Déclarations de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur les relations franco-mauriciennes, l'action de la Commission de l'Océan indien (COI), les projets culturels communs à vocation régionale comme l'université de l'Océan indien, le renforcement de la coopération économique régionalisé, et la lutte contre le terrorisme, Port Louis le 23 février 2002.

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Circonstance : Réunion du XVIIIème Conseil ministériel de la Commission de l'Océan indien (COI) à Port Louis (Ile Maurice) le 23 février 2002

Texte intégral

(Allocution devant la communauté française à Port Louis, le 23 février 2002) :
Mes chers Compatriotes,
Je vous remercie d'être venus nombreux ce soir afin que nous puissions passer un moment ensemble, dans cette belle résidence de France, avant mon départ pour les Comores, dernière étape de ce voyage dans l'Océan indien. Ce voyage m'a emmené d'abord en Tanzanie, pour la conclusion de l'exercice "RECAMP" de coopération en vue du renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, puis ici à Maurice.
Quelques mots d'abord de ma visite à Maurice.
Je suis venu ici participer à la réunion du Conseil des ministres de la Commission de l'Océan indien, la COI, qui s'est tenue hier et aujourd'hui à l'hôtel Radisson, à la Pointe aux Piments, sous la présidence de mon collègue, M. Anil Gayan. C'est ma deuxième visite à Maurice à ce titre puisque j'avais participé au Conseil de la COI en 1998.
J'ai mis à profit cette réunion multilatérale pour rencontrer le Premier ministre Sir Anerood Jugnauth et le vice-Premier ministre, M. Paul Bérenger.
La COI est une organisation à laquelle la France porte un grand intérêt. Elle regroupe en effet les îles de l'Océan indien : Maurice, Madagascar, les Comores les Seychelles et la Réunion, qui explique et justifie notre présence ici.
Chacun de ces pays a bien sûr ses problèmes propres, que nous suivons avec attention, mais ils ont en commun leur insularité, leurs aspirations au développement et aussi une histoire partagée avec la France, des liens d'amitié qui ne se démentent pas. D'autres organisations internationales existent dans cette région du monde, comme la SADC, le COMESA ou l'IOR-ARC avec lesquelles nous entretenons des relations fructueuses de travail. Nous avons la volonté forte de maintenir ce cadre de coopération plus familier dans lequel chacun des Etats membres se sent à l'aise.
Sans entrer dans le détail des travaux de cette session, je dirai que nous avons bien travaillé et que nous avons pu aboutir à de bonnes décisions sur les dossiers que nous avons traités.
Les Seychelles remplacent désormais Maurice à la présidence tournante de l'organisation et c'est donc dans cet autre pays ami qu'aura lieu le prochain Conseil des ministres.
Les entretiens bilatéraux que j'ai eus à l'occasion de ma visite m'ont permis de constater, une fois de plus, l'excellence des relations entre nos deux pays : culture et langue partagées, liens de toutes sortes tissés au fil du temps donnent des fondements solides à nos relations. Je constate avec plaisir la volonté renouvelée de nos partenaires d'uvrer, comme nous-mêmes, en faveur du renforcement des liens qui nous unissent, notamment la Francophonie, une Francophonie non seulement institutionnelle, mais une Francophonie vivante, forte et qui est une composante de la personnalité de ce pays.
Votre présence ici, ce soir, est l'illustration même de la qualité de cette relation. Vous êtes, me dit-on plus de 7000 français à Maurice, ce qui est beaucoup en valeur absolue mais est encore plus remarquable si on rapporte ce chiffre à la population du pays. Permettez-moi, à cette occasion, de saluer aussi les "franco-mauriciens" - il y en a parmi nous ce soir - qui ont su, pendant si longtemps, préserver leur identité et maintenir leur attachement pour la France. Je ne saurais oublier, non plus, 300.000 touristes français qui viennent chaque année à Maurice. Au-delà de l'apport qu'ils représentent pour l'économie de ce pays, ils constituent un facteur humain de présence et d'échanges toujours renouvelé, un facteur de familiarité entre nos deux pays.
Je crois que les Français s'adaptent sans aucune difficulté à Maurice - comme d'ailleurs les Mauriciens qui sont nombreux en France. On le comprend facilement, tant ce pays est attrayant et sa population accueillante.
