Texte intégral
Madame la Ministre,
Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais en premier lieu vous remercier de l'occasion que vous me donnez de m'exprimer sur un sujet important qui se trouve aux frontières de la philosophie, de l'éthique, du droit, de la médecine. A la frontière aussi de très importants enjeux thérapeutiques et industriels. En abordant aujourd'hui " le médicament à l'heure de la mondialisation " et demain les " nouvelles solidarités ", je pense que vous avez voulu articuler deux problématiques auxquelles je suis personnellement très attachée.
La mondialisation ne saurait en effet imposer à mes yeux un schéma de développement unique qui va à l'encontre des cultures, des traditions nationales ou de certains modèles nationaux auxquels tiennent les peuples.
Par conséquent, s'il faut prendre acte du fait que les marchés ne sont plus nationaux mais européen et mondiaux, - cela est évident, notamment pour le médicament, - je crois qu'il est aussi absolument nécessaire d'introduire des mécanismes de régulation qui disciplinent ces marchés. Je crois profondément qu'il n'y a pas de liberté sans un système de règles claires qui posent des repères pour le présent comme des balises pour le futur.
La législation qu'il est d'usage d'appeler " bioéthique " me semble un condensé des problèmes contemporains que le droit et la régulation sont appelés à dénouer et arbitrer.
I. Une mise en perspective des questions juridiques posées par les biotechnologies
La première observation que je voudrais faire est relative au fait qu'en matière de bioéthique, les questions se sont assez largement déplacées depuis une dizaine d'années. La biologie a commencé par interroger notre société du point de vue éthique. Les questions de données personnelles en matière de santé, d'utilisation des produits du corps humain, de don d'organe, d'assistance médicale à la procréation, ont conduit à des interrogations philosophiques, religieuses morales et éthiques. Au point même qu'à une époque certains dénonçaient " l'acharnement législatif ", considérant que les questions d'éthique relevaient soit de la conscience personnelle soit de convictions intimes soit encore du colloque singulier entre le médecin et le patient. Dès lors la société s'est interrogée sur la possibilité de passer de l'éthique au droit pour reprendre le titre du rapport du Conseil d'Etat de 1988.
Cette question était d'autant plus urgente qu'en l'absence de règles claires, déterminées par la société elle-même, ce sont les
juges
qui pendant toute une période ont été amenés à se prononcer, forcément au cas par cas, sur des questions fondamentales.
Tout le monde a encore à l'esprit la question des maternités de substitution qui a fait l'objet de plusieurs arrêts des Cours suprêmes. Du Conseil d'Etat dans son arrêt d'Assemblée " les cigognes " du 22 janvier 1988 et de la Cour de cassation dans son arrêt rendu sur pourvoi dans l'intérêt de la loi du 31 mai 1991. C'est ce dernier arrêt qui a réaffirmé en droit le principe éthique selon lequel la personne et son corps ne sont ni à vendre, ni à louer.
Par conséquent, les premières vraies rencontres entre la biologie et le droit se sont construites autour des juges qui ont dû trancher des litiges sur des contrats conclus sans règles directrices. Contraints de juger, même dans le silence de la loi, comme l'article 4 du code civil leur en font obligation, les magistrats ont tenté d'adapter les catégories traditionnelles du droit aux problèmes nouveaux : jusqu'où peut-on contracter ? Sur quoi peut on contracter ? Peut-on comprendre la conception et la gestation pour autrui d'un enfant dans les catégories de l'adoption ? Je tiens à souligner que les magistrats ont, avec l'aide constante des avis du Comité national consultatif d'éthique, déchiffré une terra incognita en construisant une jurisprudence bioéthique. Cependant, la question se posait de la légitimité des prises de position des juges dans notre tradition qui donne essentiellement la parole au législateur.
Vous savez que le passage de l'éthique et de la jurisprudence d'une part, à la loi d'autre part, a été réalisé par le vote des trois lois de juillet 1994 :
la première relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé ;
la deuxième relative au respect du corps humain ;
la troisième relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.
Je constate qu'aujourd'hui la question de savoir s'il faut légiférer ou non n'est plus du tout en débat. Bien au contraire, il existe une importante demande des professionnels et de l'opinion publique tendant à ce que des règles encadrent le développement des techniques nouvelles qui engendrent la peur.
Par conséquent la bioéthique me semble saisie par le droit sans que personne conteste véritablement aujourd'hui la légitimité de celui-ci.
II. Les principes juridiques des biotechnologies
Cela me conduit à ma deuxième observation : les lois de 1994 sont intervenues après une très longue maturation de la société sur elle-même qui s'est exprimée dans de très nombreux rapports, celui de Guy BRAIBANT, de Mme LENOIR, du professeur MATTEI, et après les avis du comité d'éthique, après les arrêts des Cours suprêmes. Mais après le temps de la maturation est venu le temps de la décision politique et de la fondation des principes.
