Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs les sénateurs,
L'ambition, la philosophie globale du texte, sa dynamique d'ensemble, sa cohérence vous ont été présentées par Jean-Claude Gayssot. Les enjeux auxquels il répond en matière de mixité et de politique de la ville ont été développés par Claude Bartolone. Je souhaite simplement pour ce qui me concerne, mettre en perspective les apports du projet de loi pour l'habitat, pour sa qualité, j'allais même dire pour sa dignité.
Donner à chacun la liberté de choix de son logement, c'est tout le sens de l'action en profondeur que nous menons, avec Jean-Claude Gayssot depuis juin 1997. Et les mécanismes de marché ne peuvent à eux seuls assurer cette liberté de choix. Les difficultés de logement de trop nombreuses familles sont là pour en témoigner.
Pour permettre aux familles modestes de se loger dans de bonnes conditions, pour que d'autres puissent concrétiser leur projet d'accession à la propriété, pour que l'investissement locatif privé soit attractif, il faut une action publique cohérente et déterminée.
Constatons que tout au long des décennies passées, les de la production de logements ont été aidés à un titre ou à un autre, qu'il s'agisse de l'accession sociale, de l'investissement locatif privé ou de la production locative sociale, la production HLM. Constatons aussi le rôle indispensable des aides au logement, attribuées chaque mois à 6 millions de familles, aides dont nous avons actualisé régulièrement les barèmes et revalorisé le pouvoir d'achat à hauteur de plus de 5 milliards de francs.
Mais construire, réhabiliter, ce n'est pas seulement - même si c'est déjà beaucoup - répondre à des aspirations individuelles ou familiales fortes et à des besoins sociaux fondamentaux. C'est aussi construire, aménager, améliorer la ville.
La matière première majeure de la ville, c'est le logement. La qualité du cadre de vie urbain, le dynamisme démographique de nos villes, la diversité sociale leur permettant de refléter la réalité du pays - et donc de ne pas être des villes artificielles, mais des villes mélangées et généreuses - tout cela dépend de l'habitat.
C'est pourquoi, la liberté de choisir son logement, devrait être aussi celle de choisir son quartier, sa commune. Or, en ce domaine, pour encore trop de nos concitoyens, les inégalités de choix restent de mise, inégalités creusées, amplifiées par la ségrégation urbaine. Derrière le rejet du logement social, il y a tout ce qu'ont indiqué Jean-Claude Gayssot et Claude Bartolone, mais aussi le déni de cette liberté de choix dont souffrent nombre de familles modestes.
Ces principes fondamentaux de liberté de choix, de diversité de l'offre, d'aide renforcée aux familles en difficultés, sont rappelés, explicités dans l'article de principe du projet de loi consacré aux objectifs et aux outils de la politique du logement. Il s'agit, à travers cet article, de dépasser la logique de la loi de 1977, de prendre acte de ce que pour atteindre les objectifs de droit au logement et de diversité de l'habitat, il faut agir à la fois sur le financement de l'offre et sur la solvabilisation de la demande. Aide à la pierre et aide à la personne : Les deux termes ne sont pas à opposer, mais au contraire à additionner.
Faire en sorte que le parc public comme le parc privé, l'accession comme le locatif, l'ancien comme le neuf, contribuent au droit au logement, à la diversité de l'habitat et à un renouveau urbain, c'est le sens des mesures prises depuis juin 1997. C'est aussi le sens des principales dispositions de ce projet de loi.
En matière de logement social, un défi majeur se présente à nous : faire coïncider son image avec sa réalité nouvelle - celle de programmes diversifiés, bien intégrés et de qualité - pour que sa vocation sociale, qui est sa raison d'être, soit reconnue dans sa dimension la plus noble et ne soit plus synonyme de ségrégation ou de relégation.
A cet effet, les réformes profondes que nous avons mises en uvre, portant à la fois sur le patrimoine existant et sur celui à construire, sont complémentaires Les plafonds de ressources ont été relevés pour permettre non plus seulement à la moitié de nos concitoyens, mais aux 2/3 d'entre eux, de pouvoir prétendre à ce type de logement.
D'une certaine façon, refuser de construire des logements sociaux dans sa commune, c'est donc considérer que les 2/3 de nos concitoyens ne sont pas dignes d'y habiter ; ce ratio montre combien certains discours procèdent davantage du fantasme que de la réalité.
