Texte intégral
Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les députés,
C'est avec un très grand plaisir, et aussi avec un très grand honneur, que je viens aujourd'hui, devant vous, à Strasbourg, en tant que Présidente du Conseil dans le domaine de l'environnement, pour vous présenter les priorités de la France dans cette matière pour les six mois à venir.
Vous le savez, j'ai été moi-même, il y a quelques années de cela, parlementaire européenne. Je ne l'ai pas oublié. J'attache la plus grande importance au travail qui est fait au sein du Parlement européen, et ce d'autant plus que ses pouvoirs, depuis l'époque où j'y siégeait, ont été sensiblement renforcés, ce dont je me réjouie vivement. J'attache la même importance à la qualité du dialogue qui doit exister entre le Conseil et le Parlement, et je m'emploierai, pour ma part, au cours de ce semestre, à entretenir des relations nourries avec vous.
Cela fait maintenant plus de trois ans qu'en tant que ministre chargée de l'environnement au sein du Gouvernement français, je représente mon pays au Conseil Environnement. J'ai pu mesurer, sous sept présidences successives, la lourdeur de la tâche, l'ampleur des responsabilités qui sont liées à l'exercice de cette Présidence.
J'ai conscience du double rôle, en apparence contradictoire, que l'on attend d'elle : d'un côté, assumer un rôle d'impulsion, de réflexion, d'orientation politique, notamment sur les grands sujets du moment ; de l'autre, rechercher, inlassablement, les compromis, soit au sein même du Conseil, soit avec le Parlement, pour faire adopter les textes sur la table, en étant capable d'oublier ses propres intérêts nationaux.
Je m'efforcerai de jouer au mieux ce rôle de Présidente. J'y consacrerai, soyez-en persuadés, le temps et l'énergie nécessaires. Je le ferai parce que c'est ma responsabilité. Je le ferai, aussi, parce que je sais, comme vous, que l'Europe est le meilleur vecteur pour faire avancer, dans chacun de nos pays, des politiques ambitieuses en matière d'environnement, alors même que beaucoup reste à faire. Je le ferai, enfin, parce que je suis, en tant qu'européenne convaincue et militante, consciente que c'est aussi par les solidarités de fait que nous créons chaque jour
entre nos pays dans les différents domaines de compétence communautaire que nous bâtissons l'Europe à laquelle j'aspire, et à laquelle, je le sais, beaucoup d'entre vous travaillent.
Je voudrais, avant de vous présenter nos priorités, rendre un hommage appuyé à la Présidence portugaise, qui aura effectué un remarquable travail. Il l'aura été d'autant plus que mon prédécesseur, M. Socrates, venait à peine d'entrer au Gouvernement portugais lorsqu'il a dû, presque instantanément, assumer la charge de présider le Conseil environnement. Le succès a été au rendez-vous. Je ne vais pas faire un bilan complet de ce dernier semestre, ce n'est pas mon rôle, mais je voudrais en retenir quelques éléments.
Dans le domaine international, dès le mois de janvier, à Montréal, l'Europe a imposé, aux Etats-Unis et au Canada notamment, un accord sur le Protocole Biosécurité.
Au sein du Conseil, le travail et l'opiniâtreté de la Présidence ont permis d'aboutir, enfin, à des positions communes sur les directives relatives aux grandes installations de combustion et aux plafonds nationaux d'émission.
Enfin, grâce au travail mené avec le Parlement européen, plusieurs textes ont pu trouver un aboutissement favorable après seconde lecture de votre institution. Je pense au programme Life, même si j'aurais souhaité, pour ma part, un montant budgétaire plus proche des souhaits du Parlement. Je pense aux véhicules hors d'usage. Je pense, aussi, à la directive cadre sur l'eau.
Je me suis réjouis du succès du dernier comité de conciliation, dans la nuit du 28 au 29 juin, sur un texte important sur un des grands domaines des politiques environnementales. Les discussions ont été longues et difficiles. Différentes pistes ont été explorées sur les principaux points en négociation. Sans doute, d'autres solutions auraient-elles pu être souhaitées sur tel ou tel aspect. Cette discussion est désormais close. Je tiens à exprimer ici mes félicitations au rapporteur de ce texte, Marie-Noëlle Lienemann, et à l'ensemble des parlementaires concernés, pour cette issue positive. Au delà du contenu du texte, j'y vois surtout un signal important à l'égard de l'ensemble des acteurs concernés quant à la capacité de l'Europe de s'impliquer utilement sur un tel sujet.