Je crois qu'il est important de marquer que le champ des biotechnologies a progressivement fait émerger des principes de droit, peut-être très généraux, mais dont les potentialités sont riches d'avenir.
En 1994, le législateur a clairement énoncé, en l'inscrivant à l'article 16 du code civil, que la loi assurait la primauté de la personne, qu'elle interdisait toute atteinte à la dignité de celle-ci, et garantissait le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. Pour la première fois, le législateur français faisait d'une norme éthique et morale un concept juridique dont le champ d'application dépasse largement le domaine de la bioéthique.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision sur les lois de juillet 1994 a même élevé au plus haut niveau normatif ce principe législatif. Il lui a donné une valeur constitutionnelle, en le rattachant au Préambule de la Constitution de 1946 qui tirait les conséquences des atrocités commises par les régimes qui avaient cherché à " asservir et dégrader la dignité de la personne humaine ".
Il n'est évidemment pas indifférent que ce soit à propos des biotechnologies que le concept de dignité de la personne ait émergé 50 ans, après la seconde guerre mondiale tant le développement des sciences et des techniques engendrent des craintes, pour les unes justifiées pour les autres irraisonnées.
Il est clair enfin que les affirmations de la loi française ont contribué à l'élaboration des textes internationaux. La Déclaration universelle sur le génome humain adoptée par l'UNESCO le 11 novembre 1997 et la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe et signée le 4 avril 1997 à Oviedo sont largement inspirées des lois françaises.
Il est évident qu'un concept juridique comme celui de la dignité de la personne humaine peut apparaître comme très général. Mais le législateur s'est efforcé de décliner les principes concrets de son application au chapitre II du livre Ier du code civil consacré au respect du corps humain. Ces principes je vous les rappelle brièvement :
l'inviolabilité du corps humain et son intégrité auquel il ne peut être porté atteinte qu'en cas de nécessité médicale ;
la notion de consentement préalable de la personne à toute intervention médicale et thérapeutique, qui est un principe applicable non seulement aux prélèvements d'organes mais également aux soins ;
la non patrimonialité du corps ce qui a conduit a considérer que toutes les conventions qui visent à lui donner une valeur ainsi qu'à ses éléments sont nulles ;
l'anonymat du don et l'intégrité de l'espèce humaine.
Par conséquent, dans notre droit, des personnes qui se prêtent à une expérimentation, ou à un prélèvement d'organes ou qui acceptent qu'un embryon fécondé in vitro soit accueilli par un autre couple ne peuvent être rémunérées d'aucune façon.
Les principes ainsi posés ont permis d'encadrer, à mon sens, de façon satisfaisante, le développement des biotechnologies. Satisfaisante parce qu'ils n'ont pas empêché la recherche, l'innovation et les progrès en matière de traitement des maladies. Je crois qu'il convient de ne jamais oublier qu'on ne peut pas entraver la progression de la recherche ni de la science qui constituent les plus hautes aspirations de l'être humain. C'est d'ailleurs grâce à cette ambition que l'être humain se propose de remédier à la souffrance ou aux handicaps, particulièrement dans le domaine de la stérilité et des maladies génétiques.
Satisfaisante aussi parce les principes posés ont permis de tracer les limites entre ce qu'une société accepte et ce qu'elle n'accepte pas, ce qu'elle permet et ce qu'elle interdit. Je crois qu'une société démocratique et pluraliste, comme la nôtre, gagne en liberté et en conscience lorsqu'elle est obligée de se pencher des questions du type : est-ce que le désir d'une personne, désir que l'on pourrait techniquement satisfaire, est légitime ? Peut-il, en d'autres termes, se transformer en droit ?
Voilà les principales questions qui se sont posées aux responsables politiques, aux juristes et, à vrai dire, à l'ensemble de la communauté des citoyens à propos de la législation bioéthique.
Poser la question de la façon suivante, revient à donner au droit toute sa force. Face à la science qui s'assigne la tâche de connaître ce qui est, voire même de produire ce qui n'est pas encore, et face aux désirs des êtres humains de voir reconnus des droits nouveaux, il revient au droit d'assumer sa fonction normative et de dire ce qui doit être, et surtout ce qui ne doit pas être.
Ce qui est une autre façon d'affirmer que le fait ne fait pas droit et que tout ce qui est techniquement possible n'est pas également admissible.
