Texte intégral
F. Laborde Avant de parler de la vie interne du Parti socialiste, toujours forte intéressante et pleine de rebondissements, évoquons, si vous le voulez bien, les dernières découvertes de l'actualité, avec notamment la hausse des cotisations chômage. Les partenaires sociaux au sein de l'Unedic étaient en conversation depuis plusieurs jours, on pensait qu'ils allaient baisser les cotisations et patatras, voilà t-y pas qu'elles augmentent !
- "Il y avait eu un accord, il y a déjà plusieurs mois pour une baisse des cotisations Unedic, liée à la diminution du chômage et là le Gouvernement a laissé une augmentation des cotisations se faire. Cotisations pour les salariés qui va intervenir très prochainement et durera au moins jusqu'à la fin de l'année. "
Ce n'est pas une décision prise par le Gouvernement.
- "C'est vrai que ce n'est pas, en tant que telle, une décision prise par le gouvernement, ce sont les partenaires sociaux. "
La gestion de l'Unedic est faite par les patronats et les syndicats.
- "Une partie des syndicats. Mais il y avait des relations entre l'Etat et les partenaires sociaux, dans le cadre de l'Unedic, qui pouvaient permettre d'éviter cette hausse des cotisations. Il y a eu de telles déclarations - il n'y a pas si longtemps, c'était avant les élections - [sur le fait] qu'il n'y aurait jamais d'augmentation de cotisations, que l'on peut s'étonner aujourd'hui qu'il y ait, précisément, ces augmentations de prélèvements. Cela arrive dans un contexte où il va y avoir - cela a été également annoncé - une baisse de l'impôt sur le revenu pour ceux qui paient l'impôt sur le revenu. Ce qui veut dire, concrètement, même si cela n'a pas de lien direct, qu'il va y avoir, pour les plus favorisés, une baisse de leur propre impôt, et pour tous, une augmentation des cotisations Unedic, en attendant sans doute l'augmentation des cotisations sociales liées à l'assurance-maladie. Ce qu'on disait dans la campagne, ce n'était pas simplement une menace, une agitation, un brûlot qu'on agitait, non, c'était véritablement ce qui s'est produit. Je voudrais ajouter un deuxième mot en matière d'impôt : il avait été dit, là encore, dans la campagne électorale, par les protagonistes de l'UMP, que dès l'arrivée du gouvernement Raffarin, des négociations s'engageraient avec l'Europe et que la baisse de la TVA sur la restauration se produirait, et nulle doute qu'ils - les membres du gouvernement français -, auraient finalement gain de cause. Là aussi, on a su au lendemain de l'élection qu'il n'en était pas question du côté de Bruxelles."
Oui, mais on le savait un petit peu avant qu'il faudrait négocier avec les partenaires sociaux, la baisse de la TVA ?
- "Les partenaires européens ! "
Les partenaires européens, oui...
- "On le savait, mais fallait-il encore le dire. Je trouve qu'il y a eu de la part du gouvernement Raffarin beaucoup de légèreté - pour ne pas dire d'avantage - beaucoup d'annonces pré-électorales pour avoir la majorité écrasante la plus forte. Aujourd'hui, ce Gouvernement est mis devant ses responsabilités. Il a fait des promesses et il ne les honore pas. "
Ce que vous dites aujourd'hui, par exemple sur la baisse des impôts, en disant que par définition, ça ne profite qu'aux gens qui paient des impôts, donc la moitié des foyers fiscaux en France, vous l'avez dit avant l'élection, pendant la campagne, pourtant les Français ne vous ont pas véritablement entendu.
- "Peut-être parce qu'ils ne voulaient pas nous entendre ou parce qu'ils pensaient que la baisse de l'impôt serait pour tous les Français, qu'il n'y aurait pas d'augmentation de cotisations sociales, qu'il y aurait la baisse de la TVA sur la restauration et l'hôtellerie ou qu'ils voulaient tout simplement changer et qu'ils avaient considéré que rater la marche de l'élection présidentielle ne nous autorisait pas à monter l'escalier des élections législatives. "
Au Parti socialiste, on a le sentiment qu'il y a à nouveau des tensions. On avait pensé qu'on éviterait l'affrontement entre J.-M. Ayrault et L. Fabius, puisqu'ils étaient tous les deux candidats à la tête du groupe socialiste. De fait, L. Fabius se retire, J.-M. Ayrault est élu. Et patatras ! dans l'après-midi, tout ça monte un petit peu, les esprits s'échauffent, une partie des minoritaires, c'est-à-dire la gauche de la gauche - Emmanuelli, J. Dray, etc. - veulent démissionner provisoirement de la direction. Qu'est-ce qui se passe ? Vous recommencez à vous disputer entre vous, c'est reparti, non pas comme en 40, mais en tout cas comme à Rennes ?
