Texte intégral
J. Dorville.- F. Fillon, le ministre des Affaires sociales, a terminé hier soir ses consultations à propos des 35 heures, du Smic. Et il les a terminées avec le patron du Medef, E.-A. Seillière. Et à en juger par la colère froide de ce dernier, on se dit que, ce matin vous devez être satisfait, vous avez gagné ?
- "Je ne sais pas, parce que l'on n'a pas encore les décisions définitives. Je crois que c'est aujourd'hui que monsieur Raffarin va décider, arbitrer définitivement. Mais je pense que monsieur Seillière "en remet" beaucoup."
C'est-à-dire ?
- "Je vais essayer de préciser un peu les choses : l'augmentation du Smic, de 11,44 %, c'est celle de 40 % des gens qui ont le Smic, et c'est sur trois ans. Il y a à peu près 2 millions de personnes qui touchent le Smic - 40 % - ; 800.000 personnes vont avoir le salaire qui va augmenter de 3,7 % par an. Vous parlez d'une catastrophe ! Pardonnez-moi, mais je considère que là, il y a une part - je ne vais pas dire de cinéma, parce que je ne veux pas offenser monsieur Seillière -, mais enfin il veut jouer le rôle du patron méchant. D'autant plus que, vraisemblablement, ou du moins si on en croit ce que l'on veut dire, dans les grosses entreprises, on est payé au-delà du Smic. Le problème est plutôt pour les petites entreprises. Ce n'est pas monsieur Seillière qui les représente. Je m'étonne que l'on n'entende pas suffisamment la CGPME et l'UPA. Au passage, je voudrais faire remarquer aussi quelque chose que tout le monde se garde bien de dire. Les allégements de charges vont passer de 1,3 à 1,7 % du Smic. Cela veut dire que plus le Smic va monter et plus les allégements vont être considérables pour les patrons."
C'est un cadeau au patronat ?
- "C'est le moins que l'on puisse dire, c'est un cadeau non négligeable. Alors, nous étions demandeurs d'un seul Smic parce que sinon, s'il y a plusieurs Smic, cela ne veut plus rien dire. Puisque vous savez que le Smic n'est pas un salaire réel, c'est le salaire en dessous duquel on ne peut pas être payé. C'est un peu la voiture-balais du Tour de France. Donc, maintenant, je suis demandeur, et j'insiste auprès de monsieur Fillon, il faut négocier dans les branches les grilles de salaires, de manière à ce qu'il n'y ait plus de salaires conventionnels inférieurs au Smic. C'est une demande, c'est une revendication, je l'ai faite chez monsieur Raffarin quand il nous a reçus. Je l'ai faite chez monsieur Fillon, je la rappelle, et je m'étonne qu'il n'y réponde pas."
Vous nous dites ce matin : le patron du Medef n'a pas lieu d'être mécontent finalement ?
- "Non. Et puis, il est en contradiction : quand on regarde l'histoire des 35 heures - là aussi, encore une fois, il tempête, etc. -, les grosses entreprises ont réglé le problème. Pour celles que représente monsieur Seillière, le problème est réglé. Maintenant, ce sont les PME et les PMI. On peut comprendre qu'il y ait des difficultés d'application, c'est ce que nous avions dit quand madame Aubry a initié sa loi. Nous avions dit : attention, ce n'est pas la même chose dans les grosses et dans les petites entreprises. Ceci étant, la décision qui va être prise, si j'ai bien compris..."
Un décret provisoire sur un an, un an et demi, portant les heures supplémentaires de 130 à 180 ou 200 heures...
- "C'est une erreur."
Pourquoi ?
- "Premièrement, je fais constater que monsieur Seillière, lui qui dit qu'il ne veut surtout pas que le Gouvernement interfère et que l'Etat interfère, est en train de revendiquer un décret ! J'aurais aimé que nous puissions négocier dans les branches, en fonction de la situation. Il y a des besoins. Regardons : la boulangerie, trois salariés dans chaque boulangerie ; comment fait-on pour faire les 35 heures ? On ne va pas embaucher un quatrième employé, les charges seront trop fortes. C'est différent si l'on est dans la métallurgie, c'est différent si l'on est dans le bâtiment, différent si l'on est dans tel ou tel secteur, etc. Il eut fallu nous laisser négocier."
C'est ce que vous propose le Gouvernement, vous allez négocier après ?