Enfin je crois que le législateur de 1994 a eu la sagesse de penser, d'une part que les principes que j'ai rappelés étaient des fondamentaux mais d'autre part que les modalités de leur mise en oeuvre devaient tenir compte des évolutions futures. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'article 21 de la deuxième loi de bioéthique qui prévoit que les dispositions adoptées en 1994 devraient faire l'objet d'un réexamen 5 ans après pour tenir compte de l'évolution rapide des techniques et des premiers enseignements qui pourraient être tirées de leurs premières années de mise en oeuvre.
C'est pourquoi dans la cadre du réexamen des lois de 1994, le Premier ministre a demandé au Conseil d'Etat d'animer un groupe de travail chargé d'élaborer un rapport faisant apparaître les évolutions nécessaires du droit en vigueur.
Il n'est donc pas question de préjuger aujourd'hui des modifications qui pourraient y être apportées. Cependant, à la lumière des pratiques, du débat public qui s'est poursuivi alors même que le législateur avait tranché certaines questions, des avis du comité d'éthique et des conventions internationales qui ont été adoptées, je crois que l'on peut commencer à cerner les questions qui continuent de se poser et des questions nouvelles suscitées par les progrès techniques eux-mêmes.
III. De nouvelles interrogations et de nouvelles appréciations
A/ Des questions générales
De nombreuses questions devront faire l'objet d'une réévaluation par le législateur. L'excellent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la seconde loi de bioéthique les a répertoriées. J'en rappelle quelques unes :
elle concernent les prélèvements sur les personnes vivantes comme sur les personnes décédées puisque cette dernière question a été laissée dans le flou par le législateur de 1994, comme l'a montré les circonstances de l'exhumation d'Yves Montand ;
elles concernent évidemment les nouvelles techniques de l'assistance médicale à la procréation dont on ne sait pas exactement ce que seront les conséquences futures sur le développement des enfants dont la naissance a été permise ;
elles concernent bien entendu la question du clonage chez l'homme, même s'il convient certainement de distinguer le clonage reproductif qui pourrait déboucher sur la naissance d'un être vivant et le clonage cellulaire. Le clonage reproductif a fait l'objet internationalement d'une condamnation unanime, tant du Conseil de l'Europe qui a adopté un protocole additionnel à la Convention d'Oviedo que de la Déclaration universelle sur le génome humain de l'UNESCO ;
elles concernent aussi le diagnostic préimplantatoire qui n'a été admis en 1994 qu'à titre exceptionnel.
B/ Une question particulièrement importante : l'embryon
Je voudrais attirer votre attention sur la multiplicité des questions juridiques qu'est susceptible de poser l'embryon conçu in vitro.
Vous savez tous que le législateur de 1994, comme celui de 1975, a refusé très consciemment de donner un statut juridique à l'embryon. L'absence même de statut de l'embryon ne permet pas de savoir s'il est une personne juridique ou seulement une personne potentielle ou encore autre chose.
Ce refus du législateur de donner un statut à l'embryon a été entériné par le Conseil constitutionnel lorsqu'il a eu à statuer sur la disposition qui permettait qu'il soit mis fin à la conservation d'embryon au delà d'une durée de 5 ans, dès lors qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une implantation ou d'une possibilité d'accueil par un couple. Le Conseil constitutionnel observe qu'en admettant que sa conservation pouvait être interrompue, le législateur n'avait pas entendu lui appliquer le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie.
Pourtant, le législateur a édicté de très nombreuses garanties légales à l'embryon du fait que dès ses premiers instants il possède les caractères génétiques de la personne à naître qui lui sont propres. Au nombre de ces garanties, figure l'interdiction des recherches et des expérimentations.
Or, aujourd'hui, plusieurs institutions ont pris position en faveur de l'assouplissement de l'interdiction de la recherche sur l'embryon in vitro, du moins lorsqu'il s'agit des embryons surnuméraires qui ne font plus l'objet d'un projet parental ni d'une demande d'accueil.
C'est le cas du comité d'éthique dans son avis du 11 mars 1997 " compte tenu des importantes perspectives dans les recherches thérapeutiques ouvertes par l'établissement de cellules embryonnaires ". C'est le cas également de l'Académie de médecine par un avis du 23 juin 1998.
Le débat devra à l'évidence avoir lieu et il appartiendra au législateur de se prononcer à nouveau sur cette question. C'est certainement une question extrêmement difficile comme toutes celles qui tournent autour de la question de l'embryon.
En tout état de cause, les choix qui seront faits seront confrontés aux grandes catégories de droit civil. Par exemple, si on devait autoriser le transfert d'embryon post-portem, comme le recommandent plusieurs institutions, voici quelques exemples des questions de droit civil que cela soulèverait.