Depuis 3 ans, notre action a porté résolument sur la nature de l'offre. Le logement social que l'on construit aujourd'hui, n'est plus celui d'hier.
Nous admettons que, dans le cadre du prêt locatif à usage social, 10 % des ménages bénéficient d'une dérogation au plafond de ressources ; le PLUS est ainsi ouvert à près des trois quarts de la population. Nous disposons donc désormais d'un outil pour mieux financer le logement social, pour garantir un niveau de loyer mieux solvabilisé par l'aide personnalisée au logement et pour pratiquer la mixité sociale jusqu'à l'échelle de l'immeuble.
Diversifier une offre trop homogène, c'est ce qui nous a conduits à mettre en place des conditions financières sans précédent pour l'acquisition et l'amélioration de logements et d'immeubles existants. Par ce recyclage dans le parc social de logements existants - au besoin réhabilités - on peut tout à la fois produire du logement social là où le foncier est rare, contribuer à la requalification de quartiers anciens et garantir une excellente insertion urbaine à ce parc HLM parfaitement banalisé.
Améliorer l'image et la réalité du logement social, c'est aussi prendre à bras-le-corps le problème de la transformation en profondeur de certains quartiers HLM hors échelle, quartiers hérités des années 60 et 70.
Mais pour cela, il faut pouvoir construire ou reconstruire autrement, quitte à démolir lorsque cela s'avère nécessaire. Les prêts construction démolition créés dès le 1er janvier 1998, ne peuvent qu'y aider. Et il faut relancer la production, y compris dans des quartiers - et bien sûr des communes - jusqu'à présent insuffisamment ouverts au logement social. Sinon, la situation sera bloquée et la ségrégation ne fera que s'amplifier.
Il me semble que notre démarche d'appel à la mobilisation pour la mixité est d'autant plus légitime que notre politique est globale.
Nous avons créé le statut du bailleur privé, de façon à encourager la constitution de nouvelles générations de bailleurs, nécessaire pour satisfaire la diversité des attentes de nos concitoyens. Nous avons aussi consolidé et sécurisé l'accession sociale à la propriété.
Rappelez-vous, l'accession sociale à la propriété pour le prêt à taux zéro, c'était, pendant deux ans, un prélèvement de 7 milliards par an sur la collecte du 1 % et personne ne savait ce qu'il adviendrait du financement au terme de cette période.
Jean-Claude Gayssot et moi-même, nous avons plaidé ce dossier auprès du Premier ministre et son arbitrage nous a été favorable, puisqu'il a pris la décision forte de réintégrer dans le budget de la nation le financement de l'accession sociale à la propriété.
Dans le même temps étaient arrêtés le plan de modernisation du 1 % et les bases d'une convention quinquennale, que nous avons signée avec l'union d'économie sociale du logement, représentative de l'ensemble des collecteurs. Dans le cadre de la modernisation de l'usage du 1 %, nous avons mis en place et financé le système de sécurisation des prêts d'accession sociale, les PAS, complétés ou non par les prêts à taux zéro.
Beaucoup de nos concitoyens, lorsqu'ils arrivent à l'âge adulte, sont aujourd'hui soumis à des aléas, dans leur vie personnelle ou dans leur vie professionnelle. Certains bailleurs ne souhaitent pas prendre de risques et font en sorte d'éviter les complications liées à l'accession des jeunes au logement. Nous avons aussi - et vous le savez - cherché à prendre en compte cette réalité.
Dans le cadre de la modernisation du 1 %, nous avons mis en place un système de garanties locatives, d'avance de la caution pour tous les jeunes de moins de trente ans non titulaires d'un contrat à durée indéterminée. Le statut du bailleur privé comporte d'ailleurs également un système de garanties, à côté d'un système de réservation pour les entreprises cotisant au 1 %. Nous sommes donc fondés, me semble-t-il, à demander à la représentation nationale de bien vouloir - honnêtement - resituer le renforcement de l'obligation de diversifier l'habitat dans cette politique globale. Nous sommes en effet dans un contexte de financement exceptionnel du logement social, des conditions de ressources ouvrant comme jamais son accès au plus grand nombre venant compléter ce qui a été fait pour l'accession à la propriété et pour le statut du bailleur privé.
