Texte intégral
ALAIN RICHARD, ministre de la Défense
Nous allons vous indiquer, en compagnie de M. Masseret, les premiers éléments du bilan actuel de l'appel de préparation à la défense (APD). Nous nous intéresserons plus globalement à l'évolution du dispositif du parcours citoyen.
La loi instaurant le parcours citoyen a été promulguée depuis presque deux ans, jour pour jour, et la première journée d'APD a eu lieu depuis un peu plus d'un an maintenant. La volonté politique inhérente à ce système était de permettre à la Défense de véritablement demeurer dans le débat public et dans les préoccupations des citoyens. Le nouveau service national, organisé selon trois étapes - enseignement de Défense, recensement et appel de préparation à la Défense - intègre un parcours progressif que suivent maintenant tous les jeunes. Il constitue donc un élément de l'apprentissage de la citoyenneté par les jeunes. Il leur donne également une connaissance personnelle des préoccupations de défense actuelle du pays, médiatisée par des formateurs, des hommes et des femmes motivés.
Cette connaissance ne se limite pas au savoir historique que les jeunes peuvent acquérir. Ce qui est en jeu, c'est la familiarisation avec ce qu'est notre Défense aujourd'hui et ce, dans la durée. Les jeunes peuvent alors s'informer et, le cas échéant, discuter des notions de défense les plus fondamentales. Ils ont un contact direct avec la communauté militaire grâce aux cadres d'active ou de réserve qui encadrent les journées d'APD. Ces derniers entendent aussi les éléments qui intéressent ou qui développent éventuellement une discussion ou une contestation de la part des jeunes. La transition avec le service national classique se poursuit mais ne vaut plus pour les jeunes générations. Nous introduisons ainsi une nouvelle forme de contact direct entre l'armée et les jeunes de la Nation. Le volet scolaire est maintenant engagé et ouvert. Les nouveaux manuels d'instruction civique comprennent un chapitre d'enseignement de Défense qui va d'ailleurs s'étendre aux classes de seconde cette année, puis aux manuels de troisième. Ces deux institutions que l'histoire n'avait pas rapprochées, la Défense et l'Education nationale, vont désormais travailler à des fins citoyennes sur la base d'une volonté politique exprimée par les Pouvoirs publics.
Le recensement est une pierre angulaire du dispositif parce qu'il est représentatif de l'universalité des droits et des devoirs. Son principe élémentaire d'existence est la possibilité ultérieure pour les Pouvoirs publics de rétablir un appel partiel ou total sous les drapeaux. En effet, le cadre stratégique qui a conduit à la professionnalisation n'est pas nécessairement définitif. En attendant, le recensement sert aussi à la convocation pour l'appel de préparation à la Défense. Il est, en second lieu, le support nécessaire du dispositif d'inscription d'office sur les listes électorales des jeunes de 18 ans. L'intégralité de chaque classe d'âge est donc concernée à l'âge de 16 ans depuis le 1er janvier de cette année : les jeunes filles sont, par conséquent, soumises à cette obligation au même titre que les garçons.
M. Jean-Pierre Masseret va vous décrire le dispositif de l'APD lui-même - en vigueur depuis le 3 octobre 1998 - et tout ce que nous en avons déjà retiré. Cent cinquante mille jeunes se sont déjà rendus à l'APD. Cet appel offre un contact direct de tous les garçons - de toutes les filles à partir du mois d'avril prochain - avec les différents aspects de la Défense. En plus de l'occasion fournie à la Défense de montrer les possibilités très diverses de carrière offertes, tandis qu'elle recrute plus de 25 000 jeunes par an, l'appel de préparation à la Défense est aussi le point d'entrée vers le processus de la préparation militaire et des réserves. Une des originalités de la loi de 1997, par rapport à ce qu'étaient les projets du gouvernement précédent sur le sujet de la conduite de la professionnalisation, consistait en l'insistance sur le droit des citoyens qui ne sont pas d'anciens militaires à entrer dans la réserve. Ce droit permet donc d'effectuer un parcours militaire volontaire qui garde une partie des références de principe de l'ancien service national. La journée d'appel de préparation à la Défense nous paraît être le meilleur point d'entrée pour sensibiliser des dizaines de milliers de jeunes à l'intérêt de prendre une responsabilité directe dans les réserves. Nous souhaitons que cette décision soit prise précocement par les jeunes et qu'elle nous apporte des candidats aux réserves suffisamment jeunes pour qu'ils puissent se faire une expérience.
Nous constatons très régulièrement lors des JAPD que 23 ou 24 % des jeunes déclarent souhaiter un autre contact pour chercher une relation avec le système de Défense. Or, parmi ces jeunes gens, une bonne proportion est intéressée à entrer dans les réserves et non pas seulement par un recrutement professionnel. Il faut donc que nous consolidions cette voie d'accès et qu'elle devienne un élément clé de la constitution des futures réserves dans le projet de loi. Le débat soutenu la semaine prochaine devant le Sénat par M. Jean-Pierre Masseret, avec une très probable approbation définitive, apportera d'autres précisions. Il va d'ailleurs vous donner plus d'enseignements sur ce bilan des JAPD.
JEAN-PIERRE MASSERET, Secrétaire d'Etat à la Défense, chargé des Anciens Combattants
Les excellents documents mis à votre disposition dégagent toutes les informations concernant la journée d'appel à la Défense. Comment fonctionne alors le recensement et fonctionne-t-il bien ? Nous avons été, il est vrai, témoins d'une chute du recensement à l'annonce de la suspension du service national. Pratiquement 30 % des jeunes ne se faisaient alors pas recenser. Grâce aux informations produites par le ministère de la Défense, tous les travaux effectués auprès des établissements scolaires, dans les départements par la direction du service national ou par les mairies, permettent de constater une forte remontée du recensement. Les dernières informations nous permettent d'observer que 87 à 90 % des jeunes sont recensés. En revanche, nous n'avons pas d'information pour l'année 1999 pour ce qui concerne le recensement des jeunes garçons et des jeunes filles. Les dernières statistiques portent uniquement sur les jeunes garçons. La forte évolution se justifie par la nécessité de l'attestation du recensement pour se présenter au BEPC, se présenter au Bac et pour un certain nombre d'obligations administratives.