J'en viens, maintenant, à ce qui justifie ma présence aujourd'hui parmi vous. Je ne vais pas, dans cet exposé introductif, entrer dans tous les détails. J'ai déjà évoqué, il y a quelques semaines, nos priorités pour les six prochains mois avec votre présidente Madame Jackson, avec laquelle je me suis réjouis de pouvoir initier un dialogue fructueux, et à laquelle je tiens à faire part de ma disponibilité. Je sais qu'elle vous a informée de la teneur de cet échange. Mais je voudrais vous confirmer les grandes lignes de notre programme, sur lequel nous pourrons revenir au cours de notre discussion.
Quatre grandes priorités, que je vais énoncer avant d'y revenir, guideront l'action de la France dans le domaine de l'environnement au cours du second semestre 2000 :
1) Réussir la principale négociation internationale de ce prochain semestre, c'est à dire la Conférence de La Haye de novembre 2000 (COP 6 Climat), sur ce sujet essentiel qu'est la lutte contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre ;
2) Lancer, en vue notamment de Rio + 10, et dans le cadre de la préparation de la stratégie que l'Union adoptera pour cette échéance, la réflexion sur la nécessaire évolution de l'architecture institutionnelle internationale en matière d'environnement et l'opportunité de la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement ;
3) Faire progresser les politiques communautaires relatives à la qualité de l'air, la lutte contre le bruit et le traitement des déchets, et permettre qu'un véritable débat politique ait lieu entre les ministres de l'environnement sur les OGM et la responsabilité environnementale ;
4) faire progresser, dans les autres formations du Conseil, l'intégration de l'environnement dans toutes les politiques de l'Union.
Les ordres du jour des Conseils Environnement, informel, les 14-16 juillet à Paris, et formels, les 10 octobre, 7 novembre et 18-19 décembre ont été conçus en fonction de ces priorités. Ils comportent naturellement d'autres points, relatifs à l'ensemble des sujets en cours d'examen et que la Présidence française s'attachera également à faire avancer.
I. PREMIERE PRIORITE : REUSSIR LA CONFERENCE DE LA HAYE.
La lutte contre le changement climatique sera, tous domaines confondus, l'une des principales priorités de la Présidence française, qui ne ménagera pas ses efforts pour que la Conférence de La Haye (COP 6 Climat) soit un succès, en elle-même et pour l'Union européenne.
Dans cette perspective, la France accueillera, à Lyon, en septembre 2000, la réunion des organes subsidiaires de la Convention Climat. La préparation des positions de l'Union pour la Conférence de La Haye, qui sera l'un des points importants du Conseil Environnement du 10 octobre, sera en outre le thème unique du Conseil du 7 novembre, quelques jours avant qu'elle ne débute.
Conformément aux orientations déjà définies par l'Union européenne, nous devrons faire en sorte que le Protocole de Kyoto puisse être rapidement ratifié par un nombre d'Etats suffisant pour permettre son entrée en vigueur avant Rio + 10, tout en veillant à obtenir un accord dont la performance environnementale soit satisfaisante. Cela impliquera particulièrement l'élaboration d'un régime d'observance strict et un encadrement des mécanismes prévus dans le protocole de Kyoto. Nous devrons également veiller, à travers notamment la mise en uvre du mécanisme de développement propre, à associer les pays en développement à la lutte contre le changement climatique.
Mais le succès de l'action contre le changement climatique passe en premier lieu par l'adoption et l'application de politiques régionales. La Présidence française accordera une grande attention à l'adoption de mesures communautaires de réduction des émissions. Cette question sera également débattue lors du Conseil du 10 octobre.
II. DEUXIEME PRIorITE : AMELIORER LA gouvernance mondiale en matière d'environnement.
Comme l'a souligné la récente déclaration de Malmöe du 31 mai dernier, lors du premier Forum mondial de l'environnement, les questions d'environnement sont traitées de manière éclatée et peu coordonnée par différentes instances internationales qui ont chacune leurs priorités, leur mode de fonctionnement, et qui ne disposent pas toujours d'une grande autorité, et ce malgré les grandes améliorations apportées au rôle et au fonctionnement du Programme des Nations-Unies pour l'Environnement (PNUE) par M. Klaus Töpfer.
Le droit international de l'environnement n'a de ce fait pas encore la force que l'on pourrait souhaiter : les dispositifs de sanctions qui s'attachent au non-respect des obligations souscrites par les Etats sont relativement rares et difficiles à appliquer.
Une nouvelle dimension du problème est apparue avec la création de l'OMC et de son organe de règlement des différends. La crainte que soient remises en question devant l'OMC des conventions environnementales qui ont des incidences commerciales n'est pas négligeable.
