Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Nous somme réunis aujourd'hui pour analyser les comptes de la santé pour l'année 1998.
Pour la première fois, ils sont présentés dans le cadre de la nouvelle base de la comptabilité nationale.
Il s'agit d'un progrès important, indispensable pour mieux comprendre les évolutions de la dépense de santé dans le court terme, mais qui explique le retard constaté à la présentation de ces comptes.
I - Quels sont les principaux résultats de l'année 1998 ?
I-1. La croissance de soins et de biens médicaux est de 4,1 %, identique à celle du PIB.
Cette consommation est plus importante que celle de 1996 (2,1 %) et de 1997
(1,8 %)
Comme vous le savez, les principaux secteurs qui ont contribué à cette croissante sont :
le médicament (+ 6,4 %),
la consommation de soins ambulatoire (+ 4,7 %),
et dans une moindre mesure, car moins important en valeur absolue,
le transport des malades (+ 7 %).
I-2. La consommation de soins hospitaliers à 2,4 % semble maintenant maîtrisée.
Je voudrais d'ailleurs souligner qu'une partie importante de cette consommation hospitalière est liée à celle des sections médicalisées avec, en particulier, une évolution qui reflète les exigences croissantes en matière d'hébergement des personnes âgées.
I-3. La dépense nationale de santé, indicateur utilisé pour les comparaisons internationales montre que la France se situe au quatrième rang de l'OCDE en matière de dépenses, derrière les Etats Unis, l'Allemagne et la Suisse.
Je voudrais souligner que cette progression, bien qu'importante, est plus limitée que celle de la plupart de ses partenaires.
I-4. Enfin, une structure de financement qui reste stable :
75,5 % pour la sécurité sociale,
7,1 % pour les mutuelles
4,7 % pour les assurances
11,3 % pour les ménages
1,1 % pour l'Etat.
*
* *
II - Quelles perspectives pour l'avenir de notre système de santé :
D'abord, et je crois essentiel de le souligner, il nous faut encore améliorer nos connaissances :
Mieux comprendre les évolutions des consommations, en particulier, les effets dus au vieillissement, ceux du progrès technique et, enfin, ceux de la conjoncture sur les principaux postes de dépenses.
Mieux connaître les liens entre dépenses et origine des soins.
Mieux connaître les besoins de santé de nos concitoyens mais aussi en mettant en place de nouveaux programmes, en particulier sur l'état de santé des jeunes scolaires et des populations les plus défavorisées.
Enfin, il nous faut progresser dans la connaissance des mécanismes susceptibles d'améliorer l'efficacité médicale, sociale et économique de notre système de santé.
Ces travaux de recherche, d'étude de statistiques sont indispensables pour moderniser notre système de santé.
Au cours de la deuxième partie de la réunion, la DRESS vous présentera deux études qui, à mon sens, illustrent parfaitement mon propos.
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* *
III- J'aimerai insister plus particulièrement sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie.
Comme nous l'avons annoncé la semaine dernière, Martine AUBRY et moi-même, pour l'an 2000, le Gouvernement proposera au Parlement un taux de croissance de l'ONDAM de 2,5 % sur la base des réalisations prévues fin 1999 et non de l'objectif fixé pour cette année.
En 1999, le dépassement de l'ONDAM est de 4,2 milliards de francs, plus limité que le dépassement de 1998 (8,4 milliards de francs).
Dans certains domaines, la croissance des dépenses est excessive :
III-1. Le médico-social :
Pour ce qui concerne le médico-social, nous connaissons l'ampleur des besoins auxquels nous devons faire face tant en ce qui concerne les personnes âgées que les handicapés.
Il est vrai qu'en l'absence de mécanismes d'encadrement similaires à ceux de l'hôpital, le respect des budgets est moins strict.
Toutefois, à la fin 2000, les dispositions législatives adoptées permettront à l'assurance maladie, à l'Etat et aux départements d'opposer aux établissements, les crédits inscrits initialement dans leur budget. Si donc ce secteur est appelé à connaître encore une forte croissance, celle-ci devrait désormais être conforme aux décisions prises après le vote de l'ONDAM.
Cette rigueur nouvelle dans la gestion des structures existantes permettra de développer les capacités d'accueil.
Nous mettons en uvre un plan pluriannuel (1999-2003), avec la création de places de Maisons d'Accueil Spécialisées (MAS) et de foyers à double tarification (FDT). 1 100 places sont prévues pour 2000.
Une enveloppe particulière sera consacrée aux personnes autistes et aux traumatisés crâniens. L'effort engagé en 1998 pour doter chaque département d'un centre d'action médico-sociale sera poursuivi.
