Texte intégral
R. Elkrief Vous êtes ministre de l'Agriculture, mais aussi probable directeur de campagne du probable candidat Jospin. C'est la troisième censure du Conseil constitutionnel en un mois. C'est une "nouvelle claque", comme le dit J.-P. Chevènement ?
- "Je comprends que J.-P. Chevènement, qui a toujours intérêt à justifier un peu plus son départ du Gouvernement, essaie d'envenimer les choses. Moi, je ne ressens pas cela comme une claque. Il y a le fond et la forme. On pourra parler, j'espère, du fond de l'invalidation. Pour le reste, je retiens surtout que l'immense majorité du texte sur la Corse a été validé, puisque tous les articles ont été validés, sauf un et demi."
C'était l'article essentiel...
- "Parce que vous trouvez que tous ces transferts de compétences qui sont validés ne sont pas essentiels ? Le plan pour l'investissement, c'est-à-dire tout le plan pour le développement économique, n'est-ce pas essentiel ? Je pense que l'essentiel du processus est tout à fait sauvegardé. Ceux qui ont fait ces recours, ces gens de droite qui ne veulent pas régler le problème en Corse, qui essayent d'envenimer la situation en Corse, avaient fait un recours sur 14 articles. Il y en a 13 et demi qui sont validés, avec tout le reste. Je pense que l'essentiel du processus est sauvegardé, que le processus corse va pouvoir se poursuivre, qu'il y aura d'autres avancées si les conditions politiques sont remplies, à la fois en France, au niveau politique national, mais aussi en Corse, au niveau local..."
Qu'est-ce que cela veut dire ? Vous donnez rendez-vous après les élections ? Vous dites aux Corses : "Votez pour Jospin et il va faire après ce qu'il vous a promis" ?
- "Cela veut dire que le processus corse a effectivement prévu d'autres avancées en 2004. Les gens qui ont pris des engagements - la gauche plurielle, le Parti socialiste et L. Jospin qui ont pris des engagements pour que ce processus se poursuive - tiendront ces engagements, s'ils sont en pouvoir de le faire, bien sûr."
Néanmoins, c'est une troisième censure. Je vais citer Libération ce matin : "Ce sont des bombes à retardement qui finissent par exploser". Tout cela va renforcer, on le disait, J.-P. Chevènement, mais aussi J. Chirac, qui fait campagne tous les jours pour dénoncer le bilan du Gouvernement ?
- "Cela nous amène à parler du fond des choses. Je réfute tout à fait la thèse de "bombe à retardement", comme je réfute pour ce qui me concerne, totalement la thèse du transfert de pouvoir législatif qui serait empêché. Il y avait dans cette partie de l'article 1, non pas un transfert de pouvoir législatif, mais une capacité pour l'assemblée territoriale corse de proposer - c'est-à-dire de demander, étant entendu que la loi ne peut être transformée que par le Parlement national. Tout était tout à fait préservé."
Ce n'est pas ce qu'a compris le Conseil constitutionnel...
- "C'est ce qui nous amène à nous interroger, parce que le statut Joxe qui date de 1991 avait déjà une disposition tout à fait comparable à celle-là. C'était passé au crible du Conseil constitutionnel. Je trouve que ce n'est pas facile de réformer en France, quand il y a un Président de la République qui est RPR, un président du Sénat qui est RPR et un Conseil constitutionnel qui est présidé par un ancien du RPR. Cela n'est pas facile de faire bouger la France."
Vous voulez dire que le Conseil constitutionnel est partisan, proche du Président et qu'il bloque les réformes du Gouvernement ?
- "Je ne dis pas cela, parce que ce serait polémiquer..."
Mais vous le laissez entendre sérieusement ?
- "Oui, j'entends un certain nombre de commentateurs qui, à juste titre - je pense à A. Duhamel - disent un peu partout que la France est bloquée, qu'elle n'arrive pas à bouger, que la réforme n'est pas assez audacieuse. Mais là, on veut mettre en place un tout petit mouvement et on nous en empêche. Je trouve que c'est dommage pour la France et pour la Corse. Je pense que les Français en tireront les conséquences."
Est-ce que cette campagne électorale qui commence ne vous empêche pas aux uns et aux autres de gouverner, de vous occuper des affaires de votre ministère ? Je pense à vous, ministre de l'Agriculture. Il y a eu des manifestations depuis 48 heures - des éleveurs dans l'Ouest, des viticulteurs dans le Sud-Est. Sur les éleveurs de l'Ouest, est-ce que vous ne les avez pas un peu oubliés finalement, parce que votre tête est peut-être à la politique générale ?
- "Sûrement pas. Je suis ministre de l'Agriculture et de la Pêche à plein temps. Je fais mon boulot à plein temps et je mets au défi quiconque de prouver que je ne suis pas un ministre à temps plein et qui me consacre entièrement à ma tâche. Peut-être que la précampagne électorale se retrouve, non pas là où vous venez de dire, mais dans certains comportements. Je pense que ces mobilisations sont très marginales et ont des motivations que certains peuvent deviner."