Dans le contexte de la préparation de Rio + 10 et de l'élaboration de la stratégie de l'Union à cette fin, la France souhaite proposer à ses partenaires une analyse de cette situation et des différentes pistes pour y remédier, qu'il s'agisse de la coordination des multiples instances compétentes en matière d'environnement, de la localisation des secrétariats des conventions, du renforcement des conventions environnementales, de l'équilibre commerce et environnement, ou de l'opportunité de la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, en faveur de laquelle je souhaite plaider aujourd'hui devant vous, même si je sais qu'il s'agit d'un objectif de moyen terme. Je suis persuadée, pour ma part, que l'environnement a besoin d'une OME, comme la santé d'une OMS ou les relations sociales dans le travail d'une OIT. Les opinions publiques, conscientes de l'importance des enjeux au niveau mondial en matière d'environnement, ont besoin d'identifier le lieu compétent en ce domaine, et capable de parler d'égal à égal avec les autres institutions internationales. Il ne s'agit pas dans mon esprit de créer une nouvelle organisation, mais de s'appuyer sur l'existant, c'est-à-dire le PNUE, en le transformant et en le renforçant progressivement.
Ce sujet sera le thème principal du Conseil informel Environnement des 14-16 juillet à Paris, auquel j'ai convié M. Klaus Töpfer.
III. TROISIEME PRIORITE : FAIRE AVANCER LES GRANDES POLITIQUES COMMUNAUTAIRES DE L'ENVIRONNEMENT.
Cela passe tant par un travail au sein du Conseil qu'avec le Parlement.
1. Au sein du Conseil, en première lecture, nous aurons à travailler sur pratiquement chacune d'entre elles :
a) Dans le domaine de l'eau, le succès de la procédure de conciliation concernant la directive-cadre sur l'eau nous permettra de rechercher, dès le Conseil d'octobre, une position commune sur la proposition de décision établissant la liste des substances prioritaires dans le domaine de l'eau.
b) Dans le domaine de la qualité de l'air, nous nous efforcerons de parvenir à une position commune sur la directive relative à l'ozone dans l'air lors du Conseil d'octobre. En outre, le rapport de la Commission sur le programme Auto Oil II sera examiné au Conseil de décembre.
c) dans le domaine de la lutte contre le bruit. La proposition de directive préparée par la Commission, que nous attendons avec impatience, et dont nous espérons vivement l'adoption par le Collège des Commissaires ces prochains jours, permettra à la fois d'examiner les moyens et méthodes d'une politique commune de mesure et d'information sur l'exposition au bruit et de poursuivre les travaux de réduction du bruit à la source des véhicules routiers, des trains, des aéronefs et des engins et machines fonctionnant à l'air libre. La Présidence française s'emploiera à aboutir à une position commune au Conseil de décembre, précédée d'un débat d'orientation au Conseil d'octobre.
d) dans le domaine du traitement des déchets. La Présidence française s'efforcera de parvenir à une position commune au Conseil de décembre en matière de déchets d'équipements électriques et électroniques, pour lesquels seront recherchés la mise en place de mesures visant la prévention de l'apparition de tels déchets, la réutilisation, le recyclage ainsi que d'autres formes de valorisation de ces déchets, et enfin la minimisation des risques et de l'impact sur l'environnement liés à leur traitement et à leur élimination.
e) Par ailleurs, il me paraît essentiel, et c'est en tout cas aussi comme cela que je conçois mon rôle de Présidente, que les ministres chargés de l'environnement dans chacun des Etats membres de l'Union européenne puissent débattre entre eux, au sein du Conseil, des grandes questions d'actualité en ce domaine et orienter politiquement les choix à faire. J'y serais attentive.
- En premier lieu, un débat sur l'utilité économique et sociale des OGM sera organisé en marge du Conseil informel, le 14 juillet au soir, lors du dîner, dans le contexte de la révision de la directive 90-220, dont nous aurons, bien évidemment, à reparler au cours de ces prochains mois, vous et moi. Mais les discussions, somme toute techniques, que nous devrons avoir sur ce sujet, ont absolument besoin, en tout cas du côté du Conseil - il ne m'appartient pas de me prononcer pour ce qui concerne le Parlement - d'orientations politiques claires et qui dépassent le strict cadre de la révision de la directive.
- De la même façon, les ministres débattront lors du Conseil du 10 octobre du thème de la responsabilité environnementale, à partir des résultats de la consultation organisée sur le Livre blanc adopté par la Commission en ce domaine en février dernier. Ce sujet n'est pas sans lien avec le précédent, tant cette question se pose avec acuité pour les OGM. Je souhaite, pour ma part, que ce travail débouche rapidement sur une proposition de directive, qui incorpore ces derniers dans son champ d'application.