Enfin, nous poursuivrons le développement des services de soins spécialisés à domicile (SESSAD) pour donner toutes ses chances à une pleine intégration, notamment scolaire, des jeunes handicapés.
En ce qui concerne la dépendance, nous poursuivrons la création de places de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et améliorerons la coordination des aides autour de la personne.
La réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées dépendantes rendra plus transparente et équitable l'allocation des moyens de l'assurance maladie sur le territoire et entre les différentes catégories d'établissements.
III-2. Le médicament :
La progression constatée n'est pas propre à la France. Elle y semble même plus modérée que dans bien d'autres pays.
La France se caractérise également par une situation bien particulière : un très haut niveau de consommation, des surconsommations avérées dans certaines classes thérapeutiques, un faible développement des génériques.
Nous avons mis en place les politiques structurelles nécessaires pour corriger cette situation.
Le développement des génériques peut maintenant s'appuyer sur le droit de substitution ouvert par la loi aux pharmaciens.
La profession a accepté de s'engager activement dans cette démarche et Martine AUBRY et moi-même l'en remercions.
Nous nous sommes fixés comme objectif un taux de substitution de 35 % à la mi 2000.
Nous entendons adapter les niveaux de remboursement et les prix en fonction du service médical rendu. Ce service médical rendu sera apprécié par les experts de la Commission de Transparence.
Ils ne les rendront qu'à l'issue d'une procédure contradictoire avec les laboratoires concernés. La première phase de cette procédure concerne quatre classes thérapeutiques, et plus de 1 000 spécialités. Leurs premières conclusions sont attendues pour octobre.
Dès à présent, le Comité du Médicament a négocié des baisses de prix pour réduire progressivement les écarts injustifiés entre certains médicaments équivalents.
Nous répondons ainsi à une préoccupation du plan stratégique de la CNAMTS mais sans réduire le niveau de remboursement pour les patients.
Enfin, nous avons jeté les bases d'une politique conventionnelle active à travers l'accord cadre signé avec la S.N.I.P..
III-3. Les biens médicaux
Pour les bien médicaux (prothèses, accessoires, pansements), nous connaissons également une croissance très forte. La réduction des durées de séjour, le développement de l'hospitalisation à domicile expliquent cette forte croissance. Il nous faut bien évidemment faire face à ces besoins, mais il nous faut également évaluer la pertinence de ces dépenses.
Aussi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte une disposition visant à mieux réguler ce secteur.
Sur le mode du dispositif mis en uvre pour le médicament, nous rénoverons les conditions d'inscription au remboursement pour mieux apprécier l'utilité médicale de ces matériels. Nous confierons au Comité Economique du Médicament qui deviendra le Comité Economique des Produits de Santé le soin de conduire une politique conventionnelle avec les industriels concernés.
III-4. Les secteurs qui respectent les objectifs
III-4.1 L'hospitalisation publique :
Tout d'abord, l'hôpital. Il tient ses budgets.
En respectant ses budgets, l'hôpital évolue, s'adapte, améliore la qualité de ses prestations.
En matière de qualité, la démarche d'accréditation est aujourd'hui engagée. Elle débute dans 21 établissements. Cette démarche est essentielle pour vérifier les performances sanitaires des établissements. Elle est, par ailleurs, un facteur de progrès. Cette démarche doit être transparente.
Les résultats de l'accréditation seront publics. Il n'est pas normal que les informations sur la qualité des hôpitaux soient réservées à certains privilégiés.
III-4.2 L' hospitalisation privée :
Le Gouvernement entend, dans ce domaine, réformer dès 2000, les procédures d'allocation des ressources. Le système de tarification des cliniques est, nous le savons, obsolète. Des tarifs différents s'appliquent à des prestations équivalentes sans autre raison que le poids du passé.
Les fédérations de cliniques ont souhaité que nous avancions vers la tarification à la pathologie. Une telle réforme n'est pas immédiatement possible. De nombreux préalables techniques doivent être levés. Il nous faut toutefois, sans attendre, mieux prendre en compte l'activité médicale réelle des cliniques pour faire évoluer leurs tarifs.
Le projet de loi de financement prévoit une définition nationale de l'évolution moyenne des tarifs en concertation avec les fédérations de cliniques.
Cette évaluation moyenne sera différenciée entre régions afin de réduire progressivement les disparités entre les budgets constatés et ceux qui résulteraient de la prise en compte de l'activité médicale mesurée à travers les points ISA.
Au sein de chaque région, les A.R.H. procéderont en concertation avec les cliniques, à une différenciation des évolutions entre établissements avec le même objectif.
Nous préparons ainsi concrètement la transition vers la tarification à la pathologie, en prenant mieux en compte l'activité médicale des régions et des établissements.