Je ne sous-estime pas pour autant les difficultés que rencontrent certains d'entre vous et auxquelles le gouvernement vous aide à faire face.
Je sais notamment que vous êtes préoccupés par l'équilibre et le développement de notre dispositif scolaire que fréquentent, c'est remarquable, plus de 4.000 élèves. On m'a notamment signalé les difficultés que rencontre le nouveau "Lycée des Mascareignes" pour se doter du corps professoral que nécessite la montée rapide de ses effectifs. J'ai bien compris le message. Dès mon retour à Paris, je demanderai aux services compétents de rechercher les meilleures solutions possibles pour résoudre au mieux ce problème.
Mes entretiens avec les principaux dirigeants de ce pays dont je salue les performances remarquables, tant dans le domaine de l'approfondissement des libertés démocratiques que dans l'adaptation permanente de l'économie aux conditions du monde présent, m'ont aussi donné l'occasion d'expliquer les évolutions de notre politique.
Comme vous le savez tous, nous sommes en France à la veille de grandes échéances électorales. Une étape essentielle dans notre démocratie, mais aussi une période qui nous donne l'occasion de faire le point sur le travail accompli depuis cinq ans par notre gouvernement. Dans le domaine de la coopération et de l'aide au développement, nous avons tenu, sous la direction du Premier ministre, Lionel Jospin, le 14 février dernier, une réunion du Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement. Cette réunion nous a permis de prendre des décisions très importantes.
D'abord l'affirmation claire de nos efforts depuis 1995 pour stabiliser, puis redonner un nouvel élan à notre aide au développement, avec en perspective l'objectif du 0,7%.
Ensuite l'aboutissement de nos réformes, sur des sujets aussi importants que la question des crises internationales ou la modernisation de l'assistance technique.
Enfin nous avons fait évoluer notre politique pour mieux l'adapter à l'évolution de nos partenaires et à celle de l'Union européenne pour une coopération élargie intégrant mieux la dimension régionale.
La nouvelle loi d'orientation de l'Outremer, et les nouvelles compétences de la Réunion en matière de coopération régionale, les négociations attendues de l'Union européenne dans le cadre des accords de Cotonou pour la conclusion d'accords régionaux, rendaient ces ajustements nécessaires.
Avec tous les pays de la COI, dont font partie Maurice mais aussi les Seychelles, la coopération française pourra mieux intégrer cette dimension régionale renouvelée. Elle pourra s'appuyer sur les grands instruments dont elle dispose : l'Agence française de Développement dont la compétence a été spécialement élargie par ce CICID du 14 février, les projets régionaux du Fonds de Solidarité Prioritaire, la coopération culturelle et scientifique, l'assistance technique enfin. Nous sommes convaincus de pouvoir désormais travailler efficacement dans ce cadre rénové avec nos partenaires mauriciens.
Un certain nombre d'entre vous représentez ici des entreprises françaises, souvent dans des secteurs avancés de l'économie, auxquels vous apportez vos compétences, votre dynamisme et votre expérience.
La France est désireuse d'encourager ces implantations qui sont mutuellement profitables. Comme le montrent de nombreux exemples, l'association des atouts respectifs des Français et des Mauriciens peuvent nous permettre, ensemble, de contribuer à la modernisation de l'économie de ce pays, mais aussi de favoriser un essaimage, dans les pays voisins, d'entreprises conjointes. Je forme le voeu que le gouvernement de Maurice favorise, comme le gouvernement français, le développement de ces synergies.
Merci à tous d'être là ce soir. A vous tous qui oeuvrez avec conviction et compétence à la consolidation des relations franco-mauriciennes, à nos intérêts communs, et à notre amitié ancienne et profonde.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 février 2002)
(Allocution lors de la cérémonie finale à Port Louis, le 23 février 2002) :
Madame et Messieurs les Ministres, chers Collègues,
Monsieur le Secrétaire général de la Commission de l'Océan indien,
Distingués invités
Mesdames, Messieurs
J'ai été particulièrement heureux de participer aujourd'hui, un an presque jour pour jour après notre dernier Conseil à Tananarive, à cette réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de la Commission de l'Océan indien, à Port Louis. Maurice a pris le relais de Madagascar et a montré tout au long de l'année son attachement à faire progresser la Commission dans le cadre élargi voulu par l'Union européenne. Permettez-moi de remercier notre collègue Anil Gayan pour l'excellence de son accueil malgré les épreuves subies par Maurice lors du passage du cyclone "Dina" qui a provoqué des dégâts importants.