En cas de filiation légitime, la possibilité de faire jouer la présomption de paternité des articles 312 et 315 du code civil n'est pas applicable à l'enfant né plus de 300 jours après la disparition du mari. Or le transfert d'embryon post-mortem peut très bien donner naissance à un enfant plus de 300 jours après le décès du mari. Est-ce pour autant que celui-ci n'en sera pas le père ? De même en cas de filiation naturelle, on se heurterait dans le même cas de figure à l'impossibilité d'une reconnaissance paternelle ;
un transfert d'embryon post-mortem poserait également de redoutables problèmes de succession puisqu'au terme de l'article 725 du code civil, il faut nécessairement exister à l'instant de l'ouverture de la succession. Par conséquent est incapable de succéder celui qui n'est pas encore conçu. Certes, on pourrait considérer qu'un embryon congelé est un enfant conçu et lui appliquer la maxime infans conceptus. Mais ce sont alors les délais pour régler les questions de succession qui feraient problème. Autant un enfant déjà conçu dans le ventre de sa mère ne peut pas retarder la liquidation de la succession de plus de 9 mois, autant la naissance d'un enfant à partir d'un embryon congelé transféré post-mortem peut allonger considérablement ces délais.
Je ne tranche pas toutes ces questions. Je souhaitais seulement vous montrer en quoi les biotechnologies et les demandes qui sont adressées à la science affectent très directement le droit et lui pose des questions extrêmement complexes.
IV. Conclusion
Je voudrais conclure en disant deux choses :
d'une part la question des biotechnologies interpelle le droit et plus généralement le modèle de régulation que nous serons de plus en plus appelé à connaître.
A cet égard, la tâche du politique est singulièrement compliquée du fait de l'affaiblissement des modèles dont l'autorité semblait aller de soi. Il est loin le temps où on pouvait dire avec facilité, ceci est permis, ceci est interdit. Il est loin le temps où la norme pouvait s'imposer avec une évidence qui paraissait toute naturelle et où l'excès était si manifeste qu'il y avait à peine lieu d'en délibérer pour l'écarter.
Je crois qu'un des problèmes majeurs que notre société rencontre aujourd'hui, c'est vrai dans le droit de la famille, mais c'est vrai aussi dans le droit de la bioéthique, c'est la question du contenu de la norme ? C'est même la raison pour laquelle, nombreux sont ceux qui ont tendance à considérer que le droit est devenu, du moins dans ces domaines délicats, largement procédural.
Dire du droit qu'il est devenu procédural, c'est dire une chose tout à fait simple : dans la mesure où nous ne pouvons pas déterminer par avance ce qui est permis ou défendu, il faut mettre en place des procédures de délibération grâce auxquelles les citoyens pourront finir par se mettre d'accord sur une norme qu'ils jugent acceptable au regard des éventuels risques encourus et des avantages qui sont attendus. Mais il est aussi important que tout en suscitant ou en facilitant la délibération, les responsables politiques ne perdent pas de vue leur devoir qui est celle de trancher, à un moment donné, en engageant leur responsabilité ;
la seconde chose que je voudrais dire est relative au fait que le droit est assez créatif pour inventer des concepts qui permettent de faire face à la décision, qu'elle soit publique ou privée, prise dans une situation d'incertitude.
Je veux dire par là que le développement des biotechnologies nous conduit, comme dans le domaine de l'environnement, à faire usage du principe de précaution. Introduit tant dans le droit international que dans notre droit interne, le juge commence progressivement à en faire usage dans le domaine de l'environnement et de l'action sanitaire. Il est certain que le fait que plusieurs pays aient été affectés par plusieurs crises graves touchant la santé comme le sang contaminé par le VIH, l'hépatite C, l'encéphalie spongiforme bovine ou encore l'amiante, doit nous conduire à mettre en place des institutions de sécurité sanitaire. La France l'a fait en 1993 par la création de l'agence du médicament et l'agence française du sang. En 1994 par la création de l'Etablissement français des greffes. Enfin en 1998, le législateur a voté la loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Il est évident que l'irruption du principe de précaution, sur la scène du droit, ne peut laisser en l'état les questions de légalité et de responsabilité.
De légalité parce que le juge administratif pourra légitiment se demander, probablement dans le cadre de son contrôle restreint si un arrêté de mise sur le marché est légal au regard du principe de précaution.
De responsabilité, puisqu'il n'est pas certain que le fabricant d'un produit puisse être déchargé de toute responsabilité pour un produit qui a reçu pourtant par ailleurs une autorisation des pouvoirs publics. Ce qui alors poserait plus généralement la question du suivi des effets d'un produit et des diligences accomplis par les uns et les autres pour prévenir un risque seulement incertain.
Voilà je ne veux pas prolonger plus ces interrogations. J'ai bien conscience de poser plus de problèmes que je n'en résous mais je crois qu'il est important que le débat ait lieu.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de développer devant vous ces quelques réflexions.