J'ajoute que les cliniques sont appelées comme les hôpitaux à participer à la recomposition du tissu hospitalier. Aussi, le projet de loi de financement prévoit la création d'un fond d'aide à la modernisation. Il sera mobilisé par les A.R.H., dans le cadre des contrats d'objectifs passés avec les cliniques.
III-4.3 Les honoraires des professionnels de santé
Les honoraires de l'ensemble des professionnels exerçant en ville, médecins, dentistes, paramédicaux, biologistes, connaissent une évolution globalement compatible avec les objectifs.
Les honoraires médicaux et dentaires ont une croissance mesurée, même si ceux des paramédicaux progressent plus rapidement. Il est clair toutefois que cette tendance n'est pas spontanée et qu'elle doit pour beaucoup aux mesures prises, en accord avec les professions concernées pour ce qui concerne les radiologues, les cardiologues ou les biologistes.
Nous entendons toutefois, dans le projet de loi de financement, modifier le cadre des relations avec les professionnels de ville.
Le projet de loi sur le financement de la Sécurité Sociale abroge la clause de reversement héritée du précédent Gouvernement. Pour autant, nous entendons associer étroitement les professionnels à la maîtrise des prescriptions.
Rien n'est possible sans une modification de leur comportement. Nous savons également que beaucoup est possible s'ils acceptent de s'engager dans une démarche de bon usage des soins.
Le projet de loi de financement privilégiée, en ce domaine, les mécanismes incitatifs.
Nous ouvrirons la possibilité, aux partenaires conventionnels, de prévoir une valorisation des médecins qui acceptent de prendre des engagements de bonne pratique.
Nous ouvrions également la possibilité aux partenaires conventionnels de négocier au plan national ou régional des programmes de bon usage des soins pouvant déboucher sur un intéressement des praticiens.
Le projet de loi de financement prévoit qu'une enveloppe englobant l'ensemble des rémunérations des professionnels de ville sera déléguée aux Caisses. Elles pourrons assurer tout leur rôle dans la régulation de l'évolution des honoraires.
A charge pour elles de la gérer en relation avec les professionnels de santé.
Dans ce contexte, les prérogatives des Caisses seront accrues mais elles devront établir à intervalles réguliers que le résultat de leurs négociations ou leurs décisions sont compatibles avec les objectifs de dépenses.
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IV - Une politique de santé au service de l'homme :
Notre politique de santé s'inscrit dans un souci de progresser dans la voie de l'intégration sociale par la poursuite de quatre objectifs fondamentaux et permanents :
assurer une égalité d'accès au système de santé de tous les citoyens,
réduire les inégalités devant la maladie ou la prise en charge,
garantir la qualité des services proposés, rôle fondamental de l'Etat,
et enfin assurer le respect de l'homme au sein du système de santé.
IV-1. Réduire les inégalités de santé et permettre à tous d'accéder aux soins.
La démarche est difficile, mais c'est une priorité pour le gouvernement, tant certaines disparités entre régions ou entre catégories socio-professionnelles sont encore importantes et choquantes à bien des égards.
Pour réduire les inégalités, il nous faut mieux connaître, mieux observer l'état de santé des régions et également, mieux répartir les moyens.
La création de l'Institut de Veille Sanitaire, de la Direction de la Recherche des Etudes de l'Evaluation et des Statistiques, la coordination de ces organismes avec les Observatoires Régionaux de la Santé et les organismes de recherche représentent des avancées importantes dans le domaine de la connaissance.
La réduction des inégalités passe également par la meilleure répartition des moyens. Aucun indicateur pris isolément ne peut prétendre refléter une disparité dans l'accès à une offre de soins.
Néanmoins, nous avançons et d'ores et déjà les dotations hospitalières régionales sont différenciées à partir d'indicateurs sanitaires parmi lesquels l'indice comparatif de mortalité différentielle entre régions est intégré. Une meilleure connaissance des besoins, j'en suis persuadée, permettra de progresser encore.
V-2. Renforcer les actions de prévention et de promotion de la Santé.
Je voudrais néanmoins insister sur l'importance dans ces disparités régionales et socio-professionnelles des facteurs de risque en rapport avec les conduites individuelles.
La consommation excessive d'alcool, de tabac, les accidents, les suicides, autant de facteurs qui expliquent une large part de cette surmortalité.
D'importants programmes ont été initiés cette année, en particulier :
V-2.1 pour prévenir les pratiques addictives,
V-2.2 pour promouvoir une politique volontariste d'éducation thérapeutique des personnes atteintes de maladie chronique,
V-2.3 pour diminuer le nombre de grossesses non désirées, renforcer la politique de contraception et garantir l'accès à l'interruption volontaire de grossesse sur l'ensemble du territoire,
V-2.4 pour diminuer les morts dues au suicide,
V-2.5 enfin, j'aimerais insister sur un thème qui me semble encore insuffisamment pris en compte dans notre pays : la politique de nutrition. Pendant la Présidence Française, je souhaite que les problèmes de nutrition soient l'un des thèmes prioritaires de travail des Ministres de la Santé des pays de l'Union Européenne.