- "J.-M. Ayrault est président du groupe, il a été élu à une large majorité. A. Montebourg était lui-même candidat, il a fait un score honorable, il y a eu un débat tout à fait utile, fructueux et un souci de rassemblement et d'unité. Quelle est ma démarche comme premier secrétaire, après une défaite qui a été sévère, même si au bout du compte, elle a été honorable quant à ses résultats électoraux et même en terme de sièges ? Ma responsabilité, c'est d'abord d'ouvrir le débat avec les militants et les électeurs de gauche pour comprendre ce qui s'est passé, analyser les causes, en tirer des leçons et faire en sorte que nous soyons le plus rapidement possible - ça nous prendra quand même quelques mois - en état d'être la force d'alternance. "
Ca veut dire que les socialistes vont faire parler la gauche d'en bas - si vous me passez cette expression - ,les militants socialistes en vue d'un congrès pour 2003 ?
- "Oui, en vu d'un congrès, mais avec le souci de faire parler les adhérents, ceux qui nous ont rejoint, comme ceux qui étaient déjà là depuis longtemps, de regarder ce que nous ont lancé comme messages nos électeurs, de faire en sorte que les forces vives, associations, syndicats, nous disent aussi ce qu'elles attendent d'une gauche renouvelée. Nous avons le temps d'un dialogue approfondi, d'un débat de qualité prenons-le. Il ne doit pas être repoussé trop loin, parce qu'il faut définir une ligne politique pour le Parti socialiste. Pour mener ce débat-là - c'est ma deuxième responsabilité -, j'ai besoin de rassembler tous les socialistes."
Vous n'avez pas communiqué en ce sens, ou manifestement, cela été interprété de diverses façons...
- "Je vais vous donner l'interprétation qui convient : il y a une nécessité de rassembler tous ceux, quelle que soit leur place dans le dispositif d'aujourd'hui ou d'hier..."
Cela va des modernistes façon Fabius à la gauche de la gauche façon Emmanuelli ?
- "Oui, c'est ça le Parti socialiste. Je ne vais pas écarter les uns pour favoriser les autres. [Il faut] tous les prendre tous pour mener à bien ce débat et cette discussion avec des responsabilités pour les uns comme pour les autres. Après, il y aura un congrès qui fixera la ligne et fixera les dirigeants. C'est tout simple. "
Si on regarde les résultats des législatives, on a le sentiment que la famille rocardo-jospinienne - pour employer la terminologie interne au Parti socialiste - ,qui va de M. Aubry à Vincent Peillon, ce n'est pas eux qui sortent les plus renforcés des législatives
- "Personne ne sort particulièrement renforcé des élections législatives. Donc, il n'y a pas de personnalités ou de sensibilités qui seraient plus affectées que d'autres, et d'autres plus honorées. "
Je formule ma question différemment : est-ce qu'à terme, le Parti socialiste va évoluer de façon sensible soit vers un parti à la T. Blair, à un travaillisme à l'anglaise ? Ou bien au contraire, est-ce que le Parti socialiste français va se radicaliser et de réancrer dans une tradition d'avant Epinay ?
- "Je ne suis favorable ni à la première ni à la seconde solution. Je suis favorable à ce qu'on invente une gauche qui soit à la fois exigeante socialement, moderne sur le plan des mouvements de la société, et qui soit en capacité de correspondre à ce qu'est la réalité des aspirations des Français. Ils nous les ont lancés dans la campagne : il faut à la fois plus de règles, plus de service public, plus de projets européens, plus de perspectives par rapport à la mondialisation."
C'est quoi les projets européens, vous en parlez tout le temps ?
- "L'Europe ne peut plus continuer dans cette espèce de marche sans règle. Deuxièmement, la rénovation de la gauche française passe aussi par la rénovation de la gauche européenne. C'est ensemble qu'il faudra arriver devant les électeurs européens avec un vrai projet d'Europe sociale. "
Le Parti socialiste, pour se renouveler, s'est toujours appuyé sur un leader, un homme, - F. Mitterrand, L. Jospin - ; est-ce qu'aujourd'hui c'est vous ?
