Conférence de presse de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur la politique culturelle de son ministère, les missions prioritaires et les propositions en matière culturelle, Paris le 4 juillet 2002.

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Circonstance : Présentation des missions et des orientations du ministère à Paris le 4 juillet 2002

Texte intégral

I - La méthode : organiser, consulter, agir
1 - Le Cabinet
J'ai souhaité constituer, sous la direction de Guillaume Cerutti, un cabinet de haut niveau.
J'ai choisi de m'entourer d'agents de l'Etat, des collectivités locales, ou de professionnels qui ont entretenu dans leur carrière une proximité particulière avec le ministère, soit qu'ils en aient fait partie, soit qu'ils en aient été des interlocuteurs.
J'ai notamment voulu lui donner, une forte compétence, sociale, fiscale, juridique, économique, européenne et internationale.
Nous sommes arrivés ici particulièrement conscients des enjeux, des chantiers et des problèmes que nous allions découvrir, particulièrement décidés à élaborer et mener une politique culturelle, à la nécessité de laquelle nous croyons tous profondément.

2 - Premières missions, premières nominations
J'ai engagé une série de missions sur des sujets qui m'apparaissent prioritaires, voire urgents
* Celle de Blandine Kriegel sur la violence à la télévision
* Celle de Catherine Clément sur la culture à la télévision
* Celle de Christophe Vallet sur les orientations de son mandat à Monum
* Celle de Jean-Pierre Bady pour une nouvelle répartition des rôles entre l'Etat et les collectivités locales en matière de protection du patrimoine
* Celle de Francine Mariani-Ducray sur la réorganisation des musées nationaux
*·Celle de Christine Juppé-Leblond et d'Anne Chiffert sur l'évaluation du plan pour les arts à l'école
* Celle d'André Ladousse sur le développement de la politique d'accueil et de formation d'artistes et de responsables culturels étrangers par le ministère de la culture et de la communication et ses établissements
J'ai mis en uvre les premières nominations : Bruno Racine au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou nommé le 27 juin.
C'est Richard Peduzzi dont la nomination interviendra dans quelques jours qui lui succédera à l'Académie de France à Rome.
3 - L'attention au terrain
J'ai tenu à consacrer beaucoup de temps à recevoir, écouter, réfléchir
* Les sociétés d'auteurs et d'ayants droit que j'ai réunies avant la séance du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique du 27 juin dernier, à laquelle j'ai participé.
* Les représentants du spectacle vivant, des scènes nationales, des centres dramatiques nationaux, des compagnies de danse et des centres chorégraphiques.
* au sein du ministère, les organisations syndicales et les directeurs régionaux des affaires culturelles
* les Présidents des sociétés publiques et privées de l'audiovisuel, ainsi que les professionnels du cinéma
Je me suis aussi beaucoup déplacé sur le terrain : Cannes, bien sûr, au moment du festival, Bruxelles pour lancer le dossier de la TVA sur le disque, Orléans, Nancy, Toulouse, Bordeaux, Châlons en Champagne, Antibes, Nice, Montpellieret, dans chacun de ces déplacements, j'ai pu mesurer les attentes et parfois les frustrations des élus, des acteurs de la vie culturelle et des citoyens. Il y a, en matière culturelle, une demande d'Etat à laquelle nous devons apporter une réponse à la fois conforme aux missions de l'Etat et respectueuses des responsabilités propres des collectivités.
En conclusion, ces deux premiers mois m'ont permis de définir :
* Trois thèmes prioritaires d'analyse et de réflexion
* Dix propositions et orientations qui constitueront l'objet du travail de mon ministère au cours des six prochains mois
II - Trois thèmes prioritaires d'analyse et de réflexion
1 - La réalité de la situation budgétaire
Si nous voulons agir, il nous faut des moyens et il nous faut une mesure exacte de ces moyens, à mettre en face d'une mesure exacte de nos besoins. Afficher un objectif budgétaire des projets, faire des annonces sans se donner cette mesure, ce serait se contenter d'une politique de façade. Le " façadisme " n'a jamais fait de la bonne architecture. Il ne saurait faire de la bonne culture. J'ai donc commandé un audit à un cabinet indépendant, KPMG. Je viens de recevoir le résultat de cet audit, que je rends public aujourd'hui.