En ce qui concerne la journée d'appel à la Défense, nous ne connaissons pas d'écueil particulier. Nous avons seulement observé 375 abandons depuis octobre 1998, ainsi que 33 exclusions sur les 542 000 jeunes présents à ces journées. Nous pouvons véritablement considérer que l'adhésion pratique, matérialisée par une attention, une présence et un comportement, est bonne. Environ 90 % des jeunes répondent à la convocation. C'est donc un taux de réponses important. Encore une fois, 90 % des personnes sont satisfaits et 24 % demandent effectivement un nouveau contact. Nous devons donc réfléchir à cette deuxième journée, la rendre plus accessible et pratique pour délivrer de meilleures informations susceptibles de déboucher sur la préparation militaire, la préparation militaire supérieure, le volontariat, l'engagement dans les réserves ou dans la professionnalisation évidemment. Tous les sites, dont trois sont permanents, fonctionnent depuis le
6 septembre 1999 : à Versailles, à Valenciennes et à Lyon.
Du 3 octobre 1998 au 8 avril 2000, date à laquelle les jeunes filles intègreront les dispositifs de journée d'appel à la Défense, nous aurons vu
1,1 million de personnes. Nous avons accueilli plus de 540 000 personnes sur 52 journées à ce jour. Ce dispositif, accompagné d'un accueil, fonctionne bien. Le déroulement d'une journée commence par l'accueil, puis est suivi des informations défense, des tests, avant de se conclure par la remise d'un certificat en fin de journée. Notons également la participation des réserves, déjà évoqués par le ministre de la Défense. Un quart des intervenants qui dirigent les informations, est assurée par des réservistes. Leur participation est donc effective. Un élément connaît un traitement particulier à travers les dépêches ou les articles : quel " bilan " effectuons-nous de l'illettrisme, selon l'expression dorénavant utilisée à travers les tests ?
ALAIN RICHARD
La presse est d'autant plus sensibilisée à cette question que cela représente des clients en moins.
JEAN-PIERRE MASSERET
Certes. Environ 3 ou 3,4% de ces jeunes manifestent une vraie difficulté, telle que les tests la révèle. Un dialogue s'ouvre alors et des possibilités sont offertes aux jeunes d'intégrer un circuit " Permanences d'accueil, d'information et d'orientation " (PAIO) et Missions locales, avec une reprise en compte et un itinéraire à définir. Différents intervenants sont organisés au niveau départemental et assurent des réunions de suivi. Nous pourrons peut-être associer les résultats concrets de la manière dont nous réinscrivons ces jeunes dans le circuit de l'Education nationale, lorsqu'ils sont dans l'Education nationale, ou dans des dispositifs sociaux divers. Le partenariat qui lie le ministère de la Défense au ministère de l'Emploi et au ministère de l'Education nationale, permet justement de traiter ces questions-là. Nous observons des résultats contrastés sur les départements d'outre-mer, mais il se pose un vrai problème de pertinence des tests dans ces secteurs. Nous ne possédons pas une bonne visibilité des résultats. Sur la France métropolitaine, 3,4 % de gens ont des difficultés et environ 5 000 d'entre eux ont donné leur accord pour intégrer un organisme de réinsertion. Ce problème est un vrai sujet de préoccupations et relève de la politique nationale.
Cette journée d'appel à la Défense nous permet d'identifier en quelque sorte ces personnes en difficulté. Le recensement représente donc une évolution positive. Toutes les journées se passent, en toute objectivité, magnifiquement bien. L'apport des filles ne devrait d'ailleurs pas soulever de difficultés particulières. Elle est, au contraire, attendue et constituera sûrement un intérêt pour la société toute entière.
ALAIN RICHARD
Intéressons nous en conclusion au rôle des élus. Nous aurions pu marquer la première année avec d'autres éléments de diversité ou d'animation. Mais pourquoi les élus ? Parce que nous sommes convaincus qu'ils représentent les premiers partenaires. Le recensement s'effectue dans les mairies. Plus globalement, l'information des jeunes sur le nouveau parcours est en grande partie issue de la connaissance locale, par l'information que diffusent les collectivités. Ils constituent donc des points d'appui, non seulement sur le plan matériel, mais aussi sur le plan moral et conceptuel. Nous appartenons d'ailleurs avec M. Masseret, à cette catégorie particulière de Français que nous connaissons très bien.
Les élus sont spontanément, par leurs fonctions, des porteurs de devoirs civiques. Dans la vie concrète d'une collectivité locale témoin de vandalisme, de " je-m'en-foutisme ", sur le stationnement par exemple, et de toute une série d'incivilités, de comportements ordinaires, l'énergie quotidienne des élus se passe à rappeler et tâcher de susciter les comportements d'adhésion au respect de la cohésion de la collectivité. Ils sont donc efficacement porteurs des valeurs destinées à conduire les jeunes à jouer le jeu de la participation à la Défense.
Les élus sont en même temps des porteurs de notoriété et d'intérêt. Pour marquer le coup de cette première année, il nous a semblé bon de l'orchestrer avec la participation des élus pour assurer un regain d'intérêt. Enfin, les élus représentent aussi un élément de " triangulation " avec l'école. Les collectivités locales sont au quotidien parmi les partenaires, les supports et les accompagnateurs de toute une série d'activités de l'école. Si nous voulons consolider pour l'avenir la relation avec l'Education nationale afin d'initier des jeunes à la Défense, l'adhésion des élus - parmi lesquels nous trouvons d'ailleurs une proportion respectable d'enseignants - est indéniablement un renfort qui nous permettra d'assurer la réussite.
Nous aurons sans aucun doute de nombreux d'élus sur les sites APD présents parmi nous samedi. Nous attendons beaucoup de monde et nous avons donc étalé la venue des élus sur plusieurs semaines. Nous tâcherons de bien les accueillir sur les sites et de contribuer à un dialogue direct avec les jeunes samedi, pour cet ensemble de raisons.
PIERRE-MARIE GIRAUD (AFP)
Quel bilan faites-vous de l'enseignement de la Défense nationale et de la défense européenne à l'école ? La situation semble actuellement un peu floue ?
JEAN-PIERRE MASSERET
C'est un début. La mise en place de cet enseignement date de 1998. Nous n'avons donc pas encore de vrai bilan à dresser. Notre objectif est de vérifier son bon déroulement, son adéquation et le respect des échéances. Les documents qui intègrent l'instruction depuis la rentrée 1999 sont récents. Il faudrait former des professeurs à l'esprit de défense, leur dresser des documents et le cadre général. La situation est nouvelle et demande du temps. Les premiers échos sont tout de même plutôt favorables. Les discussions tenues avec les enseignants confortent cet avis. Nous ne possédons pas de statistiques complètes sur ce sujet.
