Texte intégral
Comment la CFDT aborde-t-elle la question de l'affectation des bonnes rentrées fiscales ?
S'il s'avère que le gouvernement dispose d'excédents budgétaires, la priorité doit être donnée à un investissement sur l'avenir. La CFDT ne comprendrait pas qu'une partie significative de ces excédents ne soit pas affectée au fond de réserve créé pour les retraites. Ce serait un signe que le gouvernement se prépare réellement à faire face au choc démographique qui interviendra à partir de 2005. Deuxième affectation possible : le plan d'allégement des charges sociales, décidé au printemps dernier, mais dont le financement n'est pas bouclé. Au-delà, il ne serait pas choquant d'en profiter pour réduire le déficit de l'Etat.
Que pensez-vous de la décision du gouvernement de baisser la TVA ?
La baisse des prélèvements obligatoires ne s'impose pas, pour la CFDT, comme une évidence. Si le gouvernement devait s'engager dans cette voie, cela nécessiterait -au minimum- un débat préalable approfondi sur le rôle et les missions de l'Etat.
Les 35 heures constituent le plat de résistance de la rentrée. Quand le Medef dit que le bilan est nul et les accords inapplicables vous répondez ?
Globalement, l'équilibre des dispositions proposées place la négociation au cour de la réforme et c'est bien l'enjeu principal pour que la réduction du temps de travail devienne effective et crée des emplois. Mais il y a dans cette loi deux dispositions qui nous paraissent être deux bombes qu'il serait opportun de déminer avant qu'elles ne provoquent quelques dégâts. En premier lieu, l'Etat s'arroge purement et simplement un droit de préemption sur les recettes des organismes de Sécurité Sociale, incluant les organismes paritaires -en particulier l'Unedic- mais pourquoi pas l'Arrco et l'Agirc ! C'est là une atteinte radicale à l'autonomie de décision des partenaires sociaux. Un acte de ce genre ne peut se qualifier autrement que d'acte de droit divin : l'Etat décide et nous n'aurions plus qu'à obtempérer. Sur le fond, l'idée que ces organismes devraient restituer à l'Etat une partie des recettes est contestable. Sur la forme elle est exécrable. Il est encore temps pour le gouvernement de ne pas s'engager dans cette voie dangereuse
L'autre pomme de discorde sur les 35 heures ?
Le recours systématique au référendum d'entreprise pour valider ou invalider les accords initié, là encore sans concertation, est lourd de conséquences. Comment ne pas voir que cette disposition est une véritable épine plantée dans le pied des négociateurs syndicaux, qui seront affaiblis face aux employeurs. Il s'agit donc d'une disposition pour le moins paradoxale quand on sait que la réussite de la réduction du temps de travail passe par celle de la négociation. Commencer par affaiblir un des négociateurs est un contre sens total. Au total, cette logique référendaire changerait profondément la nature des rapports sociaux en portant un coup fatal à un système de négociations dont on sait pourtant la fragilité en France.
Il y a tout de même un vrai problème de représentativité des salariés ?
Tout à fait. Mais nous sommes convaincus que c'est la légitimité des acteurs qui garantit la légitimité des accords. Ce qui fonde la légitimité d'un négociateur tient pour beaucoup à son audience électorale. L'idée que les signataires d'un accord doivent représenter la majorité des salariés est à creuser. Elle va dans le sens du renforcement du rôle et de la responsabilité des acteurs sociaux. Evidemment, cela ne veut pas dire leur donner un chèque en blanc. Un négociateur normalement constitué sait qu'il doit consulter et associer en permanence les salariés aux choix qu'il s'apprête à faire en leur nom, y compris par un référendum. Mais celui-ci doit rester un outil à son service. Ce n'est pas au législateur de fixer le moment ou l'usage du référendum d'entreprise.
Le non-agrément ministériel de l'accord signé par la CFDT dans les hôpitaux privés ne constitue-t-il pas une autre déception ?