V-3. Il nous faut également renforcer la lutte contre les grandes causes de mortalité dans notre pays.
J'insisterai en particulier sur la lutte contre le cancer avec la mise en place cette année de l'organisation permettant dans les mois qui viennent la mise en place de programmes organisés, au niveau national, de dépistage des cancers du sein et du col de l'utérus et la poursuite d'une politique active de lutte contre les maladies transmissibles, avec l'initiation en janvier dernier d'un ambitieux programme national de dépistage et de traitement de l'hépatite C.
V-4. La sécurité sanitaire a été et demeure la priorité du gouvernement depuis son arrivée.
Nous devons poursuivre et compléter la mise en place de ce dispositif, instauré par la loi du 1er juillet 1998.
Désormais l'Institut de Veille Sanitaire, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, et l'Agence française de Sécurité Sanitaire des Aliments sont opérationnels. Nous leur avons consacré dès cette année des moyens importants.
La réorganisation de la transfusion sanguine est en cours : l'Agence Française du Sang fera place au 1er janvier 2000 au nouvel Etablissement Français du Sang, chargé de la collecte, de la production et de la distribution des produits sanguins labiles sur l'ensemble du territoire.
Enfin, la création d'une Agence sur la Santé Environnementale doit permettre de mieux expertiser et évaluer l'impact potentiel sur la santé des perturbations de l'environnement.
Ce dispositif représente une première étape. Nous devons également organiser le système de telle sorte que les usagers, les consommateurs, deviennent des acteurs à part entière du dispositif. Il nous faut maintenant mieux définir les modalités de leur participation.
A cet égard les Etats généraux de la santé ont permis, par la concertation qui a été mise en uvre, d'identifier les attentes des français vis-à-vis du système de santé.
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VI - La loi de modernisation du système de santé
Les comptes de la santé, le débat sur l'évolution des dépenses sont frustrants. Notre système de santé ne peut être abordé qu'à travers ce prisme réducteur des comptes.
Nous avons pourtant grandement besoin pour faire évoluer notre système de santé.
Aussi, le Gouvernement entend soumettre au Parlement, lors du printemps 2000, un texte relatif à la modernisation de notre système de santé.
Il permettra de traduire les enseignements que nous avons tirés des Etats Généraux de la Santé et, notamment, les engagements qu'a pris le Premier Ministre lors de leur conclusion.
Ainsi, il comportera des dispositions relatives aux droits des malades, notamment en ce qui concerne l'accès au dossier médical.
Il permettra de mettre en uvre la réforme des études médicales initiales annoncée par le Premier Ministre et comportera les dispositions nécessaires au développement de la formation médicale continue.
Au-delà de ces dispositions et sans prétendre à l'exhaustivité, ce texte devrait nous permettre de progresser sur certains thèmes majeurs. Je voudrais en citer quatre :
Mieux coordonner les politiques de santé et les lois de financement de la sécurité sociale. Le vote annuel d'un objectif des dépenses d'assurance maladie est un progrès mais un progrès insuffisant. Il nous faut nous donner les moyens d'avoir pour soutenir ce vote une réflexion plus approfondie et à plus long terme sur les évolutions de notre système de santé ;
Améliorer et garantir la qualité des soins. Il nous faut, par exemple, soutenir le développement des réseaux, les dispositions législatives actuelles ne sont, à l'expérience, pas parfaitement adaptées.
Instaurer une véritable démocratie sanitaire. Cela passe par l'affirmation du droit des malades, la reconnaissance des droits et obligation des acteurs de santé. Cela suppose également d'engager une réflexion sur la régionalisation de notre système de santé, sur le rôle des structures régionales (URML, URCAM, ARH) et d'accroître, là où c'est possible et pertinent, la représentation des usagers et des élus locaux.
Moderniser l'assurance maladie. La CNAMTS a entrepris d'élaborer un projet de branche. La cohérence des interventions des Caisses, le dynamisme de la gestion du risque. Le cadre des relations entre les Caisses et les professions de santé doivent être réexaminé.
Sur ces thèmes essentiels, ce texte sera porteur de progrès. Je souhaite également qu'il permette de prendre en compte, dans toute la mesure du possible, les propositions de l'ensemble des acteurs du système de santé. Nous seront à leur disposition, Martine AUBRY et moi-même pour le construire dans le plus étroit partenariat.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 03 décembre 1999).