Je voudrais ici marquer l'attachement de la France à la COI. Cette organisation a le mérite unique de rassembler des Etats qui ont en commun d'être insulaires et francophones. Cette organisation est le lieu idéal pour défendre cette spécificité et tisser autour d'elle des solidarités sur des projets concrets.
Nos travaux d'aujourd'hui nous ont permis de résoudre plusieurs points pendants depuis notre dernière réunion. C'est ainsi que le dossier du siège de l'Université de l'Océan indien a été résolu grâce à l'initiative de notre collègue M. Anil Gayan et que nous avons également réfléchi ensemble aux moyens que la COI pourrait mobiliser pour participer à la prévention du terrorisme.
La COI, après dix-huit ans d'existence, est désormais connue et reconnue. Il lui faut cependant s'adapter :
- Je veux parler de la mise en oeuvre de l'accord de Cotonou qui régit les relations entre l'Union européenne et les pays ACP. L'union cherche des interlocuteurs régionaux et développe des instruments - aide et avantages commerciaux - qui bénéficient à des ensembles régionaux.
- Je pense également à la place de La Réunion dans la dynamique d'intégration régionale, ainsi qu'aux possibilités nouvelles qu'offre la loi française d'orientation sur l'Outre Mer, entrée en vigueur le 14 décembre 2000 qui a créé, notamment un fonds de coopération régionale.
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Ces changements ont un effet sur la COI, mais nous ont aussi conduit à faire évoluer notre politique pour nous adapter à l'évolution de nos partenaires et de l'Union européenne et proposer une forme de coopération élargie intégrant mieux la dimension régionale.
Nous avons déjà commencé cette évolution l'an dernier avec la loi sur l'orientation pour l'outremer, en faisant intervenir davantage la Réunion, grâce aux nouvelles compétences que cette loi donne, en matière internationale aux élus des collectivités d'Outre mer, notamment au président du Conseil régional et au président du Conseil général. La région de la Réunion peut ainsi participer à des organisations régionales en qualité de membre associé ou d'observateur, si les statuts de ces organisations le permettent.
De plus, l'AFD est désormais autorisée à intervenir pour financer des projets de coopération régionale, outre ses possibilités d'action en compte propre. L'AFD a vu ainsi également sa compétence élargie hors de la Zone de Solidarité Prioritaire. L'action de la PROPARCO reste inchangée. Notre coopération culturelle scientifique et technique, l'apport d'assistants techniques n'est pas affectée par cette évolution.
La COI devrait bénéficier de cette évolution en devenant le point de départ d'une coopération au niveau régional, son pivot, son point d'appui qui nous permettra des actions plus ambitieuses.
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Notre région, aussi bien dans sa partie insulaire que continentale, a connu de profondes mutations qui accentuent ses déséquilibres structurels. Soumis aux contraintes de la mondialisation des échanges, les Etats de cette zone ont senti la nécessité de participer à des groupements régionaux plus larges que la Commission de l'Océan indien, tels que le COMESA, l'IOR/ARC et la SADC.
La mondialisation du commerce et les incertitudes qui en découlent, accentuent la vulnérabilité d'économies qui dépendent de l'accès de quelques produits aux marchés extérieurs. Les entreprises de la région, notamment dans le secteur de la pêche, sont confrontées à d'importants enjeux en termes d'investissements, d'acquisition de technologie, de diversification des sources d'approvisionnements et de conquête de nouveaux marchés à l'exportation.
Les regroupements régionaux, et notamment la COI, ont permis l'expression de nouvelles solidarités : l'Océan indien, bien plus qu'une frontière, est devenu un lieu d'échanges. Mais ses règles vont devoir évoluer. La dimension régionale figure au coeur de l'accord de Cotonou signé le 23 juin 2000.