Dans cet esprit, les dispositions du projet de loi consacrées aux organismes HLM visent à reconnaître et à renforcer le rôle de ces opérateurs urbains essentiels autour de trois points forts : affirmer leur mission d'intérêt général, leur permettre de mieux contribuer à la diversité de l'habitat et conforter les solidarités entre organismes pour que tous puissent assurer mieux leurs missions.
Consacrer la mission d'intérêt général des organismes et garantir la pérennité de la vocation sociale de leur patrimoine par-delà la fin du conventionnement et par-delà d'éventuelles cessions de patrimoine, c'est préserver le rôle déterminant en matière de droit au logement de ce parc qui a été construit avec l'aide de l'Etat. Et ce rôle, d'accès au droit, le plus élevé qui soit pour une mission sociale, est indispensable - en matière de logement - pour nombre de nos concitoyens.
Renforcer la faculté des organismes HLM à uvrer en faveur de la diversité de l'habitat et du renouvellement urbain, c'est leur permettre de remplir pleinement cette mission d'opérateur urbain et social qui est la leur. En élargissant leurs interventions en matière d'accession sociale à côté de leur mission de service public, du logement locatif social, l'objectif est non pas de faire concurrence aux opérateurs privés sur leurs champs d'intervention traditionnels, mais de diversifier l'offre de logements là où cela est nécessaire, et notamment pour prévenir les risques de ségrégation et pour assurer le renouvellement urbain.
Sans renier en rien leur mission de base, il faut permettre aux organismes HLM de s'organiser différemment, de dégager de nouvelles capacités d'intervention et d'action. C'est le sens de la réforme qui vous est proposée pour la Caisse de garantie du logement social - CGLS - réforme qui introduit davantage de solidarité financière vis-à-vis des organismes qui ont l'occupation sociale la plus marquée. C'est le sens aussi des mesures qui inciteront à une meilleure territorialisation de leur organisation.
Mais la mission des organismes HLM, ce n'est pas seulement investir pour construire ou réhabiliter, c'est aussi gérer au quotidien, dans la proximité et avec des relations personnalisées. Et de cette gestion-là dépend beaucoup la qualité de vie dans un quartier. C'est pourquoi nous souhaitons développer la concertation entre organismes HLM et locataires, de la façon la plus décentralisée, la plus proche possible des problèmes et de leurs solutions. C'est le sens des plans de concertation locative prévus par le projet de loi. C'est le sens aussi du renforcement que nous proposons pour le rôle des commissions départementales de conciliation. A tous les partenaires acteurs de terrain, collectivités publiques, Etat, de faire demain de ces commissions des " prud'hommes " de l'habitat
Le renouvellement urbain, la mixité de l'habitat ne sont pas, bien sûr, l'exclusivité du parc HLM. Ils passent aussi par une politique active en faveur du parc privé, par une action de reconquête de tissus urbains anciens qui s'étiolent, se dégradent et se paupérisent, alors qu'ils représentent un formidable potentiel urbain. Là encore, les préoccupations urbaines et sociales, se rejoignent. Requalifier ce parc , c'est d'abord donner des conditions de logement décentes à des familles qui subissent parfois une situation d'un autre âge, proche du 19ème siècle. Requalifier ce parc, c'est redonner aussi de la qualité urbaine, de l'attractivité, et donc de la diversité, à des quartiers qui n'en jamais eu comme certains que nous avons encore, hélas, parfois l'occasion de découvrir.
Depuis près de 3 ans, nous avons amélioré très sensiblement les aides financières à la réhabilitation du parc privé : augmentation des crédits de la PAH et de l'ANAH, TVA à 5,5 % pour les travaux des particuliers. Toutes ces mesures prennent en compte le parc privé et, à elles seules, elles empêchent toute caricature dans la présentation de la politique d'ensemble que nous conduisons effectivement. Je pourrais y ajouter les deux baisses successives des droits de mutation, la suppression du droit au bail en deux ans. Ces mesures fiscales, qui atteignent au total 30 milliards de francs, changent radicalement l'environnement financier et fiscal de l'activité immobilière.
