Déclaration de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la création d'un réseau sur le développement de la régulation des télécommunications au sein de l'espace francophone, Paris le 26 juin 2002.

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Circonstance : Premier symposium sur le développement de la régulation des télécommunications au sein de l'espace francophone à Paris le 26 juin 2002

Texte intégral

Monsieur le Président de l'Autorité de régulation des Télécommunications,
Cher Jean-Michel Hubert,
Messieurs les Représentants des autorités de régulation des Télécommunications des pays francophones,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement sensible à l'honneur que vous m'avez fait aujourd'hui en me demandant de clôturer les travaux de ce premier symposium - studieux, je l'ai observé moi-même - sur le développement de la régulation au sein de l'espace francophone. Je suis d'autant plus heureux d'avoir répondu à votre invitation qu'il s'agit de l'une de mes premières interventions publiques depuis que la responsabilité de la Coopération et de la Francophonie m'a été confiée au sein du gouvernement, il y a une semaine seulement.
Je voudrais en conséquence féliciter et remercier Jean-Michel Hubert, président de l'Autorité française de régulation des télécommunications, d'avoir pris l'initiative de ce symposium.
L'occasion m'est donc donnée de lui rendre un juste hommage, car mieux que quiconque, il a compris l'intérêt d'un espace, d'une communauté francophone au sein de la société de l'information.
Car, ce qui est en jeu avec l'existence de cet espace, de cette enceinte, de cet ensemble, c'est la sauvegarde et la promotion d'un certain nombre de nos valeurs culturelles ; c'est tout autant la mise en valeur de la diversité de chacune de nos traditions respectives contre toute tentative d'hégémonie politique ou culturelle.
Votre présence, si nombreuse à ce symposium, témoigne de la vitalité de l'idée francophone et permettez-moi, au nom du gouvernement français, de vous en remercier.
Je tenais à vous exprimer personnellement les encouragements et l'intérêt que porte le gouvernement français à votre démarche et cela pour trois raisons :
- en organisant ce symposium, vous avez prouvé que notre langue demeure un instrument essentiel dans le secteur des télécommunications, secteur stratégique s'il en est ;
- vous rappelez que la Francophonie est porteuse de valeurs et de principes que nous devons défendre,
- vous adoptez une démarche qui souhaite l'émergence d'une francophonie réellement active et concrète.
Je reviens brièvement sur les trois volets de votre action.
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En regroupant aujourd'hui les représentants de 28 pays et organisations internationales qui ont le français en partage, l'ART a apporté la preuve que notre langue demeure un instrument essentiel d'échange et de communication dans des secteurs comme celui des télécommunications qui constitue désormais un enjeu central - stratégique - des relations internationales.
La langue française démontre ainsi une nouvelle fois, si besoin était, et contrairement aux craintes de certains, sa capacité à exprimer la modernité, c'est-à-dire à s'insérer dans le monde des technologies, trouver les mots, les nuances qui lui permettent d'être aussi un outil de travail.
Dans ce monde global où la vitalité d'une langue tient d'abord à sa présence sur la scène mondiale, le français doit être diffusé sur de nouveaux supports, plus variés, que ne l'était le seul écrit. Ils sont aujourd'hui dématérialisés, essentiellement numériques et convergents.
Le français a la chance de bénéficier d'une audience qui va bien au-delà du cercle de ses 170 millions de locuteurs habituels. Si, à l'échelle du monde, les francophones ne constituent que la septième communauté linguistique, ils sont, avec les anglophones, les seuls à disposer d'une langue présente sur les cinq continents et qui jouit d'un statut privilégié dans les organisations internationales. C'est un sujet d'ailleurs sur lequel il convient de veiller.
Ce patrimoine exceptionnel dont nous sommes les héritiers et que nous avons enrichi de nos nuances nationales, de nos diversités et de nos sensibilités propres, il nous appartient de le défendre et de le promouvoir dans un monde tenté par les facilités mais aussi les mirages et les dangers que procurent l'uniformité.
Vous l'avez perçu, la diversité linguistique et culturelle constitue un enjeu fondamental pour la fluidité des relations internationales, tant il est vrai que les télécommunications ont partie liée avec nos cultures. Elles peuvent être agents de leur uniformisation ou, au contraire, vecteurs de leur émancipation.
Nous le savons, un monde qui serait dominé par un idiome unique, où la seule loi qui compterait serait celle du marché et des échanges, ce monde là exclurait, ce monde là ne permettrait plus à chacun d'entre-nous d'être porteur d'une part d'universel.
C'est là où je voulais en venir, la deuxième raison de notre intérêt pour cette rencontre est qu'au-delà de la langue que nous partageons, la Francophonie est rassemblée autour de valeurs et de principes communs. Francophones, nous défendons une vision de l'avenir du monde qui s'incarne non seulement dans les Droits de l'Homme mais aussi dans une conception particulière de la mondialisation.
Car la mondialisation est une promesse. Promesse de richesses, promesse d'ouvertures sur la diversité des cultures, promesse de création. Nous la souhaitons car elle porte en elle ce message universel qui fût toujours celui de la France. Mais nous souhaitons l'humaniser.
Pour l'humaniser, la mondialisation a besoin des valeurs de la Francophonie et du respect de ces spécificités portées par chacun d'entre nous.
