Texte intégral
A. Hausser Est-ce que vous avez étudié le programme de L. Jospin ? R. Hue, hier, l'a jugé flou. Il considère qu'il attrape l'électorat centriste. Après lecture attentive, est-ce que vous considérez que c'est un programme de gauche ?
- "J'ai entendu R. Hue, hier soir à Montluçon. Il pense comme moi que la copie s'est améliorée. On est parti avec un candidat qui se disait plus au centre, plus socialiste. Hier, on a entendu le candidat Jospin dire que c'étaient des propositions socialistes. Tout ce qui va plus à gauche me satisfait. Mais cela reste en effet très flou sur les questions du financement. J'ai entendu pendant cinq ans, aux réunions des ministres, m'expliquer qu'il fallait respecter les critères de Maastricht, qu'il ne fallait pas augmenter le déficit public, qu'il fallait continuer à baisser les impôts, qu'il ne fallait pas augmenter les dépenses publiques. J'aimerais savoir exactement comment on va financer les quelques mesures annoncées par L. Jospin hier. Est-ce qu'on fait une grande réforme de la fiscalité ? Est-ce qu'on remet en cause la construction européenne telle qu'elle se fait aujourd'hui, pour envisager une construction européenne sur des critères plus sociaux ? Ce sont toutes les questions et j'aimerais lui poser si je l'avais en face de moi."
Vous pouvez imaginer qu'on remette en cause la politique européenne ?
- "Il faut investir politiquement l'Europe. Il faut arrêter de se cacher derrière de soi-disant décisions de la Commission européenne. Les directives sur les services publics, ce qui s'est passé à Barcelone avec l'ouverture du capital pour Electricité de France, ce sont des décisions qui sont liées à une orientation promue par les chefs d'Etat. Les chefs d'Etat peuvent tout à fait modifier l'orientation politique..."
Vous parlez de la Commission... Ce sont les chefs d'Etat qui décident quand même...
- "Bien sûr, ce sont eux qui sont responsables. Ce qu'ils ont fait, ils peuvent le défaire et faire autrement. C'est vrai pour les services publics, c'est vrai pour d'autres mesures au niveau de l'Union européenne."
Ce que la France a obtenu à Barcelone, à propos des services publics, vous ne croyez pas que c'est provisoire ?
- "Je pense que c'est tout à fait inquiétant. On a obtenu un sursis, et encore, un sursis avec déjà des premières mesures de libéralisation. Les services publics, c'est quelque chose de très moderne. C'est quelque chose qui permet à une économie de se développer, qui permet l'égalité des droits : par exemple l'accès à l'électricité. D'ailleurs, R. Hue propose qu'on fasse la même chose pour l'eau, qu'on crée un très grand service public de l'eau. Il faudrait mieux aider l'Europe à s'emparer de cette notion de service public, au lieu de laisser l'Europe nous détruire nos services publics."
Revenons-en au financement des mesures de L. Jospin. Vous disiez que vous vous posiez des questions à ce propos. Cela voudrait dire qu'il ne faut pas baisser les impôts, comme il semble s'y engager ?
- "Il y a des impôts qu'il faut baisser. Je prends l'exemple de la taxe d'habitation. Il ne faut pas simplement la baisser, il faut la réformer. C'est un impôt profondément injuste. Pour certaines catégories sociales, l'impôt sur les revenus est aussi à réformer, parce qu'il pèse lourdement. Mais c'est un impôt qui, lui, est plutôt juste puisqu'il tient compte des revenus. Je pense surtout qu'il faut s'attaquer de façon forte aux revenus financiers. On ne pourra pas faire de nouvelles dépenses publiques, augmenter le nombre d'enseignants ou les moyens pour la justice, si on ne s'attaque pas à l'argent là où il est là, où il est inutile en plus, dans les circuits financiers."
Les revenus financiers ne suffiront jamais à financer les projets énoncés par L. Jospin. Les capitaux s'en vont s'ils sont trop taxés, vous le savez bien...
- "Aujourd'hui, on vit dans la mondialisation. Les capitaux sont déjà partout. Il n'y a plus les frontières où les capitaux seraient d'un côté ou de l'autre. Tout cela est une notion dépassée. On pouvait dire cela peut-être dans les années 60 : "Attention, on va faire fuir les capitaux !". Aujourd'hui, le problème ne se pose plus."
"Zéro SDF", c'est un slogan ?