Nous somme réunis aujourd'hui pour analyser les comptes de la santé pour l'année 1998.
Pour la première fois, ils sont présentés dans le cadre de la nouvelle base de la comptabilité nationale.
Il s'agit d'un progrès important, indispensable pour mieux comprendre les évolutions de la dépense de santé dans le court terme, mais qui explique le retard constaté à la présentation de ces comptes.
I - Quels sont les principaux résultats de l'année 1998 ?
I-1. La croissance de soins et de biens médicaux est de 4,1 %, identique à celle du PIB.
Cette consommation est plus importante que celle de 1996 (2,1 %) et de 1997
(1,8 %)
Comme vous le savez, les principaux secteurs qui ont contribué à cette croissante sont :
le médicament (+ 6,4 %),
la consommation de soins ambulatoire (+ 4,7 %),
et dans une moindre mesure, car moins important en valeur absolue,
le transport des malades (+ 7 %).
I-2. La consommation de soins hospitaliers à 2,4 % semble maintenant maîtrisée.
Je voudrais d'ailleurs souligner qu'une partie importante de cette consommation hospitalière est liée à celle des sections médicalisées avec, en particulier, une évolution qui reflète les exigences croissantes en matière d'hébergement des personnes âgées.
I-3. La dépense nationale de santé, indicateur utilisé pour les comparaisons internationales montre que la France se situe au quatrième rang de l'OCDE en matière de dépenses, derrière les Etats Unis, l'Allemagne et la Suisse.
Je voudrais souligner que cette progression, bien qu'importante, est plus limitée que celle de la plupart de ses partenaires.
I-4. Enfin, une structure de financement qui reste stable :
75,5 % pour la sécurité sociale,
7,1 % pour les mutuelles
4,7 % pour les assurances
11,3 % pour les ménages
1,1 % pour l'Etat.
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II - Quelles perspectives pour l'avenir de notre système de santé :
D'abord, et je crois essentiel de le souligner, il nous faut encore améliorer nos connaissances :
Mieux comprendre les évolutions des consommations, en particulier, les effets dus au vieillissement, ceux du progrès technique et, enfin, ceux de la conjoncture sur les principaux postes de dépenses.
Mieux connaître les liens entre dépenses et origine des soins.
Mieux connaître les besoins de santé de nos concitoyens mais aussi en mettant en place de nouveaux programmes, en particulier sur l'état de santé des jeunes scolaires et des populations les plus défavorisées.
Enfin, il nous faut progresser dans la connaissance des mécanismes susceptibles d'améliorer l'efficacité médicale, sociale et économique de notre système de santé.
Ces travaux de recherche, d'étude de statistiques sont indispensables pour moderniser notre système de santé.
Au cours de la deuxième partie de la réunion, la DRESS vous présentera deux études qui, à mon sens, illustrent parfaitement mon propos.
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III- J'aimerai insister plus particulièrement sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie.
Comme nous l'avons annoncé la semaine dernière, Martine AUBRY et moi-même, pour l'an 2000, le Gouvernement proposera au Parlement un taux de croissance de l'ONDAM de 2,5 % sur la base des réalisations prévues fin 1999 et non de l'objectif fixé pour cette année.
En 1999, le dépassement de l'ONDAM est de 4,2 milliards de francs, plus limité que le dépassement de 1998 (8,4 milliards de francs).
Dans certains domaines, la croissance des dépenses est excessive :
III-1. Le médico-social :
Pour ce qui concerne le médico-social, nous connaissons l'ampleur des besoins auxquels nous devons faire face tant en ce qui concerne les personnes âgées que les handicapés.
Il est vrai qu'en l'absence de mécanismes d'encadrement similaires à ceux de l'hôpital, le respect des budgets est moins strict.
Toutefois, à la fin 2000, les dispositions législatives adoptées permettront à l'assurance maladie, à l'Etat et aux départements d'opposer aux établissements, les crédits inscrits initialement dans leur budget. Si donc ce secteur est appelé à connaître encore une forte croissance, celle-ci devrait désormais être conforme aux décisions prises après le vote de l'ONDAM.
Cette rigueur nouvelle dans la gestion des structures existantes permettra de développer les capacités d'accueil.
Nous mettons en uvre un plan pluriannuel (1999-2003), avec la création de places de Maisons d'Accueil Spécialisées (MAS) et de foyers à double tarification (FDT). 1 100 places sont prévues pour 2000.
Une enveloppe particulière sera consacrée aux personnes autistes et aux traumatisés crâniens. L'effort engagé en 1998 pour doter chaque département d'un centre d'action médico-sociale sera poursuivi.