- "C'est à chacun de faire la démonstration qu'il en a la capacité. "
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 juin 2002)
- "Il y avait eu un accord, il y a déjà plusieurs mois pour une baisse des cotisations Unedic, liée à la diminution du chômage et là le Gouvernement a laissé une augmentation des cotisations se faire. Cotisations pour les salariés qui va intervenir très prochainement et durera au moins jusqu'à la fin de l'année. "
Ce n'est pas une décision prise par le Gouvernement.
- "C'est vrai que ce n'est pas, en tant que telle, une décision prise par le gouvernement, ce sont les partenaires sociaux. "
La gestion de l'Unedic est faite par les patronats et les syndicats.
- "Une partie des syndicats. Mais il y avait des relations entre l'Etat et les partenaires sociaux, dans le cadre de l'Unedic, qui pouvaient permettre d'éviter cette hausse des cotisations. Il y a eu de telles déclarations - il n'y a pas si longtemps, c'était avant les élections - [sur le fait] qu'il n'y aurait jamais d'augmentation de cotisations, que l'on peut s'étonner aujourd'hui qu'il y ait, précisément, ces augmentations de prélèvements. Cela arrive dans un contexte où il va y avoir - cela a été également annoncé - une baisse de l'impôt sur le revenu pour ceux qui paient l'impôt sur le revenu. Ce qui veut dire, concrètement, même si cela n'a pas de lien direct, qu'il va y avoir, pour les plus favorisés, une baisse de leur propre impôt, et pour tous, une augmentation des cotisations Unedic, en attendant sans doute l'augmentation des cotisations sociales liées à l'assurance-maladie. Ce qu'on disait dans la campagne, ce n'était pas simplement une menace, une agitation, un brûlot qu'on agitait, non, c'était véritablement ce qui s'est produit. Je voudrais ajouter un deuxième mot en matière d'impôt : il avait été dit, là encore, dans la campagne électorale, par les protagonistes de l'UMP, que dès l'arrivée du gouvernement Raffarin, des négociations s'engageraient avec l'Europe et que la baisse de la TVA sur la restauration se produirait, et nulle doute qu'ils - les membres du gouvernement français -, auraient finalement gain de cause. Là aussi, on a su au lendemain de l'élection qu'il n'en était pas question du côté de Bruxelles."
Oui, mais on le savait un petit peu avant qu'il faudrait négocier avec les partenaires sociaux, la baisse de la TVA ?
- "Les partenaires européens ! "
Les partenaires européens, oui...
- "On le savait, mais fallait-il encore le dire. Je trouve qu'il y a eu de la part du gouvernement Raffarin beaucoup de légèreté - pour ne pas dire d'avantage - beaucoup d'annonces pré-électorales pour avoir la majorité écrasante la plus forte. Aujourd'hui, ce Gouvernement est mis devant ses responsabilités. Il a fait des promesses et il ne les honore pas. "
Ce que vous dites aujourd'hui, par exemple sur la baisse des impôts, en disant que par définition, ça ne profite qu'aux gens qui paient des impôts, donc la moitié des foyers fiscaux en France, vous l'avez dit avant l'élection, pendant la campagne, pourtant les Français ne vous ont pas véritablement entendu.
- "Peut-être parce qu'ils ne voulaient pas nous entendre ou parce qu'ils pensaient que la baisse de l'impôt serait pour tous les Français, qu'il n'y aurait pas d'augmentation de cotisations sociales, qu'il y aurait la baisse de la TVA sur la restauration et l'hôtellerie ou qu'ils voulaient tout simplement changer et qu'ils avaient considéré que rater la marche de l'élection présidentielle ne nous autorisait pas à monter l'escalier des élections législatives. "
Au Parti socialiste, on a le sentiment qu'il y a à nouveau des tensions. On avait pensé qu'on éviterait l'affrontement entre J.-M. Ayrault et L. Fabius, puisqu'ils étaient tous les deux candidats à la tête du groupe socialiste. De fait, L. Fabius se retire, J.-M. Ayrault est élu. Et patatras ! dans l'après-midi, tout ça monte un petit peu, les esprits s'échauffent, une partie des minoritaires, c'est-à-dire la gauche de la gauche - Emmanuelli, J. Dray, etc. - veulent démissionner provisoirement de la direction. Qu'est-ce qui se passe ? Vous recommencez à vous disputer entre vous, c'est reparti, non pas comme en 40, mais en tout cas comme à Rennes ?