Il montre qu'aujourd'hui la structure du budget du ministère est à la fois caractérisée par sa rigidité et sa dynamique à la hausse : rigidité liée aux charges fixes ; dynamique à la hausse liée aux projets immobiliers nouveaux, car la quasi-totalité d'entre eux induiront des dépenses de renouvellement et de fonctionnement supplémentaires. Or, ce que l'audit vient souligner, c'est que, jusqu'à aujourd'hui, le ministère ne s'est pas donné les moyens d'évaluer ces dépenses. " La politique de renouvellement des immobilisations pour les équipements, existants ou futurs, est actuellement négligée alors que les enjeux financiers sont considérables ", conclut le rapport. " Il paraît difficilement compréhensible que la problématique des dépenses de fonctionnement induites n'ait pas été aujourd'hui pleinement intégrée dans la programmation des grandes opérations, car cela revient à minorer considérablement l'appréciation des engagements financiers de l'Etat ", martèle la note de synthèse qui l'accompagne.
Pour la période 2003-2006, l'étude nous place devant la conclusion suivante : pour supporter le poids des dépenses nouvelles, le budget devrait aujourd'hui monter non pas à 1 %, mais au moins 1,1 % du budget de l'Etat. Exprimée de cette façon, la différence semble faible. Elle représente, en valeur constante, un accroissement de 244 millions d'euros, soit 1,6 milliards de francs. Encore cette évaluation est-elle obtenue en mettant un certain nombre de paramètres importants à leur plus bas niveau. C'est ainsi que, pour les projets en cours, l'audit évalue les dépenses annuelles de fonctionnement à 15 % du montant de l'investissement. Nous savons que ce ratio atteint en réalité toujours au moins 20 %.
Le fait est que le ministère de la culture et de la communication vit aujourd'hui une sorte de "crise des ciseaux". Ses marges de manuvre budgétaires s'écartent de plus en plus de la croissance réelle de ses charges. La croissance à petits pas du budget est loin, très loin de pouvoir suivre sa politique immobilière et de pouvoir remédier aux problèmes sérieux des institutions existantes : difficultés de fonctionnements des établissements, avec 27 % de salles fermées au Louvre, plus de 45 % à Versailles et 50 % à Guimet avant que je n'intervienne d'urgence ; besoin urgent de modernisations sur le site Richelieu de la BNF, où le courant est toujours à 110V ; difficultés croissantes sur le site des archives de France ; crédits d'acquisitions stagnants ou en recul, toujours insuffisants de nos musées. Il nous faut donc une nouvelle stratégie budgétaire, doublée d'une nouvelle approche des projets immobiliers et institutionnels.
2 - Les enjeux de l'organisation et des modes de gestion
Ces enjeux, j'en distingue quatre :
1) Les relations sociales à l'intérieur du Ministère. Nous avons vécu une période de très grand durcissement des rapports sociaux, particulièrement avec l'instauration de l'aménagement et la réduction du temps de travail, qui a été vécu comme un changement mal préparé, voire improvisé et imposé.
Dès mon arrivée, j'ai tenu à placer au plus haut niveau de mon cabinet, avec Jean-Wilfrid Pré, un conseiller social apprécié des personnels pour sa compétence, son enracinement dans le Ministère, sa disponibilité, et à rencontrer les organisations syndicales. Le 9 juillet prochain, je présiderai personnellement le comité technique paritaire ministériel du Ministère de la culture. Nous avons des instances de concertation au niveau central, au niveau déconcentré, et dans les établissements publics. Elles doivent jouer à plein. J'ai demandé aux directeurs du Ministère d'en faire une priorité. J'ai demandé à mon directeur de Cabinet et à mes conseillers d'être très présents dans les services et dans les établissements. La modernisation passera par la concertation, et se fondera sur la mobilisation des agents de la Culture, sur leur attachement au service public, sur les compétences.
2) L'organisation du Ministère lui-même. Je ne veux pas, pour le moment, m'engager, dans des réorganisations lourdes, mais, vous le savez, depuis longtemps je réfléchis à la nécessité de mobiliser les services du ministère autour de grandes politiques, de grands programmes :
* Les patrimoines,
* La création et l'innovation
* La diffusion,
* Les industries culturelles,
* L'action internationale
Ce sont des sujets qui dépassent les frontières de chacune des directions constituées.
Cette réorganisation autour de grands programmes sera en tout état de cause rendue nécessaire par les dispositions de la loi organique du 1er août 2001 sur la loi de finances, qui obligera, à partir de 2006, l'Etat à présenter son budget par programmes et politiques.
