Texte intégral
Déclaration :
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur Petre Roman,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Madame la Ministre de l'Intégration européenne,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très honorée d'avoir été conviée par M. Mircea Geoana à participer à la session d'ouverture de votre réunion annuelle des ambassadeurs de Roumanie. Je sais que c'est la première fois que vous invitez ainsi des hôtes étrangers à prendre la parole et j'en suis très flattée. Vous m'avez demandé, Monsieur le Ministre, d'apporter un témoignage sur le processus d'intégration européenne de la Roumanie et je le fais avec beaucoup de plaisir.
N'en doutez pas, la France est déterminée à assurer la pleine réussite de l'élargissement. Dans cette perspective, j'ai conscience que les efforts des pays d'Europe centrale et orientale dans leur transition vers la démocratie et l'économie de marché sont sans précédent. C'est vrai de la Roumanie, comme d'ailleurs de la Bulgarie, qui s'inscrivent dans le même processus d'élargissement que les autres candidats, même si le calendrier n'est pas tout à fait le même. Nous ne voulons pas décevoir l'espérance européenne de vos pays car ce serait prendre le risque de régressions économiques ou politiques dont les conséquences se répercuteraient sur chacun d'entre nous. Nous en avons parfaitement conscience.
L'élargissement est, pour nous tous Européens, une grande ambition et une chance immense. Cette chance, dans des circonstances hélas dramatiques, vient de trouver à s'illustrer à travers la solidarité de l'Europe à l'égard des victimes des inondations et face aux dégâts causés à notre héritage culturel commun. Que ce soit à Prague ou à Dresde, dans les pays de l'Union ou les pays candidats, cette solidarité a été la même.
La solidarité est en effet au cur du projet européen. A ce propos, je dois vous faire part, avec toute la franchise qu'autorise une longue amitié, du sentiment qu'a ressenti la France à la suite de la signature par la Roumanie d'un accord bilatéral avec les Etats-Unis mettant les ressortissants de ce pays à l'abri de toutes poursuites de la Cour pénale internationale. Nous avons pensé que vous auriez pu attendre la définition d'une position commune de l'Union européenne et des pays candidats, comme l'avait proposé la présidence danoise. La France s'est toujours fait l'avocate de la Roumanie auprès de ses partenaires européens. Cette fois-ci, la France et l'Europe avaient besoin de la Roumanie, afin que nous demeurions unis.
Cela étant, j'aimerais souligner les multiples aspects positifs de notre partenariat franco-roumain. Ainsi, avant d'aborder la candidature de la Roumanie à l'Union et les perspectives européennes des prochains mois, permettez-moi d'évoquer les liens particuliers qui unissent nos deux pays.
Au sein de l'Europe, certaines nations ont des relations privilégiées, reposant sur des liens anciens et profonds. C'est le cas de la Roumanie et de la France. Or notre coopération déjà ancienne doit se renforcer dans l'Europe de demain.
Les liens qui unissent la France et la Roumanie sont ancrés dans l'histoire, depuis le XVIIIème siècle. Mais c'est au XIXème siècle, lorsque Napoléon III apporta son soutien à l'émancipation des principautés danubiennes, que naquit une véritable amitié entre nos deux peuples. Et les voyages des fils de grands boyards en France achevèrent de faire connaître en Roumanie les écrivains, les penseurs et les artistes français.
Depuis cette époque, nos deux cultures n'ont cessé de se féconder mutuellement. J'en veux pour exemple l'architecture de nombreux édifices de Bucarest, comme la banque nationale roumaine, l'Athénée ou le palais de justice, construits au XIXème siècle sur les plans d'architectes français, l'uvre du grand peintre Nicolae Grigorescu, inspiré par l'école de Barbizon, ou les "Légendes" du grand poète Vasile Alecsandri, animées du souffle de Victor Hugo.
L'influence roumaine sur la culture française n'est pas moindre, tant sont nombreux les artistes roumains qui ont choisi la France, et la langue française, comme seconde patrie. Qu'il me suffise d'évoquer ici les noms de Tristan Tzara, l'inventeur du dadaïsme, d'Eugène Ionesco, dont "La Cantatrice chauve" tient sans interruption l'affiche depuis février 1957 au théâtre de la Huchette à Paris, d'Emile Cioran qui, "Sur les cimes du désespoir", nous introduit, par son pessimisme tonique, à une philosophie de la vie, ou du sculpteur Constantin Brancusi dont l'atelier, reconstitué sous le parvis de Beaubourg, accueille aujourd'hui les visiteurs dans les mystères de sa création.
Frères d'armes pendant la Première Guerre Mondiale, nos deux pays virent prospérer leurs échanges dans tous les domaines pendant l'entre-deux-guerres. Leur vigueur ne s'est jamais démentie. Il faut reconnaître qu'elle a pris un élan nouveau depuis décembre 1989. Nos échanges reposent sur quatre piliers : le dialogue politique, le partenariat économique et commercial, la coopération culturelle, la coopération militaire et de défense.
Le partenariat entre nos deux pays est d'abord politique. Au plus haut niveau, nos gouvernements entretiennent un dialogue privilégié, comme en témoigne le rythme intense et régulier des visites bilatérales. Ainsi, mon collègue du gouvernement, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, était encore à Bucarest la semaine dernière, sa visite faisant suite à celle de son homologue roumain, M. Ioan Rus, à Paris au mois de juillet. Au-delà des visites gouvernementales, l'étroitesse des liens entre nos deux pays s'exprime également au niveau des élus français qui se rendent régulièrement en Roumanie. Et je suis heureuse d'être venue aujourd'hui avec M. le Sénateur Revol et M. le Député Kert.
Notre partenariat est également économique. En progression régulière, nos échanges commerciaux dépassent aujourd'hui 2 milliards d'euros par an. Les exportations françaises ont augmenté de 24 % par rapport à 2000. Et la France est ainsi devenue le troisième partenaire commercial de la Roumanie.
De la même façon, les investissements français en Roumanie ont connu une remarquable accélération. Ils représentent aujourd'hui plus d'un milliard d'euros. Ce qui fait de notre pays le premier investisseur étranger sur votre territoire. Aux côtés de Renault qui, renouant une coopération historique, s'est associée à Dacia pour créer la deuxième marque du groupe, Orange Romania, la Société générale, Lafarge, Carrefour, Danone, Michelin, Eurocopter sont, avec d'autres, les acteurs de notre présence et de notre coopération. Les petites et moyennes entreprises contribuent également, et de plus en plus, à intensifier ce partenariat.
Quant à notre coopération culturelle, elle est aussi intense. Pour ne parler que de ces dix dernières années, nos deux pays ont réalisé de multiples actions pour promouvoir la langue et la culture françaises et organiser en outre des échanges universitaires. Dans ce cadre, le programme de coopération culturelle, scientifique et technique adopté par la Commission mixte franco-roumaine pour les années 2001-2004 s'est fixé trois objectifs principaux : soutenir la francophonie, moderniser l'image de la France et contribuer à la formation des cadres.
La Francophonie constitue notre engagement commun au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie. Rappelons que cinq millions de Roumains, soit près d'un sur quatre, parlent français, ce qui fait de la Roumanie le premier pays francophone parmi ceux dont le français n'est ni la langue maternelle ni la langue officielle. L'enseignement du français fait toujours preuve ici d'un réel dynamisme ; en effet, le français est la première langue étrangère apprise à l'école, puisque 47 % des élèves roumains choisissent de l'étudier en première ou deuxième langue, devant l'anglais et l'allemand. Ce succès, la France le doit aussi à la grande compétence des 14 000 professeurs de français qui exercent à travers tout le pays. Notre réseau culturel est le plus dense parmi ceux qu'a tissés la France en Europe. Et il faut s'en féliciter. Les deuxièmes journées franco-roumaines de l'audiovisuel, qui se sont tenues en juin, attestent, s'il en était besoin, de l'enthousiasme de tous ceux qui animent cette action culturelle.