Enfin, nous poursuivrons le développement des services de soins spécialisés à domicile (SESSAD) pour donner toutes ses chances à une pleine intégration, notamment scolaire, des jeunes handicapés.
En ce qui concerne la dépendance, nous poursuivrons la création de places de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et améliorerons la coordination des aides autour de la personne.
La réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées dépendantes rendra plus transparente et équitable l'allocation des moyens de l'assurance maladie sur le territoire et entre les différentes catégories d'établissements.
III-2. Le médicament :
La progression constatée n'est pas propre à la France. Elle y semble même plus modérée que dans bien d'autres pays.
La France se caractérise également par une situation bien particulière : un très haut niveau de consommation, des surconsommations avérées dans certaines classes thérapeutiques, un faible développement des génériques.
Nous avons mis en place les politiques structurelles nécessaires pour corriger cette situation.
Le développement des génériques peut maintenant s'appuyer sur le droit de substitution ouvert par la loi aux pharmaciens.
La profession a accepté de s'engager activement dans cette démarche et Martine AUBRY et moi-même l'en remercions.
Nous nous sommes fixés comme objectif un taux de substitution de 35 % à la mi 2000.
Nous entendons adapter les niveaux de remboursement et les prix en fonction du service médical rendu. Ce service médical rendu sera apprécié par les experts de la Commission de Transparence.
Ils ne les rendront qu'à l'issue d'une procédure contradictoire avec les laboratoires concernés. La première phase de cette procédure concerne quatre classes thérapeutiques, et plus de 1 000 spécialités. Leurs premières conclusions sont attendues pour octobre.
Dès à présent, le Comité du Médicament a négocié des baisses de prix pour réduire progressivement les écarts injustifiés entre certains médicaments équivalents.
Nous répondons ainsi à une préoccupation du plan stratégique de la CNAMTS mais sans réduire le niveau de remboursement pour les patients.
Enfin, nous avons jeté les bases d'une politique conventionnelle active à travers l'accord cadre signé avec la S.N.I.P..
III-3. Les biens médicaux
Pour les bien médicaux (prothèses, accessoires, pansements), nous connaissons également une croissance très forte. La réduction des durées de séjour, le développement de l'hospitalisation à domicile expliquent cette forte croissance. Il nous faut bien évidemment faire face à ces besoins, mais il nous faut également évaluer la pertinence de ces dépenses.
Aussi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte une disposition visant à mieux réguler ce secteur.
Sur le mode du dispositif mis en uvre pour le médicament, nous rénoverons les conditions d'inscription au remboursement pour mieux apprécier l'utilité médicale de ces matériels. Nous confierons au Comité Economique du Médicament qui deviendra le Comité Economique des Produits de Santé le soin de conduire une politique conventionnelle avec les industriels concernés.
III-4. Les secteurs qui respectent les objectifs
III-4.1 L'hospitalisation publique :
Tout d'abord, l'hôpital. Il tient ses budgets.
En respectant ses budgets, l'hôpital évolue, s'adapte, améliore la qualité de ses prestations.
En matière de qualité, la démarche d'accréditation est aujourd'hui engagée. Elle débute dans 21 établissements. Cette démarche est essentielle pour vérifier les performances sanitaires des établissements. Elle est, par ailleurs, un facteur de progrès. Cette démarche doit être transparente.
Les résultats de l'accréditation seront publics. Il n'est pas normal que les informations sur la qualité des hôpitaux soient réservées à certains privilégiés.
III-4.2 L' hospitalisation privée :
Le Gouvernement entend, dans ce domaine, réformer dès 2000, les procédures d'allocation des ressources. Le système de tarification des cliniques est, nous le savons, obsolète. Des tarifs différents s'appliquent à des prestations équivalentes sans autre raison que le poids du passé.
Les fédérations de cliniques ont souhaité que nous avancions vers la tarification à la pathologie. Une telle réforme n'est pas immédiatement possible. De nombreux préalables techniques doivent être levés. Il nous faut toutefois, sans attendre, mieux prendre en compte l'activité médicale réelle des cliniques pour faire évoluer leurs tarifs.
Le projet de loi de financement prévoit une définition nationale de l'évolution moyenne des tarifs en concertation avec les fédérations de cliniques.
Cette évaluation moyenne sera différenciée entre régions afin de réduire progressivement les disparités entre les budgets constatés et ceux qui résulteraient de la prise en compte de l'activité médicale mesurée à travers les points ISA.
Au sein de chaque région, les A.R.H. procéderont en concertation avec les cliniques, à une différenciation des évolutions entre établissements avec le même objectif.
Nous préparons ainsi concrètement la transition vers la tarification à la pathologie, en prenant mieux en compte l'activité médicale des régions et des établissements.