- "Non. Si le Gouvernement met un décret, et si ce décret, même provisoire, définit un nombre d'heures, pourquoi voulez-vous que nous négocions ?! Il fallait faire un décret nous encourageant à négocier et nous aurions défini nous-mêmes les enveloppes. C'était cela le problème. Ce que nous ne voulions pas, et ce que nous ne voulons toujours pas, c'est que l'on puisse dire que les heures supplémentaires seront payées à 10, 15 ou 20 % selon les secteurs d'activité. Sinon, ce sont les heures supplémentaires qui vont faire le salaire, cela va se substituer aux négociations salariales. Mais nous sommes tout à fait d'accord pour dire : donnez-nous la possibilité de négocier par branche, en fonction des besoins. Je vais vous dire clairement les choses : ce que je veux éviter, c'est que l'on paye les heures supplémentaires de la main à la main. Je veux éviter le "black". Je veux éviter aussi que, telle petite entreprise, qui fait telle pièce déterminée, dise : on ne peut pas assurer la production, alors "je vais foutre le camp" au Maroc. Donc, pour maintenir ce genre d'entreprise - on a un problème industriel en France -, il faut leur donner une certaine souplesse, étant entendu que cela ne doit pas avoir pour effet d'écarter définitivement l'application des 35 heures. Il faut que l'on arrive aux 35 heures, mais il faut donner un peu de respiration aux entreprises, selon les secteurs d'activité. Ce n'est pas possible avec un décret qui fixerait par exemple à 180 ou 200 heures."
Certains disent ce matin que ce décret, cette négociation c'est finalement, la fin de la loi Aubry...
- "Non, je crois que ceux qui disent cela exagèrent. On est grosso modo, dans le privé, à un petit peu plus que la moitié qui ont déjà les 35 heures. Il faut maintenant donner - c'est comme au rugby -, il faut tenir la mêlée, donner un coup d'épaule pour que tout le monde arrive aux 35 heures dans le privé et puis dans le public. Il va quand même falloir que l'on applique aussi les 35 heures dans la fonction publique. Ce qui me semble difficilement compatible avec les objectifs de réduire le train de l'Etat..."
Parlons un peu de la fonction publique. Il y a les négociations entre les différents ministères sur la préparation du budget 2003. Vous avez vu ce qui s'est passé à propos des effectifs de l'Education nationale : monsieur Darcos parlant de 2 à 3.000 suppressions d'emplois, L. Ferry démentant. C'est un couac ?
- "Un couac, je ne sais pas..."
C'est un problème de communication ou c'est un ballon d'essai ?
- "C'est un lapsus, non ? Il y a quelque chose. Ce n'est pas possible que monsieur Raffarin, grand communicant comme il était, y compris professionnellement, fasse aussi fréquemment des couacs qui ne seraient pas quelque peu contrôlés. Un jour c'est sur l'allégement des charges, un jour c'est sur les impôts, un jour sur les effectifs, etc. Je crois qu'il utilise la technique du "ballon d'essai". Il veut voir comment ça réagit. Il y aurait quelque chose de complètement contradictoire, notamment dans le secteur de l'Education nationale, à dire que l'on va réduire les enseignants. Puisque tous les gouvernements précédents..."
Ce serait un casus belli pour vous ?
- "La réaction va venir des gens. La réaction ne va pas venir obligatoirement des enseignants immédiatement. Encore qu'ils sont déjà en désaccord. Mais par surcroît, elle va venir des gens... On a terminé l'année dernière avec les problèmes des instituteurs, en Loire-Atlantique, en différents endroits, il manquait des instituteurs. Cela, les parents le voient, les parents le constatent. Ce sont eux qui vont rouspéter ! Cela va monter comme ça."
Vous avez entendu ce que dit le Gouvernement : il y a moins d'élèves aussi. Alors, est-ce qu'à un moment donné, on ne peut pas aussi admettre qu'il faut baisser le nombre de fonctionnaires ?
- "On va supprimer des surveillants dans les lycées et dans les collèges, que va-t-on faire ?! C'est la police de plus, ce sont les effectifs de monsieur Sarkozy qui vont aller dans les lycées et collèges pour faire régner le calme et la sérénité, comme il se doit sur un campus ?! Il y a quelque chose qui ne va pas. Je crois qu'il faut comprendre. Je vais être un peu brutal : les gens ne peuvent pas déléguer l'éducation de leurs enfants aux enseignants et ce qui entoure l'enseignement, et puis en même temps dire qu'ils ne veulent pas payer ! Ou ils prennent leurs responsabilités de parents, ils font l'éducation, l'école fait l'instruction ou alors l'école fait les deux, et alors il faut lui donner les moyens."
En un mot, admettez-vous quand même qu'il y a des économies à faire sur le budget de l'Etat et peut-être sur le nombre de fonctionnaires ?
- "Il y a des économies à faire sur le budget de l'Etat et sur les fonctionnaires, comme il y a des économies à faire dans certaines entreprises, comme partout. Il me semblait que c'était le rôle des dirigeants d'entreprise, que c'était le rôle des hauts fonctionnaires et des directeurs d'administration, que d'essayer de faire en sorte d'avoir l'administration la plus compétente avec les effectifs les plus réduits !"