2. Avec le Parlement, nous devrons, ensemble, tenter d'adopter définitivement un certain nombre de textes, qui viennent de passer ou qui vont passer en seconde lecture devant votre institution. Selon les cas, cette adoption définitive nécessitera ou non une procédure de conciliation. Je souhaite, bien entendu, que nous parvenions à éviter cette procédure chaque fois que possible, grâce à un dialogue nourri et fructueux en amont. J'ai bon espoir que tel puisse être le cas pour la plupart des textes actuellement concernés.
J'ai déjà parlé de la révision de la directive 90-220. Je n'y reviendrai pas, si ce n'est pour indiquer que si j'ai regretté, personnellement, que le Parlement Européen ne suive pas intégralement toutes les recommandations de votre commission, je n'en considère pas moins cette révision comme un pas dans le bon sens, même s'il ne sera pas suffisant.
Mais plusieurs autres textes sont sur la table : la directive sur l'incinération des déchets, le projet de règlement EMAS, la proposition de recommandation sur les inspections environnementales, la proposition de directive CO-benzène, la proposition de directive plans et programmes ", la proposition de décision créant un cadre communautaire de coopération dans le domaine de la pollution marine accidentelle.
Pour la plupart d'entre eux, c'est pendant la Présidence française que les procédures devront être menées à leurs termes. Pour quelques uns, l'essentiel de la tâche incombera sans doute à la Présidence Suédoise. Quoi qu'il en soit, croyez bien que j'attacherai autant d'importance à cet aspect là de mon travail, avec vous, qu'à la conduite des travaux au sein du Conseil, en première lecture.
Bien entendu, la volonté de faire avancer les politiques communautaires en matière d'environnement m'amènera à accorder la plus grande attention aux négociations d'élargissement avec les pays candidats en ce domaine. Les négociations relatives au chapitre environnement devraient commencer à être vraiment actives au cours du prochain semestre, avec les pays de " l'ancienne première vague " (Chypre, Estonie, Hongrie, Pologne, République Tchèque, Slovénie) . D'une façon plus générale, parce qu'elle concerne surtout des pays de " l'ancienne deuxième vague " (Bulgarie, Lituanie, Slovaquie, Lettonie, Roumanie, Malte), je serais particulièrement vigilante sur la question de la sûreté nucléaire dans ces pays.
IV. QUATRIEME PRIORITE : faire PROGRESSER l'intégration de l'environnement dans toutes les politiques de l'Union.
Faire avancer, concrètement, l'intégration de l'environnement dans les autres politiques de l'Union européenne fait partie des responsabilités des ministres chargés de l'environnement.
La Présidence française s'efforcera prioritairement d'obtenir des résultats dans trois domaines :
- La taxation des produits énergétiques. Il est envisagé, à cette fin, une session conjointe Ecofin/Environnement le 18 décembre.
- Le renforcement de la sécurité maritime, dont il n'est pas besoin de souligner l'importance pour la protection de l'environnement, et pour lequel des propositions de nouveaux textes ou de révisions de textes en vigueur sont attendues.
- Le développement des énergies renouvelables, grâce à la récente proposition de directive en la matière.
Enfin, d'une façon plus générale, toujours dans cette logique d'intégration, et à partir du très bon travail réalisé par la Commission sur ce sujet, je veillerai également à la prise en compte, chaque fois que nécessaire, du principe de précaution dans les politiques communautaires.
Madame la Présidente, mesdames et messieurs les députés, vous savez maintenant ce que seront au cours de ces prochains mois, les priorités de la Présidence française en matière d'environnement.
Notre programme, que l'actualité impose pour une grande part, ne serait-ce que du fait de la tenue de la Conférence de La Haye en novembre, sera très chargé, et ce d'autant plus que notre Présidence est une Présidence de second semestre, donc courte. Je ne ménagerai pas mes efforts pour tenir au mieux cette feuille de route.
Mais beaucoup dépendra aussi de vous, en première lecture, en seconde lecture ou dans le cadre des procédures de conciliation. Je compte donc aussi sur vous, non par pour que vous fassiez de la Présidence française un succès, mais pour que nous fassions, ensemble, vous et nous, Parlement et Conseil, avancer les politiques communautaires dont les citoyens européens ont besoin dans le domaine de l'environnement. Si nous y parvenons, alors nous aurons contribué à rendre l'Europe plus concrète, plus directement utile pour ses habitants, bref, nous aurons fait avancer l'Europe citoyenne, objectif dont la Présidence française a fait l'une de ses grandes priorités.