Notre réseau culturel s'efforce par ailleurs de faire découvrir nos créations contemporaines comme nos auteurs classiques. Je pense en particulier à la célébration du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, qui a donné lieu en Roumanie à des manifestations variées : représentations théâtrales, projections cinématographiques, expositions, conférences. Le concours "Allons en France", organisé chaque année pour permettre à des lycéens roumains de découvrir la France, s'est associé lui aussi cette année à cette commémoration.
N'oublions pas la formation des élites. Elle est cruciale pour nos pays confrontés à la modernité. Nombre d'étudiants roumains sont accueillis dans nos universités et nos grandes écoles, parfois avec des bourses d'enseignement supérieur. Ce n'est pas au ministre des Affaires étrangères de Roumanie que j'apprendrai l'importance de votre partenariat avec l'Ecole nationale d'administration puisqu'il en a été l'un des acteurs majeurs. A présent, le but est de développer la coopération entre cet établissement et l'Institut national d'administration roumain.
Au plan militaire, enfin, la coopération franco-roumaine doit aider la Roumanie dans son effort d'adaptation de son outil de défense. L'Ecole d'application des officiers de gendarmerie de Rosu, dont les nouveaux bâtiments vont être prochainement inaugurés, mais qui a déjà permis de former une promotion, illustre notamment ce partenariat. Mais celui-ci prend d'autres formes, comme l'accueil de près de 200 officiers roumains qui se rendent chaque année en France pour participer à des formations.
Je voudrais maintenant aborder le vif du sujet : l'entrée future de la Roumanie dans l'Union européenne.
En décembre 1989, le peuple roumain a reconquis sa liberté. Il s'est doté d'institutions libres et démocratiques au sein d'un Etat de droit enfin rétabli. Par deux fois, en 1996 et en 2000, les Roumains ont fait le choix de l'alternance politique lors d'élections régulières. Les fondements d'une économie de marché ont été reconstruits. La société roumaine, dont les forces vives avaient été bridées, a pu retrouver sa liberté d'expression et de création et s'ouvrir sur le monde extérieur. Face à de tels changements, il était naturel que l'Europe ouvrît ses portes : telle a été depuis le début la position de la France. C'était d'ailleurs une aspiration ancienne du peuple roumain, puisque l'historien et homme politique roumain Mihail Kogalniceanu, l'un des artisans de l'Union des Principautés, déclarait de façon prémonitoire en 1859 : "Prouver que nous sommes dignes de la liberté que l'Europe nous a reconnue, signifie rattraper le temps perdu, de sorte que la nation acquière la place qu'elle mérite dans la grande famille européenne".
Toutefois, l'entrée dans l'Union de douze ou treize nouveaux membres de cette famille représente un grand défi. Les progrès considérables accomplis par votre pays sur la voie de l'adhésion ont été reconnus par le Conseil européen de Séville. Si la candidature de votre pays s'inscrit dans un calendrier un peu différent de celui des dix pays candidats les plus avancés, elle n'en relève pas moins du même processus d'élargissement.
Face à ce défi, le soutien que la France apporte à la Roumanie dans sa préparation à l'adhésion est sans faille, sur le plan politique et comme d'un point de vue opérationnel.
Un soutien politique d'abord. Dès 1997, la France a appuyé avec force et constance la candidature roumaine, d'abord au stade de l'inclusion de la Roumanie dans la liste des pays candidats, puis à celui de la décision d'engager les négociations d'adhésion.
Sur la question politiquement sensible de la levée de l'obligation de visa de court séjour pour les ressortissants roumains se rendant dans l'espace Schengen, le soutien de la France lors de sa présidence de l'Union européenne en 2000 avait permis de progresser. Les autorités françaises ont accueilli avec satisfaction l'entrée en vigueur de cette mesure le 1er janvier dernier.
Depuis lors, il faut admettre que de sérieuses préoccupations se sont exprimées en France face aux agissements de quelques ressortissants roumains se livrant au vol, à la mendicité ou à la prostitution. Certes, il serait injuste que les méfaits d'un petit nombre conduisent à pénaliser l'ensemble des citoyens roumains. Aussi refusons-nous le rétablissement de l'obligation de visas pour les ressortissants roumains désireux de se rendre en France. Cela dit, le problème des délinquants roumains dans notre pays n'est pas uniquement un problème français. C'est aussi un problème roumain. C'est pourquoi il est heureux que des solutions aient été recherchées en commun, lors de la toute récente visite à Bucarest du ministre français de l'Intérieur.
Quant à la place de la Roumanie dans les institutions communautaires, elle est maintenant fixée. La Roumanie sera représentée par 33 sièges au Parlement et disposera de 14 voix au Conseil des ministres, chiffres qui sont en harmonie avec son poids démographique et politique.
L'appui de la France revêt également un important aspect opérationnel, au niveau de la préparation de votre adhésion. Le gouvernement français se montre particulièrement attaché au dispositif des jumelages institutionnels, dans le cadre du programme PHARE. Grâce aux choix effectués par les autorités roumaines, la France a participé ou participe à 28 de ces jumelages, dont 25 en tant que chef de file. Nous sommes, là encore, le premier partenaire de la Roumanie dans ce mécanisme de coopération qui s'étend à des domaines aussi variés que la modernisation de la fonction publique, la justice des mineurs et l'aide à l'enfance, les finances publiques, l'éducation, l'agriculture, l'environnement ou les transports routiers.
Membre de la Conférence européenne, forum de dialogue politique qui préfigure l'Union élargie, votre pays a engagé les négociations d'adhésion sur 27 chapitres, dont 13 sont clos provisoirement.
Je veux ici rendre hommage à la détermination des autorités roumaines dans la poursuite et l'intensification de leurs préparatifs d'adhésion. Ceux-ci prennent la forme de mesures concrètes, comme la nomination, en juillet dernier, de la conseillère française pour les Affaires européennes auprès du Premier ministre roumain, M. Adrian Nastase, qui en avait exprimé la demande lors de sa visite officielle en France en novembre 2001. Et nous saluons votre effort pour ouvrir les trois derniers chapitres de négociation d'ici la fin de la présidence danoise.
Je veux également mentionner la présence à Bucarest de neuf conseillers de pré-adhésion français et l'arrivée prochaine de deux autres, dans le domaine phytosanitaire.
Cependant, beaucoup d'efforts seront encore nécessaires pour venir à bout de toutes les difficultés. Et nous sommes prêts à vous aider à résoudre certaines d'entre elles.
La question des mineurs est attentivement suivie par nos opinions publiques, sous ses divers aspects : justice spécifique aux mineurs, protection de l'enfance et adoption internationale. Sur ce dernier sujet particulièrement délicat, gardons-nous des jugements hâtifs et attachons-nous à remédier aux causes de la situation actuelle, notamment en prévenant les abandons et en améliorant les conditions d'accueil dont disposent les familles. La stratégie du gouvernement roumain, fondée sur la prévention et la réinsertion dans les familles, rencontre le plein soutien de la France. J'indique que le gouvernement français a mis à disposition de votre ministère des Affaires sociales deux assistantes techniques ainsi qu'un conseiller de pré-adhésion.
En matière d'éducation et de formation, secteurs anciens de coopération franco-roumaine, un jumelage est en cours sur la reconnaissance des diplômes afin d'assurer à vos jeunes diplômés des débouchés européens.