Avec un environnement fiscal et financier considérablement amélioré au cours des deux dernières années, les dispositions prévues dans le projet de loi doivent nous permettre d'améliorer nos capacités d'action face à des spirales de dégradation qui s'accompagnent parfois d'une exploitation indigne de la misère. Il s'agit de la prévention et du traitement des copropriétés dégradées, thème évoqué par Claude BARTOLONE, et de la réforme des procédures d'insalubrité et de péril présentée par Jean-Claude Gayssot.
Sur ces deux thèmes, le projet de loi améliore de façon sensible les dispositifs opérationnels à disposition des acteurs publics, et notamment des communes. Il permet aussi de responsabiliser, et au besoin de neutraliser, voire de sanctionner, certains profiteurs indélicats qui entretiennent cette spirale de dégradation parce qu'ils en tirent profit. Je pense bien sûr aux marchands de sommeil. La suspension du loyer tant que les travaux prescrits pour mettre fin à la situation d'insalubrité n'auront pas été réalisés sera un moyen fort de lutter contre ce marché de la misère, cette exploitation où le sordide le dispute à l'inacceptable. Au delà de ce qui peut mettre en cause de façon directe la santé ou la sécurité des occupants d'un logement, il est légitime que l'on ne puisse plus louer, en ce début de 21éme siècle des logements qui ne répondent pas à un minimum de confort. C'est le sens de l'amendement sur le logement décent que le gouvernement a introduit à l'Assemblée Nationale.
L'action en faveur des copropriétés et du parc ancien dégradé trouvera un point d'appui solide dans la réforme de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. Notre ambition est de créer un outil puissant, capable de soutenir une politique globale et efficace d'amélioration du parc privé, en faveur des propriétaires occupants comme des propriétaires bailleurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles sont les ambitions de ce projet de loi en matière d'habitat. Comme vous le voyez, elles sont en totale cohérence avec la politique menée par le gouvernement depuis deux ans et demi et la prolongent. Nous avons suffisamment d'expérience dans ce domaine complexe pour savoir qu'il n'y a pas de solution miracle, et que le texte qui vous est présenté est perfectible.
Nous comptons donc sur le débat pour enrichir encore ce texte dans un esprit de responsabilité, car seuls doivent compter les besoins et les attentes de nos concitoyens dans leur diversité.
( Source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 5 mai 2000)
Mesdames, messieurs les sénateurs,
L'ambition, la philosophie globale du texte, sa dynamique d'ensemble, sa cohérence vous ont été présentées par Jean-Claude Gayssot. Les enjeux auxquels il répond en matière de mixité et de politique de la ville ont été développés par Claude Bartolone. Je souhaite simplement pour ce qui me concerne, mettre en perspective les apports du projet de loi pour l'habitat, pour sa qualité, j'allais même dire pour sa dignité.
Donner à chacun la liberté de choix de son logement, c'est tout le sens de l'action en profondeur que nous menons, avec Jean-Claude Gayssot depuis juin 1997. Et les mécanismes de marché ne peuvent à eux seuls assurer cette liberté de choix. Les difficultés de logement de trop nombreuses familles sont là pour en témoigner.
Pour permettre aux familles modestes de se loger dans de bonnes conditions, pour que d'autres puissent concrétiser leur projet d'accession à la propriété, pour que l'investissement locatif privé soit attractif, il faut une action publique cohérente et déterminée.
Constatons que tout au long des décennies passées, les de la production de logements ont été aidés à un titre ou à un autre, qu'il s'agisse de l'accession sociale, de l'investissement locatif privé ou de la production locative sociale, la production HLM. Constatons aussi le rôle indispensable des aides au logement, attribuées chaque mois à 6 millions de familles, aides dont nous avons actualisé régulièrement les barèmes et revalorisé le pouvoir d'achat à hauteur de plus de 5 milliards de francs.
Mais construire, réhabiliter, ce n'est pas seulement - même si c'est déjà beaucoup - répondre à des aspirations individuelles ou familiales fortes et à des besoins sociaux fondamentaux. C'est aussi construire, aménager, améliorer la ville.
La matière première majeure de la ville, c'est le logement. La qualité du cadre de vie urbain, le dynamisme démographique de nos villes, la diversité sociale leur permettant de refléter la réalité du pays - et donc de ne pas être des villes artificielles, mais des villes mélangées et généreuses - tout cela dépend de l'habitat.