ALAIN RICHARD
L'Education nationale, comme institution, est déterminée dans son ensemble à ce que cet enseignement de Défense fasse bien partie de ses missions. Claude Allègre et Ségolène Royal ont adopté ce choix l'an dernier. Ce programme d'instruction civique est sanctionné par un examen. Quoi que l'on dise du mécanisme des examens nationaux, ils sont quand même la clef de voûte d'un système qui assure que les contenus d'enseignement sont les mêmes partout. Cela peut apparaître comme une vieille lune dans le contexte français. Cependant, lorsque vous vous transportez dans les systèmes éducatifs d'autres pays où plus personne ne peut finalement savoir ce qui est enseigné dans les diverse formes d'établissements, cette méthode est tout de même rassurante. Certes, il existe un phénomène de saturation des programmes et nous pouvons humainement comprendre les nombreux problèmes auxquels sont confrontés les gens de l'Education nationale. Ils tendent à mettre un peu dans une autre colonne les disciplines ou les activités qui n'ont pas de débouchés directs sur les examens. Cette garantie là a été introduite dans le système.
JEAN-PIERRE MASSERET
Claude Allègre approuve d'ailleurs l'orientation donnée au département ministériel.
PATRICE-HENRI DESAUBLIAUX (LE FIGARO)
Vous avez évoqué les 30 % de ceux qui n'étaient pas recensés au début. Entre 87 et 88 % ont assisté à ces JAPD en 1998. Il en manque donc beaucoup. Vous avez des relations avec l'Education nationale. Développez-vous également des liens avec le ministère de l'Intérieur ? En effet, le recensement permet non seulement l'appel de préparation à la Défense, mais également l'inscription sur les listes électorales. Se posent de surcroît tous les problèmes de liaison des fichiers. Comment améliorer le système pour arriver à un résultat ? Ne faudrait-il faudrait pas envisager une mission ou une coopération plus étroite ? Un protocole entre la Défense et le ministère de l'intérieur pour améliorer ce recensement ?
JEAN-PIERRE MASSERET
Ce n'est pas tant un protocole administratif qui fera que les jeunes iront s'inscrire dans les mairies. La politique de recensement est fondée sur l'information. Nous invitons justement les élus aux JAPD pour sensibiliser les maires à agir auprès de leurs concitoyens. Nous devons travailler en association avec les communes, avec l'Association des maires de France, avec l'Association des maires ruraux, les petites villes, les grandes villes de plus de 100 000 habitants ou moins, les villes moyennes, à l'aide des structures départementales qui organisent les élus au niveau des assemblées générales. Nous lancerons d'ailleurs prochainement un appel sur la nécessité de l'engagement pour le recensement lors des journées de l'Assemblée des maires de Moselle. L'Education nationale doit aussi assurer l'information pour que les jeunes se fassent recenser à partir de 16 ans et dans les mois suivant leur seizième année. Ils sont encore scolarisés pour la plupart d'entre eux. Le canal de l'Education nationale est donc important de ce point de vue. Les procédures pourront ainsi se faire mécaniquement car la présentation d'un examen, du permis de conduire - instrument de la vie quotidienne largement répandu aujourd'hui - créent l'obligation de recensement. Nous arriverons progressivement à des proportions qui approcherons les 100 % sans jamais les atteindre. Nous sommes actuellement à 87, 88% et monterons à 92, 93 %. Il existe toujours des gens qui déménagent en cours d'année et ne penseront pas à le signaler. Quoi qu'il en soit, ils auront jusqu'à leur vingt-cinquième année pour se faire recenser.
ALAIN RICHARD
Le général Vincent peut ajouter quelques observations de terrain immédiat.
GENERAL VINCENT (DIRECTEUR DU SERVICE NATIONAL)
Il faut être très prudent sur ces chiffres. Ce sont tout d'abord des chiffres décalés. Nous venons à ce propos seulement de boucler l'année 1998. Nous sommes, en plus, dans une période transitoire. Nous avons recensé des jeunes de 16 et 17 ans en 1998. Le message est donc brouillé dans la mesure où nous ne pouvons pas regarder sur une classe d'âge. L'esprit de la loi évoque ensuite le " recensement volontaire ". Or, Monsieur Masseret vient de le rappeler, il est assorti d'une incitation forte. En témoignent la production de cette fameuse attestation et la possibilité de se faire recenser jusqu'à 25 ans. Nous tâchons ainsi de faire augmenter le premier indicateur, celui du recensement dès 16 ans dans le mois de naissance de l'année. Ce n'est certes pas toujours facile, notamment avec les jeunes filles, mais nous sommes en train de faire grimper ce chiffre. La régularisation automatique est permise grâce à la production de ce document obligatoire pour le bac, le permis de conduire ou autre. Il reste évidemment des efforts à fournir dans le domaine de la communication, mais nous ne sommes pas inquiets, notamment pour le recensement des filles.
ALAIN RICHARD
Nous pouvons faire un recoupement purement statistique avec l'INSEE, en procédant à des évaluations par rapport à une classe d'âge dont nous connaissons statistiquement l'effectif. En revanche, l'INSEE n'est pas habilitée légalement à produire des listes. Ces listes n'existent donc nulle part. C'est d'ailleurs une curiosité lorsque vous avez la responsabilité d'une collectivité locale et que vous dialoguez avec des collègues étrangers. Il n'existe pas de liste de population en France. Les collectivités britanniques ont une liste de leur population. En France, c'est contraire à nos principes...
BERNARD EDINGER (REUTER)
Jusqu'à l'an dernier, un tiers des jeunes Français ne se faisaient pas recenser. Depuis quand durait cette situation ? Existe-t-il des études sur la part de l'oubli et la part intentionnelle ? Le général Vincent vient d'évoquer le recensement aujourd'hui volontaire. Pouvez-vous clarifier ces éléments ?