La protection de l'environnement est devenue, à juste titre, une préoccupation planétaire. En ce domaine, un jumelage est en cours concernant la gestion des ressources en eau et le retraitement des eaux usées. Notre attachement au développement durable est aujourd'hui au premier rang des priorités communautaires, comme le président Chirac l'a fortement rappelé au Sommet de Johannesburg.
Dans le domaine de l'agriculture, le champ de notre coopération est très vaste. Plusieurs jumelages ont été consacrés à la préparation de l'agence SAPARD, qui vient d'être accréditée et permettra à la Roumanie de disposer pendant la période 2000-2006 d'un important financement - 1,5 milliard d'euros - destiné à préparer la mise en uvre sur son territoire des mécanismes de la politique agricole commune.
Comment, à l'issue de ce survol de notre partenariat bilatéral, ne pas se réjouir de son ampleur et de son intensité dans la perspective de l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne ?
En guise de conclusion, permettez-moi de formuler quelques remarques plus générales sur les perspectives européennes des prochains mois : à savoir l'élargissement, d'une part, et la réforme des institutions, d'autre part. J'aimerais en effet replacer la candidature de la Roumanie dans ce contexte.
Comme vous le savez, jusqu'au Conseil européen de Copenhague en décembre, les prochains mois seront décisifs pour l'élargissement de l'Union européenne. La plupart des problèmes techniques pour les dix pays les plus avancés dans leurs négociations d'adhésion (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Chypre, Malte, Lituanie, Lettonie, Estonie) sont aujourd'hui résolus ou en passe de l'être. Restent sur la table un nombre limité de problèmes, bien évidemment les plus difficiles à résoudre : le cadrage financier de l'élargissement, l'agriculture et la question de Chypre. Sans compter le second référendum irlandais en octobre sur la ratification du Traité de Nice et les discussions avec la Russie sur l'enclave de Kaliningrad.
Le calendrier est très serré. Une étape cruciale sera la présentation par la Commission, le 16 octobre, avant le Conseil européen de Bruxelles fin octobre, des "rapports de progrès" pour chacun des treize pays candidats, y compris la Turquie avec laquelle les négociations ne sont pas encore ouvertes. Ces rapports devraient identifier les pays candidats prêts à adhérer.
Sur le volet agricole, nous avons aujourd'hui devant nous deux problèmes distincts : d'une part, la question de l'octroi des aides directes aux agriculteurs des pays candidats, d'autre part, le risque de télescopage entre les négociations d'élargissement et la revue à mi-parcours du fonctionnement de la politique agricole commune, prévue en 1999 par les accords de Berlin.
Sur le premier point, la France soutient la proposition de la Commission, présentée en janvier dernier, d'accorder progressivement les aides directes, qui font partie de l'acquis communautaire, aux agriculteurs des pays candidats. Cette proposition est conforme à l'équité car elle pose le principe de l'intégration des pays candidats au sein de la PAC tout en restant compatible avec les plafonds des perspectives financières de Berlin. Elle ne préjuge en outre pas des évolutions futures de la politique agricole commune.
Sur le second point, nous estimons que la PAC ne doit pas être la variable d'ajustement de l'élargissement, sauf à vouloir rouvrir tout le paquet de Berlin, avec la politique régionale et le chèque britannique, auquel la France est le premier contributeur. La Présidence danoise l'a bien compris et est, sur cette ligne, très claire.
Sur la question de Chypre, la perspective de l'adhésion constitue une occasion unique de parvenir à un règlement politique afin de mettre un terme à la division de l'île. Cela exigera un effort aussi bien des deux côtés à Nicosie qu'à Ankara. En même temps, il faut tenir un langage de vérité à la Turquie qui demande une date pour l'ouverture de négociations d'adhésion : seule l'application effective des réformes constitutionnelles engagées permettra de progresser vers le respect des critères politiques de Copenhague qui constituent un préalable et les seuls critères pour l'ouverture de négociations. A cet égard, la loi d'harmonisation européenne votée le 3 août dernier par le parlement turc, qui prévoit notamment l'abolition de la peine de mort et l'autorisation de l'usage de la langue kurde dans les médias et l'éducation, constitue un pas sérieux dans la bonne direction.
Sur Kaliningrad, nous devons faire preuve d'imagination afin de parvenir à une solution pragmatique conciliant le principe de liberté de circulation des citoyens russes à l'intérieur de leur territoire et celui de l'application de l'acquis Schengen par les futurs membres.
Enfin, et ce point vous intéresse tout particulièrement, il conviendra de reconnaître à Copenhague les progrès accomplis par la Roumanie et la Bulgarie sur la voie de l'adhésion et de donner à vos deux pays tous les encouragements et toutes les garanties nécessaires.
Soyez en sûrs, nous ne relâcherons pas nos efforts en faveur des candidatures roumaine et bulgare après Copenhague et vous pouvez compter sur l'engagement de la France. Ainsi le Conseil européen de décembre devrait être l'occasion d'actualiser votre feuille de route et d'adopter une stratégie de pré-adhésion révisée et renforcée. Ces nouveaux engagements pourraient être assortis d'une augmentation de l'aide financière de pré-adhésion et, si le rythme actuel des négociations est maintenu, d'un calendrier plus précis pour le processus d'adhésion. Les demandes roumaine et bulgare pour des dates fermes de conclusion des négociations et d'adhésion devront être examinées dans cette perspective.
Il a longtemps été de mise, dans les cercles européens, d'opposer l'élargissement et l'approfondissement, ou de faire du second un préalable au premier. Je tiens à vous dire que cette opposition est dépassée. Les deux objectifs doivent en effet être poursuivis de manière simultanée. A cet égard, la Convention sur l'avenir de l'Europe, qui doit déboucher à l'horizon 2004 sur un texte de portée constitutionnelle, constitue une occasion à ne pas manquer pour refonder une Europe plus proche des citoyens, plus simple, plus légitime, plus efficace et plus forte. Nous vivons en effet dans un monde incertain et dangereux, marqué par les menaces nouvelles qu'a révélées le 11 septembre. Il est important que les représentants de la Roumanie, dont nous avons souhaité à Nice qu'ils soient pleinement associés à la Convention, prennent une part active à ses débats.
La Convention a achevé la première étape de ses travaux, la "phase d'écoute", à la fin du mois de juin. L'étape qui s'ouvre le 12 septembre revêt une grande importance puisqu'elle est celle des propositions et de la rédaction des conclusions. A cette fin, la Convention a constitué en son sein au mois de juillet des groupes de travail sur des thèmes précis, tels que la subsidiarité, l'intégration de la Charte dans le futur traité constitutionnel, la personnalité juridique de l'Union ou le rôle des parlements nationaux. A ces premiers groupes, vont s'ajouter quatre groupes portant sur des questions cruciales : la politique étrangère, l'Europe de la défense, la coopération judiciaire et policière, la rédaction d'une constitution.
La France a déjà avancé un certain nombre d'idées en proposant notamment la création d'un poste de Président du Conseil européen, afin de donner une direction politique claire, un visage, à l'Europe élargie. Ces premières propositions témoignent de notre ambition pour l'Europe. Nous préparons d'ailleurs des contributions détaillées sur les principales questions institutionnelles qui se posent.
Notre souci est de maintenir l'équilibre entre les trois institutions politiques - Conseil, Commission et Parlement - tout en renforçant leur capacité d'action réciproque. Nous voulons aussi assurer à l'Europe davantage d'unité dans les trois domaines où elle doit pouvoir agir avec efficacité : la politique économique et monétaire, pour gérer au mieux notre monnaie unique ; la diplomatie et la défense, pour que les Européens puissent peser sur les affaires du monde ; la justice et la police, pour nous permettre de faire face à l'immigration illégale et aux réseaux, si puissants hélas, du crime organisé. Enfin, le système institutionnel doit selon nous être soumis à un réel contrôle démocratique auquel devront être associés les parlements nationaux.