Je vous remercie de votre attention, et je suis prête, maintenant, à répondre à vos questions"
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 10 juillet 2000)
Mesdames et messieurs les députés,
C'est avec un très grand plaisir, et aussi avec un très grand honneur, que je viens aujourd'hui, devant vous, à Strasbourg, en tant que Présidente du Conseil dans le domaine de l'environnement, pour vous présenter les priorités de la France dans cette matière pour les six mois à venir.
Vous le savez, j'ai été moi-même, il y a quelques années de cela, parlementaire européenne. Je ne l'ai pas oublié. J'attache la plus grande importance au travail qui est fait au sein du Parlement européen, et ce d'autant plus que ses pouvoirs, depuis l'époque où j'y siégeait, ont été sensiblement renforcés, ce dont je me réjouie vivement. J'attache la même importance à la qualité du dialogue qui doit exister entre le Conseil et le Parlement, et je m'emploierai, pour ma part, au cours de ce semestre, à entretenir des relations nourries avec vous.
Cela fait maintenant plus de trois ans qu'en tant que ministre chargée de l'environnement au sein du Gouvernement français, je représente mon pays au Conseil Environnement. J'ai pu mesurer, sous sept présidences successives, la lourdeur de la tâche, l'ampleur des responsabilités qui sont liées à l'exercice de cette Présidence.
J'ai conscience du double rôle, en apparence contradictoire, que l'on attend d'elle : d'un côté, assumer un rôle d'impulsion, de réflexion, d'orientation politique, notamment sur les grands sujets du moment ; de l'autre, rechercher, inlassablement, les compromis, soit au sein même du Conseil, soit avec le Parlement, pour faire adopter les textes sur la table, en étant capable d'oublier ses propres intérêts nationaux.
Je m'efforcerai de jouer au mieux ce rôle de Présidente. J'y consacrerai, soyez-en persuadés, le temps et l'énergie nécessaires. Je le ferai parce que c'est ma responsabilité. Je le ferai, aussi, parce que je sais, comme vous, que l'Europe est le meilleur vecteur pour faire avancer, dans chacun de nos pays, des politiques ambitieuses en matière d'environnement, alors même que beaucoup reste à faire. Je le ferai, enfin, parce que je suis, en tant qu'européenne convaincue et militante, consciente que c'est aussi par les solidarités de fait que nous créons chaque jour
entre nos pays dans les différents domaines de compétence communautaire que nous bâtissons l'Europe à laquelle j'aspire, et à laquelle, je le sais, beaucoup d'entre vous travaillent.
Je voudrais, avant de vous présenter nos priorités, rendre un hommage appuyé à la Présidence portugaise, qui aura effectué un remarquable travail. Il l'aura été d'autant plus que mon prédécesseur, M. Socrates, venait à peine d'entrer au Gouvernement portugais lorsqu'il a dû, presque instantanément, assumer la charge de présider le Conseil environnement. Le succès a été au rendez-vous. Je ne vais pas faire un bilan complet de ce dernier semestre, ce n'est pas mon rôle, mais je voudrais en retenir quelques éléments.
Dans le domaine international, dès le mois de janvier, à Montréal, l'Europe a imposé, aux Etats-Unis et au Canada notamment, un accord sur le Protocole Biosécurité.
Au sein du Conseil, le travail et l'opiniâtreté de la Présidence ont permis d'aboutir, enfin, à des positions communes sur les directives relatives aux grandes installations de combustion et aux plafonds nationaux d'émission.
Enfin, grâce au travail mené avec le Parlement européen, plusieurs textes ont pu trouver un aboutissement favorable après seconde lecture de votre institution. Je pense au programme Life, même si j'aurais souhaité, pour ma part, un montant budgétaire plus proche des souhaits du Parlement. Je pense aux véhicules hors d'usage. Je pense, aussi, à la directive cadre sur l'eau.
Je me suis réjouis du succès du dernier comité de conciliation, dans la nuit du 28 au 29 juin, sur un texte important sur un des grands domaines des politiques environnementales. Les discussions ont été longues et difficiles. Différentes pistes ont été explorées sur les principaux points en négociation. Sans doute, d'autres solutions auraient-elles pu être souhaitées sur tel ou tel aspect. Cette discussion est désormais close. Je tiens à exprimer ici mes félicitations au rapporteur de ce texte, Marie-Noëlle Lienemann, et à l'ensemble des parlementaires concernés, pour cette issue positive. Au delà du contenu du texte, j'y vois surtout un signal important à l'égard de l'ensemble des acteurs concernés quant à la capacité de l'Europe de s'impliquer utilement sur un tel sujet.