C'est-à-dire ? Que dites-vous exactement ?
- "Je n'accuse personne et je ne fais pas de parano, parce que je suis très serein. Mais il y a des multiplications de mouvements sociaux qui ne sont sûrement pas totalement indemnes d'arrière-pensées politiques. C'est normal et c'est la vie. Il faut aussi les prendre comme tels."
Vous pensez que les éleveurs sont marginaux et qu'ils sont manipulés ou qu'ils veulent faire un peu d'agitation et qui veulent enflammer les campagnes ?
- "Les éleveurs français, qui ont subi une crise très profonde depuis un an et demi, déploient toute leur énergie pour sortir de cette crise. D'ailleurs, je crois que cela commence enfin et cela a été vraiment long de voir les signes de sortie de cette crise. Les cours commencent à se redresser, les exportations se sont mises à bien progresser. Je sens vraiment que l'on est dans un processus de sortie de crise pour la filière bovine. Il était temps. Nous avons décidé de mettre en place un plan qui est ce qu'il est - je sais bien que des éleveurs considèrent que ce n'est pas assez. Mais d'une certaine manière, je n'ai jamais vu des agriculteurs dirent que c'est assez ou encore moins que c'est trop. Mais ils témoignent de la solidarité nationale. Grosso modo, les choses sont en train de s'améliorer un peu partout."
Vous allez les recevoir ? Vous allez proposer des rallonges ?
- "Je les reçois matin, midi et soir. Ma porte est toujours ouverte."
Ceux qui ont manifesté ces derniers jours ?
- "Je ne sais pas si je recevrai particulièrement ceux-là. Je reçois les représentants des organisations sur le plan national. Je vous signale que la FNSEA s'est désolidarisée de ces manifestations et de ces violences. C'est assez marginale."
Est-ce que vous pensez que ces agitateurs, comme vous les appelez, doivent être poursuivis par la justice et sanctionnés ?
- "Quand ils cassent, oui. Je pense que le droit de manifester est totalement libre en France et je pense qu'il est tout à fait normal qu'on laisse les gens manifester. C'est une liberté essentielle. Mais s'ils cassent et se livrent à des violences, oui, il faut les poursuivre. Je n'admets pas la logique qui voudrait qu'un jeune des banlieues qui brûle une voiture soit poursuivi - ce qui est normal - et pas un agriculteur, quand il brûle un car ou une voiture pendant une manifestation. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures. Un citoyen est un citoyen égal aux autres devant la loi, y compris devant la sanction."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 18 janvier 2002)
- "Je comprends que J.-P. Chevènement, qui a toujours intérêt à justifier un peu plus son départ du Gouvernement, essaie d'envenimer les choses. Moi, je ne ressens pas cela comme une claque. Il y a le fond et la forme. On pourra parler, j'espère, du fond de l'invalidation. Pour le reste, je retiens surtout que l'immense majorité du texte sur la Corse a été validé, puisque tous les articles ont été validés, sauf un et demi."
C'était l'article essentiel...
- "Parce que vous trouvez que tous ces transferts de compétences qui sont validés ne sont pas essentiels ? Le plan pour l'investissement, c'est-à-dire tout le plan pour le développement économique, n'est-ce pas essentiel ? Je pense que l'essentiel du processus est tout à fait sauvegardé. Ceux qui ont fait ces recours, ces gens de droite qui ne veulent pas régler le problème en Corse, qui essayent d'envenimer la situation en Corse, avaient fait un recours sur 14 articles. Il y en a 13 et demi qui sont validés, avec tout le reste. Je pense que l'essentiel du processus est sauvegardé, que le processus corse va pouvoir se poursuivre, qu'il y aura d'autres avancées si les conditions politiques sont remplies, à la fois en France, au niveau politique national, mais aussi en Corse, au niveau local..."
Qu'est-ce que cela veut dire ? Vous donnez rendez-vous après les élections ? Vous dites aux Corses : "Votez pour Jospin et il va faire après ce qu'il vous a promis" ?
- "Cela veut dire que le processus corse a effectivement prévu d'autres avancées en 2004. Les gens qui ont pris des engagements - la gauche plurielle, le Parti socialiste et L. Jospin qui ont pris des engagements pour que ce processus se poursuive - tiendront ces engagements, s'ils sont en pouvoir de le faire, bien sûr."
Néanmoins, c'est une troisième censure. Je vais citer Libération ce matin : "Ce sont des bombes à retardement qui finissent par exploser". Tout cela va renforcer, on le disait, J.-P. Chevènement, mais aussi J. Chirac, qui fait campagne tous les jours pour dénoncer le bilan du Gouvernement ?