Dans le monde d'aujourd'hui, nous devons de plus en plus penser notre sécurité à l'échelle du monde. Il ne s'agit plus seulement de répondre à une menace aux frontières, qui s'est estompée, mais surtout de prévenir, de juguler ou de gérer des crises qui peuvent directement ou indirectement nous affecter.
Ainsi, l'affirmation d'une politique étrangère et d'une politique de défense européennes, crédibles et efficaces, constitue-t-elle l'un des principaux enjeux pour les années à venir. Plutôt que de vouloir étendre à la politique étrangère les procédures communautaires appliquées au marché intérieur ou à la politique de concurrence, ce qui irait contre les réalités nationales, nous pourrions, comme l'a proposé le président de la République, définir, dans une déclaration solennelle, les grands axes de la politique extérieure de l'Union pour les prochaines années prenant le mieux en compte l'intérêt européen dans les situations de crise.
D'autre part, afin de mieux identifier les responsabilités entre le Conseil et la Commission et de veiller à une utilisation cohérente des moyens financiers de l'Union, l'Europe pourrait se doter d'une sorte de ministre des Affaires étrangères qui exercerait, auprès du président du Conseil européen tel que l'a proposé le président de la République, les fonctions qui sont aujourd'hui celles du Haut représentant pour la PESC et du Commissaire pour les relations extérieures.
La construction européenne n'a rien d'inéluctable. Elle repose sur une volonté partagée, une vision, un engagement de confiance et de solidarité. Que la volonté s'affaiblisse, que la vision s'estompe, que la confiance se perde ou que la solidarité vienne à manquer, et l'édifice patiemment bâti commence à se déliter.
Comme le rappelait avant la Seconde guerre mondiale le grand historien Nicolas Iorga, dans son ouvrage Byzance après Byzance, les principautés roumaines furent après la chute de Constantinople en 1453 les dépositaires d'une part essentielle de l'héritage européen. La France, dont la culture a été fécondée par tant d'artistes roumains tels Eugène Ionesco, Emile Cioran ou Constantin Brancusi, sait à quel point l'idée de l'Europe, enrichie de sa diversité culturelle, est vivante dans votre pays. Ainsi, grâce à vous, notre Union deviendra davantage encore "européenne".
La Roumanie peut ainsi compter sur la France pour l'accompagner sur le chemin qui la mènera à l'adhésion. Sur ce résultat, je n'ai aucun doute. Je n'ai pas plus de doute sur la force de l'amitié franco-roumaine. Une amitié plus que jamais présente au rendez-vous que l'histoire fixe aujourd'hui à cette nouvelle Europe que nous construisons ensemble.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 septembre 2002)
Interview à Adevarul :
Q - La signature de l'accord entre la Roumanie et les Etats-Unis sur la Cour pénale internationale a provoqué une réaction dure de l'Union européenne. La France s'est abstenue d'exprimer des reproches publics aux autorités de Bucarest. Peut-on comprendre que Paris connaît bien les raisons pour lesquelles la Roumanie a entrepris une telle démarche ?
R - Nous avons appris la signature de cet accord avec une certaine surprise et, à vrai dire, nous n'avons pas vraiment compris, et nous ne comprenons d'ailleurs toujours pas, les raisons qui ont pu pousser la Roumanie à conclure un tel accord dans la précipitation - le 1er août - sans attendre l'Union européenne, alors même que la présidence danoise avait proposé à tous les pays candidats, et donc à la Roumanie, de les associer à la concertation communautaire début septembre en vue de parvenir à une position commune.
Nous savons que les Américains effectuent actuellement des démarches pour solliciter les pays candidats afin de les inciter à conclure avec eux des accords bilatéraux de non-extradition mettant les ressortissants américains à l'abri des poursuites de la Cour pénale internationale. Il est très regrettable que la Roumanie ait été le seul pays candidat à donner suite à cette demande.
La signature de cet accord par la Roumanie constitue, du point de vue de la France, un manquement au devoir de solidarité communautaire. Cette solidarité ne doit pas s'exercer à sens unique, quand la Roumanie a besoin de l'Europe - et vous savez bien que, dans de telles circonstances, la France s'est toujours fait l'avocate de la Roumanie auprès de ses partenaires -, mais également quand l'Europe a besoin de la Roumanie, comme c'était le cas dans cette affaire.
Q - Dans l'hypothèse où l'Union européenne s'opposerait à un accord avec les Etats-Unis concernant la CPI, que devraient faire, selon vous, les autorités de Bucarest ?
R - La Roumanie est un Etat souverain. Il lui appartiendrait, dans cette hypothèse, de prendre ses responsabilités. Cela dit, c'est parce que la Roumanie a choisi de rompre la solidarité européenne qu'elle risque aujourd'hui de se trouver dans la position inconfortable d'avoir à choisir entre l'Europe et les Etats-Unis. Cette situation n'avait rien d'inévitable si la Roumanie avait joué le jeu en participant à la recherche d'une position européenne commune face aux demandes américaines.
Q - Estimez-vous que les difficultés provoquées en France par quelques citoyens roumains (mendicité, vols) devraient conduire au rétablissement par votre pays du régime des visas pour tous les Roumains ?
R - Tout d'abord, je souhaite rappeler que la décision de lever l'obligation de visas pour les citoyens roumains est une décision communautaire et non nationale. Il faudrait donc une nouvelle décision communautaire pour rétablir cette obligation, ce qui implique une procédure longue et complexe.
Sur le fond, il ne me paraît pas souhaitable que les agissements répréhensibles de quelques individus conduisent à une mesure s'apparentant à une sanction collective à l'encontre de l'ensemble des citoyens roumains. Cela dit, le problème des délinquants roumains dans notre pays n'est pas uniquement un problème français, mais aussi un problème roumain. C'est pourquoi les solutions doivent être recherchées en commun. A cet égard, la visite à Bucarest du ministre français de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, et de la secrétaire d'Etat française à l'exclusion, Mme Dominique Versini, a revêtu une importance particulière pour l'approfondissement de nos relations bilatérales, puisqu'elle s'est traduite par la signature de deux accords et d'un engagement entre nos deux pays, visant à améliorer notre coopération en matière d'affaires intérieures et de protection des mineurs roumains en difficultés.
Q - Croyez-vous que la Roumanie et la Bulgarie pourront recevoir à Copenhague une feuille de route avec des délais précis concernant leur adhésion à l'Union européenne ?
R - La France soutient les candidatures de la Roumanie et de la Bulgarie, qui relèvent d'un même processus d'élargissement que les autres candidats, même si le calendrier n'est pas tout à fait le même. Le Conseil européen de Séville a d'ailleurs reconnu que ces deux pays ont réalisé des progrès considérables sur la voie de l'adhésion, même si des questions importantes restent à résoudre.
Nous ne relâcherons pas nos efforts en faveur des candidatures roumaine et bulgare après Copenhague, et vous pouvez compter pour cela sur l'engagement de la France. Ainsi le Conseil européen de décembre devrait être l'occasion d'actualiser la feuille de route des pays candidats encore en négociation et d'adopter en leur faveur une stratégie de préadhésion révisée et renforcée. Ces nouveaux engagements pourraient être assortis d'une augmentation de l'aide financière de préadhésion et, si le rythme actuel des négociations est maintenu, d'un calendrier plus précis pour le processus d'adhésion. Les demandes roumaine et bulgare pour des dates fermes de conclusion des négociations et d'adhésion devront être examinées dans cette perspective, en fonction des rapports de progrès que la Commission doit présenter en octobre pour chacun des pays candidats.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 septembre 2002)
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur Petre Roman,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Madame la Ministre de l'Intégration européenne,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très honorée d'avoir été conviée par M. Mircea Geoana à participer à la session d'ouverture de votre réunion annuelle des ambassadeurs de Roumanie. Je sais que c'est la première fois que vous invitez ainsi des hôtes étrangers à prendre la parole et j'en suis très flattée. Vous m'avez demandé, Monsieur le Ministre, d'apporter un témoignage sur le processus d'intégration européenne de la Roumanie et je le fais avec beaucoup de plaisir.