J'ajoute que les cliniques sont appelées comme les hôpitaux à participer à la recomposition du tissu hospitalier. Aussi, le projet de loi de financement prévoit la création d'un fond d'aide à la modernisation. Il sera mobilisé par les A.R.H., dans le cadre des contrats d'objectifs passés avec les cliniques.
III-4.3 Les honoraires des professionnels de santé
Les honoraires de l'ensemble des professionnels exerçant en ville, médecins, dentistes, paramédicaux, biologistes, connaissent une évolution globalement compatible avec les objectifs.
Les honoraires médicaux et dentaires ont une croissance mesurée, même si ceux des paramédicaux progressent plus rapidement. Il est clair toutefois que cette tendance n'est pas spontanée et qu'elle doit pour beaucoup aux mesures prises, en accord avec les professions concernées pour ce qui concerne les radiologues, les cardiologues ou les biologistes.
Nous entendons toutefois, dans le projet de loi de financement, modifier le cadre des relations avec les professionnels de ville.
Le projet de loi sur le financement de la Sécurité Sociale abroge la clause de reversement héritée du précédent Gouvernement. Pour autant, nous entendons associer étroitement les professionnels à la maîtrise des prescriptions.
Rien n'est possible sans une modification de leur comportement. Nous savons également que beaucoup est possible s'ils acceptent de s'engager dans une démarche de bon usage des soins.
Le projet de loi de financement privilégiée, en ce domaine, les mécanismes incitatifs.
Nous ouvrirons la possibilité, aux partenaires conventionnels, de prévoir une valorisation des médecins qui acceptent de prendre des engagements de bonne pratique.
Nous ouvrions également la possibilité aux partenaires conventionnels de négocier au plan national ou régional des programmes de bon usage des soins pouvant déboucher sur un intéressement des praticiens.
Le projet de loi de financement prévoit qu'une enveloppe englobant l'ensemble des rémunérations des professionnels de ville sera déléguée aux Caisses. Elles pourrons assurer tout leur rôle dans la régulation de l'évolution des honoraires.
A charge pour elles de la gérer en relation avec les professionnels de santé.
Dans ce contexte, les prérogatives des Caisses seront accrues mais elles devront établir à intervalles réguliers que le résultat de leurs négociations ou leurs décisions sont compatibles avec les objectifs de dépenses.
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IV - Une politique de santé au service de l'homme :
Notre politique de santé s'inscrit dans un souci de progresser dans la voie de l'intégration sociale par la poursuite de quatre objectifs fondamentaux et permanents :
assurer une égalité d'accès au système de santé de tous les citoyens,
réduire les inégalités devant la maladie ou la prise en charge,
garantir la qualité des services proposés, rôle fondamental de l'Etat,
et enfin assurer le respect de l'homme au sein du système de santé.
IV-1. Réduire les inégalités de santé et permettre à tous d'accéder aux soins.
La démarche est difficile, mais c'est une priorité pour le gouvernement, tant certaines disparités entre régions ou entre catégories socio-professionnelles sont encore importantes et choquantes à bien des égards.
Pour réduire les inégalités, il nous faut mieux connaître, mieux observer l'état de santé des régions et également, mieux répartir les moyens.
La création de l'Institut de Veille Sanitaire, de la Direction de la Recherche des Etudes de l'Evaluation et des Statistiques, la coordination de ces organismes avec les Observatoires Régionaux de la Santé et les organismes de recherche représentent des avancées importantes dans le domaine de la connaissance.
La réduction des inégalités passe également par la meilleure répartition des moyens. Aucun indicateur pris isolément ne peut prétendre refléter une disparité dans l'accès à une offre de soins.
Néanmoins, nous avançons et d'ores et déjà les dotations hospitalières régionales sont différenciées à partir d'indicateurs sanitaires parmi lesquels l'indice comparatif de mortalité différentielle entre régions est intégré. Une meilleure connaissance des besoins, j'en suis persuadée, permettra de progresser encore.
V-2. Renforcer les actions de prévention et de promotion de la Santé.
Je voudrais néanmoins insister sur l'importance dans ces disparités régionales et socio-professionnelles des facteurs de risque en rapport avec les conduites individuelles.
La consommation excessive d'alcool, de tabac, les accidents, les suicides, autant de facteurs qui expliquent une large part de cette surmortalité.
D'importants programmes ont été initiés cette année, en particulier :
V-2.1 pour prévenir les pratiques addictives,
V-2.2 pour promouvoir une politique volontariste d'éducation thérapeutique des personnes atteintes de maladie chronique,
V-2.3 pour diminuer le nombre de grossesses non désirées, renforcer la politique de contraception et garantir l'accès à l'interruption volontaire de grossesse sur l'ensemble du territoire,
V-2.4 pour diminuer les morts dues au suicide,
V-2.5 enfin, j'aimerais insister sur un thème qui me semble encore insuffisamment pris en compte dans notre pays : la politique de nutrition. Pendant la Présidence Française, je souhaite que les problèmes de nutrition soient l'un des thèmes prioritaires de travail des Ministres de la Santé des pays de l'Union Européenne.