JEAN-PIERRE MASSERET
Le recensement est effectivement volontaire à partir de 16 ans et dans le mois qui suit la seizième année : c'est l'obligation de la loi. Il existe cependant une régularisation possible jusqu'à l'âge de 25 ans. Les statistiques annonçaient 15,2 % de gens non recensés en 1996. Suite à l'annonce de la professionnalisation en 1997, 23 %, jusqu'à 30 %, de personnes n'ont pas été recensés. Certaines personnes ont estimé qu'il n'y avait plus d'obligation. Elles ont fait une interprétation un peu particulière de la suspension du service national. La procédure mécanique obligeant à la production de l'attestation et à la présentation de cette attestation pour passer les examens de baccalauréat, soutenue par toute la politique d'information menée par les armées et les mairies, a permis au système de se remettre en ordre de marche. La dernière statistique annonce un chiffre de 87,6 % pour le recensement des jeunes garçons. Nous sommes donc passés de 70 % en 1998 à plus de 87 % début 1999, élément de la comptabilité 1998. La progression est extraordinairement rapide en moins d'une année. La mécanique a tout simplement été assimilée par les Français. Deux Français sur trois connaissent aujourd'hui la journée d'appel à la Défense. Elle fait maintenant partie de notre vie quotidienne. Les jeunes ont parfaitement intégré cette donnée, ainsi que leurs parents par ricochet.
ALAIN RICHARD
Pour reprendre votre subtile question sur " le recensement volontaire " : si nous exprimons les choses de manière rigoureuse en termes de pur droit, alors le recensement se présente comme une obligation et un acte personnel. Volontaire ne veut pas dire facultatif. La preuve est qu'il existe un système de recoupement.
PATRICE-HENRI DESAUBLIAUX (LE FIGARO)
Votre interprétation concernant l'INSEE nous laisse perplexe. Si nous ne connaissons pas la population, comment pouvons-nous alors connaître le pourcentage de ceux qui ne sont pas recensés ?
ALAIN RICHARD
Parce que nous connaissons avec une approximation très précise le nombre de gens nés entre le 1er janvier et le 31 décembre d'une année. Nous connaissons de surcroît leur répartition entre hommes et femmes. Nous nous appuyons sur ces chiffres.
PATRICE-HENRI DESAUBLIAUX (LE FIGARO)
A la naissance ?
ALAIN RICHARD
Pas du tout. Nous connaissons aussi leur nombre à 18 ans. Nous savons ainsi combien sont morts. En revanche, nous savons moins bien - ce sera d'ailleurs l'une des curiosités de l'analyse du recensement de 1999 - le nombre de ceux qui émigrent. Nous ne cessons de débattre de la quantification des immigrants qui deviennent habitants de notre pays. Les estimations de l'INSEE lors de la sortie du chiffre global de la population, après toutes les corrections et les rectifications, sont en effet tombées en dessous de nos attentes. Nous avons, en effet, obtenu une estimation d'environ 0,5 % dans nos départements. Ce n'est pas rien par rapport à ce que nous attendions. Plusieurs interprétations peuvent se cumuler pour expliquer ce chiffre qui fait apparaître a posteriori une surestimation du mouvement de la pente de population entre 1990 et 1999. Nous pouvons tout d'abord nous demander combien de personnes vont quitter volontairement le territoire français sans passer par les procédures officielles d'émigration ? Cela engendre effectivement une ou deux sources d'incertitude. Mais l'INSEE est en mesure d'évaluer exactement à 0,2 ou 0,3 %, le nombre de jeunes de 18 ans dans une région donnée. Nous avons donc tous les éléments pour calculer notre 100 %. L'INSEE ne recense pas par exemple, parce que personne ne le fait, sauf par des recoupements avec d'autres services publics sectoriels, le nombre de personnes gravement handicapées issues de cette tranche d'âge de gens et qui ne peuvent donc pas, d'après la loi même, souscrire à l'obligation. Quoi qu'il en soit nous ne parviendrons pas à 100 % et n'y sommes d'ailleurs pas parvenus dans le cadre de la conscription. Tous ces facteurs expliquent le petit différentiel.
MICHAELA WIEGEL ( FRANKFURTER ALLGEMEINE ZEITUNG)
Le critère de cette obligation civique est la nationalité française. Comment procédez-vous alors avec les détenteurs de double nationalité ?
ALAIN RICHARD
Ceci peut effectivement susciter une interrogation chez un citoyen allemand. Mais dans le droit français, un binational est quelqu'un qui a la citoyenneté française et qui a avec lui l'ensemble des droits et obligations que portent cette nationalité. Les binationaux sont donc recensés.
JEAN-DOMINIQUE MERCHET (LIBERATION)
Au sujet des binationaux, un certain nombre d'accords avec des pays comme l'Algérie ou Israël permettaient justement jusqu'à présent au jeune binational de choisir entre son service national en France ou le service national dans ce pays-là. Une journée d'APD est-elle aujourd'hui l'équivalent d'un service militaire en Algérie ?
ALAIN RICHARD
Non. Ce que nous appelons dans le droit contractuel traditionnel, " l'économie générale du contrat " est naturellement bouleversée par le changement de la législation en France. Nous devons rediscuter de ces accords. D'ailleurs les pays partenaires le souhaitent.
JEAN-DOMINIQUE MERCHET (LIBERATION)
Où en sont ces discussions avec les pays concernés ?
ALAIN RICHARD
Nous n'avons pas d'information très représentative à vous livrer sur ce sujet. Le ministère de la Défense n'est pas seul concerné.
BERNARD EDINGER (REUTER)
Nous autorisez-vous à poser quelques questions sur d'autres sujets ?
ALAIN RICHARD
Tout à fait.
BERNARD EDINGER (REUTER)
Avez-vous un commentaire à faire sur le programme américain, sur l'expérimentation américaine d'interception de missiles balistiques et sur le retrait français de ce programme ? Avez-vous par ailleurs un commentaire à livrer sur l'affaire des gendarmes de Moissac ?
ALAIN RICHARD
Nous regardons le programme américain avec beaucoup d'intérêt car il représente évidemment un des éléments de l'équilibre stratégique. L'entrée de la France dans le débat sur le dispositif antimissile traditionnel consiste à s'interroger sur leur compatibilité avec l'équilibre d'ensemble des forces et avec les processus de désarmement négocié, ainsi que les processus de lutte contre la prolifération. Nous considérons donc le développement de ce programme contre lequel les partenaires américains font actuellement un effort important d'information entre les Etats de l'Alliance.
En ce qui concerne les gendarmes de Moissac, nous souhaitons que l'enquête soit approfondie.