- "Cela nous amène à parler du fond des choses. Je réfute tout à fait la thèse de "bombe à retardement", comme je réfute pour ce qui me concerne, totalement la thèse du transfert de pouvoir législatif qui serait empêché. Il y avait dans cette partie de l'article 1, non pas un transfert de pouvoir législatif, mais une capacité pour l'assemblée territoriale corse de proposer - c'est-à-dire de demander, étant entendu que la loi ne peut être transformée que par le Parlement national. Tout était tout à fait préservé."
Ce n'est pas ce qu'a compris le Conseil constitutionnel...
- "C'est ce qui nous amène à nous interroger, parce que le statut Joxe qui date de 1991 avait déjà une disposition tout à fait comparable à celle-là. C'était passé au crible du Conseil constitutionnel. Je trouve que ce n'est pas facile de réformer en France, quand il y a un Président de la République qui est RPR, un président du Sénat qui est RPR et un Conseil constitutionnel qui est présidé par un ancien du RPR. Cela n'est pas facile de faire bouger la France."
Vous voulez dire que le Conseil constitutionnel est partisan, proche du Président et qu'il bloque les réformes du Gouvernement ?
- "Je ne dis pas cela, parce que ce serait polémiquer..."
Mais vous le laissez entendre sérieusement ?
- "Oui, j'entends un certain nombre de commentateurs qui, à juste titre - je pense à A. Duhamel - disent un peu partout que la France est bloquée, qu'elle n'arrive pas à bouger, que la réforme n'est pas assez audacieuse. Mais là, on veut mettre en place un tout petit mouvement et on nous en empêche. Je trouve que c'est dommage pour la France et pour la Corse. Je pense que les Français en tireront les conséquences."
Est-ce que cette campagne électorale qui commence ne vous empêche pas aux uns et aux autres de gouverner, de vous occuper des affaires de votre ministère ? Je pense à vous, ministre de l'Agriculture. Il y a eu des manifestations depuis 48 heures - des éleveurs dans l'Ouest, des viticulteurs dans le Sud-Est. Sur les éleveurs de l'Ouest, est-ce que vous ne les avez pas un peu oubliés finalement, parce que votre tête est peut-être à la politique générale ?
- "Sûrement pas. Je suis ministre de l'Agriculture et de la Pêche à plein temps. Je fais mon boulot à plein temps et je mets au défi quiconque de prouver que je ne suis pas un ministre à temps plein et qui me consacre entièrement à ma tâche. Peut-être que la précampagne électorale se retrouve, non pas là où vous venez de dire, mais dans certains comportements. Je pense que ces mobilisations sont très marginales et ont des motivations que certains peuvent deviner."
C'est-à-dire ? Que dites-vous exactement ?
- "Je n'accuse personne et je ne fais pas de parano, parce que je suis très serein. Mais il y a des multiplications de mouvements sociaux qui ne sont sûrement pas totalement indemnes d'arrière-pensées politiques. C'est normal et c'est la vie. Il faut aussi les prendre comme tels."
Vous pensez que les éleveurs sont marginaux et qu'ils sont manipulés ou qu'ils veulent faire un peu d'agitation et qui veulent enflammer les campagnes ?
- "Les éleveurs français, qui ont subi une crise très profonde depuis un an et demi, déploient toute leur énergie pour sortir de cette crise. D'ailleurs, je crois que cela commence enfin et cela a été vraiment long de voir les signes de sortie de cette crise. Les cours commencent à se redresser, les exportations se sont mises à bien progresser. Je sens vraiment que l'on est dans un processus de sortie de crise pour la filière bovine. Il était temps. Nous avons décidé de mettre en place un plan qui est ce qu'il est - je sais bien que des éleveurs considèrent que ce n'est pas assez. Mais d'une certaine manière, je n'ai jamais vu des agriculteurs dirent que c'est assez ou encore moins que c'est trop. Mais ils témoignent de la solidarité nationale. Grosso modo, les choses sont en train de s'améliorer un peu partout."
Vous allez les recevoir ? Vous allez proposer des rallonges ?
- "Je les reçois matin, midi et soir. Ma porte est toujours ouverte."
Ceux qui ont manifesté ces derniers jours ?
- "Je ne sais pas si je recevrai particulièrement ceux-là. Je reçois les représentants des organisations sur le plan national. Je vous signale que la FNSEA s'est désolidarisée de ces manifestations et de ces violences. C'est assez marginale."
Est-ce que vous pensez que ces agitateurs, comme vous les appelez, doivent être poursuivis par la justice et sanctionnés ?
- "Quand ils cassent, oui. Je pense que le droit de manifester est totalement libre en France et je pense qu'il est tout à fait normal qu'on laisse les gens manifester. C'est une liberté essentielle. Mais s'ils cassent et se livrent à des violences, oui, il faut les poursuivre. Je n'admets pas la logique qui voudrait qu'un jeune des banlieues qui brûle une voiture soit poursuivi - ce qui est normal - et pas un agriculteur, quand il brûle un car ou une voiture pendant une manifestation. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures. Un citoyen est un citoyen égal aux autres devant la loi, y compris devant la sanction."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 18 janvier 2002)