- "J'ai envie de dire que c'est magnifique, si on y arrivait en effet. Mais prenons les choses dans leur ampleur. Comment va-t-on faire ? On a déjà beaucoup de mal-logés en France, pas assez de logements sociaux. Et puis surtout, il faut permettre à ces hommes et ces femmes de ne pas être expulsés. Les expulsions ont repris depuis le 15 mars, alors stop, déjà, aux expulsions. Donnons à chacun le moyen de payer son logement. C'est-à-dire des logements sociaux, des loyers moins élevés, mais surtout, relevons les minima sociaux, relevons les salaires pour permettre à chacun et chacune de vivre..."
Sur ce plan-là, on n'a pas entendu L. Jospin...
- "Non, justement, cela manque beaucoup. Sur les minima sociaux et les retraites, j'aimerais qu'on [l']entende un peu plus, parce que les gens, vraiment, ont besoin d'avoir un peu plus de moyens pour vivre."
Construire des logements sociaux, cela voudrait dire aussi, avant de détruire, construire davantage...
- "On manque de logements sociaux aujourd'hui. Il y a des villes qui ont énormément de logements sociaux, qui accueillent vraiment les familles modestes. Et puis il y a d'autres villes qui ne font pas cet effort. J.-C. Gayssot a fait passer une loi qui vise à la mixité sociale dans toutes les localités. Il faut maintenant qu'on l'applique cette loi réellement, parce qu'il y a certaines villes où cela ferait du bien qu'une population modeste puisse côtoyer d'autres catégories sociales."
Pour en finir là-dessus, vous me disiez que vous sentiez une amélioration. Qu'est-ce que vous auriez envie de dire à L. Jospin ? Encore un effort ? Dans quel domaine ?
- "J'ai envie de dire au candidat Jospin que si la gauche veut gagner - et on voit bien que les sondages donnent pour l'instant une égalité ; cela se resserre entre la droite et la gauche -, il faut qu'elle soit bien à gauche. C'est tout le sens de la candidature de R. Hue : faire en sorte que la gauche reste à gauche, qu'elle réponde réellement aux attentes populaires. Sinon, la droite reviendra au pouvoir dans ce pays."
Comment expliquez-vous que R. Hue ne décolle pas et même s'effrite dans les sondages ? Finalement, il a un espace à gauche. Vous dites que L. Jospin est un peu trop au centre. Et cela ne profite pas à R. Hue, "l'espace de gauche" va chez A. Laguiller...
- "D'abord, il y a une difficulté pour les autres candidats face à la déferlante Chirac-Jospin, Jospin-Chirac. On a l'impression qu'il n'y a plus de premier tour. J'ai le sentiment qu'on est en train de voler aux Françaises et aux Français le débat démocratique du premier tour, celui qui fait qu'on va vraiment pouvoir peser sur la politique qui va être menée demain. On entend toujours dire que les programmes de Chirac et Jospin ne se différencient pas trop. C'est donc bien au premier tour qu'on va marquer une empreinte, par exemple avec la candidature communiste, pour qu'on ait une véritable politique à gauche demain dans ce pays. Ce premier tour a du mal à se développer et cela pénalise une candidature telle que celle de R. Hue. Mais ce n'est pas fini et je sens une mobilisation qui grandit autour de cette candidature. Il se passe beaucoup de choses. Et les plus de trente jours qui nous restent, nous allons les mettre bien à profit pour rassembler plus largement autour de la candidature de R. Hue."
Si vous sentez les choses sur le terrain, cela devrait se répercuter assez rapidement...
- "Je l'espère. On sent vraiment que le débat grandit sur l'idée qu'on peut vraiment faire en sorte qu'on pèse à gauche. Cela devient de plus en plus crédible et on devrait faire mentir les sondages. Du moins, je l'espère..."
Pourquoi est-ce qu'A. Laguiller monte dans les sondages et pas vous ?
- "D'abord, il y a une campagne de promotion assez importante de madame Laguiller, qui apparaît énormément dans les médias. Et puis il y a un vote très hétéroclite qui se porte sur sa personne. J'ai envie de dire à ceux et celles qui veulent que leur vie se modifie, que leur vie s'améliore : "choisissez l'efficacité", parce que le vote pour madame Laguiller est un vote inutile. C'est dur à dire mais c'est vrai. A chaque élection présidentielle, elle se présente, et puis le lendemain des élections présidentielles, elle ne veut pas mettre les mains dans le moteur et donc il ne se passe rien. Les travailleurs et les travailleuses ont besoin d'une politique qui modifie leur vie, qui l'améliore. Avec elle, c'est fini le 22 avril."
La présence des communistes au Gouvernement a pesé ?