Élisabeth GUIGOU
(Souirce http://www.justice.gouv.fr, le12 octobre 1999)
Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais en premier lieu vous remercier de l'occasion que vous me donnez de m'exprimer sur un sujet important qui se trouve aux frontières de la philosophie, de l'éthique, du droit, de la médecine. A la frontière aussi de très importants enjeux thérapeutiques et industriels. En abordant aujourd'hui " le médicament à l'heure de la mondialisation " et demain les " nouvelles solidarités ", je pense que vous avez voulu articuler deux problématiques auxquelles je suis personnellement très attachée.
La mondialisation ne saurait en effet imposer à mes yeux un schéma de développement unique qui va à l'encontre des cultures, des traditions nationales ou de certains modèles nationaux auxquels tiennent les peuples.
Par conséquent, s'il faut prendre acte du fait que les marchés ne sont plus nationaux mais européen et mondiaux, - cela est évident, notamment pour le médicament, - je crois qu'il est aussi absolument nécessaire d'introduire des mécanismes de régulation qui disciplinent ces marchés. Je crois profondément qu'il n'y a pas de liberté sans un système de règles claires qui posent des repères pour le présent comme des balises pour le futur.
La législation qu'il est d'usage d'appeler " bioéthique " me semble un condensé des problèmes contemporains que le droit et la régulation sont appelés à dénouer et arbitrer.
I. Une mise en perspective des questions juridiques posées par les biotechnologies
La première observation que je voudrais faire est relative au fait qu'en matière de bioéthique, les questions se sont assez largement déplacées depuis une dizaine d'années. La biologie a commencé par interroger notre société du point de vue éthique. Les questions de données personnelles en matière de santé, d'utilisation des produits du corps humain, de don d'organe, d'assistance médicale à la procréation, ont conduit à des interrogations philosophiques, religieuses morales et éthiques. Au point même qu'à une époque certains dénonçaient " l'acharnement législatif ", considérant que les questions d'éthique relevaient soit de la conscience personnelle soit de convictions intimes soit encore du colloque singulier entre le médecin et le patient. Dès lors la société s'est interrogée sur la possibilité de passer de l'éthique au droit pour reprendre le titre du rapport du Conseil d'Etat de 1988.
Cette question était d'autant plus urgente qu'en l'absence de règles claires, déterminées par la société elle-même, ce sont les
juges
qui pendant toute une période ont été amenés à se prononcer, forcément au cas par cas, sur des questions fondamentales.
Tout le monde a encore à l'esprit la question des maternités de substitution qui a fait l'objet de plusieurs arrêts des Cours suprêmes. Du Conseil d'Etat dans son arrêt d'Assemblée " les cigognes " du 22 janvier 1988 et de la Cour de cassation dans son arrêt rendu sur pourvoi dans l'intérêt de la loi du 31 mai 1991. C'est ce dernier arrêt qui a réaffirmé en droit le principe éthique selon lequel la personne et son corps ne sont ni à vendre, ni à louer.
Par conséquent, les premières vraies rencontres entre la biologie et le droit se sont construites autour des juges qui ont dû trancher des litiges sur des contrats conclus sans règles directrices. Contraints de juger, même dans le silence de la loi, comme l'article 4 du code civil leur en font obligation, les magistrats ont tenté d'adapter les catégories traditionnelles du droit aux problèmes nouveaux : jusqu'où peut-on contracter ? Sur quoi peut on contracter ? Peut-on comprendre la conception et la gestation pour autrui d'un enfant dans les catégories de l'adoption ? Je tiens à souligner que les magistrats ont, avec l'aide constante des avis du Comité national consultatif d'éthique, déchiffré une terra incognita en construisant une jurisprudence bioéthique. Cependant, la question se posait de la légitimité des prises de position des juges dans notre tradition qui donne essentiellement la parole au législateur.
Vous savez que le passage de l'éthique et de la jurisprudence d'une part, à la loi d'autre part, a été réalisé par le vote des trois lois de juillet 1994 :
la première relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé ;
la deuxième relative au respect du corps humain ;
la troisième relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.
Je constate qu'aujourd'hui la question de savoir s'il faut légiférer ou non n'est plus du tout en débat. Bien au contraire, il existe une importante demande des professionnels et de l'opinion publique tendant à ce que des règles encadrent le développement des techniques nouvelles qui engendrent la peur.
Par conséquent la bioéthique me semble saisie par le droit sans que personne conteste véritablement aujourd'hui la légitimité de celui-ci.
II. Les principes juridiques des biotechnologies
Cela me conduit à ma deuxième observation : les lois de 1994 sont intervenues après une très longue maturation de la société sur elle-même qui s'est exprimée dans de très nombreux rapports, celui de Guy BRAIBANT, de Mme LENOIR, du professeur MATTEI, et après les avis du comité d'éthique, après les arrêts des Cours suprêmes. Mais après le temps de la maturation est venu le temps de la décision politique et de la fondation des principes.