Là, je suis d'autant plus interloquée que la ministre m'avait personnellement rassurée. Et que les négociateurs s'étaient pliés à de nombreuses demandes ministérielles, au fil de quatre avenants à l'accord. J'en viens à me demander s'il ne serait pas plus simple que le ministère écrive lui-même l'accord et propose sa ratification aux partenaires sociaux. Dans la même veine, je comprends mal le retard pris à l'agrément de l'accord signé dans le secteur des entreprises artistiques et culturelles.
Ce n'est pas de bon augure pour les 35 heures dans l'ensemble des hôpitaux et de la Fonction publique ?
Oui, il faut pourtant y aller. Dans les hôpitaux il y a une formidable opportunité de conjuguer la réduction du temps de travail avec la réorganisation des établissements pour adapter l'offre et la qualité des soins aux besoins de la population, qui évoluent.
Ne serait-ce que pour éviter des suppressions d'emplois ?
Je ne crois pas qu'il soit très sérieux d'envisager des suppressions d'emplois dans les hôpitaux, quels que soient les scénarios. A cet égard, ceux qui agitent le chiffon rouge de 160 000 suppressions d'emplois, qui découleraient des économies proposées dans le plan stratégique de la CNAM, font de l'intoxication. Si la mise en ouvre de ce plan permet des économies tout en garantissant la qualité des soins, elles permettront de financer des besoins mal satisfaits aujourd'hui. Je pense au secteur médico-social pour les handicapés, les personnes âgées, ou encore aux soins dentaires et à la lunetterie. Personne ne peut croire que supprimer des emplois à l'hôpital soit une perspective crédible. Dois-je rappeler que, ces dix dernières années, le nombre d'emplois a augmenté alors même qu'on a supprimé des lits ? Cessons de faire croire que toute réorganisation de l'offre de santé est synonyme de suppressions d'emplois.
Comment appréciez-vous les réticences du gouvernements à accepter le plan de maîtrise des dépenses de santé de la CNAM ?
Le plan stratégique de la CNAM n'est pas à prendre ou à laisser. Mais ce qui est difficilement contestable, c'est qu'il propose de solutions de long terme pour améliorer la qualité de soins et non de simples ajustements comptables et conjoncturels. Que ceux-ci soient maintenant effectués en direction des professions de santé et non plus sur le dos des assurés sociaux ne change rien au problème de fond. Si de tels ajustements sont peut-être utiles en période de transition, ils ne peuvent tenir lieu de politique de maîtrise des dépenses de santé.
Si le gouvernement ne "bouge"pas, la CFDT, gestionnaire de la CNAM, risque de porter le chapeau d'un nouvel échec de la Sécu ?
Il serait injuste de faire porter à la CNAM ou à ses gestionnaires la responsabilité de la dérive des dépenses. Ils n'ont pas les leviers d'intervention pour véritablement mener à bien une politique en profondeur. Il reste à mieux définir et préciser le rôle et la responsabilité réelle de la CNAM.
A vous écouter on vous sent très critique sur la méthode du gouvernement ?
Parce que la méthode de concertation et d'implication des partenaires sociaux n'est pas au point. Parce que les décisions tombent abruptement du haut de l'Etat. J'observe, par exemple, depuis quelques jours, que des décisions seraient prises sur le fonds de réserve des retraites, quant à son rattachement au fonds national de vieillesse, sa composition, etc. Mais la fonction même de ce fonds, son mode d'administration et de gestion n'ont été débattus nulle part. C'est pour le moins étonnant.
C'est le retour à la gauche jacobine des années 80-81 ?
Je lis cela comme une réalité bien française, l'illustration d'un fonctionnement de l'Etat qui se vit comme l'acteur quasi exclusif des changements. En substance, le gouvernement a ouvert les bons chantiers et nous ne sommes pas maltraités. Ce qui est aujourd'hui en jeu, c'est le passage de la définition et de l'impulsion des changements à leur réalisation concrète. A cet égard, l'implication et la responsabilisation des partenaires sociaux est décisive. Sans vraie dynamique sociale, contractuelle, la capacité réformatrice de la société française s'en trouvera amoindrie, même si l'Etat et le législateur font preuve d'une volonté politique sans faille. La relation gouvernement-société civile reste à inventer.
