Communiqué commun des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de la CEE réunis en Conseil européen, sur l'union européenne, l'union économique et monétaire et la politique étrangère commune, Rome le 28 octobre 1990.

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Circonstance : Conseil européen de Rome les 27 et 28 octobre 1990

Texte intégral

Le Conseil européen a entendu une déclaration de monsieur Baron, président du Parlement européen sur les principaux thèmes de l'ordre du jour de la réunion. D'autre part le président Andreotti a, dans son discours d'ouverture, salué l'unité retrouvée de l'Allemagne et félicité le Chancelier Kohl et M. Genscher, ministre des affaires étrangères, pour leur rôle décisif dans cet événement historique qu'ils ont délibérément voulu placer dans la perspective d'une accélération de la construction européenne.


I - Progrès vers l'union européenne.
Dans ce moment décisif pour l'intégration communautaire, le Conseil européen a décidé de franchir une étape supplémentaire sur la voie de la construction européenne.
Le Conseil européen a eu un échange de vues approfondi sur l'état de préparation, sur la base des rapports présentés par la Présidence, des deux conférences intergouvernementales en vue de l'Union politique et de l'Union économique et monétaire qui vont s'ouvrir en décembre prochain et se dérouler en parallèle, conformément au calendrier fixé à Dublin.

1. Conférence sur l'union politique.
Le Conseil européen a exprimé son appréciation du rapport de la Présidence et de l'avis de la commission au titre de l'article 236 du Traité qui constituent des contributions importantes pour la suite des travaux.
Le Conseil européen a confirmé la volonté de transformer progressivement la Communauté en une Union européenne en développant sa dimension politique, en renforçant sa capacité d'action et en étendant sa compétence (*) à d'autres secteurs complémentaires de l'intégration économique qui sont essentiels pour la cohésion sociale. l'Union européenne sera le résultat d'un processus progressif convenu en commun par les Etats membres
Elle se développera dans le respect des identités nationales et du principe de subsidiarité permettant de distinguer ce qui relève de la compétence de l'Union et ce qui doit rester de la compétence nationale.
 Conformément à la tradition démocratique de tous les Etats membres, et pour accroître la légitimité démocratique de l'Union, il est nécessaire que l'évolution de la Communauté vers l'Union européenne s'accompagne d'un développement du rôle du Parlement européen en matière législative (*) et de contrôle sur l'activité de l'Union, qui avec le rôle des parlements nationaux renforcera la légitimité démocratique de l'Union. Cette même exigence sera confortée par la définition d'une citoyenneté européenne (*) qui s'ajoutera à celle des Etats membres et par la prise en compte, selon des modalités appropriées, des intérêts particuliers des régions.
Parallèlement, le renforcement des autres institutions sera recherché dans un cadre équilibré, en développant les instruments et les procédures qui ont assuré jusqu'ici le succès de la Communauté. Les tâches du Conseil européen et du conseil affaires générales seront également adaptées en relation avec les nouvelles responsabilités.
(*) Sur ces points la délégation britannique préfère ne pas préjuger le débat qui aura lieu lors de la conférence intergouvernementale.
Dans le domaine de la politique extérieure, le Conseil européen a constaté un consensus sur l'objectif d'une politique étrangère et de sécurité commune (*) pou renforcer l'identité de la Communauté et la cohérence de son action sur la scène internationale, qui doivent être à la mesure des nouveaux défis et de ses responsabilités. L'action internationale de la Communauté sera ouverte sur le monde et accordera une place importante à la politique de développement. La Communauté resserrera aussi ses liens avec les autres pays européens pour lesquels des structures de coopération toujours plus étroites devront être recherchées en fonction de leur situation.
Le Conseil européen a constaté la nécessité de revoir les procédures et les mécanismes de préparation, d'adoption et de mise en oeuvre des décisions en matière de politique extérieure de façon à accroître la cohérence, la rapidité et l'efficacité de l'action internationale de la Communauté.
Le Conseil européen considère qu'aucun des aspects des relations extérieures de l'Union ne sera en principe exclu de la politique extérieure commune. Le Conseil européen a constaté un consensus pour aller au-delà des limites actuelles en matière de sécurité (*). Le contenu et les modalités du rôle de l'Union dans le domaine de la sécurité seront définis graduellement en fonction des différents aspects que cette notion recouvre et sans préjudice des obligations qui découlent des arrangements de sécurité auxquels des Etats membres sont parties.
Le Conseil européen demande aux ministres des affaires étrangères de continuer les travaux préparatoires jusqu'à l'ouverture de la conférence intergouvernementale. La Présidence fera rapport sur ces travaux, en tenant compte des avis du Parlement et de la Commission.
(*) Sur ces points la délégation britannique préfère ne pas préjuger le débat qui aura lieu lors de la conférence intergouvernementale.