- "J.-M. Ayrault est président du groupe, il a été élu à une large majorité. A. Montebourg était lui-même candidat, il a fait un score honorable, il y a eu un débat tout à fait utile, fructueux et un souci de rassemblement et d'unité. Quelle est ma démarche comme premier secrétaire, après une défaite qui a été sévère, même si au bout du compte, elle a été honorable quant à ses résultats électoraux et même en terme de sièges ? Ma responsabilité, c'est d'abord d'ouvrir le débat avec les militants et les électeurs de gauche pour comprendre ce qui s'est passé, analyser les causes, en tirer des leçons et faire en sorte que nous soyons le plus rapidement possible - ça nous prendra quand même quelques mois - en état d'être la force d'alternance. "
Ca veut dire que les socialistes vont faire parler la gauche d'en bas - si vous me passez cette expression - ,les militants socialistes en vue d'un congrès pour 2003 ?
- "Oui, en vu d'un congrès, mais avec le souci de faire parler les adhérents, ceux qui nous ont rejoint, comme ceux qui étaient déjà là depuis longtemps, de regarder ce que nous ont lancé comme messages nos électeurs, de faire en sorte que les forces vives, associations, syndicats, nous disent aussi ce qu'elles attendent d'une gauche renouvelée. Nous avons le temps d'un dialogue approfondi, d'un débat de qualité prenons-le. Il ne doit pas être repoussé trop loin, parce qu'il faut définir une ligne politique pour le Parti socialiste. Pour mener ce débat-là - c'est ma deuxième responsabilité -, j'ai besoin de rassembler tous les socialistes."
Vous n'avez pas communiqué en ce sens, ou manifestement, cela été interprété de diverses façons...
- "Je vais vous donner l'interprétation qui convient : il y a une nécessité de rassembler tous ceux, quelle que soit leur place dans le dispositif d'aujourd'hui ou d'hier..."
Cela va des modernistes façon Fabius à la gauche de la gauche façon Emmanuelli ?
- "Oui, c'est ça le Parti socialiste. Je ne vais pas écarter les uns pour favoriser les autres. [Il faut] tous les prendre tous pour mener à bien ce débat et cette discussion avec des responsabilités pour les uns comme pour les autres. Après, il y aura un congrès qui fixera la ligne et fixera les dirigeants. C'est tout simple. "
Si on regarde les résultats des législatives, on a le sentiment que la famille rocardo-jospinienne - pour employer la terminologie interne au Parti socialiste - ,qui va de M. Aubry à Vincent Peillon, ce n'est pas eux qui sortent les plus renforcés des législatives
- "Personne ne sort particulièrement renforcé des élections législatives. Donc, il n'y a pas de personnalités ou de sensibilités qui seraient plus affectées que d'autres, et d'autres plus honorées. "
Je formule ma question différemment : est-ce qu'à terme, le Parti socialiste va évoluer de façon sensible soit vers un parti à la T. Blair, à un travaillisme à l'anglaise ? Ou bien au contraire, est-ce que le Parti socialiste français va se radicaliser et de réancrer dans une tradition d'avant Epinay ?
- "Je ne suis favorable ni à la première ni à la seconde solution. Je suis favorable à ce qu'on invente une gauche qui soit à la fois exigeante socialement, moderne sur le plan des mouvements de la société, et qui soit en capacité de correspondre à ce qu'est la réalité des aspirations des Français. Ils nous les ont lancés dans la campagne : il faut à la fois plus de règles, plus de service public, plus de projets européens, plus de perspectives par rapport à la mondialisation."
C'est quoi les projets européens, vous en parlez tout le temps ?
- "L'Europe ne peut plus continuer dans cette espèce de marche sans règle. Deuxièmement, la rénovation de la gauche française passe aussi par la rénovation de la gauche européenne. C'est ensemble qu'il faudra arriver devant les électeurs européens avec un vrai projet d'Europe sociale. "
Le Parti socialiste, pour se renouveler, s'est toujours appuyé sur un leader, un homme, - F. Mitterrand, L. Jospin - ; est-ce qu'aujourd'hui c'est vous ?
- "C'est à chacun de faire la démonstration qu'il en a la capacité. "
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 juin 2002)