Vous savez tout maintenant. A samedi pour ceux qui accepteront de faire le déplacement. Ils pourront constater avec satisfaction qu'il existe enfin un site d'APD dans le Val-d'Oise.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 25 octobre 1999)
Nous allons vous indiquer, en compagnie de M. Masseret, les premiers éléments du bilan actuel de l'appel de préparation à la défense (APD). Nous nous intéresserons plus globalement à l'évolution du dispositif du parcours citoyen.
La loi instaurant le parcours citoyen a été promulguée depuis presque deux ans, jour pour jour, et la première journée d'APD a eu lieu depuis un peu plus d'un an maintenant. La volonté politique inhérente à ce système était de permettre à la Défense de véritablement demeurer dans le débat public et dans les préoccupations des citoyens. Le nouveau service national, organisé selon trois étapes - enseignement de Défense, recensement et appel de préparation à la Défense - intègre un parcours progressif que suivent maintenant tous les jeunes. Il constitue donc un élément de l'apprentissage de la citoyenneté par les jeunes. Il leur donne également une connaissance personnelle des préoccupations de défense actuelle du pays, médiatisée par des formateurs, des hommes et des femmes motivés.
Cette connaissance ne se limite pas au savoir historique que les jeunes peuvent acquérir. Ce qui est en jeu, c'est la familiarisation avec ce qu'est notre Défense aujourd'hui et ce, dans la durée. Les jeunes peuvent alors s'informer et, le cas échéant, discuter des notions de défense les plus fondamentales. Ils ont un contact direct avec la communauté militaire grâce aux cadres d'active ou de réserve qui encadrent les journées d'APD. Ces derniers entendent aussi les éléments qui intéressent ou qui développent éventuellement une discussion ou une contestation de la part des jeunes. La transition avec le service national classique se poursuit mais ne vaut plus pour les jeunes générations. Nous introduisons ainsi une nouvelle forme de contact direct entre l'armée et les jeunes de la Nation. Le volet scolaire est maintenant engagé et ouvert. Les nouveaux manuels d'instruction civique comprennent un chapitre d'enseignement de Défense qui va d'ailleurs s'étendre aux classes de seconde cette année, puis aux manuels de troisième. Ces deux institutions que l'histoire n'avait pas rapprochées, la Défense et l'Education nationale, vont désormais travailler à des fins citoyennes sur la base d'une volonté politique exprimée par les Pouvoirs publics.
Le recensement est une pierre angulaire du dispositif parce qu'il est représentatif de l'universalité des droits et des devoirs. Son principe élémentaire d'existence est la possibilité ultérieure pour les Pouvoirs publics de rétablir un appel partiel ou total sous les drapeaux. En effet, le cadre stratégique qui a conduit à la professionnalisation n'est pas nécessairement définitif. En attendant, le recensement sert aussi à la convocation pour l'appel de préparation à la Défense. Il est, en second lieu, le support nécessaire du dispositif d'inscription d'office sur les listes électorales des jeunes de 18 ans. L'intégralité de chaque classe d'âge est donc concernée à l'âge de 16 ans depuis le 1er janvier de cette année : les jeunes filles sont, par conséquent, soumises à cette obligation au même titre que les garçons.
M. Jean-Pierre Masseret va vous décrire le dispositif de l'APD lui-même - en vigueur depuis le 3 octobre 1998 - et tout ce que nous en avons déjà retiré. Cent cinquante mille jeunes se sont déjà rendus à l'APD. Cet appel offre un contact direct de tous les garçons - de toutes les filles à partir du mois d'avril prochain - avec les différents aspects de la Défense. En plus de l'occasion fournie à la Défense de montrer les possibilités très diverses de carrière offertes, tandis qu'elle recrute plus de 25 000 jeunes par an, l'appel de préparation à la Défense est aussi le point d'entrée vers le processus de la préparation militaire et des réserves. Une des originalités de la loi de 1997, par rapport à ce qu'étaient les projets du gouvernement précédent sur le sujet de la conduite de la professionnalisation, consistait en l'insistance sur le droit des citoyens qui ne sont pas d'anciens militaires à entrer dans la réserve. Ce droit permet donc d'effectuer un parcours militaire volontaire qui garde une partie des références de principe de l'ancien service national. La journée d'appel de préparation à la Défense nous paraît être le meilleur point d'entrée pour sensibiliser des dizaines de milliers de jeunes à l'intérêt de prendre une responsabilité directe dans les réserves. Nous souhaitons que cette décision soit prise précocement par les jeunes et qu'elle nous apporte des candidats aux réserves suffisamment jeunes pour qu'ils puissent se faire une expérience.
Nous constatons très régulièrement lors des JAPD que 23 ou 24 % des jeunes déclarent souhaiter un autre contact pour chercher une relation avec le système de Défense. Or, parmi ces jeunes gens, une bonne proportion est intéressée à entrer dans les réserves et non pas seulement par un recrutement professionnel. Il faut donc que nous consolidions cette voie d'accès et qu'elle devienne un élément clé de la constitution des futures réserves dans le projet de loi. Le débat soutenu la semaine prochaine devant le Sénat par M. Jean-Pierre Masseret, avec une très probable approbation définitive, apportera d'autres précisions. Il va d'ailleurs vous donner plus d'enseignements sur ce bilan des JAPD.
JEAN-PIERRE MASSERET, Secrétaire d'Etat à la Défense, chargé des Anciens Combattants
Les excellents documents mis à votre disposition dégagent toutes les informations concernant la journée d'appel à la Défense. Comment fonctionne alors le recensement et fonctionne-t-il bien ? Nous avons été, il est vrai, témoins d'une chute du recensement à l'annonce de la suspension du service national. Pratiquement 30 % des jeunes ne se faisaient alors pas recenser. Grâce aux informations produites par le ministère de la Défense, tous les travaux effectués auprès des établissements scolaires, dans les départements par la direction du service national ou par les mairies, permettent de constater une forte remontée du recensement. Les dernières informations nous permettent d'observer que 87 à 90 % des jeunes sont recensés. En revanche, nous n'avons pas d'information pour l'année 1999 pour ce qui concerne le recensement des jeunes garçons et des jeunes filles. Les dernières statistiques portent uniquement sur les jeunes garçons. La forte évolution se justifie par la nécessité de l'attestation du recensement pour se présenter au BEPC, se présenter au Bac et pour un certain nombre d'obligations administratives.