Je crois qu'il est important de marquer que le champ des biotechnologies a progressivement fait émerger des principes de droit, peut-être très généraux, mais dont les potentialités sont riches d'avenir.
En 1994, le législateur a clairement énoncé, en l'inscrivant à l'article 16 du code civil, que la loi assurait la primauté de la personne, qu'elle interdisait toute atteinte à la dignité de celle-ci, et garantissait le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. Pour la première fois, le législateur français faisait d'une norme éthique et morale un concept juridique dont le champ d'application dépasse largement le domaine de la bioéthique.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision sur les lois de juillet 1994 a même élevé au plus haut niveau normatif ce principe législatif. Il lui a donné une valeur constitutionnelle, en le rattachant au Préambule de la Constitution de 1946 qui tirait les conséquences des atrocités commises par les régimes qui avaient cherché à " asservir et dégrader la dignité de la personne humaine ".
Il n'est évidemment pas indifférent que ce soit à propos des biotechnologies que le concept de dignité de la personne ait émergé 50 ans, après la seconde guerre mondiale tant le développement des sciences et des techniques engendrent des craintes, pour les unes justifiées pour les autres irraisonnées.
Il est clair enfin que les affirmations de la loi française ont contribué à l'élaboration des textes internationaux. La Déclaration universelle sur le génome humain adoptée par l'UNESCO le 11 novembre 1997 et la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe et signée le 4 avril 1997 à Oviedo sont largement inspirées des lois françaises.
Il est évident qu'un concept juridique comme celui de la dignité de la personne humaine peut apparaître comme très général. Mais le législateur s'est efforcé de décliner les principes concrets de son application au chapitre II du livre Ier du code civil consacré au respect du corps humain. Ces principes je vous les rappelle brièvement :
l'inviolabilité du corps humain et son intégrité auquel il ne peut être porté atteinte qu'en cas de nécessité médicale ;
la notion de consentement préalable de la personne à toute intervention médicale et thérapeutique, qui est un principe applicable non seulement aux prélèvements d'organes mais également aux soins ;
la non patrimonialité du corps ce qui a conduit a considérer que toutes les conventions qui visent à lui donner une valeur ainsi qu'à ses éléments sont nulles ;
l'anonymat du don et l'intégrité de l'espèce humaine.
Par conséquent, dans notre droit, des personnes qui se prêtent à une expérimentation, ou à un prélèvement d'organes ou qui acceptent qu'un embryon fécondé in vitro soit accueilli par un autre couple ne peuvent être rémunérées d'aucune façon.
Les principes ainsi posés ont permis d'encadrer, à mon sens, de façon satisfaisante, le développement des biotechnologies. Satisfaisante parce qu'ils n'ont pas empêché la recherche, l'innovation et les progrès en matière de traitement des maladies. Je crois qu'il convient de ne jamais oublier qu'on ne peut pas entraver la progression de la recherche ni de la science qui constituent les plus hautes aspirations de l'être humain. C'est d'ailleurs grâce à cette ambition que l'être humain se propose de remédier à la souffrance ou aux handicaps, particulièrement dans le domaine de la stérilité et des maladies génétiques.
Satisfaisante aussi parce les principes posés ont permis de tracer les limites entre ce qu'une société accepte et ce qu'elle n'accepte pas, ce qu'elle permet et ce qu'elle interdit. Je crois qu'une société démocratique et pluraliste, comme la nôtre, gagne en liberté et en conscience lorsqu'elle est obligée de se pencher des questions du type : est-ce que le désir d'une personne, désir que l'on pourrait techniquement satisfaire, est légitime ? Peut-il, en d'autres termes, se transformer en droit ?
Voilà les principales questions qui se sont posées aux responsables politiques, aux juristes et, à vrai dire, à l'ensemble de la communauté des citoyens à propos de la législation bioéthique.
Poser la question de la façon suivante, revient à donner au droit toute sa force. Face à la science qui s'assigne la tâche de connaître ce qui est, voire même de produire ce qui n'est pas encore, et face aux désirs des êtres humains de voir reconnus des droits nouveaux, il revient au droit d'assumer sa fonction normative et de dire ce qui doit être, et surtout ce qui ne doit pas être.
Ce qui est une autre façon d'affirmer que le fait ne fait pas droit et que tout ce qui est techniquement possible n'est pas également admissible.
Enfin je crois que le législateur de 1994 a eu la sagesse de penser, d'une part que les principes que j'ai rappelés étaient des fondamentaux mais d'autre part que les modalités de leur mise en oeuvre devaient tenir compte des évolutions futures. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'article 21 de la deuxième loi de bioéthique qui prévoit que les dispositions adoptées en 1994 devraient faire l'objet d'un réexamen 5 ans après pour tenir compte de l'évolution rapide des techniques et des premiers enseignements qui pourraient être tirées de leurs premières années de mise en oeuvre.
