Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, en réponse à une question sur le mouvement de grêve des internes des hôpitaux et la nouvelle convention médicale, à l'Assemblée nationale le 15 avril 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Suspension le 15 avril 1997 de la grève des internes commencée le 11 mars 1997

Texte intégral

1.- Le Gouvernement et la Caisse Nationale d'Assurance Maladie ont veillé à satisfaire les demandes légitimes des médecins en formation.
Le mouvement de grève des internes et des chefs de clinique est né d'une double demande:
- d'abord, que les nouvelles conventions médicales prennent pleinement en compte les contraintes liées à l'installation des jeunes médecins au regard du mécanisme de reversements .
- ensuite, qu'ils puissent être partie prenante de la réforme de l'assurance-maladie' car ils ont conscience que ce qui est en jeu c'est l'avenir de notre système de protection sociale.
Dès son déclenchement, J. BARROT et H. GAYMARD ont conduit une concertation exemplaire avec les internes et chefs de clinique qu'ils ont considéré comme des interlocuteurs à part entière .
- le dialogue a été constant avec eux et conduit personnellement par le Ministre du Travail et des Affaires Sociales et le Secrétaire d'Etat à la Santé et à la Sécurité Sociale.
Les ministres ont été directement au contact des internes dans les CHU. Ils ont organisé de multiples réunions sous leur présidence avec les internes au Ministère pour avancer ensemble. Quand le dialogue a été unilatéralement et brusquement rompu par les internes, ils ont tout mises en oeuvre pour le rétablir.
- Dans cette démarche, les ministres ont été pleinement relayés par les parlementaires de la majorité qui se vent rendus sur le terrain dans des conditions parfois très difficiles pour expliquer la reforme.
Je tiens à les en remercier. La Représentation Nationale a ainsi témoigné qu'elle était totalement partie prenante à la reforme, qu'elle en soutenait la nécessité et en partageait les objectifs.
- Au terme de cette concertation sans précédent, les médecins en formation ont obtenu satisfaction sur les points à l'origine de leurs mouvements:
- J. BARROT a ainsi obtenu des signataires des nouvelles convention, qu'ils portent de 3 à 7 ans la période d'exonération de tout reversement pour les jeunes médecins qui s'installent;
- A l'issue d'une concertation active conduite avec J.M. SPAETI, Président de la CNAM, il a aussi été décidé que les future médecins seraient des maintenant associés à tous les chantiers de la réforme ainsi qu'au suivi des conventions.
2.- Mais en demandant également l'abandon du mécanisme de reversements les médecins en formation se vent attaques à l'équilibre même de la réforme de l'assurance-maladie.
Vous le savez, cette réforme n'a qu'un but sauver notre médecine à la française. En effet, un système de santé dans lequel la hausse non maîtrisée des dépenses n'a pour seules réponses que la hausse des cotisations et la baisse des remboursements va à sa perte. Comment pourrait-on faire accepter très longtemps encore à nos concitoyens que nous soyons un d es pays qui dépense le plus en Europe pour sa santé (25 % de plus que l'Allemagne par habitant et 60 °/~ de plus que le Royaume-Uni) mais cela avec cependant des taux de remboursements parmi les plus bas d'Europe (74 %) et sans que les Français soient mieux soignés que leurs voisins ?
Pour cela, la réforme a prévu la mise en place accélérée des Instruments de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé (informatisation, RMO, codage des actes..): c'est un point essentiel de la convention d'objectifs et de gestion qui sera prochainement signée avec la CNAM et qui prévoira tous les moyens matériels et humains nécessaires pour réussir ce qui est le coeur de la réforme: soigner mieux, et permettre à chaque médecin d'améliorer sa pratique quotidienne.
Pour conforter cette démarche le parti pris par la réforme a été aussi celui de mettre en situation de responsabilité tous les acteurs et parmi eux les médecins qui ne participaient pas jusqu'alors, à la régulation du système d'assurance-maladie:
- le Parlement vote désormais, au vu des conclusions de la conférence nationale de santé, un objectif national de dépenses remboursées pour couvrir les besoins de santé de toute la population. C'est l'objet de la réforme constitutionnelle qui a été adoptée le 19 février 1996;