En ce qui concerne la journée d'appel à la Défense, nous ne connaissons pas d'écueil particulier. Nous avons seulement observé 375 abandons depuis octobre 1998, ainsi que 33 exclusions sur les 542 000 jeunes présents à ces journées. Nous pouvons véritablement considérer que l'adhésion pratique, matérialisée par une attention, une présence et un comportement, est bonne. Environ 90 % des jeunes répondent à la convocation. C'est donc un taux de réponses important. Encore une fois, 90 % des personnes sont satisfaits et 24 % demandent effectivement un nouveau contact. Nous devons donc réfléchir à cette deuxième journée, la rendre plus accessible et pratique pour délivrer de meilleures informations susceptibles de déboucher sur la préparation militaire, la préparation militaire supérieure, le volontariat, l'engagement dans les réserves ou dans la professionnalisation évidemment. Tous les sites, dont trois sont permanents, fonctionnent depuis le
6 septembre 1999 : à Versailles, à Valenciennes et à Lyon.
Du 3 octobre 1998 au 8 avril 2000, date à laquelle les jeunes filles intègreront les dispositifs de journée d'appel à la Défense, nous aurons vu
1,1 million de personnes. Nous avons accueilli plus de 540 000 personnes sur 52 journées à ce jour. Ce dispositif, accompagné d'un accueil, fonctionne bien. Le déroulement d'une journée commence par l'accueil, puis est suivi des informations défense, des tests, avant de se conclure par la remise d'un certificat en fin de journée. Notons également la participation des réserves, déjà évoqués par le ministre de la Défense. Un quart des intervenants qui dirigent les informations, est assurée par des réservistes. Leur participation est donc effective. Un élément connaît un traitement particulier à travers les dépêches ou les articles : quel " bilan " effectuons-nous de l'illettrisme, selon l'expression dorénavant utilisée à travers les tests ?
ALAIN RICHARD
La presse est d'autant plus sensibilisée à cette question que cela représente des clients en moins.
JEAN-PIERRE MASSERET
Certes. Environ 3 ou 3,4% de ces jeunes manifestent une vraie difficulté, telle que les tests la révèle. Un dialogue s'ouvre alors et des possibilités sont offertes aux jeunes d'intégrer un circuit " Permanences d'accueil, d'information et d'orientation " (PAIO) et Missions locales, avec une reprise en compte et un itinéraire à définir. Différents intervenants sont organisés au niveau départemental et assurent des réunions de suivi. Nous pourrons peut-être associer les résultats concrets de la manière dont nous réinscrivons ces jeunes dans le circuit de l'Education nationale, lorsqu'ils sont dans l'Education nationale, ou dans des dispositifs sociaux divers. Le partenariat qui lie le ministère de la Défense au ministère de l'Emploi et au ministère de l'Education nationale, permet justement de traiter ces questions-là. Nous observons des résultats contrastés sur les départements d'outre-mer, mais il se pose un vrai problème de pertinence des tests dans ces secteurs. Nous ne possédons pas une bonne visibilité des résultats. Sur la France métropolitaine, 3,4 % de gens ont des difficultés et environ 5 000 d'entre eux ont donné leur accord pour intégrer un organisme de réinsertion. Ce problème est un vrai sujet de préoccupations et relève de la politique nationale.
Cette journée d'appel à la Défense nous permet d'identifier en quelque sorte ces personnes en difficulté. Le recensement représente donc une évolution positive. Toutes les journées se passent, en toute objectivité, magnifiquement bien. L'apport des filles ne devrait d'ailleurs pas soulever de difficultés particulières. Elle est, au contraire, attendue et constituera sûrement un intérêt pour la société toute entière.
ALAIN RICHARD
Intéressons nous en conclusion au rôle des élus. Nous aurions pu marquer la première année avec d'autres éléments de diversité ou d'animation. Mais pourquoi les élus ? Parce que nous sommes convaincus qu'ils représentent les premiers partenaires. Le recensement s'effectue dans les mairies. Plus globalement, l'information des jeunes sur le nouveau parcours est en grande partie issue de la connaissance locale, par l'information que diffusent les collectivités. Ils constituent donc des points d'appui, non seulement sur le plan matériel, mais aussi sur le plan moral et conceptuel. Nous appartenons d'ailleurs avec M. Masseret, à cette catégorie particulière de Français que nous connaissons très bien.
Les élus sont spontanément, par leurs fonctions, des porteurs de devoirs civiques. Dans la vie concrète d'une collectivité locale témoin de vandalisme, de " je-m'en-foutisme ", sur le stationnement par exemple, et de toute une série d'incivilités, de comportements ordinaires, l'énergie quotidienne des élus se passe à rappeler et tâcher de susciter les comportements d'adhésion au respect de la cohésion de la collectivité. Ils sont donc efficacement porteurs des valeurs destinées à conduire les jeunes à jouer le jeu de la participation à la Défense.
Les élus sont en même temps des porteurs de notoriété et d'intérêt. Pour marquer le coup de cette première année, il nous a semblé bon de l'orchestrer avec la participation des élus pour assurer un regain d'intérêt. Enfin, les élus représentent aussi un élément de " triangulation " avec l'école. Les collectivités locales sont au quotidien parmi les partenaires, les supports et les accompagnateurs de toute une série d'activités de l'école. Si nous voulons consolider pour l'avenir la relation avec l'Education nationale afin d'initier des jeunes à la Défense, l'adhésion des élus - parmi lesquels nous trouvons d'ailleurs une proportion respectable d'enseignants - est indéniablement un renfort qui nous permettra d'assurer la réussite.
Nous aurons sans aucun doute de nombreux d'élus sur les sites APD présents parmi nous samedi. Nous attendons beaucoup de monde et nous avons donc étalé la venue des élus sur plusieurs semaines. Nous tâcherons de bien les accueillir sur les sites et de contribuer à un dialogue direct avec les jeunes samedi, pour cet ensemble de raisons.
PIERRE-MARIE GIRAUD (AFP)
Quel bilan faites-vous de l'enseignement de la Défense nationale et de la défense européenne à l'école ? La situation semble actuellement un peu floue ?
JEAN-PIERRE MASSERET
C'est un début. La mise en place de cet enseignement date de 1998. Nous n'avons donc pas encore de vrai bilan à dresser. Notre objectif est de vérifier son bon déroulement, son adéquation et le respect des échéances. Les documents qui intègrent l'instruction depuis la rentrée 1999 sont récents. Il faudrait former des professeurs à l'esprit de défense, leur dresser des documents et le cadre général. La situation est nouvelle et demande du temps. Les premiers échos sont tout de même plutôt favorables. Les discussions tenues avec les enseignants confortent cet avis. Nous ne possédons pas de statistiques complètes sur ce sujet.