3) La relation avec les établissements publics. Je me suis exprimé sur ce sujet au moment de la crise du Louvre. Le rapport de tutelle doit se décliner selon trois principes : autonomie, responsabilité, confiance. Les établissements publics doivent pouvoir fonctionner de manière autonome, avec des agents responsables devant le Chef d'Etablissement. Les statuts doivent le permettre. Aux établissements d'élaborer leur politique, leur stratégie, leur programmation. A eux également de savoir le faire en tenant compte des grandes priorités définies par le Ministre, notamment recherche, action en région, action internationale. J'entends contractualiser les relations du ministère avec les établissements publics. On en a déjà parlé avant moi. J'observe que sur 57 établissements publics, dont 20 écoles d'architecture, un seul contrat, avec le centre national de la danse, a aujourd'hui été signé. Je veux qu'on change de rythme, d'échelle, de méthode.
4) La relation du ministère avec les collectivités locales et à son attitude à l'égard des territoires. L'Etat partenaire doit, dans sa relation avec les collectivités locales, se conformer à des principes clairs.
a) Respect, et d'abord respect de la parole donnée, et stabilité des engagements
b) Définition et animation d'une véritable politique nationale à travers les réseaux de diffusion. Le label national doit clairement signifier la participation à cette politique. Il ne doit pas en être fait un usage abusif ou ambigu ; inversement il conviendrait d'accorder à un certain nombre de festivals le statut de festival d'intérêt national.
c) Claire répartition et hiérarchisation des rôles entre l'Etat et les collectivités locales. Les protocoles de décentralisation culturels initiés par Michel Duffour allaient déjà dans ce sens. Je veux aller plus loin à la faveur de la conclusion de bilans exhaustifs dont j'ai lancé le projet en Lorraine et en Midi-Pyrénées, bilan de l'action conjointe de l'Etat et de ses partenaires sur le terrain. Nous devons progressivement passer d'une superposition, voire d'un empilement à une répartition des interventions. En région, l'Etat doit se concentrer sur les actions et les équipements structurants, les grands équipements de diffusion, les programmes, notamment ceux qui s'efforceront de toucher de nouveaux publics et de combler les carences de l'aménagement culturel du territoire. Un des fonctionnaires du ministère de la culture m'a dit un jour, de façon très judicieuse : " Nous arrosons là où il pleut ". Est-ce la seule attitude utile ?
3 - Les blocages de la dynamique culturelle
Je veux souligner ici les raideurs, les blocages souvent anciens que connaît le Ministère, et que nous devons surmonter pour qu'il retrouve et accroisse ses capacités d'engagement culturel.
1 - Difficulté du ministère à globaliser ses approches, difficulté qui provient grandement de la prégnance de son découpage administratif. C'est ce qui l'empêche de travailler par grands programmes, c'est ce qui l'a empêché jusqu'à aujourd'hui de donner un véritable sens à la liaison culture/communication, de rendre cette union fertile et féconde.
2 - Difficulté à innover. Le Ministre de la culture empile, sédimente, remet rarement en question ce qu'il a un jour fait, et de ce fait, est souvent inapte à innover, à investir des secteurs nouveaux de la création, à engager des actions nouvelles répondant à des demandes ou à des besoins émergents. C'est cette pesanteur qui le conduit aussi à ne pouvoir accorder à certains secteurs, je pense à l'enseignement de l'architecture ou de l'art dramatique, toute la sollicitude qu'il requérerait.
La danse contemporaine est, elle aussi, dans l'attente d'un engagement plus marqué de l'Etat. Cette difficulté caractérise aussi le champs de l'innovation technologique et des programmes de diffusion culturelle qu'elle permet pourtant.
3 - Difficulté enfin du ministère à accueillir l'initiative, à s'ouvrir à de véritables partenariats. Le ministère de la culture est un " ministère jaloux ". Il reste fermé à l'initiative privée, méfiant vis-à-vis du mécénat, distant, quoi qu'il en dise, vis-à-vis de l'action des collectivités territoriales.
La modernisation du ministère, c'est aussi surmonter ces blocages et ces raideurs.

III- Dix premières propositions et orientations
1 - Une stratégie budgétaire à long terme
Comment rompre avec la fuite en avant budgétaire que nous connaissons ? Comment retrouver des marges de manuvre et une vraie stratégie
budgétaire ?
Nous devons changer de logique, et parvenir à élaborer avec les Finances une stratégie budgétaire reposant sur quelques principes simples. Premier principe : une évaluation réelle, lucide, honnête de nos besoins actuels ; deuxièmement, ne lancer de nouveaux projets que dans la mesure où leur financement à long terme peut être garanti ; troisièmement, définir un cadre de croissance pluriannuelle, cette croissance étant assez forte pour que les charges fixes cessent de nous priver de véritables marges culturelles et artistiques. Reconquérir de la marge culturelle et artistique, ce sera l'enjeu de mon mandat. A l'objectif de croissance maîtrisée, j'ajouterai, pour y parvenir, l'impératif d'une évaluation permanente des politiques menées, dans les services et les établissements, pour mesurer leur impact et leur efficacité réels. Dès 2003, je réserverai chaque année dans le budget, pour cette évaluation, une enveloppe conséquente.