- les médecins participent au respect de cet objectif par la recherche du juste soin mais également selon une logique collective sur laquelle repose notre système conventionnel (droit au conventionnement et non pas conventionnement individuel, fixation de tarifs d'honoraires commune à tous les généralistes et à tous les spécialistes, hausses d'honoraires accordées à l'ensemble des médecins). Ce mécanisme de régulation collective des médecins repose sur une logique simple: si l'objectif fixé par le Parlement est respecté, les honoraires sont revalorisés et cela pour tous quels qu'aient été le niveau d'activité ou la qualité des soins prodigués par chaque médecin. Si l'objectif est dépassé les médecins sont, en revanche, appelés à reverser une partie du dépassement
Les médecins sont donc par les reversements, comme les assurés sociaux par la hausse des cotisations ou la baisse des taux de remboursements ou les entreprises par la hausse des cotisations, placés en situation de responsabilité par rapport à l'évolution des dépenses d'assurance-maladie,
Mais cette logique de responsabilité partagée n'exclut pas que ses modalités d'application tiennent compte des particularités de l'activité de chacun. C'est ainsi que les conventions prévoient des règles d'individualisation des reversements. Dans ce sens, J. BARROT et 11. GAYMARD ont demandé aux partenaires conventionnels qui L'ont acceptés d'étudier les conditions d'un renforcement de cette individualisation qui pourrait trouver sa place dans un futur avenant annuel à la convention.
Renoncer à toutes régulations collectives, ce serait donc remettre en cause la logique de mise en situation de responsabilité de chacun des acteurs de notre système de soins et ainsi la logique d'effort justement partagé qui fait la légitimité de la réforme de l'assurance-maladie.
C'est, en effet, parce qu'elle répartit justement les efforts que cette réforme est largement soutenue par trots organisations syndicales sur cinq, la Mutualité, et faut-il le rappeler, par deux syndicale de médecins libéraux qui ont signé les nouvelles conventions et qui ne vent pas moins sourcilleux que les autres sur les questions d'éthique médicale.
Comment imaginer qu'ils donneraient leur accord à un dispositif de rationnement des soins. Regardons les faits. En 1996, grâce à la mobilisation de tous et d'abord des médecins l'objectif d'évolution des dépenses (+ 2,1 %), jugé en début d'année par certains totalement irréaliste, a été respecté et cela sans aucun rationnement des soins ou des prescriptions. Les deux premiers mois de l'année 1997 caractérisés par une quasi stabilité des dépenses laissent également parfaitement augurer du respect de l'objectif fixé par le Parlement dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité Sociale.
3.- Ce sont donc pour ces raisons fondamentales qu'après avoir fait droit aux revendications légitimes des médecins en formation, le Gouvernent s'est refusé à remettre en cause le mécanisme de reversements.
Cela, le Gouvernement l'a fait parce qu'il veut défendre notre médecine à la française dans laquelle le médecin peut s'installer partout où il le désire, où le conventionnement est un droit pour chaque médecin' où les prescriptions vent libres et enfin où le médecin et le malade se choisissent librement.
seule peut permettre la maîtrise des dépenses et donc la pérennité de notre système d'assurance- maladie.
J'en ai bien conscience, cette responsabilisation de chacun et de tous exige un bouleversement des mentalités et des pratiques des médecins comme des assurés sociaux.
Mais nous devons tenir le cap pour écarter dans l'avenir les perspectives que nous refusons d une médecine étatisée où le malade et le médecin ne se choisissent pas ou d'une médecine privatisée ou le droit aux soins dépend des revenus.
C'est ce qu'au nom du Gouvernement, J. BAR ROT et H. GAYMARD, après être allé au bout du dialogue et de la concertation, ont, lors de la réunion qu'ils ont tenu le 15 avril avec les internes en présence du Président de la CNAM, une nouvelle fois expliqué à leurs interlocuteurs.

(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 13 mai 2002)