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 sept 2002)
- "Je ne sais pas, parce que l'on n'a pas encore les décisions définitives. Je crois que c'est aujourd'hui que monsieur Raffarin va décider, arbitrer définitivement. Mais je pense que monsieur Seillière "en remet" beaucoup."
C'est-à-dire ?
- "Je vais essayer de préciser un peu les choses : l'augmentation du Smic, de 11,44 %, c'est celle de 40 % des gens qui ont le Smic, et c'est sur trois ans. Il y a à peu près 2 millions de personnes qui touchent le Smic - 40 % - ; 800.000 personnes vont avoir le salaire qui va augmenter de 3,7 % par an. Vous parlez d'une catastrophe ! Pardonnez-moi, mais je considère que là, il y a une part - je ne vais pas dire de cinéma, parce que je ne veux pas offenser monsieur Seillière -, mais enfin il veut jouer le rôle du patron méchant. D'autant plus que, vraisemblablement, ou du moins si on en croit ce que l'on veut dire, dans les grosses entreprises, on est payé au-delà du Smic. Le problème est plutôt pour les petites entreprises. Ce n'est pas monsieur Seillière qui les représente. Je m'étonne que l'on n'entende pas suffisamment la CGPME et l'UPA. Au passage, je voudrais faire remarquer aussi quelque chose que tout le monde se garde bien de dire. Les allégements de charges vont passer de 1,3 à 1,7 % du Smic. Cela veut dire que plus le Smic va monter et plus les allégements vont être considérables pour les patrons."
C'est un cadeau au patronat ?
- "C'est le moins que l'on puisse dire, c'est un cadeau non négligeable. Alors, nous étions demandeurs d'un seul Smic parce que sinon, s'il y a plusieurs Smic, cela ne veut plus rien dire. Puisque vous savez que le Smic n'est pas un salaire réel, c'est le salaire en dessous duquel on ne peut pas être payé. C'est un peu la voiture-balais du Tour de France. Donc, maintenant, je suis demandeur, et j'insiste auprès de monsieur Fillon, il faut négocier dans les branches les grilles de salaires, de manière à ce qu'il n'y ait plus de salaires conventionnels inférieurs au Smic. C'est une demande, c'est une revendication, je l'ai faite chez monsieur Raffarin quand il nous a reçus. Je l'ai faite chez monsieur Fillon, je la rappelle, et je m'étonne qu'il n'y réponde pas."
Vous nous dites ce matin : le patron du Medef n'a pas lieu d'être mécontent finalement ?
- "Non. Et puis, il est en contradiction : quand on regarde l'histoire des 35 heures - là aussi, encore une fois, il tempête, etc. -, les grosses entreprises ont réglé le problème. Pour celles que représente monsieur Seillière, le problème est réglé. Maintenant, ce sont les PME et les PMI. On peut comprendre qu'il y ait des difficultés d'application, c'est ce que nous avions dit quand madame Aubry a initié sa loi. Nous avions dit : attention, ce n'est pas la même chose dans les grosses et dans les petites entreprises. Ceci étant, la décision qui va être prise, si j'ai bien compris..."
Un décret provisoire sur un an, un an et demi, portant les heures supplémentaires de 130 à 180 ou 200 heures...
- "C'est une erreur."
Pourquoi ?
- "Premièrement, je fais constater que monsieur Seillière, lui qui dit qu'il ne veut surtout pas que le Gouvernement interfère et que l'Etat interfère, est en train de revendiquer un décret ! J'aurais aimé que nous puissions négocier dans les branches, en fonction de la situation. Il y a des besoins. Regardons : la boulangerie, trois salariés dans chaque boulangerie ; comment fait-on pour faire les 35 heures ? On ne va pas embaucher un quatrième employé, les charges seront trop fortes. C'est différent si l'on est dans la métallurgie, c'est différent si l'on est dans le bâtiment, différent si l'on est dans tel ou tel secteur, etc. Il eut fallu nous laisser négocier."
C'est ce que vous propose le Gouvernement, vous allez négocier après ?