- "Oui, pendant ces cinq ans, la présence des communistes, le travail des groupes parlementaires communistes, ont amélioré cette politique. Cette présence a compté dans le bilan."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 mars 2002)
- "J'ai entendu R. Hue, hier soir à Montluçon. Il pense comme moi que la copie s'est améliorée. On est parti avec un candidat qui se disait plus au centre, plus socialiste. Hier, on a entendu le candidat Jospin dire que c'étaient des propositions socialistes. Tout ce qui va plus à gauche me satisfait. Mais cela reste en effet très flou sur les questions du financement. J'ai entendu pendant cinq ans, aux réunions des ministres, m'expliquer qu'il fallait respecter les critères de Maastricht, qu'il ne fallait pas augmenter le déficit public, qu'il fallait continuer à baisser les impôts, qu'il ne fallait pas augmenter les dépenses publiques. J'aimerais savoir exactement comment on va financer les quelques mesures annoncées par L. Jospin hier. Est-ce qu'on fait une grande réforme de la fiscalité ? Est-ce qu'on remet en cause la construction européenne telle qu'elle se fait aujourd'hui, pour envisager une construction européenne sur des critères plus sociaux ? Ce sont toutes les questions et j'aimerais lui poser si je l'avais en face de moi."
Vous pouvez imaginer qu'on remette en cause la politique européenne ?
- "Il faut investir politiquement l'Europe. Il faut arrêter de se cacher derrière de soi-disant décisions de la Commission européenne. Les directives sur les services publics, ce qui s'est passé à Barcelone avec l'ouverture du capital pour Electricité de France, ce sont des décisions qui sont liées à une orientation promue par les chefs d'Etat. Les chefs d'Etat peuvent tout à fait modifier l'orientation politique..."
Vous parlez de la Commission... Ce sont les chefs d'Etat qui décident quand même...
- "Bien sûr, ce sont eux qui sont responsables. Ce qu'ils ont fait, ils peuvent le défaire et faire autrement. C'est vrai pour les services publics, c'est vrai pour d'autres mesures au niveau de l'Union européenne."
Ce que la France a obtenu à Barcelone, à propos des services publics, vous ne croyez pas que c'est provisoire ?
- "Je pense que c'est tout à fait inquiétant. On a obtenu un sursis, et encore, un sursis avec déjà des premières mesures de libéralisation. Les services publics, c'est quelque chose de très moderne. C'est quelque chose qui permet à une économie de se développer, qui permet l'égalité des droits : par exemple l'accès à l'électricité. D'ailleurs, R. Hue propose qu'on fasse la même chose pour l'eau, qu'on crée un très grand service public de l'eau. Il faudrait mieux aider l'Europe à s'emparer de cette notion de service public, au lieu de laisser l'Europe nous détruire nos services publics."
Revenons-en au financement des mesures de L. Jospin. Vous disiez que vous vous posiez des questions à ce propos. Cela voudrait dire qu'il ne faut pas baisser les impôts, comme il semble s'y engager ?
- "Il y a des impôts qu'il faut baisser. Je prends l'exemple de la taxe d'habitation. Il ne faut pas simplement la baisser, il faut la réformer. C'est un impôt profondément injuste. Pour certaines catégories sociales, l'impôt sur les revenus est aussi à réformer, parce qu'il pèse lourdement. Mais c'est un impôt qui, lui, est plutôt juste puisqu'il tient compte des revenus. Je pense surtout qu'il faut s'attaquer de façon forte aux revenus financiers. On ne pourra pas faire de nouvelles dépenses publiques, augmenter le nombre d'enseignants ou les moyens pour la justice, si on ne s'attaque pas à l'argent là où il est là, où il est inutile en plus, dans les circuits financiers."
Les revenus financiers ne suffiront jamais à financer les projets énoncés par L. Jospin. Les capitaux s'en vont s'ils sont trop taxés, vous le savez bien...
- "Aujourd'hui, on vit dans la mondialisation. Les capitaux sont déjà partout. Il n'y a plus les frontières où les capitaux seraient d'un côté ou de l'autre. Tout cela est une notion dépassée. On pouvait dire cela peut-être dans les années 60 : "Attention, on va faire fuir les capitaux !". Aujourd'hui, le problème ne se pose plus."
"Zéro SDF", c'est un slogan ?