N'en doutez pas, la France est déterminée à assurer la pleine réussite de l'élargissement. Dans cette perspective, j'ai conscience que les efforts des pays d'Europe centrale et orientale dans leur transition vers la démocratie et l'économie de marché sont sans précédent. C'est vrai de la Roumanie, comme d'ailleurs de la Bulgarie, qui s'inscrivent dans le même processus d'élargissement que les autres candidats, même si le calendrier n'est pas tout à fait le même. Nous ne voulons pas décevoir l'espérance européenne de vos pays car ce serait prendre le risque de régressions économiques ou politiques dont les conséquences se répercuteraient sur chacun d'entre nous. Nous en avons parfaitement conscience.
L'élargissement est, pour nous tous Européens, une grande ambition et une chance immense. Cette chance, dans des circonstances hélas dramatiques, vient de trouver à s'illustrer à travers la solidarité de l'Europe à l'égard des victimes des inondations et face aux dégâts causés à notre héritage culturel commun. Que ce soit à Prague ou à Dresde, dans les pays de l'Union ou les pays candidats, cette solidarité a été la même.
La solidarité est en effet au cur du projet européen. A ce propos, je dois vous faire part, avec toute la franchise qu'autorise une longue amitié, du sentiment qu'a ressenti la France à la suite de la signature par la Roumanie d'un accord bilatéral avec les Etats-Unis mettant les ressortissants de ce pays à l'abri de toutes poursuites de la Cour pénale internationale. Nous avons pensé que vous auriez pu attendre la définition d'une position commune de l'Union européenne et des pays candidats, comme l'avait proposé la présidence danoise. La France s'est toujours fait l'avocate de la Roumanie auprès de ses partenaires européens. Cette fois-ci, la France et l'Europe avaient besoin de la Roumanie, afin que nous demeurions unis.
Cela étant, j'aimerais souligner les multiples aspects positifs de notre partenariat franco-roumain. Ainsi, avant d'aborder la candidature de la Roumanie à l'Union et les perspectives européennes des prochains mois, permettez-moi d'évoquer les liens particuliers qui unissent nos deux pays.
Au sein de l'Europe, certaines nations ont des relations privilégiées, reposant sur des liens anciens et profonds. C'est le cas de la Roumanie et de la France. Or notre coopération déjà ancienne doit se renforcer dans l'Europe de demain.
Les liens qui unissent la France et la Roumanie sont ancrés dans l'histoire, depuis le XVIIIème siècle. Mais c'est au XIXème siècle, lorsque Napoléon III apporta son soutien à l'émancipation des principautés danubiennes, que naquit une véritable amitié entre nos deux peuples. Et les voyages des fils de grands boyards en France achevèrent de faire connaître en Roumanie les écrivains, les penseurs et les artistes français.
Depuis cette époque, nos deux cultures n'ont cessé de se féconder mutuellement. J'en veux pour exemple l'architecture de nombreux édifices de Bucarest, comme la banque nationale roumaine, l'Athénée ou le palais de justice, construits au XIXème siècle sur les plans d'architectes français, l'uvre du grand peintre Nicolae Grigorescu, inspiré par l'école de Barbizon, ou les "Légendes" du grand poète Vasile Alecsandri, animées du souffle de Victor Hugo.
L'influence roumaine sur la culture française n'est pas moindre, tant sont nombreux les artistes roumains qui ont choisi la France, et la langue française, comme seconde patrie. Qu'il me suffise d'évoquer ici les noms de Tristan Tzara, l'inventeur du dadaïsme, d'Eugène Ionesco, dont "La Cantatrice chauve" tient sans interruption l'affiche depuis février 1957 au théâtre de la Huchette à Paris, d'Emile Cioran qui, "Sur les cimes du désespoir", nous introduit, par son pessimisme tonique, à une philosophie de la vie, ou du sculpteur Constantin Brancusi dont l'atelier, reconstitué sous le parvis de Beaubourg, accueille aujourd'hui les visiteurs dans les mystères de sa création.
Frères d'armes pendant la Première Guerre Mondiale, nos deux pays virent prospérer leurs échanges dans tous les domaines pendant l'entre-deux-guerres. Leur vigueur ne s'est jamais démentie. Il faut reconnaître qu'elle a pris un élan nouveau depuis décembre 1989. Nos échanges reposent sur quatre piliers : le dialogue politique, le partenariat économique et commercial, la coopération culturelle, la coopération militaire et de défense.
Le partenariat entre nos deux pays est d'abord politique. Au plus haut niveau, nos gouvernements entretiennent un dialogue privilégié, comme en témoigne le rythme intense et régulier des visites bilatérales. Ainsi, mon collègue du gouvernement, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, était encore à Bucarest la semaine dernière, sa visite faisant suite à celle de son homologue roumain, M. Ioan Rus, à Paris au mois de juillet. Au-delà des visites gouvernementales, l'étroitesse des liens entre nos deux pays s'exprime également au niveau des élus français qui se rendent régulièrement en Roumanie. Et je suis heureuse d'être venue aujourd'hui avec M. le Sénateur Revol et M. le Député Kert.
Notre partenariat est également économique. En progression régulière, nos échanges commerciaux dépassent aujourd'hui 2 milliards d'euros par an. Les exportations françaises ont augmenté de 24 % par rapport à 2000. Et la France est ainsi devenue le troisième partenaire commercial de la Roumanie.
De la même façon, les investissements français en Roumanie ont connu une remarquable accélération. Ils représentent aujourd'hui plus d'un milliard d'euros. Ce qui fait de notre pays le premier investisseur étranger sur votre territoire. Aux côtés de Renault qui, renouant une coopération historique, s'est associée à Dacia pour créer la deuxième marque du groupe, Orange Romania, la Société générale, Lafarge, Carrefour, Danone, Michelin, Eurocopter sont, avec d'autres, les acteurs de notre présence et de notre coopération. Les petites et moyennes entreprises contribuent également, et de plus en plus, à intensifier ce partenariat.
Quant à notre coopération culturelle, elle est aussi intense. Pour ne parler que de ces dix dernières années, nos deux pays ont réalisé de multiples actions pour promouvoir la langue et la culture françaises et organiser en outre des échanges universitaires. Dans ce cadre, le programme de coopération culturelle, scientifique et technique adopté par la Commission mixte franco-roumaine pour les années 2001-2004 s'est fixé trois objectifs principaux : soutenir la francophonie, moderniser l'image de la France et contribuer à la formation des cadres.
La Francophonie constitue notre engagement commun au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie. Rappelons que cinq millions de Roumains, soit près d'un sur quatre, parlent français, ce qui fait de la Roumanie le premier pays francophone parmi ceux dont le français n'est ni la langue maternelle ni la langue officielle. L'enseignement du français fait toujours preuve ici d'un réel dynamisme ; en effet, le français est la première langue étrangère apprise à l'école, puisque 47 % des élèves roumains choisissent de l'étudier en première ou deuxième langue, devant l'anglais et l'allemand. Ce succès, la France le doit aussi à la grande compétence des 14 000 professeurs de français qui exercent à travers tout le pays. Notre réseau culturel est le plus dense parmi ceux qu'a tissés la France en Europe. Et il faut s'en féliciter. Les deuxièmes journées franco-roumaines de l'audiovisuel, qui se sont tenues en juin, attestent, s'il en était besoin, de l'enthousiasme de tous ceux qui animent cette action culturelle.