ALAIN RICHARD
L'Education nationale, comme institution, est déterminée dans son ensemble à ce que cet enseignement de Défense fasse bien partie de ses missions. Claude Allègre et Ségolène Royal ont adopté ce choix l'an dernier. Ce programme d'instruction civique est sanctionné par un examen. Quoi que l'on dise du mécanisme des examens nationaux, ils sont quand même la clef de voûte d'un système qui assure que les contenus d'enseignement sont les mêmes partout. Cela peut apparaître comme une vieille lune dans le contexte français. Cependant, lorsque vous vous transportez dans les systèmes éducatifs d'autres pays où plus personne ne peut finalement savoir ce qui est enseigné dans les diverse formes d'établissements, cette méthode est tout de même rassurante. Certes, il existe un phénomène de saturation des programmes et nous pouvons humainement comprendre les nombreux problèmes auxquels sont confrontés les gens de l'Education nationale. Ils tendent à mettre un peu dans une autre colonne les disciplines ou les activités qui n'ont pas de débouchés directs sur les examens. Cette garantie là a été introduite dans le système.
JEAN-PIERRE MASSERET
Claude Allègre approuve d'ailleurs l'orientation donnée au département ministériel.
PATRICE-HENRI DESAUBLIAUX (LE FIGARO)
Vous avez évoqué les 30 % de ceux qui n'étaient pas recensés au début. Entre 87 et 88 % ont assisté à ces JAPD en 1998. Il en manque donc beaucoup. Vous avez des relations avec l'Education nationale. Développez-vous également des liens avec le ministère de l'Intérieur ? En effet, le recensement permet non seulement l'appel de préparation à la Défense, mais également l'inscription sur les listes électorales. Se posent de surcroît tous les problèmes de liaison des fichiers. Comment améliorer le système pour arriver à un résultat ? Ne faudrait-il faudrait pas envisager une mission ou une coopération plus étroite ? Un protocole entre la Défense et le ministère de l'intérieur pour améliorer ce recensement ?
JEAN-PIERRE MASSERET
Ce n'est pas tant un protocole administratif qui fera que les jeunes iront s'inscrire dans les mairies. La politique de recensement est fondée sur l'information. Nous invitons justement les élus aux JAPD pour sensibiliser les maires à agir auprès de leurs concitoyens. Nous devons travailler en association avec les communes, avec l'Association des maires de France, avec l'Association des maires ruraux, les petites villes, les grandes villes de plus de 100 000 habitants ou moins, les villes moyennes, à l'aide des structures départementales qui organisent les élus au niveau des assemblées générales. Nous lancerons d'ailleurs prochainement un appel sur la nécessité de l'engagement pour le recensement lors des journées de l'Assemblée des maires de Moselle. L'Education nationale doit aussi assurer l'information pour que les jeunes se fassent recenser à partir de 16 ans et dans les mois suivant leur seizième année. Ils sont encore scolarisés pour la plupart d'entre eux. Le canal de l'Education nationale est donc important de ce point de vue. Les procédures pourront ainsi se faire mécaniquement car la présentation d'un examen, du permis de conduire - instrument de la vie quotidienne largement répandu aujourd'hui - créent l'obligation de recensement. Nous arriverons progressivement à des proportions qui approcherons les 100 % sans jamais les atteindre. Nous sommes actuellement à 87, 88% et monterons à 92, 93 %. Il existe toujours des gens qui déménagent en cours d'année et ne penseront pas à le signaler. Quoi qu'il en soit, ils auront jusqu'à leur vingt-cinquième année pour se faire recenser.
ALAIN RICHARD
Le général Vincent peut ajouter quelques observations de terrain immédiat.
GENERAL VINCENT (DIRECTEUR DU SERVICE NATIONAL)
Il faut être très prudent sur ces chiffres. Ce sont tout d'abord des chiffres décalés. Nous venons à ce propos seulement de boucler l'année 1998. Nous sommes, en plus, dans une période transitoire. Nous avons recensé des jeunes de 16 et 17 ans en 1998. Le message est donc brouillé dans la mesure où nous ne pouvons pas regarder sur une classe d'âge. L'esprit de la loi évoque ensuite le " recensement volontaire ". Or, Monsieur Masseret vient de le rappeler, il est assorti d'une incitation forte. En témoignent la production de cette fameuse attestation et la possibilité de se faire recenser jusqu'à 25 ans. Nous tâchons ainsi de faire augmenter le premier indicateur, celui du recensement dès 16 ans dans le mois de naissance de l'année. Ce n'est certes pas toujours facile, notamment avec les jeunes filles, mais nous sommes en train de faire grimper ce chiffre. La régularisation automatique est permise grâce à la production de ce document obligatoire pour le bac, le permis de conduire ou autre. Il reste évidemment des efforts à fournir dans le domaine de la communication, mais nous ne sommes pas inquiets, notamment pour le recensement des filles.
ALAIN RICHARD
Nous pouvons faire un recoupement purement statistique avec l'INSEE, en procédant à des évaluations par rapport à une classe d'âge dont nous connaissons statistiquement l'effectif. En revanche, l'INSEE n'est pas habilitée légalement à produire des listes. Ces listes n'existent donc nulle part. C'est d'ailleurs une curiosité lorsque vous avez la responsabilité d'une collectivité locale et que vous dialoguez avec des collègues étrangers. Il n'existe pas de liste de population en France. Les collectivités britanniques ont une liste de leur population. En France, c'est contraire à nos principes...
BERNARD EDINGER (REUTER)
Jusqu'à l'an dernier, un tiers des jeunes Français ne se faisaient pas recenser. Depuis quand durait cette situation ? Existe-t-il des études sur la part de l'oubli et la part intentionnelle ? Le général Vincent vient d'évoquer le recensement aujourd'hui volontaire. Pouvez-vous clarifier ces éléments ?