Tout contrat d'objectif et de moyen sera ainsi précédé d'un audit, destiné à évaluer le fonctionnement, les besoins, l'usage des moyens déjà alloués.
2 - Une stratégie immobilière et institutionnelle responsable
Enfin, après deux mois à écouter, étudier, observer, je crois absolument nécessaire de réajuster les grands projets immobiliers et institutionnels du ministère. Mon analyse reposera sur trois principes :
·- Utilité, voire nécessité publique
·- Cohérence intellectuelle et culturelle
·- Faisabilité des projets, au regard des coûts annoncés tant en investissement qu'en fonctionnement
Je distinguerai sommairement des projets à forte unité - Grand Palais, Cité des archives, grande salle de concert - et des projets qui constituent en eux-mêmes des regroupements d'entités distinctes, voire disparates : maison du cinéma au 51, rue de Bercy, Cité de l'architecture et du patrimoine, Institut National de l'Histoire de l'Art, Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, à Marseille.
Les premiers projets posent essentiellement un problème de financement. Je n'ai personnellement pas de doute sur leur bien-fondé.
Pour ce qui est du Grand Palais, il nous faut à la fois trouver les moyens d'assurer sa restauration et son équipement et d'assurer dans le futur son exploitation, conformément à sa vocation, qui est d'accueillir les grandes manifestations culturelles et commerciales qui ont dû le quitter après sa fermeture.
J'ai décidé de confier à Serge Louveau la responsabilité de ce projet. Le ministère lancera dès le début de l'année 2003 un appel d'offres européen pour choisir, dans le cadre d'une délégation de service public, un opérateur chargé de l'exploitation de la Nef et de ses annexes. Bien entendu, les galeries nationales et le Palais de la découverte demeureront au Grand Palais, mais je n'exclus pas un réaménagement des espaces, pour rétablir les circulations naturelles du bâtiment et constituer un pôle culturel cohérent.
La grande salle de concert est un projet sur lequel le Président de la République s'est prononcé favorablement. Il est vrai qu'une telle salle compléterait le programme de la Cité de la musique. L'investissement et le fonctionnement seront cependant très lourds. Il est par ailleurs évident que cette salle profitera prioritairement au public parisien et régional. Je ne conçois donc pas qu'un tel projet se fasse sans un concours significatif, en investissement et en fonctionnement, de la Ville de Paris et de la Région Ile-de-France.
Je vais saisir dans ce sens le Président de la Région Ile-de-France et le Maire de Paris.
La situation du Centre historique des archives nationales appelle une attention prioritaire, qui lui a trop fait défaut jusqu'à présent. Il faut que les archives nationales retrouvent de la place, des moyens humains et financiers pour collecter, pour conserver et pour servir les chercheurs. Je suis profondément favorable à un geste d'envergure que pourrait être une nouvelle Cité des archives, mais j'entends évaluer ce projet, avec le directeur des archives de France, Martine de Boisdeffre, de la manière la plus précise. Dans cet esprit, je commencerai très prochainement à visiter les sites pressentis et les sites d'archives déjà existants comme Fontainebleau.
J'en viens maintenant aux projets qui représentent en eux-mêmes des regroupements. J'ai dit et je répète qu'à mes yeux la Cité de l'architecture et du patrimoine n'a pas trouvé sa cohérence et son sens. Je crois qu'il faut rénover, moderniser, mettre en valeur le musée des monuments français. Je crois qu'il faut un lieu où le public puisse se sensibiliser aux courants et aux enjeux de l'architecture de notre temps. Peut-on réunir les deux ? Je m'interroge.
De même, si je suis conscient de l'importance d'une véritable politique du patrimoine et de la diffusion cinématographiques, je reste interrogatif sur le regroupement au sein d'un Groupement d'Intérêt Public d'organismes aussi attachés à leur identité que la cinémathèque, la bibliothèque du film et de l'image et le service des archives du film.
Je m'interroge également sur la cohérence de l'Institut national d'histoire de l'art, sur le lien fédérateur, la ligne directrice qui unirait l'Ecole du Patrimoine, l'Ecole des Chartes, et des laboratoires venus de grands établissements universitaires - Paris I, Paris IV, l'Ecole pratique, l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Je crains qu'on ne soit pas encore parvenu à autre chose qu'une unité de lieu, pas forcément bien vécue par les uns et les autres. En outre, la place semble manquer.