Notre réseau culturel s'efforce par ailleurs de faire découvrir nos créations contemporaines comme nos auteurs classiques. Je pense en particulier à la célébration du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, qui a donné lieu en Roumanie à des manifestations variées : représentations théâtrales, projections cinématographiques, expositions, conférences. Le concours "Allons en France", organisé chaque année pour permettre à des lycéens roumains de découvrir la France, s'est associé lui aussi cette année à cette commémoration.
N'oublions pas la formation des élites. Elle est cruciale pour nos pays confrontés à la modernité. Nombre d'étudiants roumains sont accueillis dans nos universités et nos grandes écoles, parfois avec des bourses d'enseignement supérieur. Ce n'est pas au ministre des Affaires étrangères de Roumanie que j'apprendrai l'importance de votre partenariat avec l'Ecole nationale d'administration puisqu'il en a été l'un des acteurs majeurs. A présent, le but est de développer la coopération entre cet établissement et l'Institut national d'administration roumain.
Au plan militaire, enfin, la coopération franco-roumaine doit aider la Roumanie dans son effort d'adaptation de son outil de défense. L'Ecole d'application des officiers de gendarmerie de Rosu, dont les nouveaux bâtiments vont être prochainement inaugurés, mais qui a déjà permis de former une promotion, illustre notamment ce partenariat. Mais celui-ci prend d'autres formes, comme l'accueil de près de 200 officiers roumains qui se rendent chaque année en France pour participer à des formations.
Je voudrais maintenant aborder le vif du sujet : l'entrée future de la Roumanie dans l'Union européenne.
En décembre 1989, le peuple roumain a reconquis sa liberté. Il s'est doté d'institutions libres et démocratiques au sein d'un Etat de droit enfin rétabli. Par deux fois, en 1996 et en 2000, les Roumains ont fait le choix de l'alternance politique lors d'élections régulières. Les fondements d'une économie de marché ont été reconstruits. La société roumaine, dont les forces vives avaient été bridées, a pu retrouver sa liberté d'expression et de création et s'ouvrir sur le monde extérieur. Face à de tels changements, il était naturel que l'Europe ouvrît ses portes : telle a été depuis le début la position de la France. C'était d'ailleurs une aspiration ancienne du peuple roumain, puisque l'historien et homme politique roumain Mihail Kogalniceanu, l'un des artisans de l'Union des Principautés, déclarait de façon prémonitoire en 1859 : "Prouver que nous sommes dignes de la liberté que l'Europe nous a reconnue, signifie rattraper le temps perdu, de sorte que la nation acquière la place qu'elle mérite dans la grande famille européenne".
Toutefois, l'entrée dans l'Union de douze ou treize nouveaux membres de cette famille représente un grand défi. Les progrès considérables accomplis par votre pays sur la voie de l'adhésion ont été reconnus par le Conseil européen de Séville. Si la candidature de votre pays s'inscrit dans un calendrier un peu différent de celui des dix pays candidats les plus avancés, elle n'en relève pas moins du même processus d'élargissement.
Face à ce défi, le soutien que la France apporte à la Roumanie dans sa préparation à l'adhésion est sans faille, sur le plan politique et comme d'un point de vue opérationnel.
Un soutien politique d'abord. Dès 1997, la France a appuyé avec force et constance la candidature roumaine, d'abord au stade de l'inclusion de la Roumanie dans la liste des pays candidats, puis à celui de la décision d'engager les négociations d'adhésion.
Sur la question politiquement sensible de la levée de l'obligation de visa de court séjour pour les ressortissants roumains se rendant dans l'espace Schengen, le soutien de la France lors de sa présidence de l'Union européenne en 2000 avait permis de progresser. Les autorités françaises ont accueilli avec satisfaction l'entrée en vigueur de cette mesure le 1er janvier dernier.
Depuis lors, il faut admettre que de sérieuses préoccupations se sont exprimées en France face aux agissements de quelques ressortissants roumains se livrant au vol, à la mendicité ou à la prostitution. Certes, il serait injuste que les méfaits d'un petit nombre conduisent à pénaliser l'ensemble des citoyens roumains. Aussi refusons-nous le rétablissement de l'obligation de visas pour les ressortissants roumains désireux de se rendre en France. Cela dit, le problème des délinquants roumains dans notre pays n'est pas uniquement un problème français. C'est aussi un problème roumain. C'est pourquoi il est heureux que des solutions aient été recherchées en commun, lors de la toute récente visite à Bucarest du ministre français de l'Intérieur.
Quant à la place de la Roumanie dans les institutions communautaires, elle est maintenant fixée. La Roumanie sera représentée par 33 sièges au Parlement et disposera de 14 voix au Conseil des ministres, chiffres qui sont en harmonie avec son poids démographique et politique.
L'appui de la France revêt également un important aspect opérationnel, au niveau de la préparation de votre adhésion. Le gouvernement français se montre particulièrement attaché au dispositif des jumelages institutionnels, dans le cadre du programme PHARE. Grâce aux choix effectués par les autorités roumaines, la France a participé ou participe à 28 de ces jumelages, dont 25 en tant que chef de file. Nous sommes, là encore, le premier partenaire de la Roumanie dans ce mécanisme de coopération qui s'étend à des domaines aussi variés que la modernisation de la fonction publique, la justice des mineurs et l'aide à l'enfance, les finances publiques, l'éducation, l'agriculture, l'environnement ou les transports routiers.
Membre de la Conférence européenne, forum de dialogue politique qui préfigure l'Union élargie, votre pays a engagé les négociations d'adhésion sur 27 chapitres, dont 13 sont clos provisoirement.
Je veux ici rendre hommage à la détermination des autorités roumaines dans la poursuite et l'intensification de leurs préparatifs d'adhésion. Ceux-ci prennent la forme de mesures concrètes, comme la nomination, en juillet dernier, de la conseillère française pour les Affaires européennes auprès du Premier ministre roumain, M. Adrian Nastase, qui en avait exprimé la demande lors de sa visite officielle en France en novembre 2001. Et nous saluons votre effort pour ouvrir les trois derniers chapitres de négociation d'ici la fin de la présidence danoise.
Je veux également mentionner la présence à Bucarest de neuf conseillers de pré-adhésion français et l'arrivée prochaine de deux autres, dans le domaine phytosanitaire.
Cependant, beaucoup d'efforts seront encore nécessaires pour venir à bout de toutes les difficultés. Et nous sommes prêts à vous aider à résoudre certaines d'entre elles.
La question des mineurs est attentivement suivie par nos opinions publiques, sous ses divers aspects : justice spécifique aux mineurs, protection de l'enfance et adoption internationale. Sur ce dernier sujet particulièrement délicat, gardons-nous des jugements hâtifs et attachons-nous à remédier aux causes de la situation actuelle, notamment en prévenant les abandons et en améliorant les conditions d'accueil dont disposent les familles. La stratégie du gouvernement roumain, fondée sur la prévention et la réinsertion dans les familles, rencontre le plein soutien de la France. J'indique que le gouvernement français a mis à disposition de votre ministère des Affaires sociales deux assistantes techniques ainsi qu'un conseiller de pré-adhésion.
En matière d'éducation et de formation, secteurs anciens de coopération franco-roumaine, un jumelage est en cours sur la reconnaissance des diplômes afin d'assurer à vos jeunes diplômés des débouchés européens.