2. Conférence sur l'Union économique et monétaire.
Le Conseil européen a fixé à Madrid la date du début de la première phase de l'Union économique et monétaire, à Strasbourg et à Dublin le calendrier de la conférence intergouvernementale et de la ratification de ses résultats. Il constate aujourd'hui avec satisfaction les importants développements qui ont suivi ces décisions.
Le Conseil européen a pris connaissance des résultats des travaux préparatoires, qui constituent la base pour la conférence intergouvernementale.
Pour onze Etats membres les travaux pour la modification du Traité devront en particulier s'orienter, pour le stade final de l'Union économique et monétaire sur les éléments suivants :

  • pour l'Union économique, un système de marché, ouvert qui conjugue la stabilité des prix avec la croissance, l'emploi et la protection de l'environnement ; qui vise à des conditions financières et budgétaires saines et équilibrées et à la cohésion économique et sociale. Dans ce but, la capacité d'action des institutions de la Communauté sera renforcée ;
  • pour l'Union monétaire, la création d'une nouvelle institution, qui sera formée des banques centrales nationales et d'un organe central, et qui exercera la responsabilité entière de la politique monétaire.

L'institution monétaire aura la tâche prioritaire d'assurer la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, elle soutiendra la politique économique générale de la Communauté. Elle, ainsi que les membres de son Conseil, seront indépendants de toute instruction. Elle fera rapport aux institutions politiquement responsables.

Avec la réalisation de la phase finale de l'Union économique et monétaire les taux de change seront irrévocablement fixés. La Communauté aura une monnaie unique - un Ecu fort et stable - expression de son identité et de son unité. Durant la phase transitoire l'Ecu sera renforcé et développé.

La deuxième phase commencera le 1er janvier 1994, après que :

  • le programme du marché unique aura été achevé,
  • le Traité aura été ratifié ; et en accord avec ses dispositions :
  • aura été engagé un processus visant à l'indépendance des membres de la nouvelle institution monétaire au plus tard lorsque les compétences en matière monétaire auront été transférées.
  • Le financement monétaire des déficits budgétaires, ainsi que toute responsabilité de la Communauté ou des Etats membres vis-à-vis des dettes d'un autre Etat membre auront été exclus ;
  • le plus grand nombre possible de pays aura rejoint l'accord de change du SME.

Le Conseil européen rappelle que, pour passer à la nouvelle phase, d'autres progrès satisfaisants et durables dans la convergence réelle et monétaire devront être accomplis, en particulier en ce qui concerne la stabilité des prix et le redressement des finances publiques.

Au début de la deuxième phase, la nouvelle institution de la Communauté sera créée. Ceci permettra notamment de :

  • renforcer la coordination des politiques monétaires ;
  • mettre en place les instruments et les procédures nécessaires à la future conduite d'une politique monétaire unique ;
  • superviser le développement de l'Ecu.

- Au plus tard dans trois ans à partir du début de la deuxième phase, la Commission et le conseil de l'institution monétaire feront rapport au Conseil ECOFIN et au Conseil affaires générales sur le fonctionnement de la deuxième phase, et en particulier sur les progrès réalisés en matière de convergence réelle, afin de préparer la décision relative au passage à la troisième phase qui interviendra dans un délai raisonnable. Le Conseil affaires générales soumettra le dossier au Conseil européen.

Le Traité pourra prévoir des dispositions transitoires pour le passage aux étapes successives de l'Union économique et monétaire pour répondre à la situation des différents pays.
Le Royaume-Uni n'est pas en mesure d'accepter la formule exposée ci-dessus. Il convient toutefois que l'objectif premier de la politique monétaire doit être la stabilité des prix, que le développement de la Communauté devrait être fondé sur un système ouvert d'économie de marché, que des déficits budgétaires excessifs devraient être évités, qu'il ne devrait pas y avoir de financement monétaire des déficits et que la Communauté ou ses Etats membres ne doivent pas porter la responsabilité des dettes d'un Etat membre. Le Royaume uni, tout en étant disposé à aller au-delà de la première phase par la création d'une nouvelle institution monétaire et d'une monnaie communautaire commune, considère que des décisions de fond relatives à ces mesures devraient précéder les décisions quant à leur calendrier. Il serait cependant disposé à ce que la formule qu'il préconise entre en vigueur le plus rapidement possible après la ratification de la disposition nécessaire du Traité.

3. Organisation des conférences.
Les deux conférences intergouvernementales s'ouvriront le 14 décembre 1990. Les conférences seront organisées selon les dispositions reprises à l'Annexe I.