J'en viens, maintenant, à ce qui justifie ma présence aujourd'hui parmi vous. Je ne vais pas, dans cet exposé introductif, entrer dans tous les détails. J'ai déjà évoqué, il y a quelques semaines, nos priorités pour les six prochains mois avec votre présidente Madame Jackson, avec laquelle je me suis réjouis de pouvoir initier un dialogue fructueux, et à laquelle je tiens à faire part de ma disponibilité. Je sais qu'elle vous a informée de la teneur de cet échange. Mais je voudrais vous confirmer les grandes lignes de notre programme, sur lequel nous pourrons revenir au cours de notre discussion.
Quatre grandes priorités, que je vais énoncer avant d'y revenir, guideront l'action de la France dans le domaine de l'environnement au cours du second semestre 2000 :
1) Réussir la principale négociation internationale de ce prochain semestre, c'est à dire la Conférence de La Haye de novembre 2000 (COP 6 Climat), sur ce sujet essentiel qu'est la lutte contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre ;
2) Lancer, en vue notamment de Rio + 10, et dans le cadre de la préparation de la stratégie que l'Union adoptera pour cette échéance, la réflexion sur la nécessaire évolution de l'architecture institutionnelle internationale en matière d'environnement et l'opportunité de la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement ;
3) Faire progresser les politiques communautaires relatives à la qualité de l'air, la lutte contre le bruit et le traitement des déchets, et permettre qu'un véritable débat politique ait lieu entre les ministres de l'environnement sur les OGM et la responsabilité environnementale ;
4) faire progresser, dans les autres formations du Conseil, l'intégration de l'environnement dans toutes les politiques de l'Union.
Les ordres du jour des Conseils Environnement, informel, les 14-16 juillet à Paris, et formels, les 10 octobre, 7 novembre et 18-19 décembre ont été conçus en fonction de ces priorités. Ils comportent naturellement d'autres points, relatifs à l'ensemble des sujets en cours d'examen et que la Présidence française s'attachera également à faire avancer.
I. PREMIERE PRIORITE : REUSSIR LA CONFERENCE DE LA HAYE.
La lutte contre le changement climatique sera, tous domaines confondus, l'une des principales priorités de la Présidence française, qui ne ménagera pas ses efforts pour que la Conférence de La Haye (COP 6 Climat) soit un succès, en elle-même et pour l'Union européenne.
Dans cette perspective, la France accueillera, à Lyon, en septembre 2000, la réunion des organes subsidiaires de la Convention Climat. La préparation des positions de l'Union pour la Conférence de La Haye, qui sera l'un des points importants du Conseil Environnement du 10 octobre, sera en outre le thème unique du Conseil du 7 novembre, quelques jours avant qu'elle ne débute.
Conformément aux orientations déjà définies par l'Union européenne, nous devrons faire en sorte que le Protocole de Kyoto puisse être rapidement ratifié par un nombre d'Etats suffisant pour permettre son entrée en vigueur avant Rio + 10, tout en veillant à obtenir un accord dont la performance environnementale soit satisfaisante. Cela impliquera particulièrement l'élaboration d'un régime d'observance strict et un encadrement des mécanismes prévus dans le protocole de Kyoto. Nous devrons également veiller, à travers notamment la mise en uvre du mécanisme de développement propre, à associer les pays en développement à la lutte contre le changement climatique.
Mais le succès de l'action contre le changement climatique passe en premier lieu par l'adoption et l'application de politiques régionales. La Présidence française accordera une grande attention à l'adoption de mesures communautaires de réduction des émissions. Cette question sera également débattue lors du Conseil du 10 octobre.
II. DEUXIEME PRIorITE : AMELIORER LA gouvernance mondiale en matière d'environnement.
Comme l'a souligné la récente déclaration de Malmöe du 31 mai dernier, lors du premier Forum mondial de l'environnement, les questions d'environnement sont traitées de manière éclatée et peu coordonnée par différentes instances internationales qui ont chacune leurs priorités, leur mode de fonctionnement, et qui ne disposent pas toujours d'une grande autorité, et ce malgré les grandes améliorations apportées au rôle et au fonctionnement du Programme des Nations-Unies pour l'Environnement (PNUE) par M. Klaus Töpfer.
Le droit international de l'environnement n'a de ce fait pas encore la force que l'on pourrait souhaiter : les dispositifs de sanctions qui s'attachent au non-respect des obligations souscrites par les Etats sont relativement rares et difficiles à appliquer.
Une nouvelle dimension du problème est apparue avec la création de l'OMC et de son organe de règlement des différends. La crainte que soient remises en question devant l'OMC des conventions environnementales qui ont des incidences commerciales n'est pas négligeable.