Je compte, en concertation avec mes collègues Luc Ferry, Xavier Darcos et Claudie Haigneré, me donner le temps de réfléchir à l'organisation et aux missions de l'Institut national de l'histoire de l'art, comme des autres projets que je viens d'énoncer.
Je vous donne rendez-vous au mois d'octobre pour vous présenter ce que sera sur les cinq ans à venir la stratégie institutionnelle et immobilière du ministère.
3 - La réorganisation des musées nationaux
L'organisation actuelle des musées nationaux sera réformée pour permettre une définition plus claire des missions et du rôle des différents acteurs. L'objectif de la réforme est de :
* accroître l'autonomie des musées nationaux notamment en érigeant le musée d'Orsay en établissement public et en clarifiant les flux financiers entre l'Etat, la RMN et les établissements publics,
* accroître la responsabilité des directeurs d'établissement, dans le domaine de la gestion, et également et surtout, dans le domaine de la politique scientifique (acquisitions, prêts, dépôts),
* améliorer la gestion et l'organisation de la RMN qui demeurera un instrument au service des musées nationaux,
* consolider l'exercice de la tutelle de l'Etat sur les établissements publics en modifiant les textes relatifs au statut de la Réunion des Musées Nationaux pour permettre la nomination d'un président de la RMN qui ne soit plus le directeur des musées de France.
4 - Une approche de l'action territoriale efficace
L'action sur le terrain est le fait d'une multiplicité croissante d'intervenants : Etat, collectivités, associations. C'est une bonne chose. Je crois cependant qu'il faut y voir plus clair et faire un bilan de la décentralisation et de la déconcentration, pour progressivement, sans doute, passer d'une superposition, voire d'un empilement, à une répartition des interventions.
En région, l'Etat doit se concentrer sur les actions et les équipements structurants, les grands équipements de diffusion, les programmes, notamment ceux qui s'efforceront de toucher de nouveaux publics et de combler les carences de l'aménagement culturel du territoire. Tel est le sens des initiatives de bilan que j'ai engagées en Lorraine et Midi-Pyrénées. Tel est le sens du plan d'équipement des zones rurales et des quartiers en médiathèques de proximité qui entrera dans sa phase expérimentale dès 2003. Tel aussi celui du plan de développement des archives communales et intercommunales qui débutera également dès 2003. Cette relance de l'action territoriale sera un des éléments forts d'un meilleur partage de la culture par tous.
5 - Une ouverture convaincue à l'initiative
Le Ministère doit s'ouvrir, enfin, à la société, parce que c'est bien d'elle qu'émane le mouvement de la culture. C'est bien la société qui a ou qui n'a pas en elle une énergie créatrice, qui a ou qui n'a pas une appétence pour la culture, qui a ou qui n'a pas le désir de stimuler la vie culturelle. Nous avons placé parmi les priorités de notre action l'encouragement au mécénat, celui des particuliers et des entreprises, et j'ai tenu à ce que le décret d'attribution de mon ministère lui donne un rôle moteur dans cette affaire. Nous avons commencé à travailler avec le ministère des finances à des propositions nouvelles. Il faut pouvoir donner pour la culture, et il faut pouvoir le faire même lorsqu'on a des revenus moyens ou modestes. Nombreux sont nos concitoyens qui éprouvent le désir d'apporter leur soutien à telle société d'amis de musée, à telle association de défense du patrimoine ou d'action culturelle. La culture de proximité appelle ce que je nommerai le mécénat de proximité.
Aussi serais-je amené à proposer prochainement au Gouvernement des mesures sur plusieurs plans : accroître et rendre plus incitatives les possibilités de dons des particuliers dans le cadre de l'impôt sur le revenu ; redonner au mécénat des entreprises un vrai avantage sur la formule du parrainage, de manière à enrayer le déclin du mécénat. Des propositions concrètes et audacieuses seront dévoilées, à l'automne.
Il reste également toujours difficile de créer une fondation, de la faire reconnaître d'utilité publique, et de surmonter une certaine méfiance de l'administration. Nous devons adapter notre droit et nos pratiques pour que non seulement nos entreprises mais aussi des personnes physiques puissent exercer leur " droit de mécéner " ou leur " droit de fonder ". Nous avons commencé à travailler sur ce sujet avec l'ADMICAL, la Fondation de France, l'Institut de France ou encore la Fédération des sociétés d'amis de Musées. Nous avons lancé le travail interministériel, particulièrement avec le ministère de l'intérieur. Il nous faudra légiférer et nous le ferons rapidement. Dans l'immédiat, l'administration doit amorcer un changement d'état d'esprit. Elle doit appliquer plus favorablement les dispositions existantes, en ce qui concerne les fondations d'entreprise, les mécénats, le parrainage. Elle doit par exemple considérer sans suspicion les collectionneurs
Je vais écrire à mon collègue Francis Mer pour le sensibiliser à cette question. Je veux dire ici qu'il n'y a pas de marché de l'art sans collection, sans la passion des collectionneurs, et qu'il n'y a pas de création non plus sans marché pour l'art.