C'est pourquoi, la liberté de choisir son logement, devrait être aussi celle de choisir son quartier, sa commune. Or, en ce domaine, pour encore trop de nos concitoyens, les inégalités de choix restent de mise, inégalités creusées, amplifiées par la ségrégation urbaine. Derrière le rejet du logement social, il y a tout ce qu'ont indiqué Jean-Claude Gayssot et Claude Bartolone, mais aussi le déni de cette liberté de choix dont souffrent nombre de familles modestes.
Ces principes fondamentaux de liberté de choix, de diversité de l'offre, d'aide renforcée aux familles en difficultés, sont rappelés, explicités dans l'article de principe du projet de loi consacré aux objectifs et aux outils de la politique du logement. Il s'agit, à travers cet article, de dépasser la logique de la loi de 1977, de prendre acte de ce que pour atteindre les objectifs de droit au logement et de diversité de l'habitat, il faut agir à la fois sur le financement de l'offre et sur la solvabilisation de la demande. Aide à la pierre et aide à la personne : Les deux termes ne sont pas à opposer, mais au contraire à additionner.
Faire en sorte que le parc public comme le parc privé, l'accession comme le locatif, l'ancien comme le neuf, contribuent au droit au logement, à la diversité de l'habitat et à un renouveau urbain, c'est le sens des mesures prises depuis juin 1997. C'est aussi le sens des principales dispositions de ce projet de loi.
En matière de logement social, un défi majeur se présente à nous : faire coïncider son image avec sa réalité nouvelle - celle de programmes diversifiés, bien intégrés et de qualité - pour que sa vocation sociale, qui est sa raison d'être, soit reconnue dans sa dimension la plus noble et ne soit plus synonyme de ségrégation ou de relégation.
A cet effet, les réformes profondes que nous avons mises en uvre, portant à la fois sur le patrimoine existant et sur celui à construire, sont complémentaires Les plafonds de ressources ont été relevés pour permettre non plus seulement à la moitié de nos concitoyens, mais aux 2/3 d'entre eux, de pouvoir prétendre à ce type de logement.
D'une certaine façon, refuser de construire des logements sociaux dans sa commune, c'est donc considérer que les 2/3 de nos concitoyens ne sont pas dignes d'y habiter ; ce ratio montre combien certains discours procèdent davantage du fantasme que de la réalité.
Depuis 3 ans, notre action a porté résolument sur la nature de l'offre. Le logement social que l'on construit aujourd'hui, n'est plus celui d'hier.
Nous admettons que, dans le cadre du prêt locatif à usage social, 10 % des ménages bénéficient d'une dérogation au plafond de ressources ; le PLUS est ainsi ouvert à près des trois quarts de la population. Nous disposons donc désormais d'un outil pour mieux financer le logement social, pour garantir un niveau de loyer mieux solvabilisé par l'aide personnalisée au logement et pour pratiquer la mixité sociale jusqu'à l'échelle de l'immeuble.
Diversifier une offre trop homogène, c'est ce qui nous a conduits à mettre en place des conditions financières sans précédent pour l'acquisition et l'amélioration de logements et d'immeubles existants. Par ce recyclage dans le parc social de logements existants - au besoin réhabilités - on peut tout à la fois produire du logement social là où le foncier est rare, contribuer à la requalification de quartiers anciens et garantir une excellente insertion urbaine à ce parc HLM parfaitement banalisé.
Améliorer l'image et la réalité du logement social, c'est aussi prendre à bras-le-corps le problème de la transformation en profondeur de certains quartiers HLM hors échelle, quartiers hérités des années 60 et 70.
Mais pour cela, il faut pouvoir construire ou reconstruire autrement, quitte à démolir lorsque cela s'avère nécessaire. Les prêts construction démolition créés dès le 1er janvier 1998, ne peuvent qu'y aider. Et il faut relancer la production, y compris dans des quartiers - et bien sûr des communes - jusqu'à présent insuffisamment ouverts au logement social. Sinon, la situation sera bloquée et la ségrégation ne fera que s'amplifier.
Il me semble que notre démarche d'appel à la mobilisation pour la mixité est d'autant plus légitime que notre politique est globale.
Nous avons créé le statut du bailleur privé, de façon à encourager la constitution de nouvelles générations de bailleurs, nécessaire pour satisfaire la diversité des attentes de nos concitoyens. Nous avons aussi consolidé et sécurisé l'accession sociale à la propriété.