C'est pourquoi dans la cadre du réexamen des lois de 1994, le Premier ministre a demandé au Conseil d'Etat d'animer un groupe de travail chargé d'élaborer un rapport faisant apparaître les évolutions nécessaires du droit en vigueur.
Il n'est donc pas question de préjuger aujourd'hui des modifications qui pourraient y être apportées. Cependant, à la lumière des pratiques, du débat public qui s'est poursuivi alors même que le législateur avait tranché certaines questions, des avis du comité d'éthique et des conventions internationales qui ont été adoptées, je crois que l'on peut commencer à cerner les questions qui continuent de se poser et des questions nouvelles suscitées par les progrès techniques eux-mêmes.
III. De nouvelles interrogations et de nouvelles appréciations
A/ Des questions générales
De nombreuses questions devront faire l'objet d'une réévaluation par le législateur. L'excellent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la seconde loi de bioéthique les a répertoriées. J'en rappelle quelques unes :
elle concernent les prélèvements sur les personnes vivantes comme sur les personnes décédées puisque cette dernière question a été laissée dans le flou par le législateur de 1994, comme l'a montré les circonstances de l'exhumation d'Yves Montand ;
elles concernent évidemment les nouvelles techniques de l'assistance médicale à la procréation dont on ne sait pas exactement ce que seront les conséquences futures sur le développement des enfants dont la naissance a été permise ;
elles concernent bien entendu la question du clonage chez l'homme, même s'il convient certainement de distinguer le clonage reproductif qui pourrait déboucher sur la naissance d'un être vivant et le clonage cellulaire. Le clonage reproductif a fait l'objet internationalement d'une condamnation unanime, tant du Conseil de l'Europe qui a adopté un protocole additionnel à la Convention d'Oviedo que de la Déclaration universelle sur le génome humain de l'UNESCO ;
elles concernent aussi le diagnostic préimplantatoire qui n'a été admis en 1994 qu'à titre exceptionnel.
B/ Une question particulièrement importante : l'embryon
Je voudrais attirer votre attention sur la multiplicité des questions juridiques qu'est susceptible de poser l'embryon conçu in vitro.
Vous savez tous que le législateur de 1994, comme celui de 1975, a refusé très consciemment de donner un statut juridique à l'embryon. L'absence même de statut de l'embryon ne permet pas de savoir s'il est une personne juridique ou seulement une personne potentielle ou encore autre chose.
Ce refus du législateur de donner un statut à l'embryon a été entériné par le Conseil constitutionnel lorsqu'il a eu à statuer sur la disposition qui permettait qu'il soit mis fin à la conservation d'embryon au delà d'une durée de 5 ans, dès lors qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une implantation ou d'une possibilité d'accueil par un couple. Le Conseil constitutionnel observe qu'en admettant que sa conservation pouvait être interrompue, le législateur n'avait pas entendu lui appliquer le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie.
Pourtant, le législateur a édicté de très nombreuses garanties légales à l'embryon du fait que dès ses premiers instants il possède les caractères génétiques de la personne à naître qui lui sont propres. Au nombre de ces garanties, figure l'interdiction des recherches et des expérimentations.
Or, aujourd'hui, plusieurs institutions ont pris position en faveur de l'assouplissement de l'interdiction de la recherche sur l'embryon in vitro, du moins lorsqu'il s'agit des embryons surnuméraires qui ne font plus l'objet d'un projet parental ni d'une demande d'accueil.
C'est le cas du comité d'éthique dans son avis du 11 mars 1997 " compte tenu des importantes perspectives dans les recherches thérapeutiques ouvertes par l'établissement de cellules embryonnaires ". C'est le cas également de l'Académie de médecine par un avis du 23 juin 1998.
Le débat devra à l'évidence avoir lieu et il appartiendra au législateur de se prononcer à nouveau sur cette question. C'est certainement une question extrêmement difficile comme toutes celles qui tournent autour de la question de l'embryon.
En tout état de cause, les choix qui seront faits seront confrontés aux grandes catégories de droit civil. Par exemple, si on devait autoriser le transfert d'embryon post-portem, comme le recommandent plusieurs institutions, voici quelques exemples des questions de droit civil que cela soulèverait.