(source http://www.cfdt.fr, le 30 août 1999)
S'il s'avère que le gouvernement dispose d'excédents budgétaires, la priorité doit être donnée à un investissement sur l'avenir. La CFDT ne comprendrait pas qu'une partie significative de ces excédents ne soit pas affectée au fond de réserve créé pour les retraites. Ce serait un signe que le gouvernement se prépare réellement à faire face au choc démographique qui interviendra à partir de 2005. Deuxième affectation possible : le plan d'allégement des charges sociales, décidé au printemps dernier, mais dont le financement n'est pas bouclé. Au-delà, il ne serait pas choquant d'en profiter pour réduire le déficit de l'Etat.
Que pensez-vous de la décision du gouvernement de baisser la TVA ?
La baisse des prélèvements obligatoires ne s'impose pas, pour la CFDT, comme une évidence. Si le gouvernement devait s'engager dans cette voie, cela nécessiterait -au minimum- un débat préalable approfondi sur le rôle et les missions de l'Etat.
Les 35 heures constituent le plat de résistance de la rentrée. Quand le Medef dit que le bilan est nul et les accords inapplicables vous répondez ?
Globalement, l'équilibre des dispositions proposées place la négociation au cour de la réforme et c'est bien l'enjeu principal pour que la réduction du temps de travail devienne effective et crée des emplois. Mais il y a dans cette loi deux dispositions qui nous paraissent être deux bombes qu'il serait opportun de déminer avant qu'elles ne provoquent quelques dégâts. En premier lieu, l'Etat s'arroge purement et simplement un droit de préemption sur les recettes des organismes de Sécurité Sociale, incluant les organismes paritaires -en particulier l'Unedic- mais pourquoi pas l'Arrco et l'Agirc ! C'est là une atteinte radicale à l'autonomie de décision des partenaires sociaux. Un acte de ce genre ne peut se qualifier autrement que d'acte de droit divin : l'Etat décide et nous n'aurions plus qu'à obtempérer. Sur le fond, l'idée que ces organismes devraient restituer à l'Etat une partie des recettes est contestable. Sur la forme elle est exécrable. Il est encore temps pour le gouvernement de ne pas s'engager dans cette voie dangereuse
L'autre pomme de discorde sur les 35 heures ?
Le recours systématique au référendum d'entreprise pour valider ou invalider les accords initié, là encore sans concertation, est lourd de conséquences. Comment ne pas voir que cette disposition est une véritable épine plantée dans le pied des négociateurs syndicaux, qui seront affaiblis face aux employeurs. Il s'agit donc d'une disposition pour le moins paradoxale quand on sait que la réussite de la réduction du temps de travail passe par celle de la négociation. Commencer par affaiblir un des négociateurs est un contre sens total. Au total, cette logique référendaire changerait profondément la nature des rapports sociaux en portant un coup fatal à un système de négociations dont on sait pourtant la fragilité en France.
Il y a tout de même un vrai problème de représentativité des salariés ?
Tout à fait. Mais nous sommes convaincus que c'est la légitimité des acteurs qui garantit la légitimité des accords. Ce qui fonde la légitimité d'un négociateur tient pour beaucoup à son audience électorale. L'idée que les signataires d'un accord doivent représenter la majorité des salariés est à creuser. Elle va dans le sens du renforcement du rôle et de la responsabilité des acteurs sociaux. Evidemment, cela ne veut pas dire leur donner un chèque en blanc. Un négociateur normalement constitué sait qu'il doit consulter et associer en permanence les salariés aux choix qu'il s'apprête à faire en leur nom, y compris par un référendum. Mais celui-ci doit rester un outil à son service. Ce n'est pas au législateur de fixer le moment ou l'usage du référendum d'entreprise.
Le non-agrément ministériel de l'accord signé par la CFDT dans les hôpitaux privés ne constitue-t-il pas une autre déception ?