Rappelez-vous, l'accession sociale à la propriété pour le prêt à taux zéro, c'était, pendant deux ans, un prélèvement de 7 milliards par an sur la collecte du 1 % et personne ne savait ce qu'il adviendrait du financement au terme de cette période.
Jean-Claude Gayssot et moi-même, nous avons plaidé ce dossier auprès du Premier ministre et son arbitrage nous a été favorable, puisqu'il a pris la décision forte de réintégrer dans le budget de la nation le financement de l'accession sociale à la propriété.
Dans le même temps étaient arrêtés le plan de modernisation du 1 % et les bases d'une convention quinquennale, que nous avons signée avec l'union d'économie sociale du logement, représentative de l'ensemble des collecteurs. Dans le cadre de la modernisation de l'usage du 1 %, nous avons mis en place et financé le système de sécurisation des prêts d'accession sociale, les PAS, complétés ou non par les prêts à taux zéro.
Beaucoup de nos concitoyens, lorsqu'ils arrivent à l'âge adulte, sont aujourd'hui soumis à des aléas, dans leur vie personnelle ou dans leur vie professionnelle. Certains bailleurs ne souhaitent pas prendre de risques et font en sorte d'éviter les complications liées à l'accession des jeunes au logement. Nous avons aussi - et vous le savez - cherché à prendre en compte cette réalité.
Dans le cadre de la modernisation du 1 %, nous avons mis en place un système de garanties locatives, d'avance de la caution pour tous les jeunes de moins de trente ans non titulaires d'un contrat à durée indéterminée. Le statut du bailleur privé comporte d'ailleurs également un système de garanties, à côté d'un système de réservation pour les entreprises cotisant au 1 %. Nous sommes donc fondés, me semble-t-il, à demander à la représentation nationale de bien vouloir - honnêtement - resituer le renforcement de l'obligation de diversifier l'habitat dans cette politique globale. Nous sommes en effet dans un contexte de financement exceptionnel du logement social, des conditions de ressources ouvrant comme jamais son accès au plus grand nombre venant compléter ce qui a été fait pour l'accession à la propriété et pour le statut du bailleur privé.
Dans cet esprit, les dispositions du projet de loi consacrées aux organismes HLM visent à reconnaître et à renforcer le rôle de ces opérateurs urbains essentiels autour de trois points forts : affirmer leur mission d'intérêt général, leur permettre de mieux contribuer à la diversité de l'habitat et conforter les solidarités entre organismes pour que tous puissent assurer mieux leurs missions.
Consacrer la mission d'intérêt général des organismes et garantir la pérennité de la vocation sociale de leur patrimoine par-delà la fin du conventionnement et par-delà d'éventuelles cessions de patrimoine, c'est préserver le rôle déterminant en matière de droit au logement de ce parc qui a été construit avec l'aide de l'Etat. Et ce rôle, d'accès au droit, le plus élevé qui soit pour une mission sociale, est indispensable - en matière de logement - pour nombre de nos concitoyens.
Renforcer la faculté des organismes HLM à uvrer en faveur de la diversité de l'habitat et du renouvellement urbain, c'est leur permettre de remplir pleinement cette mission d'opérateur urbain et social qui est la leur. En élargissant leurs interventions en matière d'accession sociale à côté de leur mission de service public, du logement locatif social, l'objectif est non pas de faire concurrence aux opérateurs privés sur leurs champs d'intervention traditionnels, mais de diversifier l'offre de logements là où cela est nécessaire, et notamment pour prévenir les risques de ségrégation et pour assurer le renouvellement urbain.
Sans renier en rien leur mission de base, il faut permettre aux organismes HLM de s'organiser différemment, de dégager de nouvelles capacités d'intervention et d'action. C'est le sens de la réforme qui vous est proposée pour la Caisse de garantie du logement social - CGLS - réforme qui introduit davantage de solidarité financière vis-à-vis des organismes qui ont l'occupation sociale la plus marquée. C'est le sens aussi des mesures qui inciteront à une meilleure territorialisation de leur organisation.
