Interview de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, dans "Le Figaro" du 11 septembre 2002, sur les projets de réforme de la décentralisation et du mode de scrutin.

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LE FIGARO. - Pour l'UDF, la réforme de la décentralisation semble constituer un rendez-vous décisif. Quelle est votre stratégie ?
Hervé MORIN. - Nous allons déposer début octobre deux propositions de loi - une constitutionnelle et une proposition ordinaire - sur le sujet avant que le gouvernement ne présente le sien. Nous voulons une vraie décentralisation, qui crée des contre-pouvoirs réels à l'Etat central. Une décentralisation des pouvoirs, et pas simplement des dépenses que l'Etat n'est plus capable d'assumer, avec l'inscription du principe de subsidiarité dans la Constitution. Il doit être écrit dans le texte fondateur de la Ve République - ou dans son préambule - que les pouvoirs doivent être exercés autant que possible au plus près des citoyens.
Avez-vous des raisons de penser que le projet de Jean-Pierre Raffarin décevra vos attentes ?
Nous jugerons sur pièces.
Allez-vous mener une nouvelle offensive en faveur de l'attribution de pouvoirs de police aux maires ?
Ce n'est pas une offensive, c'est une nécessité démocratique ! Des statistiques qui viennent d'être publiées montrent qu'en dix ans, dix mille postes de policiers supplémentaires ont été créés. Est-ce que cela a permis de faire reculer l'insécurité ? Non ! C'est certainement nécessaire mais pas suffisant. Pour que la lutte contre la délinquance progresse, il faut d'abord, à notre avis, que les Français qui en sont les victimes aient un responsable politique en face d'eux. Le citoyen qui constate un trafic de drogue devant l'établissement scolaire de son enfant doit pouvoir dire à l'élu qu'il connaît le mieux, c'est-à-dire son maire : " C'est de votre faute si ça ne s'arrête pas ", et que le maire ait les moyens d'y répondre.
Les modes de scrutin feront-ils partie des sujets que vous aborderez à la faveur de la décentralisation ?
Oui, bien sûr, et à tous les niveaux. Nous voulons introduire de la démocratie dans l'intercommunalité, nous souhaitons une nouvelle architecture des départements et des régions, avec une représentation des territoires aux élections régionales, et nous demandons que les législatives permettent à tous les Français de s'exprimer. Réduire l'affrontement du second tour à un duel, comme le gouvernement semble en avoir l'intention, c'est une mauvaise idée : on ne peut bâillonner le peuple !
Vous préférez que le Front national et l'extrême gauche conservent leur capacité de nuisance ?
Je préfère qu'ils aient à se déterminer par des votes au Parlement, dont ils seront comptables devant les Français, plutôt qu'ils continuent à pouvoir dire n'importe quoi, n'importe quand. La droite et le centre ont obtenu péniblement 35 % des voix et ils occupent les trois quarts de l'hémicycle ; ce n'est pas sain pour la démocratie. Et si l'UMP force les électeurs à choisir entre elle et le PS, elle ouvrira un boulevard au Front national car il deviendra la seule alternative.
(source http://www.udf.org, le 16 septembre 2002)