Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur le protocole d'accord permettant un meilleur accès des femmes aux métiers du bâtiment, Paris, le 6 février 2002.

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Circonstance : Signature d'un protocole d'accord sur les métiers du bâtiment à Paris, le 6 févirer 2002

Texte intégral

Monsieur le Ministre délégué,
Mesdames les Secrétaires d'Etat,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,


Je me réjouis de nous voir tous réunis pour la signature d'un protocole d'accord en faveur de l'accès des femmes aux métiers du bâtiment.
C'est incontestablement un événement important pour la profession. Pendant trop longtemps, la question de l'accès des femmes aux métiers du bâtiment ne s'est même pas posée, puisque ces métiers, fondés sur une forte culture du chantier et de l'effort physique, étaient par tradition considérés comme des métiers d'hommes.
Mais c'est aussi un événement important pour tous mes collègues signataires, puisque la promotion vigilante de la parité figure, depuis les débuts de ce gouvernement, parmi les priorités du Premier ministre, Lionel JOSPIN, et de chacune et chacun de ses ministres. Ce n'est pas un effet de mode, c'est la volonté politique d'oeuvrer davantage en faveur de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, partout où c'est possible, y compris au niveau du système éducatif et dans la vie professionnelle.
L'égalité des chances, c'est un véritable enjeu de société, notamment pour l'Europe. Ce principe, reconnu depuis 1957 dans le Traité de Rome, a été plus récemment réaffirmé, en 1999, par le Traité d'Amsterdam. Tous les Etats membres de l'Union européenne doivent travailler au recul des inégalités, à la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, en combattant toutes les discriminations, y compris celle du sexe.
Et il y a du chemin à parcourir: dans le secteur du bâtiment, les représentations sociales restent toujours très ancrées sur l'image de métiers masculins, où les compétences techniques, les capacités physiques, l'autorité nécessaire, la rudesse des conditions de travail sont mises en avant pour justifier le nombre restreint de femmes sur les chantiers.
Nous devons donc collectivement veiller à faire évoluer les représentations sociales, qui sont souvent négatives, mais aussi les comportements de tous les acteurs, et ils sont très nombreux, qui contribuent à l'orientation, l'éducation, la formation professionnelle, l'insertion dans la vie professionnelle et dans l'entreprise.
Et, ce n'est pas toujours le plus facile, nous devons aider à ce que cela change aussi dans l'esprit des jeunes filles et de leurs parents, des femmes elles mêmes, largement nourries et conditionnées par tous ces stéréotypes.
Les services publics dont c'est la compétence, ceux des droits des femmes et de l'égalité notamment, ont déjà entrepris une action résolue d'information générale et de communication. Mais il reste encore beaucoup à entreprendre dans ces domaines de la sensibilisation et de la communication, pour le secteur du bâtiment, si on veut convaincre les acteurs et combattre les stéréotypes.
Oui, nous devons aider les femmes dans leur combat pour leur émancipation et leur reconnaissance, jusque dans le droit à l'exercice de métiers difficiles, dès lors qu'elles le souhaitent et qu'il s'agisse pour elles d'un véritable choix professionnel, éclairé de réelles perspectives de carrière.
Le protocole d'accord que nous allons signer témoigne de cette volonté du gouvernement de mettre en oeuvre, sur ces questions de l'égalité des chances, une politique forte s'appuyant non pas uniquement sur des mesures législatives ou réglementaires, mais aussi sur des engagements contractuels, lisibles et suffisamment concrets pour favoriser, sur le terrain des entreprises, une insertion progressive et durable des jeunes filles et des femmes dans les métiers du bâtiment.
Ce protocole résulte d'un triple constat sur les évolutions du secteur du bâtiment que nous pouvons faire ensemble, et dont le Moniteur des Travaux publics a rendu compte, en avril 2001, dans un numéro spécialement consacré à la place des femmes dans le BTP.

En premier lieu, c'est un secteur où les femmes sont encore très largement sous représentées.

En deuxième lieu, c'est un secteur où les métiers ont connu, et connaissent encore, d'importantes transformations du fait de l'évolution des techniques, des matériaux, des procédés constructifs. Cette évolution est désormais irréversible, elle ne fait plus de la force physique et de la résistance des données incontournables, elle permet donc d'envisager un vrai progrès de la féminisation de l'emploi dans le bâtiment.

Enfin, c'est un secteur où les difficultés de recrutement et les besoins croissants d'une main d'oeuvre qualifiée ont accéléré la prise de conscience des chefs d'entreprises sur la nécessité de ne pas laisser hors du marché du travail autant de compétences potentielles.


L'entrée des femmes dans le secteur du bâtiment peut contribuer au renouvellement des salariés et des qualifications, renouvellement indispensable du fait de la pyramide des âges, dans les toutes prochaines années.
Elle peut aussi contribuer à améliorer l'image du secteur du bâtiment auprès de tous les publics, et même, n'y voyez aucun sous-entendu malsain, des jeunes hommes, qui demeurent la cible essentielle de main d'oeuvre.
Parce que tout métier gagne à la diversité et à l'échange, et parce que des femmes dans l'entourage immédiat du travail quotidien, cela aide à remettre en question des attitudes, des vocabulaires, des comportements, dont on mesure mal, souvent, l'archaïsme, tant on les confond avec la culture professionnelle.
Depuis près de deux ans, j'ai pu constater les efforts importants des chefs d'entreprise pour donner une image plus positive de leurs métiers et ainsi attirer les jeunes. Ces efforts commencent à porter leurs fruits.
La campagne menée depuis 1999 par la fédération française du bâtiment, dans le cadre de son opération "Coup de jeune au bâtiment", a été pour beaucoup dans ces résultats encourageants et dans la prise de conscience de la profession. La constitution au sein de la fédération de groupes de réflexion " femmes " apporte indéniablement un éclairage nouveau à cette démarche de progrès, en privilégiant l'amélioration des conditions d'accueil des jeunes, leur accompagnement et leur insertion dans l'entreprise.
L'objectif principal de l'Etat au travers ce protocole n'est donc pas de se substituer à toutes ces initiatives, mais au contraire d'en renforcer la portée grâce à une mise de commun des moyens disponibles.
Grâce aux mesures négociées, nous pourrons progresser sur divers plans :
- démontrer qu' "une femme sur un chantier, c'est possible !" ;

- améliorer l'orientation scolaire et professionnelle des jeunes filles ;

- inscrire l'intégration des femmes dans une perspective d'égalité professionnelle, en diversifiant les métiers auxquels elles ont traditionnellement accès, en leur ouvrant de réelles perspectives de carrière ;

- évaluer périodiquement, avec les outils appropriés, les progrès dans la féminisation des métiers de la construction.


J'attache une importance toute particulière aux conditions de pilotage, d'animation, de suivi et d'évaluation des actions qui vont être entreprises dans ce cadre contractuel. Elles devront être suffisamment souples pour être crédibles et efficaces, et suffisamment lisibles et transparentes pour faciliter leur évaluation.
Nous nous fixons des objectifs ambitieux, mais ils sont essentiels pour impulser et accompagner sur la durée les changements nécessaires: pour les femmes, bien sûr, mais aussi pour toute la profession du bâtiment, dont c'est l'un des gages du maintien de sa compétitivité économique.

(source http://www.construction.equipement.gouv.fr, le 15 avril 2002)