On le voit, la disparition des frontières économiques laisse nombre de nos concitoyens perplexes et inquiets. La régulation, c'est-à-dire l'affirmation de la force de la politique est une première forme de réponse. Même si le sens du mot peut porter à débat, la régulation, à la fois élaboration de règles communes - c'est-à-dire réglementation - et application de la règle permet selon nos propres principes de défendre l'intérêt général. En économie, seule une concurrence régulée permettra à nos pays de profiter des effets vertueux de la globalisation des échanges.
Nous savons tous combien au niveau national déjà la régulation des télécommunications, pour être nécessaire, est délicate. Si la puissance publique s'en désintéresse, c'est l'anarchie. Qu'elle s'y immisce trop directement et elle sera suspectée de réduire les libertés et de favoriser l'arbitraire. D'où l'importance d'instances indépendantes de régulations, comme l'A.R.T. en France.
Cette égale distance qu'il faut tenir entre un souci légitime de rationalisation et la volonté de garantir un cadre libéral est, finalement, le défi permanent auquel toutes les démocraties modernes sont confrontées. Nous avons acquis la certitude que seule une réponse qui associe l'ensemble des parties prenantes est susceptible d'apporter des solutions durables et équitables. A l'échelle internationale, le problème se pose en des termes encore plus aigus.
La concertation et le dialogue constituent en effet le meilleur moyen de maîtriser la mondialisation.
Par la concertation, nous manifestons également notre solidarité vis-à-vis de tous les pays de notre communauté en leur permettant de participer efficacement aux grandes négociations internationales.
Celles-ci, vous le savez bien, sont désormais fondamentales pour l'élaboration des normes futures, et chaque pays francophone doit pouvoir y défendre ses intérêts.
C'est pourquoi la Francophonie participe activement à la préparation du Sommet mondial sur la société de l'information, qui sera organisé à Genève en décembre 2003, puis à Tunis en 2005, à l'initiative de l'Union internationale des Télécommunications .
Si la concertation est bien une mission prioritaire de la Francophonie, le développement de la démocratie en est une autre, tout aussi essentielle pour son avenir.
A cet égard, notre démarche est d'abord une démarche de coopération et, une fois encore de dialogue entre les acteurs de la société civile des pays francophones que vous représentez. En vous dotant d'un instrument de référence en matière de régulation, votre objectif n'est pas de sanctionner mais bien de mettre en uvre cette entraide dont je parlais à propos des négociations internationales.
Enfin, et c'est le troisième motif d'intérêt, votre démarche rejoint pleinement celle du Gouvernement français qui souhaite l'émergence d'une Francophonie vivante, active et dynamique. Une Francophonie puisant ses ressources dans les initiatives des individus, des associations, des parlementaires, des collectivités décentralisées, des acteurs sociaux, structurés en réseaux.
De ce point de vue, la rencontre qui vient de se dérouler préfigure ce que le gouvernement français appelle de ses vux, pour lui-même comme pour la Francophonie : l'avènement d'une démocratie de proximité qui associe plus étroitement les citoyens et les forces vives de la Nation où chacun, institutions, entreprises, associations, citoyens, a un rôle spécifique à jouer.
Lors du sommet de la Francophonie tenu à Hanoï, le président de la République française a voulu le renforcement de la Francophonie institutionnelle. Nous lui avons donné un visage, des structures plus efficaces et des institutions rénovées. Aujourd'hui, nous nous employons à renforcer ses moyens mais la tâche des autorités publiques, notre tâche, n'a de sens que dans la mesure où elle est relayée, prolongée, amplifiée par les initiatives incessantes de l'ensemble des représentants de la société civile. Cette mobilisation de tous, vous m'en avez donné une illustration exemplaire.
Ce n'est pas un hasard si la déclaration francophone de Bamako sur le bilan et les pratiques de la démocratie dans l'espace francophone insiste particulièrement sur la nécessité d'appuyer la constitution des réseaux qui contribuent à l'enracinement de l'Etat de droit et des règles de droit.
Votre initiative s'inscrit parfaitement dans cette perspective. Autant dire qu'elle suscite notre approbation et notre soutien.
Le gouvernement français appuiera donc résolument vos activités.
La création d'un Réseau sur le développement de la régulation au sein de l'espace francophone, instance d'information réciproque, d'échange et de concertation constituera un maillon supplémentaire de la formidable toile qui est en train de se constituer entre tous nos pays et qui associe, dans des structures spécifiques et au sein de réseaux distincts, avocats, magistrats, médiateurs, parlements, instances de contrôle, organes de régulation de l'audiovisuel pour n'en citer que quelques-uns uns.
Tous, ils concourent, chacun à son niveau et dans sa sphère d'activité, à l'acclimatation d'une véritable culture de la démocratie et à la promotion des droits et des libertés.
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Il y a bien des années que la démarche de rapprochement de nos pays par la francophonie a été entreprise. Elle va parfois lentement, trop lentement à mon goût. Je souhaite que nous lui donnions un nouveau souffle.
Cette Francophonie vivante et substantielle que j'ai décrite nourrit, vous l'aurez compris, un projet ambitieux. Ouverte sur le monde mais n'ayant pas renoncé à humaniser la mondialisation, soucieuse de cohérence tout en étant éprise de liberté, ses ambitions tracent des lignes d'action à condition d'être des ambitions partagées.
Je suis persuadé que les résultats remarquables de ce symposium ne resteront pas sans suite et permettront, par delà les différences de nos pays, de construire une action commune et solide, de continuer à lier le destin de la France et de la Francophonie.
C'est en tout cas le vu très ardent que je forme en vous réaffirmant le soutien des autorités et du Gouvernement Français en ce sens.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juin 2002)