Interview de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président délégué de l'UMP, à La Chaîne info le 5 novembre 2002, sur la position du Sénat sur le projet de décentralisation et sur la mise en place de l'UMP.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser.- Dans vos nombreux titres, il y a celui de sénateur, et on sait que le Sénat est en train d'étriller un peu le projet de loi constitutionnelle sur la décentralisation, qui a subi d'autres coups... Le Sénat devait voter ce texte la semaine dernière ; finalement, c'est remis à cette semaine. On dit aujourd'hui, mais il y a encore beaucoup d'amendements à examiner. Vous n'allez pas y arriver aujourd'hui ?
- "Sans doute pas. C'est moi qui présiderai la séance cet après-midi, après que le président l'ait ouverte. Mais je ne pense pas que nous y arrivions aujourd'hui. Ceci dit, le Sénat ne fait que son travail. Le Sénat est saisi en priorité, ce qui était un geste élégant de la part du Premier ministre, sur un sujet qui concerne la décentralisation et les collectivités territoriales, dont le Sénat est le représentant. A partir de ce moment-là, le Sénat fait son travail législatif, c'est-à-dire qu'il demande des modifications, des amendements. Il n'y a là rien d'extraordinaire. Si on votait sans parler, que dirait-on ? Donc, il y a un débat démocratique normal qui s'effectue au Sénat. Il s'effectuera après, dans quelques jours, à l'Assemblée nationale."
Hier, C. Pasqua, à votre place, disait que ce texte manque un peu de clarté. C'est vrai qu'on ne comprend pas toujours de quoi il s'agit dans cette fameuse loi. Qu'est-ce qui fait problème ?
- "Les premières lois de décentralisation remontent à vingt ans. C'était les plus faciles à faire, et encore, elles ont été faites d'une manière incomplète, notamment sur les transferts des ressources. Je vous rappelle vite qu'à cette époque là, on avait donné aux régions la possibilité de construire, moderniser, équiper les lycées publics. Normalement, l'Etat aurait dû donner aux régions 6 milliards pour faire ces travaux et il n'a donné qu'1,2 milliard. Néanmoins, les régions de France ont partout construit des lycées et les ont modernisés. Par conséquent, nous savons surtout dire au Premier ministre ce qu'il ne faut pas faire. Il ne faut pas donner des pouvoirs sans transférer des ressources. Mais pour autant, vingt ans après, le Premier ministre veut se lancer et lancer la France dans une deuxième étape de décentralisation, au moment où tout cela se fait en Europe et au moment où nous venons d'assister - ce que peut-être C. Pasqua ou d'autres auraient pu dire - pendant cinq années de régime socialiste, à une recentralisation des pouvoirs aux mains des préfets, ou de lois absolument ahurissantes comme la loi SRU qui est une loi de contraintes : contraindre les maires, forcer les maires à faire ce qu'ils ne veulent pas. L'esprit de Raffarin est tout à fait différent et c'est à mon avis une bonne chose."
Vous ne me répondez pas sur ce qui ne convient pas aux sénateurs dans cette loi.
- "Les sénateurs, la semaine dernière, quand le Premier ministre est venu présenter sa loi devant le Sénat, l'ont longuement, à la fin de son exposé, applaudi debout en manifestant toute l'amitié que nous portons à J.-P. Raffarin. Pour autant, sur certains points, il faut faire un peu de travail législatif. Il est en train d'être fait. Par exemple, limiter sans doute ou encadrer un peu mieux le droit de pétition ou l'utilisation du référendum qui existe déjà d'ailleurs. Donc, ce sont des précisions que le Sénat a tout à fait le droit de demander et cela ne remet pas en cause l'architecture de ce projet qui est un projet novateur, qui est un projet pour la France, qui ne met pas en cause la République qui est une et indivisible, mais qui peut être un peu décentralisée."