6 - Une attention vigilante à la situation des créateurs
Ce Ministère doit avoir sur les conditions d'existence, de vie et de travail des créateurs un regard permanent et attentif.
Il doit d'abord veiller de manière sourcilleuse à leur liberté. La société a besoin du spectacle vivant, elle a besoin de la création plastique contemporaine. Elle ne sait pas toujours facilement appréhender ses formes de la création. Cela se traduit par des relations parfois complexes entre les élus et les artistes. Chaque élection amène son lot de malentendus, que je ne veux pas dramatiser. En mettant à part les problèmes que nous avons connus avec des municipalités d'extrême droite, je considère que mon rôle n'est pas de diaboliser ou de condamner, mais d'être toujours un médiateur entre les élus et les créateurs. J'ai demandé aux directions régionales des affaires culturelles de me signaler tout problème, de s'impliquer dans la médiation, dans la recherche de solutions, dans la résolution des conflits. Cette fonction, le ministère doit l'assurer au service des créateurs partout sur le territoire.
Ce respect des artistes que l'Etat attend des collectivités territoriales, il doit en donner l'exemple, et tout particulièrement en ce qui concerne les nominations auxquelles procède le ministre ou auxquelles il est associé dans le secteur du spectacle vivant, de la musique, et des FRAC. Je sens sur ce point un malaise, dont le SYNDEAC et la chambre professionnelle des directeurs d'opéra se sont fait l'écho. La règle sera : transparence, équité, sélection des candidats sur un projet.
L'Etat doit enfin veiller aux conditions de travail des artistes et je veux engager une réflexion collective en ce sens. Face aux difficultés rencontrées par le monde artistique (régime des intermittents, législation sur les heures de nuit, application des 35 heures), le Ministère se veut le soutien des artistes.
A ce titre, il dialoguera avec l'administration du travail et les partenaires sociaux, pour préserver les spécificités du système culturel français, dont la disparition serait en l'état actuel un facteur de déstabilisation économique, sociale et culturelle. Sur l'ensemble des dossiers sociaux du domaine culturel, le Ministre de la culture et le ministre des affaires sociales et de l'emploi travaillent et travailleront ensemble à dégager des solutions concertées.
7 - Les technologies nouvelles au service de la diffusion culturelle
De façon générale, il convient de souligner l'importance qui doit s'attacher aux contenus culturels de l'Internet, à la fois en tant que vecteurs de culture mais aussi en tant que moteurs du développement de la société de l'information.
Le réseau Internet est une chance pour la diffusion de la culture française, en particulier vers un public plus jeune, moins parisien, et plus international. Il présente des possibilités multimédias (photos, images animées ou non, sons) qui le rendent particulièrement adéquat aux contenus culturels.
Dans ce cadre, le rôle du portail culturel public que j'envisage de créer sera :
* de favoriser par un point d'accès unique et commun, le rayonnement des initiatives culturelles sur Internet (publiques ou privées, nationales ou locales), auprès d'un large public français et étranger ;
* d'inciter à la fréquentation des lieux culturels, notamment des lieux moins connus.
Le site Internet actuel du Ministère sera scindé en un portail culturel www.culture.fr et un site institutionnel www.culture.gouv.fr.
Le portail culturel présentera des rubriques plus claires et simples d'accès. L'accent sera mis notamment sur les manifestions culturelles en cours et sur les "uvres virtuelles", en veillant à orienter le public vers les lieux culturels correspondants et vers les bases des données d'uvres numérisées, dont l'enrichissement continu est également une priorité du Gouvernement.
Le portail culturel proposera un outil de recherche et sera accessible en plusieurs langues.
A l'initiative de mon cabinet, une équipe de projet et des groupes de travail ont été constitués. Une étude pour l'élaboration d'une maquette du portail est en cours de lancement. La réflexion a associé et continuera d'associer les Etablissements publics, les musées, les acteurs régionaux et les acteurs privées.
Une maquette des premières pages du portail sera disponible en octobre 2002. La refonte éditoriale et technique du site pourra aboutir à une première version au printemps 2003. Le portail aura ensuite vocation à s'enrichir de manière continue.
8 - Une politique globale des patrimoines
La politique des patrimoines que je souhaite engager comprendra d'abord une nouvelle loi de programme, dont la préparation a commencé, et s'appuiera sur la mission Bady.