En cas de filiation légitime, la possibilité de faire jouer la présomption de paternité des articles 312 et 315 du code civil n'est pas applicable à l'enfant né plus de 300 jours après la disparition du mari. Or le transfert d'embryon post-mortem peut très bien donner naissance à un enfant plus de 300 jours après le décès du mari. Est-ce pour autant que celui-ci n'en sera pas le père ? De même en cas de filiation naturelle, on se heurterait dans le même cas de figure à l'impossibilité d'une reconnaissance paternelle ;
un transfert d'embryon post-mortem poserait également de redoutables problèmes de succession puisqu'au terme de l'article 725 du code civil, il faut nécessairement exister à l'instant de l'ouverture de la succession. Par conséquent est incapable de succéder celui qui n'est pas encore conçu. Certes, on pourrait considérer qu'un embryon congelé est un enfant conçu et lui appliquer la maxime infans conceptus. Mais ce sont alors les délais pour régler les questions de succession qui feraient problème. Autant un enfant déjà conçu dans le ventre de sa mère ne peut pas retarder la liquidation de la succession de plus de 9 mois, autant la naissance d'un enfant à partir d'un embryon congelé transféré post-mortem peut allonger considérablement ces délais.
Je ne tranche pas toutes ces questions. Je souhaitais seulement vous montrer en quoi les biotechnologies et les demandes qui sont adressées à la science affectent très directement le droit et lui pose des questions extrêmement complexes.
IV. Conclusion
Je voudrais conclure en disant deux choses :
d'une part la question des biotechnologies interpelle le droit et plus généralement le modèle de régulation que nous serons de plus en plus appelé à connaître.
A cet égard, la tâche du politique est singulièrement compliquée du fait de l'affaiblissement des modèles dont l'autorité semblait aller de soi. Il est loin le temps où on pouvait dire avec facilité, ceci est permis, ceci est interdit. Il est loin le temps où la norme pouvait s'imposer avec une évidence qui paraissait toute naturelle et où l'excès était si manifeste qu'il y avait à peine lieu d'en délibérer pour l'écarter.
Je crois qu'un des problèmes majeurs que notre société rencontre aujourd'hui, c'est vrai dans le droit de la famille, mais c'est vrai aussi dans le droit de la bioéthique, c'est la question du contenu de la norme ? C'est même la raison pour laquelle, nombreux sont ceux qui ont tendance à considérer que le droit est devenu, du moins dans ces domaines délicats, largement procédural.
Dire du droit qu'il est devenu procédural, c'est dire une chose tout à fait simple : dans la mesure où nous ne pouvons pas déterminer par avance ce qui est permis ou défendu, il faut mettre en place des procédures de délibération grâce auxquelles les citoyens pourront finir par se mettre d'accord sur une norme qu'ils jugent acceptable au regard des éventuels risques encourus et des avantages qui sont attendus. Mais il est aussi important que tout en suscitant ou en facilitant la délibération, les responsables politiques ne perdent pas de vue leur devoir qui est celle de trancher, à un moment donné, en engageant leur responsabilité ;
la seconde chose que je voudrais dire est relative au fait que le droit est assez créatif pour inventer des concepts qui permettent de faire face à la décision, qu'elle soit publique ou privée, prise dans une situation d'incertitude.
Je veux dire par là que le développement des biotechnologies nous conduit, comme dans le domaine de l'environnement, à faire usage du principe de précaution. Introduit tant dans le droit international que dans notre droit interne, le juge commence progressivement à en faire usage dans le domaine de l'environnement et de l'action sanitaire. Il est certain que le fait que plusieurs pays aient été affectés par plusieurs crises graves touchant la santé comme le sang contaminé par le VIH, l'hépatite C, l'encéphalie spongiforme bovine ou encore l'amiante, doit nous conduire à mettre en place des institutions de sécurité sanitaire. La France l'a fait en 1993 par la création de l'agence du médicament et l'agence française du sang. En 1994 par la création de l'Etablissement français des greffes. Enfin en 1998, le législateur a voté la loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Il est évident que l'irruption du principe de précaution, sur la scène du droit, ne peut laisser en l'état les questions de légalité et de responsabilité.
De légalité parce que le juge administratif pourra légitiment se demander, probablement dans le cadre de son contrôle restreint si un arrêté de mise sur le marché est légal au regard du principe de précaution.
De responsabilité, puisqu'il n'est pas certain que le fabricant d'un produit puisse être déchargé de toute responsabilité pour un produit qui a reçu pourtant par ailleurs une autorisation des pouvoirs publics. Ce qui alors poserait plus généralement la question du suivi des effets d'un produit et des diligences accomplis par les uns et les autres pour prévenir un risque seulement incertain.
Voilà je ne veux pas prolonger plus ces interrogations. J'ai bien conscience de poser plus de problèmes que je n'en résous mais je crois qu'il est important que le débat ait lieu.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de développer devant vous ces quelques réflexions.
Élisabeth GUIGOU
(Souirce http://www.justice.gouv.fr, le12 octobre 1999)