Là, je suis d'autant plus interloquée que la ministre m'avait personnellement rassurée. Et que les négociateurs s'étaient pliés à de nombreuses demandes ministérielles, au fil de quatre avenants à l'accord. J'en viens à me demander s'il ne serait pas plus simple que le ministère écrive lui-même l'accord et propose sa ratification aux partenaires sociaux. Dans la même veine, je comprends mal le retard pris à l'agrément de l'accord signé dans le secteur des entreprises artistiques et culturelles.
Ce n'est pas de bon augure pour les 35 heures dans l'ensemble des hôpitaux et de la Fonction publique ?
Oui, il faut pourtant y aller. Dans les hôpitaux il y a une formidable opportunité de conjuguer la réduction du temps de travail avec la réorganisation des établissements pour adapter l'offre et la qualité des soins aux besoins de la population, qui évoluent.
Ne serait-ce que pour éviter des suppressions d'emplois ?
Je ne crois pas qu'il soit très sérieux d'envisager des suppressions d'emplois dans les hôpitaux, quels que soient les scénarios. A cet égard, ceux qui agitent le chiffon rouge de 160 000 suppressions d'emplois, qui découleraient des économies proposées dans le plan stratégique de la CNAM, font de l'intoxication. Si la mise en ouvre de ce plan permet des économies tout en garantissant la qualité des soins, elles permettront de financer des besoins mal satisfaits aujourd'hui. Je pense au secteur médico-social pour les handicapés, les personnes âgées, ou encore aux soins dentaires et à la lunetterie. Personne ne peut croire que supprimer des emplois à l'hôpital soit une perspective crédible. Dois-je rappeler que, ces dix dernières années, le nombre d'emplois a augmenté alors même qu'on a supprimé des lits ? Cessons de faire croire que toute réorganisation de l'offre de santé est synonyme de suppressions d'emplois.
Comment appréciez-vous les réticences du gouvernements à accepter le plan de maîtrise des dépenses de santé de la CNAM ?
Le plan stratégique de la CNAM n'est pas à prendre ou à laisser. Mais ce qui est difficilement contestable, c'est qu'il propose de solutions de long terme pour améliorer la qualité de soins et non de simples ajustements comptables et conjoncturels. Que ceux-ci soient maintenant effectués en direction des professions de santé et non plus sur le dos des assurés sociaux ne change rien au problème de fond. Si de tels ajustements sont peut-être utiles en période de transition, ils ne peuvent tenir lieu de politique de maîtrise des dépenses de santé.
Si le gouvernement ne "bouge"pas, la CFDT, gestionnaire de la CNAM, risque de porter le chapeau d'un nouvel échec de la Sécu ?
Il serait injuste de faire porter à la CNAM ou à ses gestionnaires la responsabilité de la dérive des dépenses. Ils n'ont pas les leviers d'intervention pour véritablement mener à bien une politique en profondeur. Il reste à mieux définir et préciser le rôle et la responsabilité réelle de la CNAM.
A vous écouter on vous sent très critique sur la méthode du gouvernement ?
Parce que la méthode de concertation et d'implication des partenaires sociaux n'est pas au point. Parce que les décisions tombent abruptement du haut de l'Etat. J'observe, par exemple, depuis quelques jours, que des décisions seraient prises sur le fonds de réserve des retraites, quant à son rattachement au fonds national de vieillesse, sa composition, etc. Mais la fonction même de ce fonds, son mode d'administration et de gestion n'ont été débattus nulle part. C'est pour le moins étonnant.
C'est le retour à la gauche jacobine des années 80-81 ?
Je lis cela comme une réalité bien française, l'illustration d'un fonctionnement de l'Etat qui se vit comme l'acteur quasi exclusif des changements. En substance, le gouvernement a ouvert les bons chantiers et nous ne sommes pas maltraités. Ce qui est aujourd'hui en jeu, c'est le passage de la définition et de l'impulsion des changements à leur réalisation concrète. A cet égard, l'implication et la responsabilisation des partenaires sociaux est décisive. Sans vraie dynamique sociale, contractuelle, la capacité réformatrice de la société française s'en trouvera amoindrie, même si l'Etat et le législateur font preuve d'une volonté politique sans faille. La relation gouvernement-société civile reste à inventer.
(source http://www.cfdt.fr, le 30 août 1999)