Je viens parallèlement de mettre en place un plan d'action pour remédier à une sous-consommation des crédits des Monuments Historiques qui atteint aujourd'hui, avec 234,6 M d'euros, des dimensions surréalistes.
Un autre levier de cette politique sera la numérisation, qui touche toutes les formes du patrimoine documentaire et artistique.
Nous allons donner une nouvelle impulsion à la politique de numérisation coordonnée par le ministère, en mettant l'accent sur la numérisation des collections territoriales, et sur la valorisation des fonds numérisées, qui est le grand point faible de la politique menée. En premier lieu, je souhaite que nos grands établissements proposent et apportent aux établissements territoriaux leur aide, leur conseil, leur savoir-faire, leur expertise technique. C'est d'ores et déjà un des axes de coopération que va développer la BNF, qui tient aujourd'hui même à Lyon sa journée des pôles associés. Vous savez que la BNF mène actuellement, en coopération avec les bibliothèques municipales de Lorraine et d'Aquitaine, une opération partagée de numérisation des publications des sociétés savantes. De même, La BNF et la BM de Versailles, qui se partagent le fonds ancien dit de la Musique du Roi, reconstituent en ce moment même l'unité de ce fonds, en le numérisant ensemble. Je souhaite que ces coopérations se multiplient, et qu'elles soient l'occasion d'harmoniser les techniques et de développer les interfaces, pour permettre un parcours aisé entre les différents corpus. A l'image de la BNF, je sais que la BPI est désireuse d'apporter son aide aux bibliothèque de lecture publique, pour qu'elle puissent présenter sur écran dossiers de presse, fonds d'actualité, dossiers thématiques. Cette initiative a mon soutien. J'encourage également le Louvre à apporter son aide et sa compétence unique aux musées, et l'INA à amorcer la même politique de coopération pour les fonds sonores. Numériser n'est cependant qu'une première étape, et le processus reste inachevé s'il ne débouche pas sur une mise en ligne, une base de données facilement accessible, ou la publication d'un cédérom ou d'un DVD correctement diffusé. Dans cet esprit général, je veillerai à ce que les prochains appels à projets lancés par le ministère, dès 2003, se conforment à trois grandes orientations : faire meilleure place aux projets territoriaux, encourager les coopérations, évaluer l'intégration par les projets de la valorisation et de la diffusion.
9 - Défendre les industries culturelles et stimuler le marché de l'art
J'axerai la défense des industries culturelles sur quatre priorités :
1) Préserver et diversifier les sources de financement du cinéma français, et notamment les films à petits budgets où se concentrent le renouvellement, la création, l'invention artistique, la prise de risque. J'ai demandé au Centre national de la cinématographie d'accélérer les travaux de son groupe de travail sur la diversification du financement du cinéma. Cinq pistes sont à l'étude : accroître l'ampleur des SOFICAS ou d'outils financiers équivalents, accroître la contribution de la vidéo et du DVD au financement du compte de soutien, favoriser l'engagement des régions, favoriser les coproductions internationales et les ventes à l'étranger des films français, étendre la clause de diversité, valable pour Canal + et bientôt TPS, à d'autres sources de financement. Je lancerai très prochainement une nouvelle mission chargée de proposer, sur la base de ce travail, les modalités concrètes d'une évolution des dispositifs de soutien.
2) Agir pour la baisse de la TVA sur le disque
3) Défendre le prix du livre dans un contexte européen. Je mettrai à profit mon déplacement à la foire internationale du livre de Francfort, en octobre prochain, pour avoir des échanges sur le prix du livre en Europe avec les responsables allemands, et notamment le nouveau président de Börsenverein, Monsieur Schonnmann. Nous devons non seulement préserver les régimes de prix unique en Europe, mais les renforcer et aller vers leur généralisation. L'Allemagne et la France doivent constituer un rempart à toute remise en cause du prix unique en Europe.
4) Lutter contre la contrefaçon et le piratage. J'ai veillé à ce que le projet de loi sur le droit de prêt et le renforcement de la protection sociale des auteurs soit examiné en priorité. Je veillerai de même à une transposition rapide de la directive du 22 mai 2001 sur la propriété littéraire et artistique, avec une double exigence : d'abord lutter contre la contrefaçon, qui coûte, pour donner un exemple, 4 milliards d'euros par an à l'industrie musicale dans le monde ; ensuite protéger le droit d'auteur tout en favorisant la diffusion du patrimoine culturel et l'accès de tous à la culture. Il nous faut, par la concertation, trouver des solutions pour favoriser la circulation des textes et des uvres sur Internet et leur usage à des fins d'éducation et de recherche. Il est incontestable qu'à côté de la musique et de l'image, l'écrit est tout particulièrement concerné par ces enjeux de juste rémunération de la copie et de lutte contre la contrefaçon, et j'appuie tous les efforts qui sont faits et qui seront faits, et notamment ceux du Président du Syndicat national de l'édition.