V-3. Il nous faut également renforcer la lutte contre les grandes causes de mortalité dans notre pays.
J'insisterai en particulier sur la lutte contre le cancer avec la mise en place cette année de l'organisation permettant dans les mois qui viennent la mise en place de programmes organisés, au niveau national, de dépistage des cancers du sein et du col de l'utérus et la poursuite d'une politique active de lutte contre les maladies transmissibles, avec l'initiation en janvier dernier d'un ambitieux programme national de dépistage et de traitement de l'hépatite C.
V-4. La sécurité sanitaire a été et demeure la priorité du gouvernement depuis son arrivée.
Nous devons poursuivre et compléter la mise en place de ce dispositif, instauré par la loi du 1er juillet 1998.
Désormais l'Institut de Veille Sanitaire, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, et l'Agence française de Sécurité Sanitaire des Aliments sont opérationnels. Nous leur avons consacré dès cette année des moyens importants.
La réorganisation de la transfusion sanguine est en cours : l'Agence Française du Sang fera place au 1er janvier 2000 au nouvel Etablissement Français du Sang, chargé de la collecte, de la production et de la distribution des produits sanguins labiles sur l'ensemble du territoire.
Enfin, la création d'une Agence sur la Santé Environnementale doit permettre de mieux expertiser et évaluer l'impact potentiel sur la santé des perturbations de l'environnement.
Ce dispositif représente une première étape. Nous devons également organiser le système de telle sorte que les usagers, les consommateurs, deviennent des acteurs à part entière du dispositif. Il nous faut maintenant mieux définir les modalités de leur participation.
A cet égard les Etats généraux de la santé ont permis, par la concertation qui a été mise en uvre, d'identifier les attentes des français vis-à-vis du système de santé.
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VI - La loi de modernisation du système de santé
Les comptes de la santé, le débat sur l'évolution des dépenses sont frustrants. Notre système de santé ne peut être abordé qu'à travers ce prisme réducteur des comptes.
Nous avons pourtant grandement besoin pour faire évoluer notre système de santé.
Aussi, le Gouvernement entend soumettre au Parlement, lors du printemps 2000, un texte relatif à la modernisation de notre système de santé.
Il permettra de traduire les enseignements que nous avons tirés des Etats Généraux de la Santé et, notamment, les engagements qu'a pris le Premier Ministre lors de leur conclusion.
Ainsi, il comportera des dispositions relatives aux droits des malades, notamment en ce qui concerne l'accès au dossier médical.
Il permettra de mettre en uvre la réforme des études médicales initiales annoncée par le Premier Ministre et comportera les dispositions nécessaires au développement de la formation médicale continue.
Au-delà de ces dispositions et sans prétendre à l'exhaustivité, ce texte devrait nous permettre de progresser sur certains thèmes majeurs. Je voudrais en citer quatre :
Mieux coordonner les politiques de santé et les lois de financement de la sécurité sociale. Le vote annuel d'un objectif des dépenses d'assurance maladie est un progrès mais un progrès insuffisant. Il nous faut nous donner les moyens d'avoir pour soutenir ce vote une réflexion plus approfondie et à plus long terme sur les évolutions de notre système de santé ;
Améliorer et garantir la qualité des soins. Il nous faut, par exemple, soutenir le développement des réseaux, les dispositions législatives actuelles ne sont, à l'expérience, pas parfaitement adaptées.
Instaurer une véritable démocratie sanitaire. Cela passe par l'affirmation du droit des malades, la reconnaissance des droits et obligation des acteurs de santé. Cela suppose également d'engager une réflexion sur la régionalisation de notre système de santé, sur le rôle des structures régionales (URML, URCAM, ARH) et d'accroître, là où c'est possible et pertinent, la représentation des usagers et des élus locaux.
Moderniser l'assurance maladie. La CNAMTS a entrepris d'élaborer un projet de branche. La cohérence des interventions des Caisses, le dynamisme de la gestion du risque. Le cadre des relations entre les Caisses et les professions de santé doivent être réexaminé.
Sur ces thèmes essentiels, ce texte sera porteur de progrès. Je souhaite également qu'il permette de prendre en compte, dans toute la mesure du possible, les propositions de l'ensemble des acteurs du système de santé. Nous seront à leur disposition, Martine AUBRY et moi-même pour le construire dans le plus étroit partenariat.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 03 décembre 1999).