- "Non. Si le Gouvernement met un décret, et si ce décret, même provisoire, définit un nombre d'heures, pourquoi voulez-vous que nous négocions ?! Il fallait faire un décret nous encourageant à négocier et nous aurions défini nous-mêmes les enveloppes. C'était cela le problème. Ce que nous ne voulions pas, et ce que nous ne voulons toujours pas, c'est que l'on puisse dire que les heures supplémentaires seront payées à 10, 15 ou 20 % selon les secteurs d'activité. Sinon, ce sont les heures supplémentaires qui vont faire le salaire, cela va se substituer aux négociations salariales. Mais nous sommes tout à fait d'accord pour dire : donnez-nous la possibilité de négocier par branche, en fonction des besoins. Je vais vous dire clairement les choses : ce que je veux éviter, c'est que l'on paye les heures supplémentaires de la main à la main. Je veux éviter le "black". Je veux éviter aussi que, telle petite entreprise, qui fait telle pièce déterminée, dise : on ne peut pas assurer la production, alors "je vais foutre le camp" au Maroc. Donc, pour maintenir ce genre d'entreprise - on a un problème industriel en France -, il faut leur donner une certaine souplesse, étant entendu que cela ne doit pas avoir pour effet d'écarter définitivement l'application des 35 heures. Il faut que l'on arrive aux 35 heures, mais il faut donner un peu de respiration aux entreprises, selon les secteurs d'activité. Ce n'est pas possible avec un décret qui fixerait par exemple à 180 ou 200 heures."
Certains disent ce matin que ce décret, cette négociation c'est finalement, la fin de la loi Aubry...
- "Non, je crois que ceux qui disent cela exagèrent. On est grosso modo, dans le privé, à un petit peu plus que la moitié qui ont déjà les 35 heures. Il faut maintenant donner - c'est comme au rugby -, il faut tenir la mêlée, donner un coup d'épaule pour que tout le monde arrive aux 35 heures dans le privé et puis dans le public. Il va quand même falloir que l'on applique aussi les 35 heures dans la fonction publique. Ce qui me semble difficilement compatible avec les objectifs de réduire le train de l'Etat..."
Parlons un peu de la fonction publique. Il y a les négociations entre les différents ministères sur la préparation du budget 2003. Vous avez vu ce qui s'est passé à propos des effectifs de l'Education nationale : monsieur Darcos parlant de 2 à 3.000 suppressions d'emplois, L. Ferry démentant. C'est un couac ?
- "Un couac, je ne sais pas..."
C'est un problème de communication ou c'est un ballon d'essai ?
- "C'est un lapsus, non ? Il y a quelque chose. Ce n'est pas possible que monsieur Raffarin, grand communicant comme il était, y compris professionnellement, fasse aussi fréquemment des couacs qui ne seraient pas quelque peu contrôlés. Un jour c'est sur l'allégement des charges, un jour c'est sur les impôts, un jour sur les effectifs, etc. Je crois qu'il utilise la technique du "ballon d'essai". Il veut voir comment ça réagit. Il y aurait quelque chose de complètement contradictoire, notamment dans le secteur de l'Education nationale, à dire que l'on va réduire les enseignants. Puisque tous les gouvernements précédents..."
Ce serait un casus belli pour vous ?
- "La réaction va venir des gens. La réaction ne va pas venir obligatoirement des enseignants immédiatement. Encore qu'ils sont déjà en désaccord. Mais par surcroît, elle va venir des gens... On a terminé l'année dernière avec les problèmes des instituteurs, en Loire-Atlantique, en différents endroits, il manquait des instituteurs. Cela, les parents le voient, les parents le constatent. Ce sont eux qui vont rouspéter ! Cela va monter comme ça."
Vous avez entendu ce que dit le Gouvernement : il y a moins d'élèves aussi. Alors, est-ce qu'à un moment donné, on ne peut pas aussi admettre qu'il faut baisser le nombre de fonctionnaires ?
- "On va supprimer des surveillants dans les lycées et dans les collèges, que va-t-on faire ?! C'est la police de plus, ce sont les effectifs de monsieur Sarkozy qui vont aller dans les lycées et collèges pour faire régner le calme et la sérénité, comme il se doit sur un campus ?! Il y a quelque chose qui ne va pas. Je crois qu'il faut comprendre. Je vais être un peu brutal : les gens ne peuvent pas déléguer l'éducation de leurs enfants aux enseignants et ce qui entoure l'enseignement, et puis en même temps dire qu'ils ne veulent pas payer ! Ou ils prennent leurs responsabilités de parents, ils font l'éducation, l'école fait l'instruction ou alors l'école fait les deux, et alors il faut lui donner les moyens."
En un mot, admettez-vous quand même qu'il y a des économies à faire sur le budget de l'Etat et peut-être sur le nombre de fonctionnaires ?
- "Il y a des économies à faire sur le budget de l'Etat et sur les fonctionnaires, comme il y a des économies à faire dans certaines entreprises, comme partout. Il me semblait que c'était le rôle des dirigeants d'entreprise, que c'était le rôle des hauts fonctionnaires et des directeurs d'administration, que d'essayer de faire en sorte d'avoir l'administration la plus compétente avec les effectifs les plus réduits !"
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 sept 2002)