JEAN-PIERRE MASSERET
Le recensement est effectivement volontaire à partir de 16 ans et dans le mois qui suit la seizième année : c'est l'obligation de la loi. Il existe cependant une régularisation possible jusqu'à l'âge de 25 ans. Les statistiques annonçaient 15,2 % de gens non recensés en 1996. Suite à l'annonce de la professionnalisation en 1997, 23 %, jusqu'à 30 %, de personnes n'ont pas été recensés. Certaines personnes ont estimé qu'il n'y avait plus d'obligation. Elles ont fait une interprétation un peu particulière de la suspension du service national. La procédure mécanique obligeant à la production de l'attestation et à la présentation de cette attestation pour passer les examens de baccalauréat, soutenue par toute la politique d'information menée par les armées et les mairies, a permis au système de se remettre en ordre de marche. La dernière statistique annonce un chiffre de 87,6 % pour le recensement des jeunes garçons. Nous sommes donc passés de 70 % en 1998 à plus de 87 % début 1999, élément de la comptabilité 1998. La progression est extraordinairement rapide en moins d'une année. La mécanique a tout simplement été assimilée par les Français. Deux Français sur trois connaissent aujourd'hui la journée d'appel à la Défense. Elle fait maintenant partie de notre vie quotidienne. Les jeunes ont parfaitement intégré cette donnée, ainsi que leurs parents par ricochet.
ALAIN RICHARD
Pour reprendre votre subtile question sur " le recensement volontaire " : si nous exprimons les choses de manière rigoureuse en termes de pur droit, alors le recensement se présente comme une obligation et un acte personnel. Volontaire ne veut pas dire facultatif. La preuve est qu'il existe un système de recoupement.
PATRICE-HENRI DESAUBLIAUX (LE FIGARO)
Votre interprétation concernant l'INSEE nous laisse perplexe. Si nous ne connaissons pas la population, comment pouvons-nous alors connaître le pourcentage de ceux qui ne sont pas recensés ?
ALAIN RICHARD
Parce que nous connaissons avec une approximation très précise le nombre de gens nés entre le 1er janvier et le 31 décembre d'une année. Nous connaissons de surcroît leur répartition entre hommes et femmes. Nous nous appuyons sur ces chiffres.
PATRICE-HENRI DESAUBLIAUX (LE FIGARO)
A la naissance ?
ALAIN RICHARD
Pas du tout. Nous connaissons aussi leur nombre à 18 ans. Nous savons ainsi combien sont morts. En revanche, nous savons moins bien - ce sera d'ailleurs l'une des curiosités de l'analyse du recensement de 1999 - le nombre de ceux qui émigrent. Nous ne cessons de débattre de la quantification des immigrants qui deviennent habitants de notre pays. Les estimations de l'INSEE lors de la sortie du chiffre global de la population, après toutes les corrections et les rectifications, sont en effet tombées en dessous de nos attentes. Nous avons, en effet, obtenu une estimation d'environ 0,5 % dans nos départements. Ce n'est pas rien par rapport à ce que nous attendions. Plusieurs interprétations peuvent se cumuler pour expliquer ce chiffre qui fait apparaître a posteriori une surestimation du mouvement de la pente de population entre 1990 et 1999. Nous pouvons tout d'abord nous demander combien de personnes vont quitter volontairement le territoire français sans passer par les procédures officielles d'émigration ? Cela engendre effectivement une ou deux sources d'incertitude. Mais l'INSEE est en mesure d'évaluer exactement à 0,2 ou 0,3 %, le nombre de jeunes de 18 ans dans une région donnée. Nous avons donc tous les éléments pour calculer notre 100 %. L'INSEE ne recense pas par exemple, parce que personne ne le fait, sauf par des recoupements avec d'autres services publics sectoriels, le nombre de personnes gravement handicapées issues de cette tranche d'âge de gens et qui ne peuvent donc pas, d'après la loi même, souscrire à l'obligation. Quoi qu'il en soit nous ne parviendrons pas à 100 % et n'y sommes d'ailleurs pas parvenus dans le cadre de la conscription. Tous ces facteurs expliquent le petit différentiel.
MICHAELA WIEGEL ( FRANKFURTER ALLGEMEINE ZEITUNG)
Le critère de cette obligation civique est la nationalité française. Comment procédez-vous alors avec les détenteurs de double nationalité ?
ALAIN RICHARD
Ceci peut effectivement susciter une interrogation chez un citoyen allemand. Mais dans le droit français, un binational est quelqu'un qui a la citoyenneté française et qui a avec lui l'ensemble des droits et obligations que portent cette nationalité. Les binationaux sont donc recensés.
JEAN-DOMINIQUE MERCHET (LIBERATION)
Au sujet des binationaux, un certain nombre d'accords avec des pays comme l'Algérie ou Israël permettaient justement jusqu'à présent au jeune binational de choisir entre son service national en France ou le service national dans ce pays-là. Une journée d'APD est-elle aujourd'hui l'équivalent d'un service militaire en Algérie ?
ALAIN RICHARD
Non. Ce que nous appelons dans le droit contractuel traditionnel, " l'économie générale du contrat " est naturellement bouleversée par le changement de la législation en France. Nous devons rediscuter de ces accords. D'ailleurs les pays partenaires le souhaitent.
JEAN-DOMINIQUE MERCHET (LIBERATION)
Où en sont ces discussions avec les pays concernés ?
ALAIN RICHARD
Nous n'avons pas d'information très représentative à vous livrer sur ce sujet. Le ministère de la Défense n'est pas seul concerné.
BERNARD EDINGER (REUTER)
Nous autorisez-vous à poser quelques questions sur d'autres sujets ?
ALAIN RICHARD
Tout à fait.
BERNARD EDINGER (REUTER)
Avez-vous un commentaire à faire sur le programme américain, sur l'expérimentation américaine d'interception de missiles balistiques et sur le retrait français de ce programme ? Avez-vous par ailleurs un commentaire à livrer sur l'affaire des gendarmes de Moissac ?
ALAIN RICHARD
Nous regardons le programme américain avec beaucoup d'intérêt car il représente évidemment un des éléments de l'équilibre stratégique. L'entrée de la France dans le débat sur le dispositif antimissile traditionnel consiste à s'interroger sur leur compatibilité avec l'équilibre d'ensemble des forces et avec les processus de désarmement négocié, ainsi que les processus de lutte contre la prolifération. Nous considérons donc le développement de ce programme contre lequel les partenaires américains font actuellement un effort important d'information entre les Etats de l'Alliance.
En ce qui concerne les gendarmes de Moissac, nous souhaitons que l'enquête soit approfondie.
Vous savez tout maintenant. A samedi pour ceux qui accepteront de faire le déplacement. Ils pourront constater avec satisfaction qu'il existe enfin un site d'APD dans le Val-d'Oise.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 25 octobre 1999)