Dans le contexte de la préparation de Rio + 10 et de l'élaboration de la stratégie de l'Union à cette fin, la France souhaite proposer à ses partenaires une analyse de cette situation et des différentes pistes pour y remédier, qu'il s'agisse de la coordination des multiples instances compétentes en matière d'environnement, de la localisation des secrétariats des conventions, du renforcement des conventions environnementales, de l'équilibre commerce et environnement, ou de l'opportunité de la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, en faveur de laquelle je souhaite plaider aujourd'hui devant vous, même si je sais qu'il s'agit d'un objectif de moyen terme. Je suis persuadée, pour ma part, que l'environnement a besoin d'une OME, comme la santé d'une OMS ou les relations sociales dans le travail d'une OIT. Les opinions publiques, conscientes de l'importance des enjeux au niveau mondial en matière d'environnement, ont besoin d'identifier le lieu compétent en ce domaine, et capable de parler d'égal à égal avec les autres institutions internationales. Il ne s'agit pas dans mon esprit de créer une nouvelle organisation, mais de s'appuyer sur l'existant, c'est-à-dire le PNUE, en le transformant et en le renforçant progressivement.
Ce sujet sera le thème principal du Conseil informel Environnement des 14-16 juillet à Paris, auquel j'ai convié M. Klaus Töpfer.
III. TROISIEME PRIORITE : FAIRE AVANCER LES GRANDES POLITIQUES COMMUNAUTAIRES DE L'ENVIRONNEMENT.
Cela passe tant par un travail au sein du Conseil qu'avec le Parlement.
1. Au sein du Conseil, en première lecture, nous aurons à travailler sur pratiquement chacune d'entre elles :
a) Dans le domaine de l'eau, le succès de la procédure de conciliation concernant la directive-cadre sur l'eau nous permettra de rechercher, dès le Conseil d'octobre, une position commune sur la proposition de décision établissant la liste des substances prioritaires dans le domaine de l'eau.
b) Dans le domaine de la qualité de l'air, nous nous efforcerons de parvenir à une position commune sur la directive relative à l'ozone dans l'air lors du Conseil d'octobre. En outre, le rapport de la Commission sur le programme Auto Oil II sera examiné au Conseil de décembre.
c) dans le domaine de la lutte contre le bruit. La proposition de directive préparée par la Commission, que nous attendons avec impatience, et dont nous espérons vivement l'adoption par le Collège des Commissaires ces prochains jours, permettra à la fois d'examiner les moyens et méthodes d'une politique commune de mesure et d'information sur l'exposition au bruit et de poursuivre les travaux de réduction du bruit à la source des véhicules routiers, des trains, des aéronefs et des engins et machines fonctionnant à l'air libre. La Présidence française s'emploiera à aboutir à une position commune au Conseil de décembre, précédée d'un débat d'orientation au Conseil d'octobre.
d) dans le domaine du traitement des déchets. La Présidence française s'efforcera de parvenir à une position commune au Conseil de décembre en matière de déchets d'équipements électriques et électroniques, pour lesquels seront recherchés la mise en place de mesures visant la prévention de l'apparition de tels déchets, la réutilisation, le recyclage ainsi que d'autres formes de valorisation de ces déchets, et enfin la minimisation des risques et de l'impact sur l'environnement liés à leur traitement et à leur élimination.
e) Par ailleurs, il me paraît essentiel, et c'est en tout cas aussi comme cela que je conçois mon rôle de Présidente, que les ministres chargés de l'environnement dans chacun des Etats membres de l'Union européenne puissent débattre entre eux, au sein du Conseil, des grandes questions d'actualité en ce domaine et orienter politiquement les choix à faire. J'y serais attentive.
- En premier lieu, un débat sur l'utilité économique et sociale des OGM sera organisé en marge du Conseil informel, le 14 juillet au soir, lors du dîner, dans le contexte de la révision de la directive 90-220, dont nous aurons, bien évidemment, à reparler au cours de ces prochains mois, vous et moi. Mais les discussions, somme toute techniques, que nous devrons avoir sur ce sujet, ont absolument besoin, en tout cas du côté du Conseil - il ne m'appartient pas de me prononcer pour ce qui concerne le Parlement - d'orientations politiques claires et qui dépassent le strict cadre de la révision de la directive.
- De la même façon, les ministres débattront lors du Conseil du 10 octobre du thème de la responsabilité environnementale, à partir des résultats de la consultation organisée sur le Livre blanc adopté par la Commission en ce domaine en février dernier. Ce sujet n'est pas sans lien avec le précédent, tant cette question se pose avec acuité pour les OGM. Je souhaite, pour ma part, que ce travail débouche rapidement sur une proposition de directive, qui incorpore ces derniers dans son champ d'application.