En ce qui concerne le marché de l'art, le Ministère de la culture entend lui donner une nouvelle vigueur, en ouvrant plusieurs chantiers (conséquences du droit de suite, sécurité sociale des artistes ; TVA à l'importation au plan européen), en étant très attentif au devenir de Drouot, en s'attachant à redonner au Grand Palais sa vocation d'accueil de salons et de manifestations artistiques, en accordant plus de reconnaissance aux collectionneurs, aux donateurs et aux mécènes.
10 - Le pari de l'action internationale et de l'engagement européen l'importance de la relation franco-allemande
Le pari est triple, pour un triple enjeu
I - Faire entendre la voix de la France sur l'exception culturelle dans les enceintes européennes et internationales
Dans les enceintes européennes, je compte rester très vigilant sur l'ampleur et la nature de l'éventuelle révision de la directive Télévision sans Frontière, reportée par le Conseil culture/audiovisuel du 23 mai. Je veillerai aussi à défendre et à renouveler le système d'exemption dont bénéficient jusqu'en 2004 les aides au cinéma. Enfin je m'attacherai à renforcer la place et les financements dévolus à la Culture par la Communauté européenne. Un projet de mémorandum français sur l'action de l'Union en faveur de la culture, qui comprend un volet budgétaire et un volet financier, a d'ores et déjà été confié aux services du Ministère.
Je souhaite aussi dès à présent m'impliquer personnellement dans le débat sur l'architecture institutionnelle animée par la convention sur l'avenir de l'Union avec l'objectif qu'une place plus importante soit accordée, à la culture dans l'édifice européen. Cela passera par la possibilité d'adopter des programmes culturels à la majorité qualifiée, et par un meilleur respect de la spécificité de la culture dans les politiques de l'union. En clair, l'exception culturelle est aujourd'hui essentiellement portée par la France. Je veux persuader l'Europe de nous suivre avec toujours plus de conviction, et de manière toujours plus large.
Dans les enceintes internationales, après l'adoption par l'Unesco de la Déclaration sur la diversité culturelle, je militerai, comme l'a souhaité le Président de la République, pour l'adoption d'un instrument juridique sur la diversité culturelle. Des discussions sont en cours avec le Ministre des affaires étrangères sur la forme, le contenu de cet instrument et l'enceinte susceptible d'accueillir la négociation de ce projet.
Enfin je m'attacherai à défendre l'exception culturelle dans le cycle des négociations multilatérales initiées à Doha (Qatar). La perspective de demandes de libéralisation du secteur audiovisuel, qui ne manqueront pas de se faire jour, incitent à la plus grande vigilance.
II - Engager une politique généreuse d'accueil et de formations
J'ai confié à Monsieur André Ladousse une mission visant à recenser la totalité des actions de formation et d'accueil menées par ses services et ses établissements.
A partir de ce bilan, cette mission présentera des propositions d'actions nouvelles orientée vers des zones prioritaires définies en concertation avec les autres départements ministériels concernés.
III - Faire participer le ministère à la réforme du réseau culturel à l'étranger. Nous apporterons notre concours, notre expertise à cette réforme, qui sera pilotée par le Ministère des Affaires Etrangères.
Quoi qu'il en soit, j'ai la conviction que la cause de la culture a besoin, pour progresser en Europe, de la relation franco-allemande. Or la coopération des deux pays a tendance à se centrer sur les domaines économiques, technologiques, industriels. Le recul de l'apprentissage de la langue de l'autre, dans chaque pays, semble traduire un recul progressif de l'intérêt intellectuel de chaque peuple pour l'autre. La culture est trop absente des relations franco-allemandes, alors que nous avons les mêmes industries, les mêmes métiers, les mêmes publics à défendre. C'est dans cet esprit que je me rendrai fin juillet au sommet franco-allemand de Schwerin. Nous discuterons de l'avenir d'Arte, mais, au-delà de l'audiovisuel, je souhaite que notre collaboration puisse embrasser tous les domaines de la culture, radio, cinéma, échanges linguistiques, séjours d'artistes, formations croisées.
Je désire également rassembler autour de moi un groupe de contact composé de personnalités culturelles allemandes et françaises, ayant témoigné de leur engagement dans les relations entre nos deux pays. Ainsi, au-delà du dialogue institutionnel, nous pourrons nourrir et développer l'échange culturel.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 5 juillet 2002)