La fusion entre les zones Afrique de l'Est et Océan indien va nécessiter un partage des rôles entre les quatre organisations concernées, au sein desquelles, la COMESA serait, selon la Commission, une sorte de primus inter pares. L'année qui vient sera donc décisive pour la COI qui devra prendre toute la mesure de son rôle dans le secteur de concentration qui lui a été confié, celui des ressources maritimes et de l'environnement. Il n'est cependant pas exclu que la COI ait à gérer des fonds supérieurs à ceux dont elle avait la responsabilité au titre des FED précédents.
En matière commerciale, l'accord prévoit une évolution d'un système de préférences non réciproques vers des accords de partenariat économique entre l'Union et des sous-ensembles régionaux, prévoyant l'introduction progressive du libre échange. La négociation de ces accords doit être engagée au plus tard en septembre 2002, pour aboutir avant le 1er janvier 2008. Comme vous le savez, nous nous trouvons aujourd'hui dans une phase préparatoire qui doit permettre aux pays ACP de définir les contours de leurs propres zones d'intégration régionale d'ici le mois de septembre. C'est en effet à eux qu'il appartient de décider.
Au sein de la COI, La Réunion, région ultrapériphérique de l'Union, appartient au territoire douanier communautaire. En vertu du système de préférences non réciproques, qui restera en vigueur jusqu'à la conclusion des accords de partenariat économique, le marché réunionnais demeure ouvert à la plupart des produits ACP, alors que nos exportations sont soumises à des droits de douane chez nos partenaires de la COI. L'introduction, à l'horizon 2008, de la réciprocité dans nos échanges permettra de trouver une solution durable à ce déséquilibre, défavorable à un développement du commerce dans la région.
Bien entendu, la période de transition vers un nouveau régime doit être mise à profit, compte tenu des ajustements auxquels les pays ACP devront procéder, pour se préparer à la conclusion des accords de partenariat économique régionalisés. La France est déterminée à faire en sorte que l'Union européenne apporte aux ACP les appuis appropriés dans cette perspective.
C'est pourquoi, nous ne pouvons que vous encourager à faire part rapidement de vos intentions à la partie européenne afin d'entrer au plus vite dans la phase concrète de mise en uvre de ce volet de l'accord de Cotonou.
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Mesdames et Messieurs,
Je ne saurais terminer mon propos sans confirmer la disponibilité de la France à continuer de mobiliser au profit de la COI les possibilités offertes par le Fonds de solidarité prioritaire régional. Ainsi, après le Sommet de la Réunion de décembre 1999, le projet de lutte contre les maladies émergentes et réémergentes démarré en 2001, se poursuit. La décision de financement, pour un montant de 7 MF, du projet sur la sécurité civile a été prise fin 2000. Ce projet prévoit de mobiliser les moyens lourds de la Réunion, dont on a pu juger de l'efficacité à l'occasion de catastrophes naturelles à Madagascar et au Mozambique.
S'il faut, Mesdames et Messieurs, se féliciter de la montée en puissance de la coopération régionale, qui témoigne de la solidarité qui nous unit, je souhaiterais que nos relations privilégiées s'expriment aussi dans un domaine particulier qui est celui de la lutte contre la pêche illégale à la légine dans les mers australes. A cet égard, je salue les dispositions envisagées par certains des partenaires de la France, mais il faut gagner en efficacité et lutter d'une manière globale contre cette difficulté.
Enfin, la COI me paraît le cadre le plus approprié pour évoquer un sujet qui me tient à coeur, celui de la participation de sportifs mahorais aux prochains jeux de l'Océan indien, à Maurice, en 2003. Le sport est le vecteur de rapprochements et de solidarités et souvent, il a un rôle précurseur. Les jeunes mahorais ont participé à l'été 2001 aux jeux de la Commission de la jeunesse et des sports de l'Océan indien. Il serait très positif qu'une solution de consensus soit trouvée pour les prochains jeux.

Mesdames et Messieurs,
Avant de rendre la parole à notre président, je souhaite également remercier M. Wilfrid Bertile de son action de l'année écoulée et je forme des voeux pour que l'année qui vient lui permette de continuer son effort auprès de mon ami Jérémie Bonnelame, pour conserver l'élan donné à cette organisation par la présidence mauricienne et mettre en mesure la COI d'affronter les défis de demain.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 février 2002)