2. Avec le Parlement, nous devrons, ensemble, tenter d'adopter définitivement un certain nombre de textes, qui viennent de passer ou qui vont passer en seconde lecture devant votre institution. Selon les cas, cette adoption définitive nécessitera ou non une procédure de conciliation. Je souhaite, bien entendu, que nous parvenions à éviter cette procédure chaque fois que possible, grâce à un dialogue nourri et fructueux en amont. J'ai bon espoir que tel puisse être le cas pour la plupart des textes actuellement concernés.
J'ai déjà parlé de la révision de la directive 90-220. Je n'y reviendrai pas, si ce n'est pour indiquer que si j'ai regretté, personnellement, que le Parlement Européen ne suive pas intégralement toutes les recommandations de votre commission, je n'en considère pas moins cette révision comme un pas dans le bon sens, même s'il ne sera pas suffisant.
Mais plusieurs autres textes sont sur la table : la directive sur l'incinération des déchets, le projet de règlement EMAS, la proposition de recommandation sur les inspections environnementales, la proposition de directive CO-benzène, la proposition de directive plans et programmes ", la proposition de décision créant un cadre communautaire de coopération dans le domaine de la pollution marine accidentelle.
Pour la plupart d'entre eux, c'est pendant la Présidence française que les procédures devront être menées à leurs termes. Pour quelques uns, l'essentiel de la tâche incombera sans doute à la Présidence Suédoise. Quoi qu'il en soit, croyez bien que j'attacherai autant d'importance à cet aspect là de mon travail, avec vous, qu'à la conduite des travaux au sein du Conseil, en première lecture.
Bien entendu, la volonté de faire avancer les politiques communautaires en matière d'environnement m'amènera à accorder la plus grande attention aux négociations d'élargissement avec les pays candidats en ce domaine. Les négociations relatives au chapitre environnement devraient commencer à être vraiment actives au cours du prochain semestre, avec les pays de " l'ancienne première vague " (Chypre, Estonie, Hongrie, Pologne, République Tchèque, Slovénie) . D'une façon plus générale, parce qu'elle concerne surtout des pays de " l'ancienne deuxième vague " (Bulgarie, Lituanie, Slovaquie, Lettonie, Roumanie, Malte), je serais particulièrement vigilante sur la question de la sûreté nucléaire dans ces pays.
IV. QUATRIEME PRIORITE : faire PROGRESSER l'intégration de l'environnement dans toutes les politiques de l'Union.
Faire avancer, concrètement, l'intégration de l'environnement dans les autres politiques de l'Union européenne fait partie des responsabilités des ministres chargés de l'environnement.
La Présidence française s'efforcera prioritairement d'obtenir des résultats dans trois domaines :
- La taxation des produits énergétiques. Il est envisagé, à cette fin, une session conjointe Ecofin/Environnement le 18 décembre.
- Le renforcement de la sécurité maritime, dont il n'est pas besoin de souligner l'importance pour la protection de l'environnement, et pour lequel des propositions de nouveaux textes ou de révisions de textes en vigueur sont attendues.
- Le développement des énergies renouvelables, grâce à la récente proposition de directive en la matière.
Enfin, d'une façon plus générale, toujours dans cette logique d'intégration, et à partir du très bon travail réalisé par la Commission sur ce sujet, je veillerai également à la prise en compte, chaque fois que nécessaire, du principe de précaution dans les politiques communautaires.
Madame la Présidente, mesdames et messieurs les députés, vous savez maintenant ce que seront au cours de ces prochains mois, les priorités de la Présidence française en matière d'environnement.
Notre programme, que l'actualité impose pour une grande part, ne serait-ce que du fait de la tenue de la Conférence de La Haye en novembre, sera très chargé, et ce d'autant plus que notre Présidence est une Présidence de second semestre, donc courte. Je ne ménagerai pas mes efforts pour tenir au mieux cette feuille de route.
Mais beaucoup dépendra aussi de vous, en première lecture, en seconde lecture ou dans le cadre des procédures de conciliation. Je compte donc aussi sur vous, non par pour que vous fassiez de la Présidence française un succès, mais pour que nous fassions, ensemble, vous et nous, Parlement et Conseil, avancer les politiques communautaires dont les citoyens européens ont besoin dans le domaine de l'environnement. Si nous y parvenons, alors nous aurons contribué à rendre l'Europe plus concrète, plus directement utile pour ses habitants, bref, nous aurons fait avancer l'Europe citoyenne, objectif dont la Présidence française a fait l'une de ses grandes priorités.
Je vous remercie de votre attention, et je suis prête, maintenant, à répondre à vos questions"
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 10 juillet 2000)