II. Relations avec l'URSS.
Le Conseil européen a entendu le rapport préliminaire de la Commission à la suite des contacts qu'elle a eus avec le gouvernement soviétique, conformément au mandat du Conseil européen de Dublin, en vue d'élaborer des propositions sur des crédits à court terme et sur le soutien à apporter à plus long terme aux réformes structurelles.
Le Conseil européen a rappelé l'intérêt qui s'attache au succès des réformes engagées par le gouvernement de l'Union soviétique.
Le Conseil européen a manifesté sa volonté de voir la Communauté contribuer de façon concrète et significative au succès de ces efforts par une coopération dans différents secteurs.
La Commission a été chargée de présenter avant le prochain Conseil européen des propositions en vue des décisions à prendre.
Si des situations demandant une action d'urgence se présentent avant cette date, le Conseil prendra les décisions nécessaires sur base d'une proposition de la Commission.
Le Conseil européen souligne l'importance qui s'attache à une coopération étroite entre la Communauté, les organisations internationales compétentes et les autres pays souhaitant contribuer aux efforts du Gouvernement soviétique. Dans cet esprit, le Conseil européen demande à la Commission de faire des propositions sur un grand accord de coopération commerciale, scientifique et technique avec l'URSS.


III. Pays d'Europe centrale et orientale.

1. Coopération.
Le Conseil européen a pris acte avec satisfaction des progrès enregistrés dans le développement de la coopération entre la Communauté et les pays d'Europe centrale et orientale dans le contexte général de l'action du Groupe des 24 et du programme PHARE. Il a aussi noté les perspectives offertes par de nouveaux accords d'association qui permettront d'approfondir la coopération dans tous les domaines, économique, financier, culturel et politique entre ces pays et la Communauté.
Le Conseil européen est conscient de la responsabilité particulière de la Communauté vis-à-vis de ces pays à un moment où leurs efforts d'ajustement structurel, liés au passage à l'économie de marché, se heurtent à des difficultés supplémentaires dues à des perturbations économiques extérieures qui affectent notamment leur position financière.
Le Conseil européen considère que, dans cette situation, la Communauté se doit de contribuer à la recherche des moyens pour consolider et développer le processus général de réforme engagé dans ces pays, notamment en prenant sa part dans la stabilisation de leur situation financière.
Dans ce contexte le Conseil européen a souhaité le succès du processus d'évolution démocratique en cours en Yougoslavie dans le cadre d'un développement du respect des droits de l'homme et du maintien de l'unité et de l'intégrité territoriale du pays.

2. Aide d'urgence.
Parmi les problèmes multiples et urgents qui se posent en Europe centrale et orientale, le Conseil européen, qui en a été saisi par le gouvernement hongrois, a exprimé sa solidarité aux efforts de ce pays pour résoudre ces graves problèmes économiques et pour le faire évoluer vers une économie orientée vers le marché.
Il réaffirme sa détermination à soutenir fermement la Hongrie sur la route menant à la démocratie, la stabilité et le développement économique, ce qui suppose le refus de toute violence et le respect de la légalité. Dans ce contexte, la Communauté européenne et ses Etats membres aideront la Hongrie à surmonter ses problèmes, en particulier dans le domaine des fournitures d'énergie, dans le cadre du G-24. Ils s'efforceront également d'accorder l'assistance bilatérale dans des délais brefs notamment par l'attribution de la seconde tranche du prêt communautaire.


IV. Crise du Golfe et Moyen Orient.
Le Conseil européen a discuté de la crise du Golfe et de la situation au Moyen Orient et a adopté les déclarations en Annexe II et III.


V. CSCE.
Le Conseil européen a adopté la déclaration en Annexe IV.


VI.- Relations avec les Etats Unis et le Canada.
Le Conseil européen a été informé de l'état des discussions avec les autorités américaines et canadiennes sur les projets de déclaration conjointe sur les relations avec les Etats-Unis et avec le Canada. La question sera réexaminée par le Conseil affaires générales du 12 novembre prochain.


VII. Uruguay Round.
La Communauté européenne reste fermement engagée à contribuer pleinement à une conclusion positive de l'Uruguay Round dans les délais prévus, à la réunion ministérielle de Bruxelles. Ceci, conjugué avec les efforts que la Communauté attend de ses partenaires, renforcera le système multilatéral d'échanges ouverts et, ainsi, maintiendra et développera la prospérité mondiale, ce qui est particulièrement nécessaire pour lutter contre les risques économiques liés à la crise du Golfe. Le Conseil européen demande au Conseil d'arrêter l'accord permettant de soumettre l'offre communautaire dans le secteur agricole aux parties contractantes.