La protection de l'environnement est devenue, à juste titre, une préoccupation planétaire. En ce domaine, un jumelage est en cours concernant la gestion des ressources en eau et le retraitement des eaux usées. Notre attachement au développement durable est aujourd'hui au premier rang des priorités communautaires, comme le président Chirac l'a fortement rappelé au Sommet de Johannesburg.
Dans le domaine de l'agriculture, le champ de notre coopération est très vaste. Plusieurs jumelages ont été consacrés à la préparation de l'agence SAPARD, qui vient d'être accréditée et permettra à la Roumanie de disposer pendant la période 2000-2006 d'un important financement - 1,5 milliard d'euros - destiné à préparer la mise en uvre sur son territoire des mécanismes de la politique agricole commune.
Comment, à l'issue de ce survol de notre partenariat bilatéral, ne pas se réjouir de son ampleur et de son intensité dans la perspective de l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne ?
En guise de conclusion, permettez-moi de formuler quelques remarques plus générales sur les perspectives européennes des prochains mois : à savoir l'élargissement, d'une part, et la réforme des institutions, d'autre part. J'aimerais en effet replacer la candidature de la Roumanie dans ce contexte.
Comme vous le savez, jusqu'au Conseil européen de Copenhague en décembre, les prochains mois seront décisifs pour l'élargissement de l'Union européenne. La plupart des problèmes techniques pour les dix pays les plus avancés dans leurs négociations d'adhésion (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Chypre, Malte, Lituanie, Lettonie, Estonie) sont aujourd'hui résolus ou en passe de l'être. Restent sur la table un nombre limité de problèmes, bien évidemment les plus difficiles à résoudre : le cadrage financier de l'élargissement, l'agriculture et la question de Chypre. Sans compter le second référendum irlandais en octobre sur la ratification du Traité de Nice et les discussions avec la Russie sur l'enclave de Kaliningrad.
Le calendrier est très serré. Une étape cruciale sera la présentation par la Commission, le 16 octobre, avant le Conseil européen de Bruxelles fin octobre, des "rapports de progrès" pour chacun des treize pays candidats, y compris la Turquie avec laquelle les négociations ne sont pas encore ouvertes. Ces rapports devraient identifier les pays candidats prêts à adhérer.
Sur le volet agricole, nous avons aujourd'hui devant nous deux problèmes distincts : d'une part, la question de l'octroi des aides directes aux agriculteurs des pays candidats, d'autre part, le risque de télescopage entre les négociations d'élargissement et la revue à mi-parcours du fonctionnement de la politique agricole commune, prévue en 1999 par les accords de Berlin.
Sur le premier point, la France soutient la proposition de la Commission, présentée en janvier dernier, d'accorder progressivement les aides directes, qui font partie de l'acquis communautaire, aux agriculteurs des pays candidats. Cette proposition est conforme à l'équité car elle pose le principe de l'intégration des pays candidats au sein de la PAC tout en restant compatible avec les plafonds des perspectives financières de Berlin. Elle ne préjuge en outre pas des évolutions futures de la politique agricole commune.
Sur le second point, nous estimons que la PAC ne doit pas être la variable d'ajustement de l'élargissement, sauf à vouloir rouvrir tout le paquet de Berlin, avec la politique régionale et le chèque britannique, auquel la France est le premier contributeur. La Présidence danoise l'a bien compris et est, sur cette ligne, très claire.
Sur la question de Chypre, la perspective de l'adhésion constitue une occasion unique de parvenir à un règlement politique afin de mettre un terme à la division de l'île. Cela exigera un effort aussi bien des deux côtés à Nicosie qu'à Ankara. En même temps, il faut tenir un langage de vérité à la Turquie qui demande une date pour l'ouverture de négociations d'adhésion : seule l'application effective des réformes constitutionnelles engagées permettra de progresser vers le respect des critères politiques de Copenhague qui constituent un préalable et les seuls critères pour l'ouverture de négociations. A cet égard, la loi d'harmonisation européenne votée le 3 août dernier par le parlement turc, qui prévoit notamment l'abolition de la peine de mort et l'autorisation de l'usage de la langue kurde dans les médias et l'éducation, constitue un pas sérieux dans la bonne direction.
Sur Kaliningrad, nous devons faire preuve d'imagination afin de parvenir à une solution pragmatique conciliant le principe de liberté de circulation des citoyens russes à l'intérieur de leur territoire et celui de l'application de l'acquis Schengen par les futurs membres.
Enfin, et ce point vous intéresse tout particulièrement, il conviendra de reconnaître à Copenhague les progrès accomplis par la Roumanie et la Bulgarie sur la voie de l'adhésion et de donner à vos deux pays tous les encouragements et toutes les garanties nécessaires.
Soyez en sûrs, nous ne relâcherons pas nos efforts en faveur des candidatures roumaine et bulgare après Copenhague et vous pouvez compter sur l'engagement de la France. Ainsi le Conseil européen de décembre devrait être l'occasion d'actualiser votre feuille de route et d'adopter une stratégie de pré-adhésion révisée et renforcée. Ces nouveaux engagements pourraient être assortis d'une augmentation de l'aide financière de pré-adhésion et, si le rythme actuel des négociations est maintenu, d'un calendrier plus précis pour le processus d'adhésion. Les demandes roumaine et bulgare pour des dates fermes de conclusion des négociations et d'adhésion devront être examinées dans cette perspective.
Il a longtemps été de mise, dans les cercles européens, d'opposer l'élargissement et l'approfondissement, ou de faire du second un préalable au premier. Je tiens à vous dire que cette opposition est dépassée. Les deux objectifs doivent en effet être poursuivis de manière simultanée. A cet égard, la Convention sur l'avenir de l'Europe, qui doit déboucher à l'horizon 2004 sur un texte de portée constitutionnelle, constitue une occasion à ne pas manquer pour refonder une Europe plus proche des citoyens, plus simple, plus légitime, plus efficace et plus forte. Nous vivons en effet dans un monde incertain et dangereux, marqué par les menaces nouvelles qu'a révélées le 11 septembre. Il est important que les représentants de la Roumanie, dont nous avons souhaité à Nice qu'ils soient pleinement associés à la Convention, prennent une part active à ses débats.
La Convention a achevé la première étape de ses travaux, la "phase d'écoute", à la fin du mois de juin. L'étape qui s'ouvre le 12 septembre revêt une grande importance puisqu'elle est celle des propositions et de la rédaction des conclusions. A cette fin, la Convention a constitué en son sein au mois de juillet des groupes de travail sur des thèmes précis, tels que la subsidiarité, l'intégration de la Charte dans le futur traité constitutionnel, la personnalité juridique de l'Union ou le rôle des parlements nationaux. A ces premiers groupes, vont s'ajouter quatre groupes portant sur des questions cruciales : la politique étrangère, l'Europe de la défense, la coopération judiciaire et policière, la rédaction d'une constitution.
La France a déjà avancé un certain nombre d'idées en proposant notamment la création d'un poste de Président du Conseil européen, afin de donner une direction politique claire, un visage, à l'Europe élargie. Ces premières propositions témoignent de notre ambition pour l'Europe. Nous préparons d'ailleurs des contributions détaillées sur les principales questions institutionnelles qui se posent.
Notre souci est de maintenir l'équilibre entre les trois institutions politiques - Conseil, Commission et Parlement - tout en renforçant leur capacité d'action réciproque. Nous voulons aussi assurer à l'Europe davantage d'unité dans les trois domaines où elle doit pouvoir agir avec efficacité : la politique économique et monétaire, pour gérer au mieux notre monnaie unique ; la diplomatie et la défense, pour que les Européens puissent peser sur les affaires du monde ; la justice et la police, pour nous permettre de faire face à l'immigration illégale et aux réseaux, si puissants hélas, du crime organisé. Enfin, le système institutionnel doit selon nous être soumis à un réel contrôle démocratique auquel devront être associés les parlements nationaux.