Mais la mission des organismes HLM, ce n'est pas seulement investir pour construire ou réhabiliter, c'est aussi gérer au quotidien, dans la proximité et avec des relations personnalisées. Et de cette gestion-là dépend beaucoup la qualité de vie dans un quartier. C'est pourquoi nous souhaitons développer la concertation entre organismes HLM et locataires, de la façon la plus décentralisée, la plus proche possible des problèmes et de leurs solutions. C'est le sens des plans de concertation locative prévus par le projet de loi. C'est le sens aussi du renforcement que nous proposons pour le rôle des commissions départementales de conciliation. A tous les partenaires acteurs de terrain, collectivités publiques, Etat, de faire demain de ces commissions des " prud'hommes " de l'habitat
Le renouvellement urbain, la mixité de l'habitat ne sont pas, bien sûr, l'exclusivité du parc HLM. Ils passent aussi par une politique active en faveur du parc privé, par une action de reconquête de tissus urbains anciens qui s'étiolent, se dégradent et se paupérisent, alors qu'ils représentent un formidable potentiel urbain. Là encore, les préoccupations urbaines et sociales, se rejoignent. Requalifier ce parc , c'est d'abord donner des conditions de logement décentes à des familles qui subissent parfois une situation d'un autre âge, proche du 19ème siècle. Requalifier ce parc, c'est redonner aussi de la qualité urbaine, de l'attractivité, et donc de la diversité, à des quartiers qui n'en jamais eu comme certains que nous avons encore, hélas, parfois l'occasion de découvrir.
Depuis près de 3 ans, nous avons amélioré très sensiblement les aides financières à la réhabilitation du parc privé : augmentation des crédits de la PAH et de l'ANAH, TVA à 5,5 % pour les travaux des particuliers. Toutes ces mesures prennent en compte le parc privé et, à elles seules, elles empêchent toute caricature dans la présentation de la politique d'ensemble que nous conduisons effectivement. Je pourrais y ajouter les deux baisses successives des droits de mutation, la suppression du droit au bail en deux ans. Ces mesures fiscales, qui atteignent au total 30 milliards de francs, changent radicalement l'environnement financier et fiscal de l'activité immobilière.
Avec un environnement fiscal et financier considérablement amélioré au cours des deux dernières années, les dispositions prévues dans le projet de loi doivent nous permettre d'améliorer nos capacités d'action face à des spirales de dégradation qui s'accompagnent parfois d'une exploitation indigne de la misère. Il s'agit de la prévention et du traitement des copropriétés dégradées, thème évoqué par Claude BARTOLONE, et de la réforme des procédures d'insalubrité et de péril présentée par Jean-Claude Gayssot.
Sur ces deux thèmes, le projet de loi améliore de façon sensible les dispositifs opérationnels à disposition des acteurs publics, et notamment des communes. Il permet aussi de responsabiliser, et au besoin de neutraliser, voire de sanctionner, certains profiteurs indélicats qui entretiennent cette spirale de dégradation parce qu'ils en tirent profit. Je pense bien sûr aux marchands de sommeil. La suspension du loyer tant que les travaux prescrits pour mettre fin à la situation d'insalubrité n'auront pas été réalisés sera un moyen fort de lutter contre ce marché de la misère, cette exploitation où le sordide le dispute à l'inacceptable. Au delà de ce qui peut mettre en cause de façon directe la santé ou la sécurité des occupants d'un logement, il est légitime que l'on ne puisse plus louer, en ce début de 21éme siècle des logements qui ne répondent pas à un minimum de confort. C'est le sens de l'amendement sur le logement décent que le gouvernement a introduit à l'Assemblée Nationale.
L'action en faveur des copropriétés et du parc ancien dégradé trouvera un point d'appui solide dans la réforme de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. Notre ambition est de créer un outil puissant, capable de soutenir une politique globale et efficace d'amélioration du parc privé, en faveur des propriétaires occupants comme des propriétaires bailleurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles sont les ambitions de ce projet de loi en matière d'habitat. Comme vous le voyez, elles sont en totale cohérence avec la politique menée par le gouvernement depuis deux ans et demi et la prolongent. Nous avons suffisamment d'expérience dans ce domaine complexe pour savoir qu'il n'y a pas de solution miracle, et que le texte qui vous est présenté est perfectible.
Nous comptons donc sur le débat pour enrichir encore ce texte dans un esprit de responsabilité, car seuls doivent compter les besoins et les attentes de nos concitoyens dans leur diversité.
( Source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 5 mai 2000)