques aux OGM mais s'appliquent plus largement dans le domaine de la santé publique.
(source http://www.afssa.fr, le 5 février 2002)