Vous répondez déjà un peu à J.-L. Debré qui a vivement attaqué le projet en parlant d' "intégrisme décentralisateur". Est-ce que le président de l'Assemblée nationale disait tout haut ce que beaucoup pensent tout bas ?
- "Je ne pense pas. Je crois que J.-L. Debré qui, dans ses déclarations précédentes et dans son attitude, appartient plutôt à ce qu'on peut appeler les jacobins - c'est-à-dire ceux qui veulent que l'Etat soit fort et respecté -, a dit un certain nombre de choses. Mais pour autant, la vie politique bouge, elle change et ce qui est important, aujourd'hui, ce n'est pas tellement les commentaires que nous faisons ensemble ce matin ou que vos collègues journalistes font. Ca compte mais ce qui compte aussi, c'est que la popularité du Premier ministre et du président de la République reste stable, que les Françaises et les Français approuvent l'action internationale du président de la République qui arrive à faire reculer Bush dans le domaine international. Et ils approuvent un jeune Premier ministre qui est différent de la technocratie habituelle et qui ne veut pas laisser aux fonctionnaires tout le pouvoir dans ce pays. Avouez que quand il s'agit de prolonger l'autoroute A 51 du Val de Durance pour relier Marseille en passant les Alpes vers Grenoble, vous croyez que ce ne serait pas mieux que ce soit les élus eux-mêmes qui décident cela, alors que les fonctionnaires à Paris, depuis longtemps, bloquent ce projet ? Voilà ce que veut Raffarin, c'est-à-dire une plus grande proximité, un plus grand rôle des élus locaux. Mais nous sommes tous d'accord là-dessus et nous sommes plutôt tous girondins dans ce domaine-là.
Donc pour vous, ce sont des déclarations sans importance et cela ne va pas gâcher la fête de l'UMP qui se prépare ?
- "Non, cela ne gâchera pas la fête de l'UMP. L'UMP, c'est une réponse au vote du 21 avril, et les formations politiques qui s'engagent aujourd'hui dans l'UMP, ont un sacré courage parce qu'elles font bouger les choses. D'ordinaire, après une élection, on ne change rien et on recommence. Là, ce sont plusieurs partis politiques qui veulent se rassembler, s'unir autour du président de la République pour que la politique du président de la République pour la France réussisse. Voilà pourquoi nous nous engageons. Et c'est beaucoup plus important que de savoir si l'on est un peu plus jacobin ou girondin."
Les forces politiques s'engagent mais les militants rechignent un peu.
- "Il y a une nostalgie dans chaque camp et dans chaque chapelle qui a pu exister. Mais justement, cela voudrait dire que l'on n'a rien compris au vote du 21 avril. C'est ça que l'on nous a demandé. On nous l'a demandé, on l'a demandé à la gauche ; la gauche n'est pas capable de le faire ; eh bien nous, nous le faisons autour du président de la République, autour du Premier ministre. Et c'est la raison pour laquelle A. Juppé, Douste-Blazy et moi-même formons un triumvirat et nous nous présentons au suffrage de nos amis de l'UMP. Nous voulons que les choses changent, nous voulons que les choses bougent et nous voulons que le président de la République et le Premier ministre réussissent."
Et que chacun garde sa personnalité néanmoins...
- "A l'intérieur même, bien entendu. Nous n'allons pas renier nos engagements qui sont des engagements d'origine et pour certains, comme moi, déjà un peu anciens."
Vous parlez "d'engagements anciens", vous êtes un libéral. Il faut quand même garder un engagement gaulliste, un engagement centriste ?
- "Je me mettrais plutôt dans la catégorie des démocrates-chrétiens, mais en même temps je suis libéral. Un libéral prêt à accepter un certain nombre de choses, de transformations de notre société et de notre vie en société. Pour autant, je crois que nous formons un grand rassemblement, un rassemblement où se retrouvent les gaullistes, les libéraux, les démocrates-chrétiens et d'autres, toutes celles et tous ceux qui ont une certaine conception de la France, la conception de la France qu'avait le général de Gaulle."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 novembre 2002)