Déclaration de M.Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur les négociations communautaires relatives à la protection juridique des inventions biotechnologiques, au diagnostic in-vitro, aux matières végétales de substitution utilisées dans la fabrication du chocolat, et aux entraves à la libre circulation des marchandises, Paris le 27 novembre 1997.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil marché intérieur des ministres des Quinze à Paris le 27 novembre 1998

Texte intégral

M. PIERRE MOSCOVICI
Il y a plusieurs points en discussion qui sont importants pour l'emploi et qui permettent de définir les instruments juridiques dans un certain nombre de secteurs, qui sont des secteurs d'avenir.

Points discutés :
Protection juridique des inventions biotechnologiques. C'est un texte qui est depuis 10 ans, ou presque, en chantier et on se félicite qu'il ait pu faire l'objet aujourd'hui d'une position commune. Cette directive est le préalable indispensable au développement d'un secteur en Europe pour lequel nous avons pris trop de retard par rapport aux Américains. C'est un secteur dans lequel des centaines de milliers d'emplois pourraient être créés en Europe, dans notre pays même, au cours des 10 prochaines années. Il y a eu des efforts très importants qui ont été faits au cours des derniers mois pour dégager des solutions acceptables par tous et notamment pour prendre en compte les problèmes d'éthique. La France y a joué son rôle et donc là-dessus, je ne vous cache pas ma satisfaction. C'est aussi cela l'Europe de l'emploi.

L'autre texte qui est important et que je retiens, qui va être adopté dans quelques minutes, c'est la position commune sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. La France avait pris une attitude ferme et nous avons écrit avec Bernard Kouchner à la présidence et au commissaire sur deux points que nous jugions importants en terme de santé publique. On nous a répondu positivement et on a pu obtenir un mécanisme de contrôle préalable à la mise en place sur le marché de tels dispositifs médicaux. Dans tous les cas, pour nous, c'était important de marquer que dès qu'il s'agit de santé publique, c'est le principe de précaution qui doit primer de toute autre considération. Alors nous avons été suivis par tous nos partenaires et je n'ai pas de doute que la position commune sera adoptée sans problème et qu'elle intégrera les
préoccupations françaises.

Au déjeuner, on avait eu un premier débat sur la proposition de la Commission d'un mécanisme d'intervention pour l'élimination de certaines entraves aux échanges. Il y a eu plusieurs conflits en France qui ont relancé la question notamment le récent conflit des routiers qui a été traité rapidement par la voie de la négociation. Ce n'est pas exactement ce qui avait motivé l'initiative de la Commission parce qu'elle avait un mandat depuis Amsterdam.
Je constate qu'elle a travaillé vite. Néanmoins, je ne cache pas que pendant le déjeuner, les préoccupations de nos amis et partenaires était quand même assez tournées vers les conflits des routiers.

J'ai pu dire là-dessus que la proposition de la Commission était fondée sur l'article 235 du Traité, ce qui signifie qu'il faudra trouver un consensus en la matière. Cela me parait une position raisonnable et toute autre solution juridique aurait soulevé de très grosses difficultés de notre point de vue. Symétriquement, d'autres souhaitent au contraire d'autres bases juridiques plus contraignantes. Mais nous, nous sommes satisfaits de ce point-là. Je n'ai pas exprimé de réserve sur le fond de la proposition de la Commission. Il fallait être capable d'agir face aux entraves aux échanges y compris par des sanctions. Mais nous voulions dire aussi qu'il fallait traiter les problèmes concrets, qu'il fallait les traiter en amont et faire en sorte que les causes structurelles de ces entraves soient résolues auparavant. Et donc, j'ai demandé à ce que des efforts soient faits à deux niveaux : d'abord, au plan communautaire pour accélérer l'harmonisation par le haut des conditions de travail dans le secteur des transports routiers. Vous savez que la France a déposé un mémorandum sur ce sujet dont nous souhaitons qu'il soit réglé d'ici juillet 1998, qui est la date de l'ouverture complète du secteur de la concurrence. Il y a eu beaucoup de discussions là-dessus mais j'ai essayé d'expliquer à nos amis, qui savaient d'ailleurs ce qu'était qu'un conflit des routiers, qu'il ne suffisait pas de dire qu'il fallait réserver des corridors ou des itinéraires alternatifs, que ce n'est pas si facile à faire, qu'on n'allait pas faire intervenir l'armée, que nous avions procédé à tout cela en une solution très rapide, que nous l'avions fait par la négociation. Je crois avoir été compris. Reste à avancer. Il y aura un premier conseil transport, enfin, pour nous, c'est un préalable au consensus.

Deuxièmement, nous souhaitons qu'au plan bilatéral, on recherche des accords professionnels, particulièrement dans le secteur des fruits et légumes, en termes d'information et de coopération, qui permettent d'éviter des tensions inutiles sur les marchés. Nous avons commencé de telles discussions avec nos amis espagnols. J'ai bon espoir qu'un comité mixte se réunisse avant la fin de l'année, je suis sûr que c'est la meilleure manière de résoudre le problème. Continuons dans cette voie. Telles sont les deux actions que j'ai demandées.
Et puis j'ai soulevé aussi un problème qui concerne la répartition des compétences entre la Commission et les Etats membres, notamment s'agissant de maintien d'ordre public qui relève de la tradition de souveraineté des Etats dont la France est la gardienne jalouse. J'ai fait valoir que, pour ce qui nous concernait, il ne fallait pas que la Commission se considère comme étant désormais responsable de l'ordre public en France. Donc, il faudra, là aussi, trouver des solutions équilibrées. Nous n'en sommes qu'au début mais j'ai noté sur ce texte un assez large accord sur son opportunité. On a salué la Commission de son travail rapide, et personne n'a discuté sa philosophie. Toute une série de questions se posent : la base juridique, une répartition des compétences entre la Commission et les Etats, le respect du droit de grève, le traitement de telle ou telle situation, c'est notamment ce que nous avons fait valoir. La présidence britannique qui prendra le relais, je suis sûr, est très consciente de l'importance de l'affaire et des contraintes de l'exercice.
Le chocolat :

Vous savez que la France est attachée depuis l'origine à l'interdiction d'utilisation de matières végétales de substitution dans le chocolat. Nous pensons qu'une harmonisation de la règlementation communautaire sur cette base est possible. Il nous semble toujours que la proposition de la Commission est de nature à porter atteinte à l'intégrité du chocolat telle que le connait la majorité des consommateurs communautaires et en outre que l'absence d'un tel contrôle qui permettrait de quantifier les matières grasses végétales ajoutées dans le chocolat, ne plaide pas en faveur de cette libéralisation. La France estime par ailleurs que l'adoption de la proposition de directive aurait de graves conséquences sur les économies des pays producteurs de cacao, sur les principaux d'entre eux. D'ailleurs, nous doutons même de la compatibilité de cette proposition avec les engagements internationaux de la Communauté. Donc, nous aimerions que sur ces deux points, la Commission prenne officiellement position d'un seul document écrit, nous souhaiterions enfin que les amendements du Parlement européen, - tous ne sont pas parfaits d'ailleurs -, soient à l'avenir davantage pris en compte. Voilà ce que nous dirons cet après-midi dans la discussion.

J'ai rencontré, en outre, le commissaire Monti sur un certain nombre de dossiers concernant le Marché intérieur. Ce Conseil, quelles que soient les apparences, était un Conseil important.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 décembre 2001)