- "J'ai envie de dire que c'est magnifique, si on y arrivait en effet. Mais prenons les choses dans leur ampleur. Comment va-t-on faire ? On a déjà beaucoup de mal-logés en France, pas assez de logements sociaux. Et puis surtout, il faut permettre à ces hommes et ces femmes de ne pas être expulsés. Les expulsions ont repris depuis le 15 mars, alors stop, déjà, aux expulsions. Donnons à chacun le moyen de payer son logement. C'est-à-dire des logements sociaux, des loyers moins élevés, mais surtout, relevons les minima sociaux, relevons les salaires pour permettre à chacun et chacune de vivre..."
Sur ce plan-là, on n'a pas entendu L. Jospin...
- "Non, justement, cela manque beaucoup. Sur les minima sociaux et les retraites, j'aimerais qu'on [l']entende un peu plus, parce que les gens, vraiment, ont besoin d'avoir un peu plus de moyens pour vivre."
Construire des logements sociaux, cela voudrait dire aussi, avant de détruire, construire davantage...
- "On manque de logements sociaux aujourd'hui. Il y a des villes qui ont énormément de logements sociaux, qui accueillent vraiment les familles modestes. Et puis il y a d'autres villes qui ne font pas cet effort. J.-C. Gayssot a fait passer une loi qui vise à la mixité sociale dans toutes les localités. Il faut maintenant qu'on l'applique cette loi réellement, parce qu'il y a certaines villes où cela ferait du bien qu'une population modeste puisse côtoyer d'autres catégories sociales."
Pour en finir là-dessus, vous me disiez que vous sentiez une amélioration. Qu'est-ce que vous auriez envie de dire à L. Jospin ? Encore un effort ? Dans quel domaine ?
- "J'ai envie de dire au candidat Jospin que si la gauche veut gagner - et on voit bien que les sondages donnent pour l'instant une égalité ; cela se resserre entre la droite et la gauche -, il faut qu'elle soit bien à gauche. C'est tout le sens de la candidature de R. Hue : faire en sorte que la gauche reste à gauche, qu'elle réponde réellement aux attentes populaires. Sinon, la droite reviendra au pouvoir dans ce pays."
Comment expliquez-vous que R. Hue ne décolle pas et même s'effrite dans les sondages ? Finalement, il a un espace à gauche. Vous dites que L. Jospin est un peu trop au centre. Et cela ne profite pas à R. Hue, "l'espace de gauche" va chez A. Laguiller...
- "D'abord, il y a une difficulté pour les autres candidats face à la déferlante Chirac-Jospin, Jospin-Chirac. On a l'impression qu'il n'y a plus de premier tour. J'ai le sentiment qu'on est en train de voler aux Françaises et aux Français le débat démocratique du premier tour, celui qui fait qu'on va vraiment pouvoir peser sur la politique qui va être menée demain. On entend toujours dire que les programmes de Chirac et Jospin ne se différencient pas trop. C'est donc bien au premier tour qu'on va marquer une empreinte, par exemple avec la candidature communiste, pour qu'on ait une véritable politique à gauche demain dans ce pays. Ce premier tour a du mal à se développer et cela pénalise une candidature telle que celle de R. Hue. Mais ce n'est pas fini et je sens une mobilisation qui grandit autour de cette candidature. Il se passe beaucoup de choses. Et les plus de trente jours qui nous restent, nous allons les mettre bien à profit pour rassembler plus largement autour de la candidature de R. Hue."
Si vous sentez les choses sur le terrain, cela devrait se répercuter assez rapidement...
- "Je l'espère. On sent vraiment que le débat grandit sur l'idée qu'on peut vraiment faire en sorte qu'on pèse à gauche. Cela devient de plus en plus crédible et on devrait faire mentir les sondages. Du moins, je l'espère..."
Pourquoi est-ce qu'A. Laguiller monte dans les sondages et pas vous ?
- "D'abord, il y a une campagne de promotion assez importante de madame Laguiller, qui apparaît énormément dans les médias. Et puis il y a un vote très hétéroclite qui se porte sur sa personne. J'ai envie de dire à ceux et celles qui veulent que leur vie se modifie, que leur vie s'améliore : "choisissez l'efficacité", parce que le vote pour madame Laguiller est un vote inutile. C'est dur à dire mais c'est vrai. A chaque élection présidentielle, elle se présente, et puis le lendemain des élections présidentielles, elle ne veut pas mettre les mains dans le moteur et donc il ne se passe rien. Les travailleurs et les travailleuses ont besoin d'une politique qui modifie leur vie, qui l'améliore. Avec elle, c'est fini le 22 avril."
La présence des communistes au Gouvernement a pesé ?
- "Oui, pendant ces cinq ans, la présence des communistes, le travail des groupes parlementaires communistes, ont amélioré cette politique. Cette présence a compté dans le bilan."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 mars 2002)