Dans le monde d'aujourd'hui, nous devons de plus en plus penser notre sécurité à l'échelle du monde. Il ne s'agit plus seulement de répondre à une menace aux frontières, qui s'est estompée, mais surtout de prévenir, de juguler ou de gérer des crises qui peuvent directement ou indirectement nous affecter.
Ainsi, l'affirmation d'une politique étrangère et d'une politique de défense européennes, crédibles et efficaces, constitue-t-elle l'un des principaux enjeux pour les années à venir. Plutôt que de vouloir étendre à la politique étrangère les procédures communautaires appliquées au marché intérieur ou à la politique de concurrence, ce qui irait contre les réalités nationales, nous pourrions, comme l'a proposé le président de la République, définir, dans une déclaration solennelle, les grands axes de la politique extérieure de l'Union pour les prochaines années prenant le mieux en compte l'intérêt européen dans les situations de crise.
D'autre part, afin de mieux identifier les responsabilités entre le Conseil et la Commission et de veiller à une utilisation cohérente des moyens financiers de l'Union, l'Europe pourrait se doter d'une sorte de ministre des Affaires étrangères qui exercerait, auprès du président du Conseil européen tel que l'a proposé le président de la République, les fonctions qui sont aujourd'hui celles du Haut représentant pour la PESC et du Commissaire pour les relations extérieures.
La construction européenne n'a rien d'inéluctable. Elle repose sur une volonté partagée, une vision, un engagement de confiance et de solidarité. Que la volonté s'affaiblisse, que la vision s'estompe, que la confiance se perde ou que la solidarité vienne à manquer, et l'édifice patiemment bâti commence à se déliter.
Comme le rappelait avant la Seconde guerre mondiale le grand historien Nicolas Iorga, dans son ouvrage Byzance après Byzance, les principautés roumaines furent après la chute de Constantinople en 1453 les dépositaires d'une part essentielle de l'héritage européen. La France, dont la culture a été fécondée par tant d'artistes roumains tels Eugène Ionesco, Emile Cioran ou Constantin Brancusi, sait à quel point l'idée de l'Europe, enrichie de sa diversité culturelle, est vivante dans votre pays. Ainsi, grâce à vous, notre Union deviendra davantage encore "européenne".
La Roumanie peut ainsi compter sur la France pour l'accompagner sur le chemin qui la mènera à l'adhésion. Sur ce résultat, je n'ai aucun doute. Je n'ai pas plus de doute sur la force de l'amitié franco-roumaine. Une amitié plus que jamais présente au rendez-vous que l'histoire fixe aujourd'hui à cette nouvelle Europe que nous construisons ensemble.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 septembre 2002)
Interview à Adevarul :
Q - La signature de l'accord entre la Roumanie et les Etats-Unis sur la Cour pénale internationale a provoqué une réaction dure de l'Union européenne. La France s'est abstenue d'exprimer des reproches publics aux autorités de Bucarest. Peut-on comprendre que Paris connaît bien les raisons pour lesquelles la Roumanie a entrepris une telle démarche ?
R - Nous avons appris la signature de cet accord avec une certaine surprise et, à vrai dire, nous n'avons pas vraiment compris, et nous ne comprenons d'ailleurs toujours pas, les raisons qui ont pu pousser la Roumanie à conclure un tel accord dans la précipitation - le 1er août - sans attendre l'Union européenne, alors même que la présidence danoise avait proposé à tous les pays candidats, et donc à la Roumanie, de les associer à la concertation communautaire début septembre en vue de parvenir à une position commune.
Nous savons que les Américains effectuent actuellement des démarches pour solliciter les pays candidats afin de les inciter à conclure avec eux des accords bilatéraux de non-extradition mettant les ressortissants américains à l'abri des poursuites de la Cour pénale internationale. Il est très regrettable que la Roumanie ait été le seul pays candidat à donner suite à cette demande.
La signature de cet accord par la Roumanie constitue, du point de vue de la France, un manquement au devoir de solidarité communautaire. Cette solidarité ne doit pas s'exercer à sens unique, quand la Roumanie a besoin de l'Europe - et vous savez bien que, dans de telles circonstances, la France s'est toujours fait l'avocate de la Roumanie auprès de ses partenaires -, mais également quand l'Europe a besoin de la Roumanie, comme c'était le cas dans cette affaire.
Q - Dans l'hypothèse où l'Union européenne s'opposerait à un accord avec les Etats-Unis concernant la CPI, que devraient faire, selon vous, les autorités de Bucarest ?
R - La Roumanie est un Etat souverain. Il lui appartiendrait, dans cette hypothèse, de prendre ses responsabilités. Cela dit, c'est parce que la Roumanie a choisi de rompre la solidarité européenne qu'elle risque aujourd'hui de se trouver dans la position inconfortable d'avoir à choisir entre l'Europe et les Etats-Unis. Cette situation n'avait rien d'inévitable si la Roumanie avait joué le jeu en participant à la recherche d'une position européenne commune face aux demandes américaines.
Q - Estimez-vous que les difficultés provoquées en France par quelques citoyens roumains (mendicité, vols) devraient conduire au rétablissement par votre pays du régime des visas pour tous les Roumains ?
R - Tout d'abord, je souhaite rappeler que la décision de lever l'obligation de visas pour les citoyens roumains est une décision communautaire et non nationale. Il faudrait donc une nouvelle décision communautaire pour rétablir cette obligation, ce qui implique une procédure longue et complexe.
Sur le fond, il ne me paraît pas souhaitable que les agissements répréhensibles de quelques individus conduisent à une mesure s'apparentant à une sanction collective à l'encontre de l'ensemble des citoyens roumains. Cela dit, le problème des délinquants roumains dans notre pays n'est pas uniquement un problème français, mais aussi un problème roumain. C'est pourquoi les solutions doivent être recherchées en commun. A cet égard, la visite à Bucarest du ministre français de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, et de la secrétaire d'Etat française à l'exclusion, Mme Dominique Versini, a revêtu une importance particulière pour l'approfondissement de nos relations bilatérales, puisqu'elle s'est traduite par la signature de deux accords et d'un engagement entre nos deux pays, visant à améliorer notre coopération en matière d'affaires intérieures et de protection des mineurs roumains en difficultés.
Q - Croyez-vous que la Roumanie et la Bulgarie pourront recevoir à Copenhague une feuille de route avec des délais précis concernant leur adhésion à l'Union européenne ?
R - La France soutient les candidatures de la Roumanie et de la Bulgarie, qui relèvent d'un même processus d'élargissement que les autres candidats, même si le calendrier n'est pas tout à fait le même. Le Conseil européen de Séville a d'ailleurs reconnu que ces deux pays ont réalisé des progrès considérables sur la voie de l'adhésion, même si des questions importantes restent à résoudre.
Nous ne relâcherons pas nos efforts en faveur des candidatures roumaine et bulgare après Copenhague, et vous pouvez compter pour cela sur l'engagement de la France. Ainsi le Conseil européen de décembre devrait être l'occasion d'actualiser la feuille de route des pays candidats encore en négociation et d'adopter en leur faveur une stratégie de préadhésion révisée et renforcée. Ces nouveaux engagements pourraient être assortis d'une augmentation de l'aide financière de préadhésion et, si le rythme actuel des négociations est maintenu, d'un calendrier plus précis pour le processus d'adhésion. Les demandes roumaine et bulgare pour des dates fermes de conclusion des négociations et d'adhésion devront être examinées dans cette perspective, en fonction des rapports de progrès que la Commission doit présenter en octobre pour chacun des pays candidats.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 septembre 2002)